Date de sortie 23 septembre 2015
Réalisé par François Favrat
Avec Laurent Lafitte, Mélanie Laurent, Audrey Dana,
Bulle Ogier, Wladimir Yordanoff, Anne Loiret, Anne Suarez
Genre Drame
Production Française
Synopsis
Boomerang : nom masculin, arme de jet capable en tournant sur elle-même de revenir à son point de départ…
En revenant avec sa sœur Agathe ( sur l’île de Noirmoutier, berceau de leur enfance, Antoine (, quadragénaire et père de deux enfants, ne soupçonnait pas combien le passé, tel un boomerang, se rappellerait à son souvenir.
Secrets, non-dits, mensonges : et si toute l’histoire de cette famille était en fait à réécrire ?
Face à la disparition mystérieuse de sa mère, un père adepte du silence et une sœur qui ne veut rien voir, une inconnue séduisante va heureusement bousculer la vie d’Antoine…
François Favrat relevé dans le dossier de presse.
Après Le rôle de sa vie et La sainte victoire, Boomerang est votre 3ème film en tant que réalisateur. Est-ce que l’envie de réaliser cette histoire-là part du roman de Tatiana de Rosnay ?
Oui mais pas seulement. Le secret de famille est un sujet que je voulais traiter depuis longtemps. Cela me touche d’abord personnellement. Comme Antoine, j’ai affronté ce long périple pour mettre à jour les vérités cachées. Comme lui, je me suis retrouvé à devenir le vilain petit canard, celui qui divague, le "parano" dont il faut ignorer les délires. Pour tout vous dire, ma grandmère est morte cette année et je n’ai pas pu aller à son enterrement tant les tensions sont restées vives au sein de la famille ! Et puis, en apprenant à parler de ma propre histoire, j’ai découvert que beaucoup d’autres gens souffrent de ces mêmes secrets devenus tabous au fil des années. À force je me suis dit que malgré la singularité du propos, cela pouvait toucher aussi des spectateurs. Dans ma librairie de quartier, j’ai demandé conseil sur un livre traitant du thème, la vendeuse a disparu dans les rayons et en est revenue avec le roman de Tatiana. Je l’ai lu d’une traite et j’y ai vu tout de suite le potentiel d’adaptation et, comment je pouvais m’accaparer cette histoire pour raconter ma propre expérience. Vis à vis de ma famille, je suis couvert, ça n’est pas notre histoire, c’est Tatiana qui a tout inventé !
Que vouliez-vous absolument garder du livre et qu’est-ce que vous deviez changer pour l’adapter ?
Il fallait resserrer l’intrigue qui est beaucoup plus longue dans le roman, avec de multiples personnages. J’en ai supprimé certains pour axer le récit sur la quête d’Antoine et ses relations de plus en plus tendues avec sa famille. Au-delà du travail même d’adaptation, retraduire les phrases du roman en scènes et en ellipses, il s’agit surtout de réécrire en images mon point de vue personnel. Et ce point de vue, me concernant, c’est qu’on voudrait tous en avoir fini avec le passé mais que lui n’en a jamais fini avec nous ! "Le passé dure longtemps", aurait pu être un autre titre du film.
Les auteurs disent souvent qu’une adaptation est forcément une trahison. Quelle a été la réaction de Tatiana de Rosnay en voyant le film tiré de son livre ?
Avant de voir le film, elle a lu le scénario. J’avais rendez-vous dans un café avec elle, c’est un des moments où j’ai le plus flippé dans ma vie. On dit qu’adapter, c’est trahir, j’ignorais à quel point cette phrase vise juste. Pour bâtir le scénario, j’avais dû supprimer certains personnages, des passages du livre et même réinterprété la fin et donc, le sens même de l’histoire. Bref, exprimer ce qui me touchait vraiment dans cette histoire. Par chance, Tatiana a été sensible à ce travail, elle a parfaitement compris ma démarche et le sens de mon travail. Et récompense finale, elle m’a dit après la projection que j’avais donné une "nouvelle vie" à son roman. Du coup, c’est une expérience que je rêve de revivre.
