Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d'autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. Jean Luc Godard
Réalisé par Sean Penn
Avec Emile Hirsch, Vince Vaughn, Catherine Keener,
William Hurt, Marcia Gay Harden, Kristen Stewart,
Zach Galifianakis, Haley Ramm, Thure Lindhardt...
Genre Aventure, Drame
Production Américaine
Date de sortie 9 janvier 2008
Into the Wild est le quatrème long-métrage
Réalisé par Sean Penn
Moins en prise avec l'actualité que beaucoup de films américains récents dits engagés, des films au message clair, il manquait un élan, un éclat. Into the Wild, de Sean Penn, road-movie utopiste, est moins facilement convertible en discours, moins en prise avec l'actualité, mais c'est assurément un film politique, et porté, enfin, par un souffle personnel. Il est évident que l'acteur-réalisateur s'identifie viscéralement à son personnage
Emile Hirsch
Il est notable qu'au même moment les frères Coen avec No Country for Old Men et Sean Penn avec Into the Wild, aient ressenti le besoin de se confronter de nouveau à l’espace américain. Dans l'œuvre de ces réalisateurs, l’Amérique a toujours tenu une place centrale, même s'il est question de l’ausculter, de la critiquer. Alors que le cinéma américain contemporain évolue dans le repli, ils décident de renouer avec l'ambition de leurs aînés et de questionner l’essence même de leur pays. L’histoire de l’Amérique prend sa source dans la frontière et le "wilderness". Sa mythologie naît de l’avancée dans un territoire inconnu, à conquérir et domestiquer, dans l’idéalisation d’une nature sauvage, pure, d’un Eden. Le cinéma américain classique s’est constamment nourri de cet imaginaire, de ces paysages, de ces espaces à arpenter, avec pour formes archétypales le western et le road movie.
Emile Hirsch
Chris : "Il est indéniable que le fait d'être libre de toute attache a quelque chose d'euphorisant. Pour nous, c'est un peu comme échapper à l'histoire, à l'oppression, aux lois et aux obligations ingrates. La liberté totale. Et c'est toujours vers l'Ouest que ça se passe".
Synopsis
Tout juste diplômé de l'université, Christopher McCandless, 22 ans, est promis à un brillant avenir. Pourtant, tournant le dos à l'existence confortable et sans surprise qui l'attend, le jeune homme décide de prendre la route en laissant tout derrière lui.
Des champs de blé du Dakota aux flots tumultueux du Colorado, en passant par les communautés hippies de Californie, Christopher va rencontrer des personnages hauts en couleur. Chacun, à sa manière, va façonner sa vision de la vie et des autres.
Au bout de son voyage, Christopher atteindra son but ultime en s'aventurant seul dans les étendues sauvages de l'Alaska pour vivre en totale communion avec la nature.
Deux des éléments essentiels du film: l'amour de la nature et le rejet du matérialisme. Il est inutile de s'épancher sur l'aspect amour de la nature, il faut voir les images, sublimes, enivrantes, qui n'a pas envie de prendre à son tour la clé des champs après avoir vu cela ?
En revanche, ce que le synopsis ne révèle pas mais ce que le film développe de manière brillante c'est la déchirure qui fait qu'un être humain prend une décision aussi radicale et le questionnement qui enveloppe la vie de certains, les questions existentielles, qui paraissent de plus en plus incongrues dans nos sociétés modernes et qui pourtant sont essentielles et criantes.
Christopher McCandless a réellement vécu. Son histoire a même inspiré le livre Voyage au bout de la solitude écrit par le journaliste américain Jon Krakauer et sur lequel Sean Penn s'est basé pour réalisé Into The Wild.
Lorsque Sean Penn a découvert le livre dans une librairie, il a eu une réaction immédiate, presque viscérale. Il se souvient avoir été attiré par la photo de couverture, montrant un bus abandonné dans la neige. Il raconte : "Je l’ai lu deux fois avant de m’endormir ! Le lendemain, à mon réveil, j’ai immédiatement cherché à me procurer les droits. Cette histoire était de celles que l’on n’oublie pas, et je la trouvais très cinématographique par ses personnages comme par ses paysages. La découvrir a été un vrai choc."
