.
Réalisé par Ettore Scola
Avec Sophia Loren, Marcello Mastroianni,
John Vernon, Françoise Berd, Patrizia Basso,
Tiziano De Persio, Maurizio Di Paolantonio, Antonio Garibaldi
Titre original Una Giornata Particolare
Genre Comédie dramatique
.
Coproduction Italo/Canadienne sortie en 1977
.
César 1978 du Meilleur film étranger
.
Film dur et douloureux,
Une Journée particulière rencontre néanmoins un large succès public.
.
Derrière une évocation rapide du fascisme historique, Ettore Scola décrypte un fascisme bien plus ordinaire, au quotidien, celui d'une discrimination à l'égard des femmes et des homosexuels. Ces deux figures d'acteurs humiliés apparaissent ici à contre-pied de leur notoriété de stars.
.
Ettore Scola le voulut ainsi : un film pédagogique autant qu’émotionnel.
.
.
Synopsis :
.
En pleine période fasciste italienne, nous assistons à la rencontre de deux êtres que tout semble séparer. Le pays en est à sa 16e année de fascisme et vit un tournant avec une fuite en avant : alliance allemande, lois raciales, déclaration de guerre.
Le 8 mai 1938, le Führer rend visite au Duce. Tout Rome en liesse se doit d'assister à la parade. Malgré son admiration pour Mussolini, Antonietta Tiberi (Sophia Loren) est contrainte de rester chez elle pour vaquer aux occupations ménagères. Épouse et mère dévouée, elle attend le retour de son mari, fonctionnaire fasciste, et de ses six enfants partis en chemises noires dès le matin à la manifestation. La concierge écoute la radio qui retransmet avec véhémence l'événement dans la cour de l'immeuble presque désert. À la recherche de son perroquet échappé de sa cage, Antonietta frappe à la porte de son voisin Gabriele (Marcello Mastroianni).
.
.
Sophia Loren et Marcello Mastroianni
.
Ce dernier, speaker de la radio nationale, a été renvoyé en raison de son homosexualité. Perdu, il songe au suicide et désire se confier. Ses propos désabusés et antifascistes choquent Antonietta, puis l'attirent irrésistiblement. Gabriele repousse ses avances. Furieuse et humiliée, elle s'enfuit puis, prise de remords, revient sur ses pas. Submergés par la passion, ils s'étreignent. Éperdue et bouleversée, elle rentre chez elle pour retrouver son mari et ses enfants au retour de la parade. Elle ne semble plus les écouter, le regard rivé à la fenêtre du voisin.
La journée s'achève.
Gabriele boucle sa valise. Deux policiers en civil l'attendent.
Sophia Loren 
.
Le réalisateur a inséré des images d'archives dans ce film. Ce sont des actualités cinématographiques qui représentent Hitler et Mussolini ce qui permet à Ettore Scola d'inscrire le film dans son contexte historique en ne tombant pas dans la reconstitution.
.
Gardienne de l'ordre établi
.
Le décor de la résidence, suffisamment exigu pour que chacun, notamment la concierge, puisse surveiller son vis-à-vis depuis ses fenêtres, contribue à renforcer le sentiment d'oppression totalitaire subi par les personnages. Le film bénéficie d’une couleur amputée au maximum, à la limite du noir et blanc.
L'espace, fermé, met en place les trois unités du théâtre classique
.
L'enfance d'Ettore Scola
Ettore Scola, né en 1931, a grandi sous le régime fasciste de Mussolini.
Ce fameux 8 mai 1938 il a défilé dans les rangs des jeunesses mussoliniennes.
.
.
Mussolini lie son pays à l'Allemagne nazie le 15 octobre 1936 en signant le traité de Berlin ou "Axe Rome Berlin". Le 8 mai 1938, Hitler rend visite à Mussolini à Rome pour renforcer cette alliance, juste après avoir annexé l'Autriche et envahi la Tchécoslovaquie. Le film se déroule lors de ce 8 mai 1938, alors que les fascistes organisent une réception somptueuse pour Hitler et que les Italiens y sont rassemblés en masse. C'est également à partir de ce jour que Mussolini perd progressivement son autorité vis à vis d'Hitler et se fait dominer par lui.
.
Entretien de Ettore Scola
Le thème de Une Journée Particulière pourrait également se situer de nos jours; pourquoi avez-vous choisi de placer votre récit pendant la période fasciste ?
Les raisons sont les suivantes. À l’origine, ce fut ma première idée, j’avais pensé faire un film sur la condition de la femme et de l’homosexuel aujourd’hui, deux conditions qui selon moi ont de nombreux points de contact avec les rapports inter-personnels dans la société. L’idée était donc de faire une histoire moderne de deux solitudes qui se rencontrent; puis j’ai pensé que peut-être l’histoire pouvait être encore plus exemplaire et plus utile si cet isolement, si cette répression, étaient représentés non d’une manière seulement psychologique, subtile, souterraine comme cela se produit aujourd’hui, mais vraiment d’une manière apte à montrer fortement l’aberration de cet isolement.
.
.
Marcello Mastroianni
.
