Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d'autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. Jean Luc Godard
Date de sortie 30 janvier 2013
Réalisé par Stephan Archinard, François Prévôt-Leygonie
Avec Gérard Lanvin, Jean-Hugues Anglade, Zabou Breitman,
Wladimir Yordanoff, Ana Girardot, Jean-Pierre Lorit
Jean-François Stévenin, Natacha Lindinger
Genre Comédie dramatique
Production Française
Wladimir Yordanoff, Gérard Lanvin et Jean-Hugues Anglade
Synopsis
Walter Orsini (Gérard Lanvin) aime faire des grands gestes et parler fort, un peu. Il aime la pêche, la cuisine et les bons vins, beaucoup.
Il aime Paul (Jean-Hugues Anglade) et Jacques (Wladimir Yordanoff), ses amis d’une vie, passionnément.
Il aime surtout Clémence (Ana Girardot), sa fille de 20 ans, à la folie. C’est un homme extrêmement sincère, entier, affectueux, mais qui a malheureusement commis une erreur de jugement vis-à-vis de sa femme. Cela l’a séparé de son épouse, Stéphanie. (Zabou Breitman)
Mais il n’aime pas le mensonge, mais alors pas du tout. “Dans la vie, on se dit tout” voilà ce qu’il déclare à qui veut l’entendre et même aux autres...
Mais il est bien seul à respecter ce principe.
Aussi, comment Walter, le fort en gueule, va-t’il réagir quand il découvrira que ceux qu’il aime tant lui mentent effrontément ?
Les deux jeunes réalisateurs parlent de leur envie de confier à Gérard Lanvin le rôle de Walter.
François Prévôt-Leygonie : "L’instinct. La loyauté qu’il dégage. Son côté brut de décoffrage dont le personnage avait besoin. On souhaitait aussi que Walter ait son charme, sa beauté. On voulait quelqu’un qui ne soit pas dans la séduction, mais qui séduise. Quelqu’un qui ne soit pas dans l’effusion, mais qui aime."
Stephan Archinard : "L’idée que nous nous faisions de Gérard correspondait exactement à ce que nous imaginions du personnage. Lui seul pouvait jouer ce type rigide, grande gueule mais qui se révèle tellement attachant et touchant. Le fait est que Walter a dû trouver un écho en lui parce qu’il a eu le scénario un vendredi et il a donné son accord le lundi."
Walter vu par Gérard Lanvin.
"Le scénario d’Amitiés sincères m’est arrivé au moment où j’envisageais de faire une nouvelle adaptation d’Un moment d'égarement de Claude Berri, où il est question d’un homme qui, pendant un été, va vivre quelque chose avec la fille d’un de ses amis. J’ai sauté sur le scénario de François et Stephan parce que j’y retrouvais les thèmes qui me touchaient mais sans les points qui, à mon sens, méritaient d’être changés. On est cette fois sur un pitch très clair : votre fille tombe amoureuse d’un homme de votre âge, ce qui n’est pas facile à accepter, surtout quand elle est tout ce qu’il vous reste de vraie famille. L’histoire d’amour entre la jeune femme et l’homme mûr est ici traitée sans aucune ambiguïté, de façon saine. C’est la raison pour laquelle les gens peuvent non seulement se sentir concernés, mais en plus en parler. Aujourd’hui, c’est un vrai phénomène de société. Beaucoup de femmes avouent ne pas s’intéresser aux hommes de leur génération, mais plutôt à des gens plus âgés qui leur amènent plus d’émotions. L’amour n’est pas une question d’âge, mais de vibration.
L’élan des deux metteurs en scène m’a aussi convaincu. Lorsque l’on vient vous voir parce que l’on vous aime et que l’on vous veut pour une telle histoire, même si tout n’est pas parfait, vous lisez. Ensuite, on a retravaillé tous les trois et j’ai découvert de vrais complices. J’ai vu des mômes qui ont la mentalité que j’espère garder, et trouver chez les autres. Ils savent faire confiance. Je ne demande pas à retravailler par principe ni pour marquer mon territoire, mais pour sortir le meilleur de ce que tout le monde propose. L’exactitude des rapports est ma priorité. Il faut donc le moins d’erreurs possible dans le texte puisque c’est de là que tout part. C’est ainsi que je fonctionne, avec le cœur et l’émotion. Ce sont des valeurs que j’ai retrouvées chez François et Stephan.