Dans le livre, Jon Krakauer décrit la personalité complexe du jeune aventurier, à la fois sociable et solitaire. Le livre de Jon Krakauer paru en 1998, s’est immédiatement imposé comme un classique de la littérature américaine, captivant d’innombrables lecteurs. Jon Krakauer explique : "En écrivant ce livre, j’ai pour une grande part cherché à comprendre Chris. Je ne prétends pourtant pas y être parvenu. Chris n’était pas un jeune homme ordinaire. Il était égocentrique, obstiné, impétueux. Mais il avait le coeur pur et refusait les compromis."
Christopher McCandless
Après avoir obtenu son diplôme universitaire en 1990, Christopher McCandless quitte sa famille et sa région pour une gigantesque aventure solitaire. Christopher McCandless sillonne les régions les plus sauvages de l'amérique mais son périple s'achève de manière dramatique. Christopher McCandless meurt de malnutrition en Alaska. Son corps est retrouvé le 6 septembre 1992.
Il aura fallu finalement près de dix ans à Sean Penn pour obtenir les droits. La famille McCandless, toujours accablée par la perte de leur fils, refusait en effet toute idée de film. Le producteur Bill Pohlad raconte : "La famille n’était pas prête à céder bien que beaucoup de cinéastes le leur aient demandé. Mais Sean n’a jamais rompu le contact, et il avait une vraie passion et une ferveur qui ne se sont pas démenties au fil des ans."
Sean Penn se souvient : "Il fallait faire un film de cette histoire, c’est du moins le sentiment que j’éprouvais. J’ai toujours pensé que cela se produirait d’une manière ou d’une autre. Au bout de dix ans, le téléphone a enfin sonné. Les McCandless m’ont appelé, ils me donnaient leur accord..."
Le producteur Art Linson connaît Sean Penn et travaille avec lui depuis ses débuts comme acteur. Il ajoute : "C’était comme si Sean avait réfléchi à ce film pendant dix ans. Le scénario s’est mis à jaillir de lui-même parce qu’il avait le film en lui depuis la lecture du livre."
Sean Penn raconte : "J’ai commencé à écrire, dix ans après avoir lu le livre. Ensuite il a fallu plusieurs relectures pour pouvoir avancer. Pour la version suivante du script, j’ai pris la route à mon tour, sur les pas de Chris ; j’ai rencontré ceux qu’il a connus et cela a enrichi l’histoire d’une façon différence. J’ai aussi commencé à condenser l’histoire pour la ramener à une narration cinématographique."
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Pour incarner au mieux son personnage, Emile Hirsch a perdu près de 20 kilos, sacrifiant ses joues rondes et gagnant une silhouette filiforme. Aucun cascadeur ou doublure n'a été utilisé pour le remplacer lors du film; même pour la scène où il est porté par le courant, celles où il escalade les rochers et celle où il est confronté à un ours.
La montre que porte Emile Hirsch pendant tout le film est celle ayant réellement appartenue à Christopher Johnson McCandless, le personnage qu'il incarne. Elle lui a été donnée comme cadeau.
Lorsqu'à la fin des années 90 il a commencé a s'intéresser à l'histoire de Christopher McCandless, Sean Penn a d'abord envisagé confier le rôle principal à Leonardo DiCaprio.
Christopher McCandless vient de s'installer dans le bus "magique" au milieu de nulle part en Alaska. Il grave sur une planche ce qui suit.
Chris : "2 ans à parcourir le globe. Sans téléphone, sans compagnie, sans animaux, sans cigarettes. La liberté suprême. Un extrémiste. Un voyageur esthète dont le seul domicile est la route. [...] Et maintenant, après 2 années chaotiques, c'est le moment de l'aventure ultime la plus extraordinaire, le combat capital pour tuer l'être factice terré au plus profond et mener à son terme la révolution spirituelle. Pour ne plus se laisser contaminé la civilisation, il fuit, et il marche seul pour revenir à l'état sauvage".
