Réalisé par Nicholas Ray
Avec Robert Wagner, Jeffrey Hunter, Hope Lange,
Agnes Moorehead, Alan Hale Jr., Alan Baxter, Biff Elliot
John Carradine, Rachel Stephens, Barney Phillips,
Titre original The True Story of Jesse James
Genre Western
Production Américaine
Date de sortie 3 juillet 1957
Nicholas Ray réalise Le Brigand bien-aimé, en 1957. Avant celui-ci et dans les plus fameux, on se souvien de Johnny Guitar, La Fureur de vivre ou encore les Les Amants de la nuit.
Le Brigand bien-aimé, est une deuxième adaptation d’un roman de Nunnally Johnson, après celle réalisé par Henry King en 1939 Le Brigand bien-aimé .
À contrario d’autres westerns classiques, Nicholas Ray n’utilise pas son personnage comme le symbole de la naissance de la nation américaine. le réalisateur s’intéresse principalement à "l’individu" Jesse James. Le contexte historique, la guerre de Sécession et les règlements de compte qui la suivirent n’excusent pas les meurtres du hors-la-loi. Ils sont les éléments d’un parcours individuel semé de doutes et de rêves inassouvis.
Agnes Moorehead et Robert Wagner
Synopsis
Jesse James (Robert Wagner) et sa bande sont poursuivis par les autorités. Jesse et son frère Frank (Jeffrey Hunter) se cachent dans une grotte et se remémorent alors leurs plus grandes aventures.
Robert Wagner
Le Brigand bien-aimé commence avec le hold-up raté de Northfield, où la bande James-Younger fut décimée, à l’exception des deux meneurs, les frères Jesse et Frank. Ce sont d’abord des protagonistes extérieurs aux méfaits de Jesse qui vont narrer son histoire.
Jeffrey Hunter
La mère (Agnes Moorehead), raconte ainsi comment Jesse, entré avec son frère dans le camp sudiste durant la guerre de Sécession, dut subir les représailles des nordistes victorieux.
Puis, sa femme Zee (Hope Lange), toute à sa subjectivité de femme amoureuse, tente de racheter le hors-la-loi en expliquant qu’après l’incendie de sa ferme par des anciens soldats nordistes, Jesse n’avait pas d’autre choix que d’entrer dans l’illégalité pour subvenir aux besoins de sa famille...
Agnes Moorehead
De son enfance dans le Missouri, jusqu’à son mariage avec Zee et ses mémorables braquages de banques ou de trains, la vie du célèbre brigand défile sous les yeux du spectateur jusqu’à ce que les deux frères soient obligés de fuir leur cachette...
"Qui est Jesse James ?", répond l’un des membres du gang Younger (Biff Elliot) au shérif qui lui demande à quoi ressemble le hors-la-loi.
Qui est-il en effet ? La question, posée lors de la scène d’introduction, n’est pas anodine : en fait, elle va constituer le fil rouge du film. Le nom de Jesse James a traversé les frontières de l’État où il sévit ; il suffit de le prononcer pour que toute une ville soit en émoi. Et pourtant, personne ne sait rien de lui, ce qui donne lieu à toutes les spéculations : les journalistes s’interrogent sur ses motivations ; les hommes qui le poursuivent veulent connaître son visage pour pouvoir identifier son cadavre, mais aussi pour donner enfin une réalité au mythe.
Nicholas Ray prend son temps avant de dévoiler les traits de Jesse et donne ainsi toute la mesure de l’hystérie ambiante : le mystère Jesse James fait de lui un personnage presque surhumain, héros dans toute sa splendeur.
La première scène du film est une merveille et justifie à elle seule la découverte du film. Rappelons que Nicholas Ray a pour habitude de signer ses films par l’intermédiaire d’une scène d’introduction explosive. Le Brigand bien-aimé n’échappe donc pas à la règle et, après un premier plan cadrant la rue principale d’une ville du Far West où le calme semble régner, c’est l’explosion : des coups de feu retentissent, un groupe de bandits attaque la banque et n’hésite pas à tirer sur les passants. Les mouvements de caméra deviennent alors rapides, les personnages se précipitent et tandis que le montage s’accélère, tout devient chaos et violence. Une violence d’autant plus brutale qu’elle contraste avec le premier plan empreint de sérénité !
En plus de la première scène d’action époustouflante, Le Brigand bien-aimé laisse place à quelques séquences mémorables mais assez rares. Un des plans les plus saisissants du film réside en une cascade à cheval : après le cambriolage, Frank et Jesse sont poursuivis. Plutôt que se rendre aux autorités, les deux hommes préfèrent se jeter dans une rivière du haut d’une falaise avec leur monture. Nicholas Ray filme la scène et montre les deux chevaux chutant du précipice. L’éternelle empathie du public envers les animaux est alors mise à mal. Nicholas Ray joue de ce sentiment afin de créer un malaise chez le spectateur. Une autre scène mémorable décrit l’attaque d’un train par Jesse James. Dans les suppléments du DVD, Bertrand Tavernier s’intéresse à ce plan étonnant où l’on voit la silhouette de Jesse courir de nuit sur le toit du train tandis que les lumières des wagons nous laissent observer les voyageurs. La séquence se termine par une magnifique contre-plongée sur Jesse James braquant les conducteurs de la locomotive.