J’aimais l’idée de travailler sur un personnage un peu psychorigide, à qui personne n’ose dire la vérité alors que pratiquement tout le monde la connaît. Walter, mon personnage, est finalement un homme naïf, ce qui est toujours amusant à jouer. Tout le monde le trouve fort, mais comme souvent dans le cas des gens jugés solides, personne n’imagine ni sa sensibilité ni sa fragilité. C’était un personnage complexe à jouer parce que dans chaque scène, il y avait une émotion différente à travailler. Walter va peu à peu comprendre ses erreurs, même si cela ne changera pas les choses pour lui. Il sera quand même obligé d’accepter que sa femme vive avec un autre homme, à cause de sa bêtise. Il devra surtout admettre que sa fille quitte le foyer pour aller vivre avec un homme qui est de surcroît un ami.
On découvre Walter comme un monolithe, un bloc qui fonce. Tout l’enjeu en incarnant ce personnage est de révéler ses failles, ses faiblesses et l’affection qu’il porte vraiment aux siens. Impossible de passer à côté de ce genre de rôle ! Ce sont des personnages que j’aime jouer parce que je les comprends. Je ne comprends pas les salopards ! Quand j’observe la nature humaine, elle me désespère souvent. Je pense que le monde ne changera que lorsque les hommes changeront. Pour moi, l’émotion est bien plus intéressante à jouer sur des personnages qui ont de la
sensibilité, qui portent de l’intérêt aux autres et pour qui la générosité et la gentillesse signifient quelque chose.
C’est aussi un film sur l’amitié et ce qu’elle a de plus beau quand elle dure. Des individus – hommes ou femmes – se fréquentent, puis la relation se prolonge et un jour, ils ne peuvent plus imaginer vivre les uns sans les autres parce qu’ils ont duré, en acceptant les qualités et les défauts de chacun, en surmontant ensemble les épreuves que la vie a pu placer sur leur route. Il se crée alors une espèce d’osmose, des liens fraternels forts qui sont évidemment visités de temps en temps par des histoires auxquelles on ne s’attendait pas. Et Dieu merci ! Le film parle de tout cela avec autant d’esprit que de cœur.
Je ne connaissais pas ces deux jeunes réalisateurs dont c’est le premier film. Par contre, le premier point de vue d’un metteur en scène, c’est son casting. En bataillant parfois contre d’autres pour avoir ceux que nous voulions, je me suis rendu compte que Stephan et François avaient des choix très fins et très justes.
Wladimir Yordanoff, Gérard Lanvin, Ana Girardot et Jean-Hugues Anglade
Jean-Hugues Anglade est un acteur que j’admire et que j’adore. Nous sommes de la même génération et amis depuis très longtemps. On a chacun notre parcours, et c’est un bonheur de le retrouver sur ce projet. Il y a chez Jean-Hugues beaucoup de sensibilité, d’intelligence et de fragilité. Ce sont des qualités que j’aime en général et qui s’expriment d’une très belle façon chez lui. C’est un acteur qui dégage énormément d’émotion. Il a tout de suite été évident pour moi.
Ensuite, j’ai proposé Wladimir Yordanoff parce que c’est un acteur magnifique avec qui j’avais déjà travaillé deux fois. J’adore son travail de comédien, mais l’homme est aussi remarquable. Au-delà de toutes nos différences, de nos parcours, le rencontrer permet d’échanger et de passer de bons moments.
Ce sont les réalisateurs qui ont pensé à Zabou Breitman, et nous avons parfaitement fonctionné dès la première journée de travail. Jouer avec elle était un bonheur. Nous avons beaucoup travaillé la relation entre Stéphanie et Walter, et Zabou s’est toujours engagée avec nous en s’adaptant. À travers notre travail, la relation de ce couple prend une autre force, permettant presque d’envisager un futur. Zabou a aussi amené sa manière de dire les choses, son regard, son esprit et sa sensibilité. Elle était idéale pour ce rôle.
Ana Girardot
Ana Girardot m’a permis de jouer un père parce qu’elle a su être ma fille pour ce film. Il faut des acteurs très solides et beaucoup de talent pour jouer les enfants face à des acteurs de notre génération. Elle avait de l’affection dans l’œil, de l’intelligence dans le jeu, mais aussi dans la vie.
