Réalisé par Orson Welles
Avec Orson Welles, Joseph Cotten, Dorothy Comingore,
Agnes Moorehead, Ruth Warrick, Ray Collins,Erskine Sanford
Everett Sloane, William Alland, Paul Stewart, Ruth Warrick,
George Coulouris, Gus Schilling, Alan Ladd, Buddy Swan
Genre Drame
Production Américaine 1941
En France le film n'est sorti que le 3 juillet 1946 et a été encensé par les Cahiers du cinéma au début des années 50. En témoigne cet extrait de la préface du livre, Orson Welles édité par les Cahiers du cinéma et rédigé par François Truffaut:
"Alors, Orson Welles en 1939 devait très bien sentir qu'il lui fallait délivrer non seulement un bon film mais LE film, celui qui résumerait quarante ans de cinéma tout en prenant le contre-pied de tout ce qui avait été fait, un film qui serait à la fois un bilan et un programme, une déclaration de guerre au cinéma traditionnel et une déclaration d'amour au médium."
Ce film figure dans toutes les listes compulsant les meilleurs films de l'Histoire du cinéma. Il est même élu "meilleur film de tous les temps" en août 2002 par 108 réalisateurs et 144 critiques internationaux consultés par la revue britanique Sight and Sound du British Film Institute.
Élu Meilleur film de tous les temps par l'American Film Institute.
Synopsis
Sur la grille entourant le domaine de Xanadu un panneau porte l'inscription "no trespassing".
À l'intérieur du château, meurt un homme solitaire. Il laisse tomber une boule de verre contenant une maisonnette enneigée et prononce le mot "Rosebud ". Une infirmière recouvre son corps.
Une bande d'actualités cinématographiques résume la vie et la carrière de cet homme, Charles Foster Kane (Orson Welles) en quelques séquences. Kane, vivant dans la somptueuse demeure qu'il s'était faite construire, Xanadu, qui devait d'ailleurs rester inachevée, y avait entassé d'innombrables pièces de collection, et notamment des sculptures qu'il laissait le plus souvent dans leurs caisses, sans les ouvrir. Il possédait trente-sept journaux, une chaîne de radio, des immeubles, des navires, etc.
Après avoir visionné la bande d'actualités, le directeur de l'agence qui l'a produite donne pour mission à l'un de ses journalistes, Thompson (William Alland), d'enquêter sur le sens du dernier mot prononcé par Kane : "Rosebud". Thompson se rend d'abord dans le cabaret de Susan Alexander (Dorothy Comingore) à Atlantic City. Ivre, elle refuse de le recevoir. Thompson est ensuite autorisé à lire le manuscrit des mémoires de Thatcher (George Coulouris), le tuteur de Kane.
Harry Shannon, George Coulouris et Agnes Moorehead
Premier flash-back. En 1871, contre la volonté de son père (Harry Shannon), la mère (Agnes Moorehead) de Kane avait confié l'enfant à Thatcher qui gérait sa fortune. Le petit Charles avait repoussé et frappé Thatcher avec son traîneau. Il était désespéré de devoir quitter ses parents.
Harry Shannon, George Coulourisn Agnes Moorehead et Buddy Swan
À vingt-cinq ans, ayant été renvoyé de nombreux collèges, il possédait la sixième fortune du monde. Parmi toutes ses possessions, la seule qui l'intéressait vraiment est le petit journal, L'Inquirer qu'il va diriger personnellement selon des méthodes nouvelles. L'Inquirer dénoncera tous les scandales, y compris celui d'une compagnie de chemin de fer dont Kane est l'un des principaux actionnaires. En 1929, il renoncera à tous ses journaux. "Si je n'avais pas été riche, dit-il, j'aurais pu devenir un grand homme ".
Everett Sloane, Joseph Cotten et Orson Welles
Retour au présent. Thompson va trouver Bernstein (Everett Sloane), le bras droit de Kane.
Deuxième flash-back. Bernstein évoque la reprise en main par Kane de L'Inquirer. Kane s'installe dans les bureaux du journal pour y vivre vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il écrit et publie une déclaration de principes dans laquelle il jure d'être le champion des droits du citoyen et de toujours dire la vérité. Le tirage de L'Inquirer dépasse bientôt celui de son rival du Chronicle. Un grand banquet, agrémenté de girls venant faire leur numéro, fête le succès du journal. Kane achète en Europe le plus gros diamant du monde. Il épouse Emily Norton (Ruth Warrick), nièce du Président des États-Unis.
