Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d'autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. Jean Luc Godard
Réalisé par Robert Mulligan
Avec Gregory Peck, Mary Badham, Phillip Alford,
John Megna, Brock Peters, James Anderson, Estelle Evans,
Collin Wilcox Paxton, Robert Duvall
Titre original To Kill a Mockingbird
Genre Drame
Production Américaine
Date de sortie 1963
To Kill a Mockingbird a reçu trois oscars en 1963.
- Oscar du Meilleur acteur pour Gregory Peck.
- Oscar Meilleure adaptation pour Horton Foote.
- Oscar Meilleure Direction Artistique pour
Alexander Golitzen, Henry Bumstead, Oliver Emert
Ce film est tiré du roman To kill a mockingbird de Harper Lee. À noter que le livre a reçu le Prix Pulitzer en 1961. Un million d’exemplaires de To Kill a Mockingbird se vendent actuellement tous les ans et le total des ventes avoisinerait les trente millions !
Harper Lee y raconte, de façon romancée, son enfance dans l’Alabama des années 1930 et dessine la figure imposante d’un père avocat, qui lui apprit le sens de la justice et de la droiture morale.
Phillip Alford, Gregory Peck et Mary Badham
Ce livre est un classique de la littérature américaine, étudié à ce titre dans de nombreux collèges et lycées des États-Unis, et régulièrement cité en tête des classements des critiques et libraires.
L'American Film Institute a nommé Atticus Finch en première place dans les 100 plus grands héros de films. Gregory Peck fait d'Atticus un tranquille et imprenable bastion d'humanité. Seul et sans arme dans le halo d'une lampe, il monte la garde. Comme la dernière lueur d'une espérance butée en un monde qui laisserait en paix les enfants, les oiseaux et les noirs.
Du silence et des ombres fait partie de la série de sept films que le cinéaste a réalisé en collaboration avec Alan J. Pakula, alors producteur, collaboration qui marqua une période particulièrement faste pour Robert Mulligan.
Considéré aux États-Unis comme un film emblématique, Du silence et des ombres reste un peu méconnu en dehors du territoire nord-américain.
Synopsis
Maycomb, une petite ville d'Alabama, au moment de la Grande Dépression dans les années 1932. Le tableau de cette crise présente des paysans trop pauvres pour pouvoir payer ce qu'ils doivent autrement qu'en nature. Ainsi, dès la première séquence, l'un d'eux paie son avocat en noix en compensation du travail quant à la succession due au décès de la femme du paysan. Le fils de ce paysan, invité à déjeuner par le fils de l'avocat s'émerveille de manger du rôti, ce qu'il n'a plus fait depuis des mois, se contentant de manger des écureuils chassés avec son père.
Atticus Finch (Gregory Peck) un avocat idéaliste, élève seul ses deux enfants, Jem (Phillip Alford) et Scout (Mary Badham), depuis la mort de sa femme.
Gregory Peck et Brock Peters
Avocat intègre et rigoureux, il est commis d'office pour défendre un homme noir, Tom Robinson (Brock Peters), injustement accusé d’avoir violé une femme blanche...
Il est question encore de champs de coton dans lesquels travaillent des noirs vivant à l'écart des blancs. Cette ségrégation s'observe à l'occasion de l'affaire qu'a en charge Atticus Finch. L'inculpation relève ouvertement du racisme le plus primaire, ses accusateurs manifestant à son encontre comme à celui de son défenseur, des propos sans ambiguïté. Tom risque même d'être lynché avant son procès par les paysans qui soutiennent Bob Ewell (James Anderson), le père de Mayella (Collin Wilcox Paxton), la supposée victime.
Le récit, raconté à travers les souvenirs et le regard des enfants Scout et Jem, est parsemé de détails sur la vie et les mentalités de l'époque ainsi que d'anecdotes de voisinage, dont certaines sont directement inspirées des souvenirs d'enfance de Harper Lee, auteure du roman à l'origine du film.
L’héroïne, la jeune Scout âgée de 6 ans, son frère Jem et leur nouveau copain Dill (John Megna) sont fascinés par la demeure de leur voisin. Ils l’imaginent hantée par une créature dangereuse, qui n’est autre que Boo Radley (Robert Duvall), le mystérieux fils de la maison.
Robert Duvall et Mary Badham
Lors du procès, le procureur montre également qu'un noir ne vaut pas un blanc. Alors que vient d'être démontré l'impossibilité pour Tom d'avoir violée Mayella, le procureur lui demande pourquoi il était venu l'aider avant que le supposé viol n'ait lieu.
Quand Tom répond qu'il a eu pitié d'elle, la réaction du procureur témoigne de la réalité du racisme: "vous avez eu pitié d'une femme blanche ?"
Visuellement, la ségrégation apparaît par le fait que les blancs se trouvent dans le tribunal tandis que les noirs occupent les balcons pour assister au procès. Les trois enfants, vont découvrir à la fois la violence dont les hommes et la société peuvent se rendre coupables, et la noblesse morale d’un père qu’ils connaissaient au fond très mal.
Si blancs et noirs forment deux communautés manifestement distinctes géographiquement, la famille Finch semble être le lien entre elles. Atticus, le père, n'hésite pas une seconde pour défendre Tom. Il s'insurge contre le vocabulaire "nègre", il parle de Tom Robinson comme d'un homme et non comme d'un noir. Ses enfants semblent également indifférent à toute forme de racisme. Jem engage un très bref contact quand il rencontre le fils de Tom. Jem, Scout et Dill assistent au procès avec la communauté noire, au balcon.