Le tournage s’est fait dans un esprit qui ressemble au film, ouvert, chaleureux et humain. C’est une histoire simple, mais bourrée de petits moments heureux qui peuvent rester dans le cœur des gens, parce qu’ils leur parlent et leur ressemblent. Pour s’intéresser, le spectateur doit pouvoir se projeter dans les personnages, et je pense qu’il y a ici une palette de gens différents, mais qui nous ressemblent à tous en même temps. On est sur le genre d’émotions que je souhaite partager. En découvrant le projet terminé, j’ai vu le film que l’on rêvait de faire, celui dont on se parlait.
Dans ma vie d’acteur, ma seule ambition est d’apporter de l’émotion et du plaisir pendant une heure et demie. On fait partie d’une histoire qui n’est faite que pour distraire. Je suis heureux de pouvoir enfin partager, avec mes potes metteurs en scène, avec mes potes acteurs et avec l’équipe, ce que nous avons préparé pour le public. Il y a beaucoup d’émotions différentes et de vraies valeurs dans ce film, et c’est pour cela que je fais ce métier."
Paul vu Jean-Hugues Anglade
"À mon sens, ce film est une fable sur l’amitié qui aborde plusieurs sujets assez rares et actuels sous un angle drôle et très humain. Pour ma part, j’ai trouvé intéressant de me confronter à la psychologie de ce personnage d’écrivain, amoureux de la fille de son meilleur ami, et qui ne sait pas comment gérer cette situation. Sur ce postulat de départ, observer comment la vie peut mettre à l’épreuve une amitié de trente ans devenait très intéressant. L’amitié, vue au prisme de ces rapports sincères et inattendus, y trouve une dynamique dramatique savoureuse.
J’ai aussi été attiré par le côté posé des metteurs en scène, qui m’ont présenté leur film en se référant à l’esprit de ceux de Claude Sautet. C’est un cinéma sur la retenue, sur les non-dits, sur les regards. On y parle de la vie, avec un vrai point de vue. J’ai aimé leur approche réaliste, pudique, pleine de recul. On y trouve aussi une nostalgie et des valeurs dans l’amitié dont on parle assez peu. On a tous un ou deux amis avec lesquels on a une histoire particulière, un peu comme ces trois hommes dont on suit le parcours.
En travaillant le rôle, j’ai beaucoup pensé à Claude Sautet. Je suis resté fidèle à Sautet, et il est très présent dans ma vie et dans mon esprit. François et Stephan sont un peu ses fils spirituels, mais cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas leur propre style. Ils font du cinéma d’aujourd’hui, en partageant simplement avec lui une certaine humanité et un regard sur la vie. Leur film est toujours à la limite de l’humour et de la tragédie. Ce trio amical se retrouve sous les feux croisés de différents thèmes de société très actuels, ce qui rend le film délicieux à suivre. Le personnage de Paul est nourri par ceux qui l’entourent et réciproquement, parce qu’ils se remettent en cause et se définissent en creux les uns par rapport aux autres. Pour jouer Paul, j’ai essayé de travailler en laissant des choses partir de moi, sans forcément les contrôler. Pour interpréter Paul, je faisais confiance aux metteurs en scène.
Le personnage de Gérard Lanvin est vraiment celui qui cristallise l’histoire autour de lui. Gérard souhaitait pourtant que ce soit un film choral, et cela a tout de suite teinté l’esprit du projet. Tout le monde, lui le premier, s’est montré généreux envers les autres. On n’a pas du tout été dans une position de prédateurs les uns par rapport aux autres. C’est très agréable. Les metteurs en scène avaient soigneusement préparé leur découpage sans avoir besoin d’une surenchère de plans. Ils étaient très axés sur le jeu. Ils nous ont fait confiance et ont pris ce qu’on leur donnait, toujours en nous encourageant, sans jamais nous forcer.
Gérard Lanvin possède un instinct du jeu et une beauté de l’âme, une noblesse du cœur, qui le rendent digne d’incarner des personnages de cette qualité. Dans un autre style, Wladimir Yordanoff est un type intellectuellement brillant. Dans le jeu, il fait preuve d’une subtilité, d’une décontraction et d’une maturité qui font que tout ce qu’il joue passe naturellement. Je me situe sans doute quelque part entre les deux, un peu plus sauvage, un peu moins cultivé que Wladimir, bien qu’ayant travaillé avec des "intellos", comme Chéreau, les frères Taviani, Benoît Jacquot... Mais Gérard est au-delà de ça, il peut tourner avec qui il veut, dès lors qu’il y a du vrai, du chaleureux. C’est l’essentiel pour lui.
