Jérémie ElkaÏm et Valérie Donzelli
Un des thèmes principaux du film est celui de la destinée.
Valérie Donzelli revient sur le sujet : "pour moi la vie est une succession d’épreuves à surmonter, plus ou moins lourdes, plus ou moins malheureuses ou heureuses. Et peu à peu, on gravit la montagne." . "Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort."
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Adam est le fruit de l'amour entre Roméo et Juliette, pourquoi est-ce à lui qu'arrive cette maladie ? Quand Roméo pose la question à Juliette, elle lui répond : "Parce qu'on est capable de surmonter ça." L'épreuve prend alors presque une dimension mystique, ce n'est plus une question de malchance ou d'injustice. "
La Guerre est déclarée est un film très difficile à décrire, même pour sa réalisatrice : "J’aurais moi-même beaucoup de mal à qualifier le film. Je ne pense pas que ce soit une comédie dramatique, ni un drame ou un mélodrame. Avec le recul, on se dit avec Jérémie Elkaïm que c’est juste un film physique, intense, vivant … Au départ, j’avais la volonté de faire un film d’action, un western, un film de guerre. D’où le titre du film… C’était l’idée d’un geste, qu’on ait l’impression d’ouvrir une porte et de regarder ce qui se passe derrière : la rencontre d’un jeune couple auquel il arrive une vraie aventure, pas une aventure en carton-pâte. C’est comme si Roméo et Juliette s’étaient rencontrés pour vivre cette épreuve ensemble …"
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En aparté de cette bataille pour la survie, Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm exposent leur philosophie de vie. Rechercher la joie malgré la tourmente, l’éducation parentale, et donc le rôle du père, les histoires de familles recomposées, même homosexuelle, les incertitudes face aux devenirs prochains, l’amour qui s’effrite devant la peur des carcans, et une ode au milieu hospitalier. Avec un réel coup de chapeau aux généralistes qui demeurent les premiers sur le front médical.
Ce qui intéressait, Valérie Donzelli c’était de raconter une histoire d’amour, mais qui passe par le filtre de cette épreuve-là, la maladie. Roméo et Juliette sont deux jeunes amoureux insouciants, pas du tout préparés à la guerre. "Je pense qu’on est une génération d’enfants gâtés pas du tout préparée à la guerre" reconnait la réalisatrice. Issus de cette génération, les deux principaux protagonistes du film vont être surpris de leur capacité à déclarer la guerre, la faire aussi, et devenir des héros malgré eux. C’est une forme d’héroïsme de mener cette guerre. Ils deviennent un couple face à cette épreuve, ils deviennent des adultes responsables. "J’avais aussi envie de raconter comment on est dépassé par ses propres enfants. Adam a une tumeur au cerveau, chose que ses propres parents n’ont pas vécue. Ils sont démunis face à ça, ils peuvent juste l’accompagner. Et les parents de Juliette et de Roméo sont à leur tour dépassés par ce que vivent leurs enfants, c’est un engrenage, une mécanique de poupées russes." précise Valérie Donzelli. Nos enfants ne sont pas des extensions de nous-mêmes, mais des individus, avec leur propre vécu. Et là, il se trouve que le vécu d’Adam commence très tôt, il a dix-huit mois quand cette maladie lui tombe dessus.
La Guerre est déclarée utilise le vécu de la réalisatrice et de Jérémie Elkaïm de manière triste pour en faire quelque chose de positif. Le film est resté en gestation longtemps au fond d'elle et à un moment donné, Valérie Donzelli a compris que c’était le moment de le faire. Être dans le travail, dans la fabrication du film donne de la distance à son vécu. Le cinéma, c’est reproduire le réel et c’est un jeu. Tout est fabriqué, rien n’est vrai, mais il y a une volonté de vérité, de réalisme.
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Jérémie ElkaÏm et Valérie Donzelli, Cannes le 12 mai 2011 .
Valérie Donzelli tenait un journal pendant le combat contre qu'elle menait avec Jérémie Elkaïm. La maladie de leur fils. Il n’est pas donné à tout le monde de vivre des aventures aussi intenses que celle-ci. Les questions de vie et de mort poussent à nous révéler héroïques, meilleurs. "Nous à l’époque, on l’avait presque vécu comme une chance, un travail. De cette grosse matière informe qu’était le journal, on a essayé de tirer une structure, un peu comme si on voulait adapter au cinéma un livre de correspondances. L’enjeu était de réussir à se décoller des faits, à amener de la fiction. Cela a été rendu possible car toujours on avait cet objectif : se débarrasser du mauvais pour partager le bon. On voulait "faire un film les doigts dans la prise", sur l’énergie parce que nous avions vécu cette aventure ainsi." précise Jérémie Elkaïm, co-scénariste du film.
