Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d'autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. Jean Luc Godard
Réalisé par Sean Penn
Avec Jack Nicholson, David Morse, Anjelica Huston,
Robin Wright, Piper Laurie, Richard Bradford, Priscilla Barnes,
David Baerwald, Robbie Robertson, John Savage
Genre Drame
Titre original The Crossing Guard
Production Américaine
Date de sortie 15 novembre 1995
Après le remarquable, Indian Runner,
Sean Penn signe avec The Crossing Guard son deuxième long métrage.
Au commencement était le rêve. Le grand rêve américain. celui de l'innocence : l'homme était fondamentalement bon. Il avait droit à "la vie, la liberté et la poursuite du bonheur".
Mais comme le rêve tardait à se concrétiser, Hollywood s'acharnait à le recréer à l'écran : le Bien y menait une lutte acharnée contre le Mal, l'innocence des uns terrassait la culpabilité des autres.
Et puis est venu le doute, et le cinéma du doute.
The Crossing Guard sonde au plus profond la panne des êtres et donne à Jack Nicholson et David Morse deux rôles bouleversants. La dernière scène du film dépasse en émotion tout le reste du métrage et laisse exploser la tristesse trop longtemps contenue des personnages. Beau à pleurer.
Jack Nicholson
Synopsis
Freddy (Jack Nicholson) a vu sa vie de famille anéantie après la mort de sa petite fille de 7 ans, écrasée par un chauffard. Il faut éradiquer le Mal. Alors Freddy coche. Depuis cinq ans, inlassablement, jour après jour, il coche les cases de son calendrier.
Une rage destructrice habite Freddy.
Il survit en fréquentant des boîtes de nuit sordides, en sortant avec des strip-teaseuses et en noyant son chagrin dans l'alcool et les cigarettes.
Jack Nicholson et Priscilla Barnes
De son côté, sa femme, Mary (Anjelica Huston), a refait sa vie et s'investit dans une lutte militante contre l'ivresse au volant.
Jack Nicholson et Anjelica Huston
Le jour tant attendu par Freddy arrive. John (David Morse), le chauffard, sort de prison.
David Morse
Freddy tente de le surprendre dans son sommeil, mais sa première tentative de meurtre échoue. Il lui promet alors 72 heures de liberté avant d'exécuter "sa" sentence.
John, qui a simplement "fauté", trouve refuge chez ses parents à sa sortie de prison et leur confesse "la culpabilité et le remords" qui l'habiteront toujours. John s'est remis à travailler, trouve auprès de sa famille et de ses anciens amis, puis cherche le réconfort auprès d'une ravissante jeune peintre.
Mais rongé par la culpabilité, il est incapable de vivre pleinement cette nouvelle relation amoureuse.
David Morse et Robin Wright
Prêt à assouvir sa vengeance, Freddy est arrêté par la police en état d'ivresse. Parvenant à s'échapper, il se précipite chez John, qu'il tente à nouveau de tuer.
Jack Nicholson
Une course poursuite s'engage alors entre les deux hommes...
Avec cette histoire où se confronte un père hanté par le meurtre de sa fille et un assassin en quête de rédemption, Sean Penn s’inscrit dans un style à la fois sombre et réaliste. Soutenu par des comédiens au sommet de leur art.
La mise en scène capte le spectateur et le plonge au coeur du drame.
C'est tout simplement l'histoire d'un transfert de culpabilité. Un transfert que Sean Penn exprime physiquement, en jouant d'un montage alterné : Freddy "l'innocent" hante les boîtes et les bars, et fait le malheur des femmes qu'il croise, tandis que John trouve dans sa culpabilité une raison d'être, un état d'esprit "romantique", au point de lasser, lui aussi :
"Elle me fait un peu trop concurrence, ta culpabilité", finit par lui dire la fille qui voudrait l'aimer.
Car ces histoires d'innocence et de culpabilité, ce sont des histoires d'hommes où, comme dans la Bible ou le Far West, les femmes n'ont pas leur place.
Certaines séquences, comme cette immense scène de ménage entre Angelica Huston et Jack Nicholson, sont d’une intensité rare dans le cinéma contemporain et rappellent parfois Cassavetes.
Dans ce bras de fer qui oppose John et Freddy, les femmes parviennent pourtant à s'immiscer lors de rares scènes très justement dénuées de pathos, mais pleines d'émotion vraie. Quand Helen danse avec John, un instant libéré de son fardeau, ou encore Mary qui rappelle à Freddy leur bonheur passé, détruit par l'obsession de sa vengeance.
Quitte à déplaire au grand public gêné par tant d’âpreté, le style de Sean Penn ne s’embarrasse pas d’artifices. Dans le rythme des plans, les ralentis marquent un temps de flottement. Mieux : ils entretiennent la part du rêve, celle qui ne veut pas mourir.
Crossing Guard s'achève également par une course à pied. Mais, à un moment donné, un ralenti trouble notre perception et nimbe l'ahurissant final d'un voile d'irréalité, tandis que scintillent les lumières de la ville.
Et si tout cela était un rêve ?
Filmographie de Sean Penn ... Cliquez ICI !
Pour couronner le tout, Sean Penn impose ses influences artistiques en demandant à Bruce Springsteen de composer un morceau, Missing, et en dédiant Crossing Guard à son ami Charles Bukowski.
Le film s'achève par la dédicace suivante :
"My friend, Charles Bukowski. I miss you, S.P.",
Sean Penn étant un ami de l'écrivain et poète mort en 1994.
Au final, il réalise un film somme dont il semble avoir eu du mal à se remettre avant de réaliser le non moins superbe The Pledge en 2001.
Sources :
http://www.telerama.fr - Vincent Remy
http://www.tvclassik.com
http://cinema.nouvelobs.com
http://www.excessif.com
http://fr.wikipedia.org