Orson Welles et Ruth Warrick
Retour au présent. Bernstein émet l'hypothèse que Rosebud est peut-être quelque chose que Kane avait perdu. Il conseille à Thompson d'aller interroger Jedediah Leland (Joseph Cotten), condisciple et meilleur ami de Kane avant leur brouille. Thompson se rend à l'hôpital Huntington dans lequel Jedediah Leland vit en permanence à cause de son grand âge. Celui-ci déclarera notamment à Thompson, à propos de Kane : "Ses actes étaient brutaux (…) Il avait une sorte de grandeur (…) Il ne livrait jamais rien de lui-même (…) Il avait des quantités d'opinions différentes".
Orson Welles et Joseph Cotten
Troisième flash-back. Jedediah Leland évoque la vie conjugale de Kane avec sa première femme. Ils ne se voyaient qu'au petit déjeuner. Emily reprochait à son mari de passer tout son temps au journal et d'y publier des attaques contre son oncle, le président.
Orson Welles et Ruth Warrick
Retour au présent. Commentaire de Jedediah Leland : "Kane voulait de l'amour mais il n'en avait pas à donner".
Quatrième flash-back. Jedediah Leland évoque la rencontre de Kane, une nuit dans la rue avec une inconnue, Susan Alexander (Dorothy Comingore), qui avait mal aux dents et l'avait invité chez elle. Elle travaillait dans un magasin au rayon musique. Elle voulait devenir chanteuse. Durant sa campagne électorale, Kane traîne dans la boue son adversaire Gettys. Celui-ci veut obliger Kane à renoncer à sa candidature sous la menace de révéler sa liaison avec Susan; Kane refuse. Gettys fait publier un article sur cette liaison.
Orson Welles et Dorothy Comingore
Kane est abandonné par sa femme et perd l'élection. Jedediah Leland, qui tient la rubrique dramatique de L'Inquirer reproche à Kane de vouloir concéder par charité aux travailleurs des droits que ceux-ci méritent de gagner par eux-mêmes. Il lui reproche aussi de ne s'intéresser qu'a lui-même. Les deux hommes ne se parleront plus pendant des années et Jedediah Leland demande à être muté à Chicago. Kane épouse Susan et construit pour elle l'opéra de Chicago. Elle fait ses débuts dans Salammbô. Faisant le compte-rendu de la première, Jedediah Leland écrit qu'elle n'est qu'un amateur sans aucune compétence. Complètement ivre il s'endort sur sa machine, Kane achèvera l'article à sa place dans la même veine avant de renvoyer Jedediah Leland avec un chèque de 25 000 dollars.
Joseph Cotten, Orson Welles et Everett Sloane
Retour au présent. Commentaire de Jedediah Leland : "Il a voulu prouver qu'il était encore honnête". Thompson se rend à nouveau chez Susan et réussit à la faire parler.
Cinquième flash-back. Susan évoque les pénibles leçons de chant auxquelles Kane la contraignait. C'était lui et non elle qui voulait qu'elle devienne une diva. Après l'échec de sa première à Chicago, elle hurle contre l'article de Jedediah Leland, lequel renverra par la suite à Kane le manuscrit de sa déclaration de principes. Kane oblige sa femme à continuer sa carrière de cantatrice à travers l'Amérique et la soutient par de bons articles publiés dans les journaux. Après une tentative de suicide de Susan, il renonce à la faire chanter. Tous deux vivent seuls dans l'immense et lugubre Xanadu qu'il vient de se faire construire. Susan fait et refait un gigantesque puzzle.
Dorothy Comingore
Un pique-nique organisé en grande pompe au bord de la mer sera encore plus lugubre. Les deux époux se disputent. Susan fait ses malles.
Retour au présent. Pour en savoir plus sur Rosebud qui ne lui dit rien, Susan conseille à Thompson d'interroger Raymond (Paul Stewart), le majordome de Xanadu, qui a travaillé onze ans au service de Kane. Il consent à parler contre la somme de 1 000 dollars.
