Date de sortie 7 mars 2012
Réalisé par Wang Bing
Avec He Fengming
Genre Documentaire
Production Française, Hong-Kongaise, Chinoise
Synopsis
Pendant trois heures, He Fengming se raconte. Elle dit comment, jeune fille enthousiasmée par la révolution maoïste, elle renonça à devenir étudiante pour tenir la rubrique agricole dans un journal prolétarien où travaillait celui qu’elle allait épouser. Elle évoque la façon dont, en 1957, son mari répondit à l’invitation de Mao de laisser « cent fleurs » s’épanouir, en rédigeant trois articles critiques à l’égard de la bureaucratisation du parti. Elle décrit la volte-face des autorités, l’accusation de complot « droitiste » qui tomba sur son couple, les séances d’autocritique, l’humiliation publique, la condamnation à la déportation dans des camps de travail, la séparation forcée des époux, les années passées à se nourrir de racines ou de graines d’orchidées, la raréfaction des lettres du mari, la décision qu’elle prit de se porter à son secours dans le camp d’hommes où les prisonniers tombaient comme des mouches, la découverte de sa mort à son arrivée, le retour et la suspicion qui pesa sur elle jusqu’à la révolution culturelle où elle fut à nouveau déportée. Elle parle d’un seul trait, les yeux mi-clos, comme recueillis sur la précision d’un souvenir, de la douceur d’une nuit avec l’homme aimé au temps le plus fort de leur infamie, de la froidure du jour dans le désert de Gobi, du vol quotidien de pincées de farine dont elle faisait clandestinement des boulettes. À peine si elle s’adresse à son interlocuteur invisible : une fois seulement, elle suggère qu’il sait déjà tout cela, qu’il a rencontré d’autres survivants des camps, et l’on comprend que cette Chronique d’une femme chinoise, dernier film en date de Wang Bing, fut aussi pour lui l’étape d’un autre travail : le réalisateur tournera bientôt une fiction sur les camps de prisonniers « droitiers » de la fin des années 1950, dont certains éléments démarqueront clairement l’histoire du mari de He Fengming.
Entretien avec Wang Bing a propos de He Fengming :
Comment avez-vous connu He Fengming ?
Quand j’ai rencontré Fengming pour la première fois en 1995, j’avais déjà entendu parler d’elle et de son travail. Puis, des années plus tard, j’ai pu découvrir le coté hypnotique de son histoire à travers le livre qu’elle a écrit et publié en Chine, Ma vie en 1957. 1957, c’est l’année du mouvement politique antidroitier. Dans son livre, elle retraçait ses souvenirs de cette époque où elle-même et son mari ont été envoyés dans les camps de rééducation, pour subir comme tant d’autres la famine, le travail forcé, l’humiliation. Son mari y a payé de sa vie, laissant Fengming seule avec leurs deux enfants. Après de nombreuses années, malgré les pressions de ceux qui l’entourent, elle décide de livrer ce récit poignant et douloureux.
Que représente Fengming pour vous ?
J’ai grandi à la campagne avec ma mère qui travaillait dur dans les champs. Enfant, je l’ai souvent aidée dans ses tâches. Fengming a quelques années de plus que ma mère. La vie qu’elle raconte dans son livre, son expérience sont très proches de la vie que nous avions à la campagne. Je me suis senti très familier de son histoire. Enfant, j’ai souvent assisté à des séances de critiques qui se déroulaient dans mon village contre ces soi-disant « mauvais éléments », qui y venaient pour être rééduqués. Les souvenirs de Fengming me parlent vraiment. Fengming est une intellectuelle, une femme âgée, indépendante. Elle est tout à fait représentative de cette époque. Peu de gens de sa génération acceptent d’être interviewés, car il est difficile pour eux de faire face à leur passé et comme elle, d’avoir le courage de raconter ce qu’ils ont vécu.
Pourquoi raconter cette histoire ?
Cette partie de notre histoire risquait de tomber dans l’oubli. Dans la Chine contemporaine, la société, l’économie et le quotidien ont connu de grands bouleversements. Aujourd’hui, tout le monde s’occupe presque uniquement de gagner plus d’argent, dans l’espoir de s’enrichir le plus rapidement possible. Peu de gens se préoccupent de savoir ce que cette génération a vécu et ce qu’ils pensent de leur passé. Cette génération est d’autant plus importante qu’elle a connu et traversé tous les grands événements politiques chinois de ces 50 dernières années. En racontant leurs souvenirs, je voulais permettre aux jeunes de mieux connaître l’histoire de leur propre pays, et de prendre conscience des profonds changements de ces dernières années. Avec ce film, ils pourront mieux comprendre et réfléchir sur l’époque actuelle, sur les générations précédentes, et donc sur celle de leurs parents. Dans notre société, il y a peu de témoignages qui nous rappellent encore ce passé douloureux. Il est plus rare encore de les trouver en image.
Pourquoi avoir uniquement filmé Fengming pour ce documentaire ?
Lorsque je me suis engagé dans ce projet, j’avais le sentiment qu’il fallait que je trouve une solution pour raconter le plus simplement et le plus directement possible cette histoire. La parole, à elle seule, est un moyen de communiquer simple et direct. C’est pourquoi j’ai choisi de filmer uniquement Fengming. Mais c’était également pour moi une façon de montrer le respect que j’ai pour elle et son histoire. J’étais ainsi comme dans une conversation avec un ancien.
Sources :
http://www.cinemovies.fr
http://www.vacarme.org
http://forum.hkcinemagic.com
http://letrasdecine.blogspot.com