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Ana Girardot est une jeune comédienne très fine, très sensible. Elle est venue avec son âme de jeune fille, et moi avec mon âme de quinquagénaire. Dans son regard, je me suis vu comme quelqu’un que l’on peut aimer. Nous avons partagé de jolis moments.
J’ai ma façon de vivre l’amitié. Je suis très solitaire. J’ai besoin d’une grande liberté. Je ne veux surtout pas que l’on me fixe rendez-vous tous les mercredis à midi comme dans le film ! Ça, je ne peux pas. Le plus important, c’est d’être là quand il est vraiment question de vie ou de mort. Je suis très présent aux moments importants, mais je n’investis pas dans l’amitié au quotidien. Je sais très bien qui sont mes amis, et ce que je suis prêt à faire pour eux. C’est ce qui compte. J’ai une certaine compassion, mais surtout une grande curiosité par rapport à ce que me racontent les gens. Dans ma jeunesse, j’ai souffert d’un père absent à cause de son métier, et qui surtout n’écoutait pas. Je savais que quand je lui parlais, il pensait à autre chose. Cela a exacerbé quelque chose chez moi qui fait que j’écoute ce que quiconque souhaite me dire. Du coup, par respect, je préfère ne pas voir, plutôt que de mal écouter quelqu’un, un ami en particulier.
On peut avoir des amis très chers qui ne voient pas ou ne gèrent pas l’amitié de la même façon. Je suis un peu dans ce cas de figure. Dans le film, Walter, quoi qu’il découvre des secrets de ses amis, ne prononce aucun mot définitif. C’est aussi ce qui rend ce film très beau. Il parle de sa peine, de sa douleur, et la rage ou le ressentiment passent au second plan. Walter apprend à ouvrir son regard. Les amis servent aussi à cela. C’est une jolie parabole qui dépasse le cas particulier. Elle touche quelque chose d’universel en passant par une histoire particulière... Amitiés sincères est un film qui peut parler à énormément de gens."
Jacques vu par Wladimir Yordanoff
"Lorsque j’ai découvert le scénario, je suis rentré dedans immédiatement. Il est très difficile d’écrire pour autant de personnages en étant à la fois élégant sans être maniéré, et fin sans être intellectualisant. Mon parcours m’a amené à pratiquer toutes sortes d’écritures, des plus pointues aux plus légères. Là, je suis tombé sur un scénario qui possédait une épaisseur rare, à la fois drôle et sensible. À aucun moment, je ne me suis dit qu’il s’agissait d’une pièce adaptée – que je n’avais d’ailleurs pas vue. J’ai bien senti qu’il s’agissait d’un vrai scénario de cinéma. Lorsque j’ai appris que le trio d’amis se composerait de Gérard Lanvin, Jean- Hugues Anglade et moi-même, j’ai été d’autant plus séduit par le projet. Je les connais tous les deux depuis longtemps. À tous les niveaux, nous ne nous ressemblons pas. Nous sommes différents par le style de jeu, par la capacité de séduction masculine, même par la vie intérieure. Notre notoriété n’est pas non plus la même, eux sont des stars alors que je suis plutôt dans la catégorie des grands seconds rôles. Mais nous sommes tous complémentaires. J’étais vraiment curieux de voir ce que nous allions donner ensemble. Dès le tournage, je me suis aperçu que ça fonctionnait.
Jacques, mon personnage, a de la retenue parce qu’il ne peut pas faire autrement. Il est écrasé par la puissance de Walter. Du coup, il se sent plus proche de Paul. Il souffre de cette grande amitié avec Walter, à qui il ne peut rien dire. Mon personnage est donc dans le monde des silences éloquents. Il pense aussi qu’il est le seul à avoir un secret. Il va se rendre compte qu’il existe un autre secret, beaucoup plus violent... Le film nous présente les trois personnages avant de nous entraîner, pour chacun, au-delà des apparences. Jacques va se libérer, mais ce ne sera pas simple.
