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Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d'autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. Jean Luc Godard

L’ Assassin "L’Assassino"

 

Saint Gaudens
 
Les classiques sur grand écran.

 

 

L-Asassin---Affiche.gif

 
Réalisé par Elio Petri


Avec Marcello Mastroianni, Micheline Presle, Cristina Gaioni,

Salvo Randone, Andrea Checchi, Francesco Grandjacquet,


Titre original L’ Assassino

 

Genre Policier, Thriller


Production Franco Italienne

 

Date de sortie 1961

 

 

Grâce aux archives léguées par la veuve d’Elio Petri au Musée National de Turin en 2007, et aux travaux de la Cinémathèque de Bologne, il est désormais possible de ne plus seulement réduire le cinéaste à ses deux œuvres phares du tournant des années 70 : Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon et La Classe ouvrière va au paradis.

 

L-Assassin---Marcello-Mastroianni.gif


Marcello Mastroianni

Attention,

film génial qui réussit à intégrer à une intrigue on ne peut plus classique une multitude complexe de thèmes et d’idées absolument novatrices !

   

Elio Petri avait débuté sa carrière en travaillant pour les jeunesses du Parti Communiste Italien puis comme critique de cinéma politisé. L’Assassin dresse le portrait d’une Italie policière que le cinéaste ménage si peu qu’il fut forcé de procéder à 90 coupes. On lui demanda notamment de bien vouloir faire en sorte que les flics atténuent leur accent sicilien. Dès l’apparition des policiers, il les grime comme chez Kafka en fonctionnaires anonymes et sans réflexions, pourchassant comme des insectes leur proie sans douter un instant de sa culpabilité.

Frédéric Mercier pour dvdclassik.com

 

Le cinéma d'Elio Petri, d'une vigueur contestataire souvent dérangeante, fut l'objet de blocages de la part des producteurs. Selon l'historien du cinéma Jean A. Gili, spécialiste du cinéma italien, Elio Petrii s'impose comme l'un des "analystes les plus lucides et les plus désespérés de la schizophrénie contemporaine."

 

Synopsis

 

Alfredo Martelli (Marcello Mastroianni) est un être infâme, qui a cherché toute sa vie à sortir de sa condition modeste. Antiquaire de métier, il ne rate aucune occasion pour asseoir sa situation économique. Il méprise tous ceux qui lui rappellent d’où il vient. Ainsi il les exploite sans scrupules, les trahit, les vole et se moque de leurs idéaux politiques. Il a fabriqué sa carrière d’antiquaire en dérobant les seuls biens matériels que possédaient ses anciens amis avant de les vendre à des prix extraordinaires à des Américains.

 

De la même façon, il fuit ses origines au point de cacher sa mère tout en mentant à celle-ci sur le métier qu’il exerce. Quand elle vient le voir avant de mourir, il ne la monte pas dans son appartement, mais l’emmène dans un restaurant d'où il épie les allers et venues des badauds qu’il pourrait connaître, puis, sans l’écouter, la fourgue dans un car sans même la regarder.

 

L-Assassin---Micheline-Prese.gifUn beau matin, alors qu’il est en train de soigner sa coupe de cheveux, celui-ci voit débarquer dans son appartement la police, le convoquant au commissariat où on l'accuse du meurtre d'Adalgisa de Matteis (Micheline Presle), sans même lui en expliquer la nature. Celle-ci est une ancienne maîtresse mais aussi associée dans les affaires d'Alfredo Martelli.

 

Une bourgeoise qui s’ennuie dans son mariage, elle entretient des gigolos pour s’amuser avec eux. Fidèle dans ses amours, elle ne les trahit pas mais s’amuse par contre à se rendre elle-même jalouse, à les mettre dans les pas d’autres femmes pour exciter sans cesse son désir et ses passions. Perverse, Adalgisa de Matteis se moque de la idélité auprès de son amant, vante les appétits et les désirs tout en souffrant complaisamment des situations qu’elle invente pour mettre du sel à son existence.