Pour mieux comprendre qui était Chris, Sean Penn s’est beaucoup entretenu avec la famille McCandless, vivant avec eux des moments souvent difficiles et intimes. Carine, la soeur de Chris a partagé avec lui son journal, ses lettres et ses souvenirs, permettant à Sean Penn d’approfondir le portrait de son frère.
Il s’est attaché à retrouver des gens que Chris avait connu au début des années 90. Il a même engagé Wayne Westerberg, avec qui Chris s’était lié d’amitié dans le Dakota du Sud, comme consultant et chauffeur de camion durant le tournage.
Son personnage est joué dans le film par Vince Vaughn.
La Photographie du film est signée par
Eric Gautier qui œuvre depuis près de vingt ans pour le cinéma français. Directeur de la photo, il a travaillé avec quelques figures majeures du cinéma hexagonal. Eric Gautier a également travaillé avec le cinéaste brésilien Walter Salles à l'occasion de Carnets de voyage. Nommé à cinq reprises aux César, il a remporté une fois la statuette. C'était en 1998 pour son travail sur Ceux qui m'aiment prendront le train.
Into The Wild a été intégralement tourné en décors naturels. L'équipe a d'ailleurs effectué plusieurs voyages en Alaska afin de filmer certaines séquences à des saisons différentes.
Dès le départ, Sean Penn a eu une approche instinctive de la structure du scénario. Il a divisé les deux ans du périple de Chris en chapitres, de sa vie à Atlanta à ses derniers jours dans le bus abandonné en Alaska.
Art Linson commente : "Sean a fait bien davantage que recréer visuellement le livre de Krakauer : il a apporté quelque chose de neuf à cette histoire. Ce qui aurait pu n’être que la simple aventure d’un rebelle qui abandonne tout, est devenu grâce à Sean le portrait d’un être humain, une réponse bouleversante à la confusion de la vie."
Dans le film, Christopher descend le Colorado en kayak en étant débutant, c'est très beau mais improbable. Dans le livre de Jon Krakauer Voyage au bout de la solitude, Christopher descend la partie basse du Colorado qui est moins tumultueuse. C'est sans doute moins poétique mais plus réaliste. On apprend également dans le livre que Christopher a sans doute mangé des graines toxiques d'une plante qui n'était pas répertoriée comme tel.
À ce détail près, le film de Sean Penn n'en reste pas moins une très fidèle adaptation de l'œuvre littéraire.
Eddie Vedder, chanteur du groupe Pearl Jam et compositeur de la bande originale du film, a décroché le Golden Globe 2008 de la Meilleure chanson.
Bien sûr un tel film nous met mal à l'aise. En effet être témoin de ce retour à la nature, de cet abandon de tout bien matériel, nous met forcément face à notre propre condition de citadins actifs menés par la carotte pécuniaire et conditionnés par nos sociétés de consommation. On se sent effectivement esclave de notre mode de vie en opposition avec la quête de liberté absolue de Christopher.
Ce miroir opposé est impitoyable : on se voit superficiel, matérialiste et inculte.
Le mal de Christopher, ce qui fait qu'il a pu rompre tous les liens, ce n'est pas un horrible secret, il n'a pas été abusé, violé ou torturé, c'est tout simplement le mal de nombreux enfants qui deviennent des adolescents puis des adultes et ce mal c'est juste de voir ses parents, ici William Hurt et Marcia Gay Harden, se déchirer, se mal aimer, "se désaimer".
Dès lors que l'on a plus d'illusion sur l'amour, la vie, telle qu'elle nous est proposée, est effectivement bien difficile à accepter. On peut alors voler vers autre chose, une autre vie, on peut tenter l'aventure, c'est ce que nous montre Into the Wild, l'aventure fabuleuse et tragique de Christopher.
Sources :
http://www.imdb.com
http://www.telerama.fr
http://www.cinemovies.fr - Emilie Bablée
http://www.evene.fr
http://www.tvclassik.com - Olivier Bitoun
http://www.allocine.fr