Sixième flash-back. Après le départ de Susan, Kane saccage tout dans la chambre de celle-ci puis, tenant la boule de cristal dans la main, murmure, "Rosebud".
Paul Stewart
Retour au présent. Le majordome n'a rien d'autre à dire sur Rosebud. Les photographes prennent sous tous les angles Xanadu et les gigantesques collections de Kane.
On brûle de vieux objets, parmi lesquels le traîneau du petit Charles, portant cette inscription que personne, sauf son propriétaire n'aura lu "Rosebud ".
Sur la grille de Xanadu, il y a toujours ce panneau "No trespassing".
En dehors d'un court métrage muet et inédit en 16 mm intitulé The Hearts of Age en 1934 et d'un ensemble de courts métrages conçus pour une pièce de théâtre, Orson Welles n'a réalisé aucun film lorsqu'il s'attaque à 25 ans à son premier long métrage.
Auparavant il a travaillé comme acteur et metteur en scène au Phoenix Theatre devenu Mercury Theatre en 1938. Il est devenu célèbre grâce à ses activités à la radio où il imitait les voix d'hommes politiques et surtout en effrayant l'Amérique entière, en enregistrant pour les ondes La Guerre des Mondes de H.G. Wells le 30 octobre 1938, annonçant l'arrivée des Martiens.
Il signe un contrat avec la RKO le 21 juillet 1939.
Ce film a été un échec commercial aux États-Unis, tandis que sa sortie en Europe était empêchée par la Seconde Guerre mondiale. L'une des explications de l'échec de Citizen Kane serait l'acharnement de William Randolph Hearst. Il aurait fait pression sur les exploitants pour qu'ils ne prennent pas le film dans leur salle. Hearst tente de faire interdire le film et organise une campagne de presse pour le faire boycotter. Alors que sa sortie était prévue pour le 14 février 1941, Citizen Kane ne sort que le 1er mai à New York après plusieurs projections privées et une générale présentée à la presse le le 9 avril.
Malgré ces pertes financières, la RKO produit le film suivant d'Orson Welles : La Splendeur des Amberson en 1942 mais en lui laissant beaucoup moins de liberté et en intervenant dans le montage. Une plaisanterie aurait alors circulé sur la RKO : "En cas d'attaque aérienne, réfugiez-vous dans une salle RKO, il y a des années qu'ils n'ont eu un succès à l'affiche". La RKO est sauvée de la faillite grâce au succès de La Féline qui rapporte plus d'un million de dollars avec un budget de seulement 130 000 dollars en 1942.
Le scénariste Herman J. Mankiewicz, est le frère du réalisateur, scénariste et producteur Joseph L. Mankiewicz. Il apparaît en journaliste dans le film.
Le comédien Alan Ladd fait de la figuration dans ce film. Il apparaît en reporter. Il deviendra célèbre l'année suivante en jouant dans This Gun for Hire. Réalisé par Frank Tuttle en 1942.
OrsonWelles s'est inspiré du magnat de la presse William Randolph Hearst pour le personnage principal de Charles Foster Kane. William Randolph Hearst avait eu pour maîtresse l'actrice Marion Davies dont il avait soutenu la carrière comme dans le film. Autres points communs, la mégalomanie, le pouvoir, la fortune considérable, la possession de plusieurs journaux et d'un château. Mais Orson Welles n'entendait pas s'attaquer à la personne de Hearst. Il avait surtout l'intention de critiquer toute une classe sociale de dirigeants parvenus et mégalomanes.
Si William Randolph Hearst avait effectivement un château, il n'a pas servi de modèle à celui de Citizen Kane appelé Xanadu. Orson Welles s'est inspiré du poème de Samuel Taylor Coleridge sur l'empereur Kubla Khan et son château situé à l'Est de Shang Tu. Le nom de l'empereur présente d'ailleurs une ressemblance frappante avec celui de Kane.
Malgré son jeune âge et son inexpérience comme réalisateur, Orson Welles obtient de la RKO un budget conséquent de 81 493 dollars. Au final, il aura dépassé ce budget en dépensant 83 015 dollars.
Otto Preminger rendra hommage à Citizen Kane en faisant du mot Rosebud, prononcé par Charles Foster Kane avant sa mort, le titre d'un film : Rosebud en 1974.