Les policiers farfouillent l'appartement en silence sans quitter des yeux celui qu’ils sont venus arrêter, le suspect étant forcément un assassin.

 

Il est conduit au poste et se retrouve en tête à tête avec le commissaire Palumbo (Salva Randone) officier de police zélé, et qui semble persuadé de sa culpabilité. Afrontement dostoïevskien avec cas de conscience à la clé entre un accusé cynique qui commence à éprouver des scrupules et un commissaire de police zélé, cauteleux et objectif.

 

L-Assassin.gifDurant le long et pénible interrogatoire, Alfredo se remémore certains passages de sa vie où il eut un comportement peu reluisant... Il plonge dans les flashbacks de sa conscience pour tenter de comprendre qui il est, mais surtout dénicher avant les policiers ce qu’ils seraient susceptibles de retrouver avant lui. Les policiers travaillent dans un commissariat labyrinthique. L’établissement, semblable aux coulisses d’un théâtre, est rempli d’alcôves, de cellules, de petites pièces exiguës et cachées, de miroirs sans teint, de portes opaques, de micros dissimulés.


Alfredo Martelli se voit comme un être toujours plus ignoble, traitre à ses origines, voleur de pauvres, menteur, escroc, être superficiel, point culminant,  lors de son passage en cellule.

 

Deux détenus l’assurent que les policiers fouilleront tout son passé pour trouver la moindre preuve de sa culpabilité. Effrayé, il commence à délirer, imaginant en une série de plans, qui se succèdent à la manière d’un documentaire sur une personnalité connue, des connaissances jasant sur lui, révélant le moindre menu larcin depuis sa plus tendre enfance.

 

L-Assassino---Salva-Randone-et-Marcello-Mastroianni.gifAu cours de son interrogatoire, Alfredo Martelli apprend que sa maîtresse, à qui il doit toute sa fortune, a été assassinée la veille au soir, dans sa villa, après qu’il lui ait rendu visite.

 

Le commissaire Palumbo observe Martelli dans un miroir sans teint. Il lui avouera aimer le crépuscule tandis que Martelli dira plutôt apprécier l’aurore. Dans le miroir sans teint, impossible d’ailleurs de savoir si Palumbo regarde sa proie ou s’il s’admire lui-même en tant que policier sans reproches. Aussi soucieux de son image que Martelli, il est le premier à donner des informations sensationnelles, très exagérées, aux médias. Comme Martelli, il joue les faux modestes, minimisant ses exploits pour mieux incarner dans l’opinion publique ce flic exemplaire qu’il rêve d’être. Le policier à son tour ménage son image dans une société où seul le reflet de l’individu semble compter.

 

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Marcello Mastroianni et Micheline Presle

 

Après avoir consacré dix ans à l'écriture, Elio Petri s'est lancé dans la réalisation de L'Assassin, son premier long métrage en 1961. Le réalisateur avait tenté l'expérience quelques années plus tôt, en réalisant deux courts métrages documentaires : Nasce Un Campione en 1954 et I Sette Contadini en 1957.
 
A travers son premier long métrage, Elio Petri a avancé une critique acerbe de l'autorité de son pays dans les années 60. Dans un ouvrage consacré à une série d'entretiens avec des professionnels du cinéma italien, Elio Petri déclare à Jean A. Gili : "L'assassino était un film post-antonionien, sur un personnage aliéné, un film sur l'incommunicabilité. Parallèlement, je cherchai à introduire un discours sur la police et les rapports de type kafkaïen avec l'autorité. En Italie, et partout dans le monde, du moment que vous êtes face à l'autorité, vous êtes coupable."