En général, sur un premier film, les metteurs en scène hésitent, se montrent craintifs. Là, ce n’était pas le cas. Stephan et François avaient déjà leur montage dans la tête. Si je prends l’exemple de la soirée à l’île de Ré, où l’on est tous les trois en peignoir, ils n’ont pas hésité à ce que certains d’entre nous se retrouvent parfois de dos. Cela n’empêche pas d’exprimer des choses. Personne ne s’est inquiété, c’était toujours formidable. Ils n’ont pas multiplié les axes. Quand on fait une prise de vue avec les trois personnages dans le cadre, il y en a un qui est un peu plus de face, l’autre de trois-quarts dos... Stephan et François étaient déjà dans une autre qualité d’écriture liée au montage, qui pour eux, devait raconter quelque chose de plus que l’écriture du scénario. Travailler avec eux était très agréable.
On a commencé par quelques scènes à Paris, puis nous sommes partis très vite à La Rochelle. Il y a eu aussi les scènes à l’île de Ré, où nous sommes tous dans des moments de solitude. Ce sont des petits instants, un petit-déjeuner, un déjeuner, un coup de fil. Tout n’est pas écrit sur ces moments-là. Alors on tente nos petites improvisations, tout le monde se regarde, se répond, chacun est dans son personnage. On joue des silences, des regards. On parle à l’un d’entre nous mais on sait qu’il ne regardera pas, alors on le dit mais en regardant l’autre... Tout cela se met en place très vite. Et rapidement, les réalisateurs voient que ça circule, et le travail se fait plus sur l’intensité des intentions. Par la suite, ça s’est mis à glisser tout seul. C’est très intéressant parce que plus tard, lorsque l’on est sur les scènes de la librairie, on a les trois personnages. On les tient...
Pour ma part, le rapport à l’amitié est assez différent de celui qui unit Walter, Paul et Jacques dans le film. Ma vie n’est faite que d’amitiés féminines. J’ai énormément d’amitiés féminines. Je n’ai pas souvent rencontré d’hommes avec lesquels j’ai eu une grande amitié, car trop souvent la question de la domination du territoire finit par se poser. Je pense que ces grandes amitiés masculines prennent racine plus tôt dans la jeunesse. On a eu le temps de tout se dire, de tout voir. Quand j’étais ado, j’avais une dizaine de bandes différentes.
En voyant le film terminé, j’ai découvert à quel point il était drôle. Gérard a le sens de la repartie et Jean-Hugues aussi. Que ce soit hors plateau ou pendant les prises, l’ambiance était joyeuse et très énergique. Au début, voir Gérard gueuler dans chaque scène me faisait hurler de rire. Et puis je m’y suis presque habitué, mais en voyant le film, l’humour est revenu au premier plan.
Je crois que l’on manque de films comme celui-là. On trouve beaucoup de comédies – des lourdes et des moins lourdes – mais des films qui arrivent à rester sur la crête, en proposant un bon équilibre entre ce qui fait rire et ce qui touche, entre la force des situations et la puissance des sentiments, c’est beaucoup plus rare. François et Stephan ont réussi un film qui est à la fois drôle et fin, c’est-à-dire un film d’esprit, aussi bien dans l’écriture que dans la réalisation. Je pense que les spectateurs vont aimer parce qu’au-delà de cette histoire particulière, on parle d’eux. Ils ont la place de se lover dans toutes les émotions que propose le film. Il est question d’humanité. Celle de l’écriture d’abord, qui s’associe à la justesse de la distribution pour que l’humanité dans le jeu fasse ressortir l’humanité de l’écriture. Il n’y a rien de caricatural. Les gens vont se reconnaître, retrouver un peu des secrets que l’on a tous et que l’on n’ose pas dire."
Stéphanie vu par Zabou Breitman
"Lorsque François et Stephan m’ont envoyé le scénario, je l’ai lu très vite. J’ai tout de suite remarqué qu’il était remarquablement construit et que les dialogues étaient très justes. À mes yeux, autre chose encore plaidait en leur faveur : ils étaient les auteurs de la pièce originale et venaient du théâtre. Je trouve que l’expérience de la scène apporte une connaissance des acteurs. Ce sont souvent des gens très aimants vis-à-vis des comédiens. Cela compte énormément et c’est rare au cinéma. Les deux milieux sont encore très étanches, alors qu’en Angleterre ou aux États-Unis les réalisateurs ont souvent fait des mises en scène de théâtre. Là-bas, si vous n’avez pas fait de théâtre auparavant, ils vous trouvent suspect. Alors que chez nous, on est suspect si on a fait du théâtre avant ! Pourtant, je pense que ceux qui ont fait du théâtre en savent un peu plus. Si vous arrivez à raconter sur la longueur une histoire que vous avez écrite, dont vous avez d’une certaine façon fait le montage, et que vous savez la mettre en scène, alors vous savez forcément le faire au cinéma. Et quand on est capable de mettre en scène une pièce, le cinéma est plus facile. C’est de la technique. Vous savez exactement ce que vous racontez.