Orson Welles initie avec Citizen Kane le film-enquête : un journaliste enquête sur la vie de Charles Foster Kane qui a prononcé le mot énigmatique "Rosebud". Le réalisateur participe à d'autres films-enquête par la suite. Dans Le Troisieme Homme, réalisé par Carol Reed en 1949, il joue le rôle d'un homme disparu dans un mystérieux accident de voiture sur lequel enquête un ami. Et dans Monsieur Arkadin réalisé en 1955, qu'il réalise, le personnage de Von Stratten doit enquêter sur le passé d'un amnésique.
Orson Welles, perfectionniste, consacre beaucoup de temps à la conception du film. Embauché en 1939 à la RKO, il passe d'abord six mois à se familiariser avec la technique du cinéma. Après plusieurs mois passés à l'écriture des sept versions différentes du scénario, les prises de vue durent trois mois, le tournage commence le 29 juin et s'achève le 23 octobre. Chaque scène est répétée longuement avec les comédiens et fait l'objet de plusieurs prises. Orson Welles reste ensuite 9 mois en montage avec Robert Wise.
Robert Wise est monteur sur Citizen Kane puis sur La Splendeur des Amberson. Mais il se brouille avec Orson Welles et cesse de travailler avec lui.
Bernard Herrmann compose sa première musique de cinéma pour Citizen Kane. Il collabore à nouveau avec Orson Welles sur La Splendeur des Amberson en 1942. Mais il doit sa célébrité à son travail sur les films de Alfred Hitchcock et surtout sur Psychose en 1960.
Le futur réalisateur Mark Robson a été assistant monteur non crédité sur ce film. Il le sera également sur La Splendeur des Amberson.
Contrairement au reste de l'équipe, le chef opérateur de 36 ans Gregg Toland est expérimenté et très demandé. Il a obtenu un Oscar pour Les Hauts de Hurlevent en 1940 et tourné avec des réalisateurs comme John Ford. Par la suite, il sera même engagé à l'année à la Samuel Goldwyn Company.
Orson Welles engage des acteurs avec qui il a déjà travaillé au Mercury Theatre et qu'il reprendra pour La Splendeur des Amberson. Parmi eux citons notamment Joseph Cotten, Agnes Moorehead, Ray Collins et Gus Schilling.
Le comédien Alan Ladd fait de la figuration dans ce film. Il apparaît en reporter. Il deviendra célèbre l'année suivante en jouant dans This Gun for Hire. Réalisé par Frank Tuttle en 1942.
Lors du tournage, Orson Welles utilisa des trucages dans les décors. Il fit ajouter des peintures trompe l'oeil en transparence pour faire des jeux de perspective et installer des faux-plafonds.
Orson Welles fit installer des objectifs avec grand angle sur les caméras, ce qui donna une profondeur de champ exceptionnelle pour l'époque. Cela a obligé le chef opérateur à utiliser parallèlement des courtes focales pour que l'image reste nette en arrière et premier plans. L'utilisation fréquente de la contre-plongée a également forcé le chef opérateur à faire venir la lumière du sol.
Le réalisateur fait une utilisation exceptionnelle des plans-séquence pour l'époque au détriment du gros plans et du champ contre champ. Le plan-séquence permet une plus grande fluidité du film et une liberté de mouvement pour les comédiens.
Le titre initial du film devait être American.
Non content de jouer le rôle principal du film qu'il réalise, Orson Welles s'implique dans toutes les étapes de fabrication de son premier long métrage. Et comme la RKO possède sur place un département consacré aux effets spéciaux, il peut également superviser ceux-ci. Pendant que la majorité des réalisateurs d'Hollywood peine à garder une certaine liberté artistique et à maîtriser totalement ses films face aux exigences des producteurs, Orson Welles s'impose comme un homme orchestre intervenant sur tout. Il est même producteur de Citizen Kane.
En faisant un film-enquête sur Charles Forster Kane, Orson Welles se donne les moyens de casser la narration. Pas de récit linéaire pour retracer la vie de Kane mais des flash-backs et des témoignages qui sont imbriqués de façon non chronologique et suivant les différents points de vue des personnages.
Sources :
http://www.cineclubdecaen.com
http://www.allocine.fr
http://www.imdb.com
http://www.cinemovies.fr