 

L-Assassin---Marcello-Mastroianni-copie-1.gif

 

L’Assassin, contient ce mélange harmonieux d’éléments très disparates qui allaient faire la singularité du geste de Elio Petri : intrigue kafkaïenne, parabole existentialiste, discours marxiste sans fards, regard acerbe et amusé sur les contradictions d’une société italienne, souvent urbaine, perdue entre tradition et modernité et surtout une mise en scène quasi surréaliste, très vive, aux forts accents "wellesiens". Seulement, L’Assassin, moins lourd et pesant que certains de ses successeurs, se distingue par l’extrême nonchalance que lui apporte Marcello Mastroianni dans le rôle d’un parvenu médiocre qui cherche à tout prix à ne pas fissurer son image de séducteur lisse ni à révéler ses origines sociales modestes.

 

L’Assassin met à l'affiche l'acteur italien de renom Marcello Mastroianni. Elio Petri a renouvelé cette collaboration dans deux autres films : La Dixième victime en 1965 et Todo modo en 1976. Marcello Mastroianni est parfait dans le rôle, il se montre à la fois fragile, apeuré, acculé mais aussi roublard et malicieux.

 

 

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Cristina Gaioni et Marcello Mastroianni

 

L’Assassin est un film sur le pouvoir des images et les contradictions de la transparence. Une comédie cynique et désabusée sur les apparences dans une société où le collectif a fait place aux exacerbations de l’égo.

 

Un faux polar où  Elio Petri va s’amuser à jouer à cache-cache avec ses comédiens dans des décors labyrinthiques de bureaucrates, remplis d’alcôves, de trompe-l’œil et de chausse-trappes. L’idée d'Elio Petri est ainsi de faire se rencontrer un homme qui berne les autres en s’inventant une image avec laquelle il triche et des hommes qui se moquent des apparences et pensent que toute image en cache nécessairement une autre.

 

Deux systèmes paranoïaques s’affrontent donc. Pour filmer cette bataille des regards, Elio Petri devait les faire jouer à cache-cache dans un lieu idéal pour ce type de facéties.

 

L’Assassin est imaginé en compagnie de Tonino Guerra que le réalisateur avait rencontré lorsqu’il était lui-même l’assistant de Giuseppe de Santis sur Hommes et Loups, premier des innombrables scénarios qu’allait écrire le célèbre dramaturge italien. Le scénario de L’Assassin est structuré autour d’une intrigue policière a priori classique bien que passablement kafkaïenne dans son énoncé.

 

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Marcello Mastroianni et Micheline Presle

 

Si bien que L’Assassin est avant tout un film sur ce qu’on cache, ce qu’on cherche à cacher, ce qu’on consent à vouloir montrer et sur les ambiguïtés de la transparence dans une société de plus en plus individualiste et matérialiste.

 

Le compositeur de la musique, Piero Piccioni, signe une bande-originale jazz essentielle et en parafaite adéquation avec l'atmosphère du film noir. La magnifique photographie est signée par  Carlo Di Palma et participe largement à la réussite totale de film trop méconnu.

 

L’Assassin gagne à chaque révision, révélant ses pièges, ses ambiguïtés, comme si le film, était une gigantesque partie de cache-cache avec le spectateur. Le film, comme ses personnages, cherche à se dérober à la première vision.

 

Trop complexe, ambitieux et préférant se terrer derrière une fausse intrigue policière. C’est aussi peut être le choix d’un cinéaste engagé qui avait déjà, dès son premier film, dû subir les foudres de la censure. Ainsi, Elio Petri joue-t-il peut être au chat et à la souris avec les autorités dont il dresse ici un portrait terrifiant.

 

Le film prouve également à quel point Elio Petri avait immédiatement pris à bras le corps la modernité cinématographique, au coté d’Antonioni, et à quel point il doit être reconsidéré après avoir été longtemps boudé et mal compris par un certain pan de la critique française. Pour ceux qui en douteraient encore, L’Assassin, inépuisable exercice ludique en forme de cache-cache avec la caméra sur le pouvoir des images et de la représentation, en est la preuve absolue.

 

 

Sources :

http://www.dvdclassik.com - Frédéric Mercier

https://fr.wikipedia.org

http://www.imdb.com

http://www.allocine.fr

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