Enfin, le dernier plan du film, où la caméra de Nicholas Ray accompagne un chanteur aveugle narrant l’histoire de Jesse James, nous offre un aperçu du film rêvé par Nicholas Ray. Et cette conclusion pleine de lyrisme, associée aux rares mais néanmoins époustouflantes explosions de talent du cinéaste justifient amplement la découverte de ce film.
Dans Le Brigand bien-aimé, Nicholas Ray présente Jesse James comme un personnage faible et tourmenté. Il avait imaginé au départ ce héros comme un adolescent qu'on aurait battu et méprisé. Ainsi, la violence était le seul moyen qu'il avait pour s'exprimer.
Lorsque son frère Frank parle de son frère, le personnage commence à se transformer. Jesse est-il vraiment celui que des femmes aimantes voudraient décrire ? Cet homme solitaire et mystérieux, qui parle peu, sauf pour dire qu’il rêve d’une "vie gentille", et qui ne se dévoile jamais, est-il aussi bon et simple qu’on voudrait nous le faire croire ?
Nicholas Ray joue avec l’ambiguïté du statut de Robin des bois que la légende voudrait prêter au hors-la-loi, en ne montrant jamais quel est le véritable but poursuivi par Jesse : est-ce la gloire ? la richesse ? l’aventure ? l’envie de réparer une injustice ? Pourquoi, lorsqu’il avait atteint la stabilité financière, la reconnaissance de son voisinage, au moment où il est connu comme Mr Howard, sans que jamais personne ne se doute de sa véritable identité, n’a-t-il pas tenté de se ranger, et vivre ainsi "gentiment" ?
Serait-ce parce que son fond était véritablement mauvais ?
Quand Frank demande à son frère ce qu’il aimerait faire de sa vie "après" les hold-up, Jesse répond qu’il n’en sait rien, qu’il n’en a jamais rien su. Et c’est dans cette interrogation éternelle de l’existence humaine que Nicholas Ray saisit le mieux la tristesse de l’être Jesse James. Incapable de contrôler ses pulsions meurtrières et son envie d’aller toujours plus loin, de dépasser ses limites, mais aussi père aimant et homme puritain, il fait décrocher un tableau de Mars et Vénus de Rubens, car la nudité est indécente, Jesse est écartelé, pris dans les filets de la dualité humaine.
Lorsqu’il montre le brutal meurtre de Jesse, à trente-quatre ans, par un ami qui voulait toucher la prime de sa capture, Nicholas Ray ne pleure pas, comme ceux qui viennent contempler le cadavre et lui voler ses effets, sur la mort d’un héros du peuple ; mais sur celle d’un individu, incapable de trouver la voie de son bonheur et d’accomplir le désir de tout être humain : la liberté.
Nicholas Ray voulait au départ construire son film en s'imprégnant de la nostalgie d'un célèbre folk song sur la légende des frères bandits. Il souhaitait également rythmer son récit avec les couplets de cette chanson. Malheureusement les producteurs recherchaient une approche historique du personnage de Jesse James, et provoquèrent ainsi la colère du cinéaste qui n'a pas participé au montage et à la fin du film.
Nicholas Ray, qui doit encore un film au studio, trouve en ce héros un personnage à la fois très proche de son univers et, de surcroît, ancré dans la culture "folk". Rappelons qu’à l’époque où Henry King tournait Le Brigand bien-aimé , Nicholas Ray faisait partie d’un cercle de passionnés de "folk songs" et animait une émission de radio consacrée à cette musique traditionnelle. À ses côtés, on retrouvait fréquemment Josh White, Burl Ives, John et Alan Lomax ou encore Woody Guthrie. Ce dernier fut d’ailleurs l’un des grands interprètes de la célèbre chanson narrant l’histoire de Jessee James. Particulièrement attaché à ce titre et donc au mythe Jesse James.
Nicholas Ray est enthousiasmé par le projet de la Fox. Il accepte donc de prendre les rênes de ce nouveau western et prépare le script en compagnie des Lomax et notamment John qui est l’auteur de quatre versions du titre consacré à Jesse James.
Malheureusement, les ambitions artistiques de Nicholas Ray se heurtent à un mur nommé Buddy Alder. Chargé de la production par la Fox, Buddy Alder calme rapidement les ardeurs artistiques de Nicholas Ray : le studio veut un film historique qui explique point par point les motivations et les actions de Jesse James. Le rêve de Nicholas Ray est donc brisé mais, étrangement, le cinéaste n’abandonne pas le projet. Aujourd’hui, rares sont les témoignages sur le sujet et il est difficile de savoir dans quelles circonstances le cinéaste a renié son film. La légende raconte qu’il n’assura pas les derniers jours de tournage et ne mit jamais les pieds dans la salle de montage. Faut-il pour autant en conclure que Le Brigand bien-aimé est à rayer de la filmographie de Nicholas Ray ? Assurément non, car si certains producteurs réussiront à tuer le style et les thématiques du cinéaste, ce n’est pas encore le cas ici. À cette époque, Nicholas Ray est suffisamment confiant en son art pour tenter d’imposer sa griffe malgré ses déboires avec une production trop frileuse.