La construction du scénario de Stephan et François était implacable. Chacun des personnages se livre et se révèle autour de Walter, renforçant l’intrigue d’éléments humains qui touchent et surprennent. Ce film apporte de la surprise. On le découvre. C’est une construction de "vaudeville" au sens noble du terme. Les deux réalisateurs et auteurs savent toujours où en est le spectateur. Ils auraient pu se contenter de faire du "bon travail", mais ils ont en plus apporté la légèreté et l’humanité. C’est rare qu’il y ait cette dose de finesse. On s’adresse aux spectateurs dans ce qu’il y a de plus humain, de plus délicat. Stephan et François ont trouvé de la nouveauté dans un sujet éternel, avec une espèce de simplicité et d’évidence.
J’aime beaucoup le personnage de Stéphanie. J’ai rarement joué des rôles comme celui-là. Mon personnage n’arrive pas tout de suite. On en parle, il est là mais il n’apparaît qu’assez tard dans le film. J’aime la lassitude que montre Stéphanie. Elle est dans l’observation. Elle a souffert au contact de Walter et elle l’observe. Elle connaît l’animal. Elle sait comment il réagit, ce qu’il va dire. Il n’écoute pas les autres. Elle a vécu avec un fauve et maintenant elle le regarde. Elle a mis de la distance... Elle en est triste et le sera toujours. Elle l’aime encore, ça c’est sûr. Du coup, face à lui qui fonce, qui charge en permanence, elle est extrêmement calme. Elle ne rentre pas dans son rythme et par contraste, n’en paraît que plus forte.
Je n’avais jamais tourné avec Gérard Lanvin et il m’a complètement bluffée. J’ai adoré. Il a toujours été excellent acteur, mais il joue cette fois en plus avec une nuance d’autodérision sur son image. Sur le papier, son personnage peut être détestable : interventionniste, grande gueule... Mais Gérard amène quelque chose qui le rend terriblement attachant... Il est toujours d’une grande justesse. Il apporte un bagage énorme. Et quand ils l’ont choisi, François et Stephan le savaient très bien.
Lorsque vous jouez, vous travaillez d’abord sur vous-même, puis vous voyez comment cela se passe avec votre partenaire. C’est un peu une danse, un tango. Avec Gérard, on dansait bien ! Pour notre première scène, on était dans la voiture et on devait se dire au revoir. On sort, il va pour m’embrasser, et je lui tends la main, parce qu’on ne sait pas trop comment se dire au revoir... Ce sont de petits gestes qui racontent tellement et qui n’étaient pas toujours écrits. Stephan et François les ont gardés parce que c’était vraiment intéressant. Jouer avec Gérard était facile. On a vraiment l’impression que nos personnages ont vécu vingt ans ensemble.
Jean-Hugues Anglade, Gérard Lanvin et Wladimir Yordanoff
Le jour du tournage de leur dernière entrevue dans le film, quand on sent que Stéphanie lui manque et que Walter se rend compte qu’il s’est trompé, je suis arrivée le matin et Gérard m’a dit qu’il avait pensé à autre chose que ce qui était écrit. Il se pose toujours des questions. J’étais un peu inquiète parce que j’avais bien travaillé la scène, et que les changements de dernière minute me font toujours peur. Mais on a discuté et le fait est que c’était bénéfique pour la scène et le film. C’était bien, mais ça pouvait être mieux. Gérard permettait cette adaptation, cet esprit d’ajustement permanent, les deux réalisateurs étaient partants, et nous on était partants sur l’ultra-fragilité du moment. Le résultat ne se traduit pas en mots mais en intention de jeu, et c’était plus fort. Pour moi, ce fut un tournage frustrant, non pas à cause du personnage, mais à cause du peu de temps que j’ai passé avec eux. J’aurais adoré jouer plus que ça avec Gérard.
Quand j’ai vu le film, j’ai été émue aux larmes. Je ne pensais pas que j’allais être touchée à ce point-là, ni que j’allais rire à ce point-là ! J’ai même vu tout ce que François et Stephan ont gardé de petits temps, de regards. Ils ont dû travailler comme des fous et le résultat est superbe !"
Sources :
http://medias.unifrance.org
http://www.canalplus.fr