Alger, 1935. Un modeste employé, Meursault, enterre sa mère sans manifester le moindre sentiment. Le lendemain, il se lie avec une jeune collègue, Marie, puis reprend sa vie de toujours, monotone, qu'un voisin, Raymond vient perturber. Meursault, comme plongé dans un sentiment d'indifférence, repousse Marie qui lui demande de l'épouser, de même qu'il refuse une promotion dans son travail. Un dimanche, sur une plage, il tue un Arabe, qui semblait harceler Raymond depuis plusieurs jours...
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La genèse de L'Etranger
De son vivant, Albert Camus a toujours refusé de voir porter à l'écran L'Etranger. Après sa mort, sa veuve contacta le producteur Dino De Laurentiis, exigeant de choisir elle-même le scénariste et le réalisateur. Son choix s'arrêta finalement sur Luchino Visconti, après que Mauro Bolognini, Joseph Losey et Richard Brooks furent pressentis pour la mise en scène ; et Marcello Mastroianni qui s'est libéré suite à l'ajournement du tournage de Il viaggio di mastorna de Federico Fellini, incarna Meursault, alors que Jean-Paul Belmondo, puis Alain Delon, avaient été initialement choisis. Mastroianni finança lui-même une partie du film.
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Marcello Mastroianni et Luchino Visconti pendant le tournage
Longtemps impossible à voir pour des questions de droits, cette adaptation d'Albert Camus par Luchino Visconti a été considérée à sa sortie comme un désastre.
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Le scénario originel transposait l'histoire au moment de la guerre d'Algérie. Audace passionnante, malheureusement refusée par la veuve de Camus, Francine.
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"Quand je choisis une oeuvre littéraire précise, expliquera le cinéaste, grand spécialiste des adaptations, de Mann à Lampedusa, c'est pour lui donner une nouvelle dimension, ou plutôt une dimension qu'elle possède implicitement, mais que seul un regard autre peut lui donner."
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Or inscrire l'errance de Meursault dans le contexte de la guerre, c'était - toujours selon Visconti - dévoiler "vraiment ce que Camus signifiait".
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"Le roman de Camus prévoyait ce qui est arrivé, et moi, cette prévision qui est dans le roman, je la réalisais cinématographiquement. Maintenant, le film L'Étranger est l'illustration d'un livre et il n'y a pas une véritable participation de ma part comme dans mes autres films."
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Le jugement est sévère, mais en partie justifié : le film paraît en effet très illustratif, scrupuleux dans son adaptation et dépourvu de la flamme des meilleurs Visconti.
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L'Étranger n'en mérite pas moins une deuxième chance, d'abord parce que Visconti a rarement utilisé la couleur avec une telle virtuosité. On retient des images d'une beauté fulgurante : des paysages brûlés par le soleil, le bleu aveuglant de la mer, et le visage hanté de Mastroianni, que Visconti jugeait trop charnel pour le rôle (il aurait voulu Delon) et qui compose un Meursault certes inattendu, mais finalement assez troublant à force d'opacité, un véritable antihéros.
Extrait de l'article de Florence Colombani - http://www.lepoint.fr
L'accueil fut mitigé en France, tant l'oeuvre semblait intouchable et le projet ambitieux.
La voix off, qui reprend le texte de Camus, se veut gage de fidélité au roman, et suit le parcours d'un Meursault qui vit comme un étranger à la société, comme indifférent au monde qui l'entoure.
Un film devenu rare, à découvrir.
Sources :
http://www.lepoint.fr - Florence Colombani
http://www.allocine.fr
http://www.lumiere2010.org