Relever les faiblesses du Brigand bien-aimé revient en quelque sorte à cataloguer les choix artistiques imposés par Buddy Alder. La première opposition à laquelle doit faire face Nicholas Ray est liée au casting : pour incarner Jesse James, le réalisateur a l’idée d’offrir le rôle à Elvis Presley. L’icône du Rock'n'roll accepte la proposition, et fort est à parier qu’il devait se réjouir de cette perspective : tourner avec un cinéaste du calibre de Nicholas Ray n’aurait certainement pas manqué de mettre en lumière ses talents de comédien. Jugée saugrenue par Buddy Alder, l’idée est abandonnée et les rôles principaux sont distribués à trois valeurs montantes du studio : Robert Wagner, Jeffrey Hunter et Hope Lange. Si l’entente entre le cinéaste et les comédiens ne fut pas aussi catastrophique qu’on aurait pu le craindre, le résultat reste pourtant insuffisant.
Après s’être vu refuser d’embaucher Elvis Presley, Nicholas Ray doit se plier aux exigences scénaristiques de Buddy Alder. Alors qu’il rêvait d’un récit construit comme une ballade dans l’espace et dans le temps, il souhaitait d’ailleurs intituler le film The Ballad of Jesse James avant que la Fox ne décide que ce serait The True Story of Jesse James ! le cinéaste se voit contraint d’adopter une version revisitée du scénario écrit initialement par Nunnally Johnson pour Henry King et revisité ici par Walter Newman. Buddy Alder souhaitait en particulier qu’on insère des flash-back justifiant chaque action du bandit. Les faits et gestes de James s’inscrivent alors dans une logique rhétorique face à laquelle l’imaginaire du spectateur n’a malheureusement aucune prise.
Paradoxalement, le résultat de cette approche va à l’encontre des ambitions du studio puisque ce personnage, débarrassé de la moindre zone d’ombre, ne paraît au final jamais réaliste. Toutefois, si Jesse James suscite un minimum d’empathie, il ne le doit qu’à la liberté prise par le cinéaste vis-à-vis du matériau dramaturgique et au remarquable travail de caractérisation opéré lors de la mise en scène…
Comme souvent chez Nicholas Ray, le héros adolescent est attiré par la violence. À l’instar de Dixon Steele dans Le Violent, James se laisse aller à des accès de fureur pulsionnels. En décrivant cette fêlure et ses conséquences, Nicholas Ray donne encore une fois naissance à un personnage dont les nuances psychologiques fascinent. À titre d’exemple, Jesse James n’hésite pas à mettre en péril sa bande, et son frère, lorsqu’il abat d’une balle dans le dos le voisin de la maison familiale. Motivée par un désir de vengeance, cette action n’est pas justifiée par l’intérêt du groupe. Son comportement suscite alors l’inquiétude de ses comparses et, par extension, celle du public. Nicholas Ray met également en scène la tension croissante qui oppose Jesse à son frère. Frank voit germer la violence chez Jesse et s’en inquiète lorsqu’il déclare : "Tu as un feu qui couve en toi." Dès lors, les dialogues entre les deux personnages deviennent plus rares et laissent place à une gestuelle chargée d’animosité. La brutalité qui en découle permet à Nicholas Ray de filmer la destruction de l’unité familiale. Une destruction redondante dans sa filmographie et qui laisse encore une fois le personnage principal sortir de sa chrysalide adolescente pour devenir un adulte. Force est donc de constater que malgré l’interprétation mitigée de Robert Wagner et un scénario trop calibré, le personnage de Jesse James s’inscrit avec évidence dans l’œuvre de Nicholas Ray.
Certes, la majorité des "westernophiles" préfèreront la version de Henry King, mais les admirateurs de Nicholas Ray trouveront assurément matière à alimenter leur passion pour ce cinéaste hors du commun !
Jesse James a été l'objet de nombreux westerns dont Badman's Territory de Tim Whelan réalisé en 1946. I Shot Jesse James de Samuel Fuller en 1949. The Long Riders de Walter Hill en 1980. American Outlaws de Les Mayfield en 2001.
Jesse James est l'un des plus célèbres hors-la-loi américain de la seconde moitié du 19 ème siècle. Meneurs du gang James-Younger, son frère Frank et lui-même sont à l'origine de nombreux braquages dans les banques et dans les trains.
Jesse James meurt assassiné à l'âge de 34 ans, trahi par les membres de son gang.
Sources :
http://www.imdb.com
http://www.dvdclassik.com - François-Olivier Lefèvre
http://www.allocine.fr