L’aberration peut justement se produire sous une dictature qui a naturellement des instruments de répression plus directs, plus violents, plus immédiats, mais qui selon moi ont la même matrice et ont finalement le même pouvoir que les systêmes de mise à l’écart actuels. Même si nous vivons dans une société démocratique, même si nous vivons dans un cercle restreint "d’intellectuels" qui appartiennent à une classe exquise comme la classe bourgeoise, il arrive toujours un moment où l’individu différent apparaît comme différent et est traité en tant que tel. (...) Ce discours, déplacé dans le temps, situé sous une dictature, devenait, il me semble, plus exemplaire, plus clair pour tous. De plus, de cette manière apparaissait le fait le plus grave à mon avis : au moins en ce domaine, même avec la chute du fascisme, un type de fascisme personnel est demeuré présent dans la société d’aujourd’hui. Ainsi, si je n’avais pas situé l’histoire sous le fascisme, ce fait ne serait pas apparu : il n’y aurait eu qu’une donnée moderne, actuelle, alors qu’au contraire il s’agit d’une attitude de pur fascisme.
J’ai aussi choisi cette époque parce que je conserve une mémoire directe de la journée pendant laquelle se passe le film : je suis allé à la Via dei Fori Imperiali, j’étais le “Fils de la louve”, j’ai défilé devant Hitler. J’avais six ans et demi et je me souviens de tout : la fierté, la joie de ce jour, et aussi le martellement de la propagande qu’il y avait eu. Ce martellement a été présent pendant toutes les années du fascisme, mais ce jour de mai 1938 ce fut vraiment l’apothéose de cette rhétorique, de ce bombardement auquel on ne pouvait pas échapper.
Et de cela est né ce troisième personnage qu’il y a dans le film et qui est la radio. (...)
.
Gabriele (Marcello Mastroianni) n’est pas tant un antifasciste qu’un homme écarté pour ses moeurs sexuelles.
Gabriele aurait été vraiment un Italien moyen comme beaucoup d’autres personnes qui ont adhéré au parti fasciste pour avoir du travail, un emploi public. Il se serait peut-être contenté de penser que le Duce était un peu ridicule dans toutes ses manifestations, il aurait exercé lui aussi ce droit à la plainte, au murmure, mais de toute façon je crois qu’il ne se serait jamais imposé comme antifasciste, et cela soit par éducation, soit par faiblesse. Au contraire, il s’est trouvé dans une situation telle qu’il a été traité comme antifasciste à cause de sa nature particulière.
Dans ce type de société, la femme a une sexualité complètement refoulée, une sexualité qu’elle sublime d’une certaine façon en tombant amoureuse du Duce.
Officiellement, la femme était proclamée "reine du foyer", "reine de la maison"”, "épouse et
mère exemplaire", mais, de fait, pendant toute cette période elle a toujours été tenue éloignée de toutes les décisions de la vie nationale. (..) Le devoir exclusif de la femme était de procréer parce que comme disait Mussolini : "a puissance est nombre."
Celui-ci établissait même des objectifs à atteindre : "Nous devons devenir 40 millions, nous devons devenir 45 millions"
Le sexe était tendu vers la seule procréation et vers l’exaltation continue du "mâle", non seulement au niveau familial mais aussi au niveau national de la virilité italique. (...) La femme vivait donc sa misère sexuelle de manière isolée, chacune dans sa maison, sans contacts avec les autres femmes. Chacune vivait personnellement ce drame intime et elle le sublimait d’une certaine façon avec le Duce. Ce Duce, ce même qui était le premier mâle d’Italie, était un peu l’amant de toutes, un amant officiel, un amant dont on pouvait ne pas avoir honte.
Propos recueillis et traduits de l’italien par Jean A. Gili, Ecran 77
.
L'Italie mussolinienne au cinéma
.
La période de l'Italie mussolinienne alliée à l'Allemagne nazie entre 1936 et 1940 a été assez peu traitée par les cinéastes italiens. À partir des années 70, certains réalisateurs commencent à évoquer ce sujet.
.
Pour visualiser un extrait du film ... Cliquez ICI !
Une journée particulière est notamment connu pour le travail de composition et de contre-emploi de ses deux interprètes principaux.
A l'inverse de son image de latin lover, Marcello Mastroianni interprète un homosexuel, tandis que l'ex-femme fatale Sophia Loren tient le rôle d'une femme au foyer méprisée par sa famille À 43 ans, Sophia Loren n'hésite pas dans ce film à paraître plus que son âge en se vieillissant.
.
Sophia Loren et Marcello Mastroianni
.
La pièce de théâtre
Une adaptation théâtrale du film a été faite par Gigliola Fantoni et Ruggero Maccari.
En France elle a été jouée au Théâtre national de Nice puis au théâtre de la Porte-Saint-Martin à Paris, au Théâtre du Huitième à Lyon.
.
Sources :
http://www.allocine.fr
http://fr.wikipedia.org
http://films.blog.lemonde.fr
http://www.universalis.fr
http://www.commeaucinema.com
http://www.cinemotions.com