Cette histoire pose une question importante : faut-il creuser, enquêter, questionner quand on sent que quelque chose ne va pas dans un quotidien apparemment normal ?
C’est une très bonne question ! Mon tempérament et mon expérience m’incitent à répondre que oui, mais avec le risque de ne jamais savoir avant ce que l’on va découvrir. Ça peut n’être rien, bénin, une simple parano. Ça peut aussi être très douloureux et dur à avaler. Alors, on peut faire ce choix de ne rien voir, d’enfouir sa tête dans le sable, mais vivre avec des doutes, c’est laisser s’insinuer des angoisses qui peuvent vous bousiller la vie.
Et plus on tourne le dos à certaines choses, plus elles vous reviennent dans la gueule. Comme un Boomerang !…
Ça peut se traduire par un désastre amoureux, une maladie soudaine, une jambe cassée, parfois, c’est hélas plus grave. C’est le sens de la scène d’ouverture du film : à force de ne pas vouloir voir, la soeur et le frère se retrouvent à faire des tonneaux dans une voiture… Je reste partisan d’ouvrir les portes, même les plus effrayantes. D’oser parler même quand les autres s’y opposent. C’est un combat nécessaire, c’est le prix de la liberté. On finit par y gagner toujours, au moins en tranquillité et en harmonie.
La forme que vous avez choisie pour illustrer ce combat est très intéressante : Boomerang est une chronique familiale mais c’est aussi un thriller avec tous les codes narratifs et visuels qui vont avec !
Thriller, le mot est un peu fort, mais oui, c’était ma volonté de départ de faire un film où l’enquête, même si elle est intrafamiliale, soit tendue et entraîne le spectateur au fil des découvertes d’Antoine. Le livre de Tatiana est bâti comme cela à la base, avec ce suspens, ces fausses pistes et cette tension qui va grandissant. Moitié anglaise, moitié française, elle maîtrise parfaitement l’héritage romanesque de ces deux cultures. C’est ce qui m’a aussi séduit quand j’ai découvert Boomerang, je voulais conserver la même tension, l’envie de savoir et ces conflits qui vont crescendo.
Avec d’ailleurs des références visuelles à Hitchcock…
Elles ne sont pas directes mais il est vrai que c’est un cinéma qui m’a bercé. Je suis toujours très friand de ce genre de films : suivre un personnage en quête d’une vérité cachée, ça me prend instantanément !
La trame de mon film est moins policière que ceux de Hitchcock, plus recentrée sur la famille mais je me suis amusé avec le spectateur à travailler les fausses pistes et la montée de la tension.
Et puis cette maison fascinante de Noirmoutier, plantée sur les hauteurs face à la mer menaçante, c’est vrai, elle a quelque chose du manoir de Psychose !
D’autres influences aussi m’ont inspiré. Sautet par exemple, pour sa façon si particulière de véhiculer par des images des émotions profondément humaines et toujours en gardant une pudeur et une élégance auxquelles je suis très attaché.
Noirmoutier, comme toutes les îles, est un véritable personnage de cinéma, un endroit à part…
C’est un lieu que je ne connaissais pas avant les premiers repérages et j’ai tout de suite été saisi par le potentiel visuel que je pouvais en tirer. Les pins, ces maisons dressées face à la mer, ces plages à perte de vue et ce fameux passage du Gois, cette longue route pavée qui apparaît et disparaît au gré de la marée. Ce passage dangereux qu’il faut pourtant traverser pour parvenir à comprendre ce qu’il s’est vraiment passé. J’ai tout de suite senti que ce mélange fascinant autant que menaçant pouvait apporter visuellement au film.
Boomerang multiplie les flash-back entre le passé et le présent. Comment faire pour ne pas perdre le spectateur en route ?
C’est une partie de la mise en scène à laquelle j’ai été particulièrement vigilant. Pour suivre au plus près la quête du personnage principal, il me fallait mélanger intimement le passé au présent, apporter le plus grand soin à la résurgence des souvenirs tout en continuant à faire progresser le récit. Avec ma scripte, mon chef opérateur et mon assistant, nous avons beaucoup planché sur la question, très en amont, que ce soit en terme de cadre, de lumière et d’astuces d’enchainement entre présent et passé. Puisqu’on parlait de références à l’instant, Les Fraises sauvages de Bergman m’a inspiré pour le travail du temps et des flashback. Et plus récemment, le film argentin, Dans ses yeux de Juan José Campanella où le montage et le rythme des flash-back sont particulièrement réussis
C’est Laurent Lafitte qui joue le rôle d’Antoine.