On imaginait le film comme un hold-up dans les hôpitaux. Le scénario terminé, on avait vraiment l’impression d’avoir écrit un film d’action. Le producteur du film, Edouard Weil, a participé à cette dynamique, il a ouvert les vannes très fort, il a été un accompagnant comme j’en n’ai jamais vu. Il a compris le film tout de suite, il l’a porté, c’est un producteur comme on les rêve, comme on les imagine dans les biographies qu’on lit, un Anatole Dauman des temps modernes ! L’écriture et la préparation du film sont allées très vite, on a mis moins d’un an à réaliser ce film.
"Cet homme est absolument remarquable et il m’a accompagné tout au long de la fabrication du film, avec un seul mot d’ordre : "Je te fais confiance". précise Valérie Donzelli au sujet d'Edouard Weil. Elle rajoute : "Quand j’ai rencontré Edouard Weil et lui ai raconté mon projet, il m’a demandé : "Tu veux tourner quand ? - En octobre. - Ok on le fait, de manière un peu légère comme ton précédent film. Sauf que là, je ne veux pas que ce soit toi qui beurres tes sandwiches !" On a travaillé de manière confortable mais ce n’était pas un gros budget, il y avait une cohérence entre la production et l’esprit du film. Ce qui est agréable, c’est que l’argent est toujours allé dans le film. L’essentiel est de réunir la bonne équipe, d’être solidement entouré. Le cinéma est un art vraiment collectif, on ne fait pas des films tout seul."
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À l’image, Sébastien Buchmann, et au son, André Rigaut. L’équipe était réduite à son minimum, du coup tout le monde avait plusieurs casquettes. Ce qui intéresse la réalisatrice, c’est que les gens ne viennent pas sur un tournage mais travailler pour un film. Du coup, ils sont tous impliqués très tôt dans la fabrication. Valérie Donzelli ne travaille pas de façon traditionnelle, mais laisse beaucoup de place à la spontanéité de chacun, dès la préparation. .
Jérémie Elkaïm, au sujet et vis à vis de Valérie Donzelli "C’est très dur de situer concrètement ma participation au travail de Valérie. Ce que je peux dire, c’est que l’on est dans un dialogue permanent, depuis des années et que je suis une sorte de contrepoint. Je lui apporte un cadre, je mets de l’ordre dans ses idées. Valérie peut pousser ses idées très loin, elle n’a pas peur du ridicule, de ne pas "respecter son sujet". Elle ne cherche jamais à être une bonne élève, elle croit très fort à l’idée qu’il n’y a pas de règles pour aboutir un film. Et cette conviction, elle l’applique partout, et tout le temps. Ce qui compte pour elle, c’est que ce soit incarné, que ça existe. Elle n’est pas quelqu’un de malin, au sens péjoratif du terme. Elle est toujours dépassée par elle-même, elle fait avec ce qu’elle est."
Une phrase de Pauline Gaillard, sa monteuse décrit très bien Valérie Donzelli : "Elle porte son inconscient en bandoulière." Au début de La Guerre est déclarée, Roméo jette une cacahouète qui tombe pile dans la bouche de Juliette. Pour Jérémie Elkaïm, ce geste symbolise le travail de Valérie : elle fait un geste et parce qu’elle est instinctive et sait bien s’entourer, le geste tombe juste. Valérie Donzelli possède l’intelligence des mains, elle est comme un sculpteur qui taille dans sa matière. Elle travaille dans un geste, la fabrication de l’objet prime très vite et elle s’oublie en tant que personne.
La Guerre est déclarée parle d’une foultitude de questions existentialistes. Son charme vient aussi de sa musique, parfois pop, parfois lyrique, toujours collante aux basques d’une génération avide de liberté, même culturelle. Le tout sans excès de larmes, ni de rires. Réalisme brut !
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Jérémie ElkaÏm et Valérie Donzelli
Roméo et Juliette sont séparés à la fin du film mais à jamais grandis et unis par cette chose extraordinaire qu’ils ont vécue ensemble. Ils ne pourront plus jamais être ensemble comme un couple classique car cette épreuve a eu des conséquences sur tout le reste de leur vie mais ils ont accédé à un statut supérieur d’entente. D’un seul regard, ils savent ce qu’ils ont traversé.
"Je ne sais plus quel cinéaste disait : "Tous les films ne posent qu’une seule question : est-ce que l’amour existe ?" C’est vraiment la question de l’idéal, et si l’on peut commencer à amorcer une réponse, je suis clairement du côté de dire qu’il existe. Je suis un croyant, pas au sens religieux du terme,, je crois très fort dans la vie, dans le lien, l’écoute, le respect … Je ne vois aucune niaiserie dans ces valeurs mais de la grandeur, que j’ai envie de partager. J’ai des pulsions de mort comme tout le monde mais je préfère les oeuvres qui me font partager des pulsions de vie" précise Jérémie ElkaÏm.
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Si vous restez sceptiques avant de regarder ce film,
je vous conseille de lire la critique parue dans l'excellent blog de Christobog ...
Sources :
http://www.cinemovies.fr - Extraits de Propos recueillis par Claire Vassé
http://www.unifrance.org
http://www.allocine.fr
http://www.lexpress.fr
http://www.ouest-france.fr
http://www.lemonde.fr