Cette tolérance apparaît à l'écran aussi par le rôle donné à l'employée de maison d'Atticus, Calpurnia (Estelle Evans). C'est une femme noire mais qui joue un vrai rôle éducatif pour les enfants d'Atticus. Elle n'hésite pas à tancer Scout quand celle-ci agit mal. Atticus la raccompagne le soir chez elle.
Estelle Evans
Outre ses propos antiracistes, le film évoque une autre ségrégation, celle des déficients mentaux. Si le cas de Tom est accompagné des caractéristiques classiques du racisme: les noirs sont des violeurs de blanches, le cas de Boo Radley est lui aussi présenté avec sa litanie de poncifs: il est dangereux, il bave, il est grand, il a une balafre... Si les préjugés envers Tom sont démontés au cours du procès en un peu moins de trois quart d'heure, ceux vis-à-vis de Boo sont battus en brèche tout au long du film.
Remarquablement vive, la petite fille devient le terrain idéal pour l’exploration des thématiques mulliganiennes. Le passage du fantasme à la réalité, la concrétisation des attentes et des peurs, qui vont de pair avec un arrachement brutal à un état d’innocence nécessairement précaire. Scout est fascinée par une maison soi-disant hantée voisine de la sienne, où habite Boo Radley un mystérieux marginal un peu simple d’esprit.
Avec son frères Jem, ils passent donc leur temps à jouer à cette frontière ténue entre le réel et l’imaginaire, cette frontière où chaque ombre devient le symptôme fuyant d’une menace invisible, dans un monde d’incertitudes qui trouve à s’épanouir au creux de la nuit.
Pour l’anecdote, Dill, l’ami de Scout et Jem, est directement inspiré par le petit voisin qu’affectionnait Harper Lee quand elle était petite, Truman Capote.
Robert Mulligan désigne une menace en creux, invisible et impalpable, particulière à des peurs enfantines qui relèvent d’instincts quasi primitifs. En alternant des scènes de la vie de tous les jours, très classiques esthétiquement, et des scènes de nuit où les ombres grandissantes convoquent le cinéma expressionniste et font appel à toute l’imagerie de la littérature fantastique comme à celle du conte de fée, penser en particulier à la scène de traversée d’une forêt en pleine nuit, qui tourne à une course poursuite avec un mystérieux agresseur, Robert Mulligan joue sur des ambivalences qui par ailleurs travaillent l’ensemble de sa filmographie : le Bien et le Mal, l’ombre et la lumière, l’innocence et la cruauté…
Collin Wilcox Paxton et James Anderson
Du silence et des ombres s’inscrit dans la lignée des films que Robert Mulligan a réalisés sur l’enfance, et pour lesquels il fut souvent comparé à François Truffaut, analogie qui se révèle par ailleurs, à la vision de la filmographie du cinéaste, quelque peu inexacte.
Car si chez Robert Mulligan, comme chez François Truffaut, l’enfance trouve une représentation particulièrement juste, ciselée, exempte de mièvrerie, et propre à rendre compte de toute la complexité un peu trouble de la psychologie enfantine, le projet du réalisateur américain se démarque nettement en termes de dispositif thématique. Dans Du silence et des ombres, l’enfant, sujet d’une mutation essentielle qui l’emmène d’un état d’innocence à une perte de cette innocence, pose un regard vierge et sans complaisance sur le monde, devenant par réfraction le révélateur d’un Mal intrinsèque à celui-ci.
Du silence et des ombres brosse ainsi le portrait d’une petite ville d’Alabama, état dans lequel les lois ségrégationnistes n’ont toujours pas été, à ce jour, formellement abrogées.
Humaniste par l’ambition affichée de son sujet, souvent perçu comme un vibrant plaidoyer contre le racisme, c’est donc lorsqu’il nous emmène de l’autre côté du décor, du côté des premiers frémissements d’une peur viscérale, que le film prend toute son ampleur. Car si certaines séquences présentent des longueurs, la séquence du procès notamment, et si le traitement peut sembler, par instants, un peu convenu, malgré la très belle interprétation de Gregory Peck, l’auscultation de jeux d’enfants pas si innocents que cela augmentent le récit d’un double-fond qui ne manque pas d’intérêt. Donnant à voir des enfants qui s’amusent à se faire peur, dans une campagne du Sud des États-Unis dont il a fait son terrain de jeu de prédilection, Robert Mulligan offre un miroir au spectateur qui, dans la salle obscure, cherche à son tour d’excitants frissons.
Estelle Evans Phillip Alford et Mary Badham
Et du même coup, il laisse deviner comment cette recherche instinctive d’épouvantails imaginaires peut amener des groupes entiers à se livrer à des chasses aux sorcières contre leurs ennemis présumés, ou à se passionner pour les péripéties de terrifiants procès.
Le film marque la toute première apparition de l'acteur Robert Duvall au cinéma.
Mary Badham, qui incarne le personnage de Scout dans le film, fut à l'époque la plus jeune actrice à être nominée à un Oscar, pour le Meilleur second rôle. Ironie de l'histoire, c'est un autre enfant star qui gagna l'Oscar cette année là, Patty Duke, pour le film Miracle en Alabama. Elle fut détrônée de son record du plus jeune nominé en 1973, quand la comédienne de 9 ans Tatum O'Neal fut sélectionnée à son tour, pour son rôle dans La Barbe à papa, et pour le coup, remporta la statuette.
Sources :
http://cinema-eldorado.fr
http://www.lesinrocks.com
http://www.evene.fr
http://www.critikat.com - Ariane Prunet
http://www.imdb.com
http://www.telerama.fr - Guillemette Olivier-Odicino
http://fr.wikipedia.org
http://www.allocine.fr