Comment et pourquoi l’avez-vous choisi ?
J’ai quasiment écrit le rôle en pensant à lui. Dans Le rôle de sa vie, il jouait un rôle secondaire, celui de l’amant d’Agnès Jaoui. Et même s’il parle du tournage d’une scène du film comme de la plus grosse galère de sa carrière d’acteur, je l’avais toujours gardé dans un coin de ma tête. Sa palette de jeu est vaste, fonctionnant aussi bien dans la comédie que dans le drame et il me semblait correspondre parfaitement au personnage d’Antoine, issu de cette famille bourgeoise où l’on ne parle pas, où les secrets sont tus, où on a l’habitude de prendre sur soi. Pourquoi certains acteurs vous inspirent plus que d’autres, je l’ignore. Ça doit être comme quand on est petit à l’école, ceux avec qui on veut jouer, et puis les autres… Laurent avait à mes yeux tout pour entrer dans la peau du personnage. Nous nous sommes vus maintes fois en amont, il m’a suggéré de nombreuses idées autour du scénario, le personnage d’Antoine est aussi né de nos retrouvailles.
Pour le personnage d’Agathe, sa soeur, vous avez fait appel à Mélanie Laurent…
Depuis le début, j’avais terriblement envie de le lui proposer le rôle mais je m’autocensurais, je crois. Je me disais, ça n’est pas le rôle principal, elle va m’envoyer bouler, je me faisais mes petites névroses habituelles. Quand elle m’a dit oui au téléphone, j’ai été le plus heureux des hommes ! A mes yeux, elle collait parfaitement à mon idée du personnage de la soeur qui, à l’image de son papa, ne voit pas l’intérêt de ces "psys" qui vous poussent à aller remuer les choses du passé. Durant une grande partie du film, elle fait tout pour refreiner les questionnements de son frère et tenter d’arrondir les angles entre son père et son frère. Elle finit par se retrouver déchirée par cette implosion de la famille. De Mélanie, j’apprécie la vivacité de son jeu, son humour, son regard qui dit tout et l’émotion intense qui émane d’elle dans les scènes cruciales. Je sentais aussi qu’avec Laurent, la sensation de fratrie fonctionnerait à merveille. Un simple échange de regards entre eux devait pouvoir raconter tout leur passé commun. Je suis encore surpris et enchanté de ce "oui" au bout de mon téléphone.
Mon opinion
Pour ce nouveau long-métrage, le réalisateur et scénariste François Favrat, sort des sentiers battus, mille et une fois vus et revus, ceux des drames familiaux. En adaptant le célèbre roman éponyme de Tatiana de Rosnay, il construit un scénario, parfaitement écrit. À la fois troublant et angoissant.
Celui-ci est dosé de suspense, pour virer dans le thriller, avant de mieux nous replonger dans ces terribles non-dits familiaux. De Paris à Noirmoutier avec son inévitable passage de Goix, les flash-back sont nombreux. La tension monte crescendo.
La photographie de Laurent Brunet est particulièrement belle. Le réalisateur ne s'arrête pas aux seuls paysages de cet endroit magnifique. Sa caméra scrute les visages et capte admirablement les émotions.
Un casting parfait avec l'excellent Wladimir Yordanoff. Mélanie Laurent incarne avec douceur et retenue le rôle de la sœur, pour l'un, mais aussi, tante compréhensive et aimante, pour une autre. Audrey Dana apporte un vent de fraîcheur et de légèreté. Bulle Ogier est parfaite. Derrière le visage rayonnant et la voix douce d'une grand-mère, il faudra attendre la fin du film pour savoir qui elle était réellement. Laurent Lafitte, enfin. Du rire aux larmes, de l'émotion contenue à la colère la plus violente, il excelle dans ce rôle dramatique en offrant toutes les facettes de son talent.