Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d'autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. Jean Luc Godard
Réalisé par John Ford
Avec John Wayne, Victor McLaglen, Ben Johnson,
Joanne Dru, Harry Carey Jr., John Agar,
Mildred Natwick, George O'Brien
Genre Western, Romance
Titre original She Wore a Yellow Ribbon
Production Américaine - 1949
En 1950, La Charge héroïque a reçu l'Oscar de la
Meilleure photographie, attribué au chef opérateur Winton C. Hoch.
La Charge héroïque est le deuxième volet de la trilogie de la cavalerie de John Ford, qui comprend Le Massacre de Fort Apache, tourné en 1948 et Rio Grande en 1950. Comme leur titre générique l’indique, ces films devaient, pour le cinéaste, glorifier les hauts faits de l’armée américaine, jetée dans les affres des "guerres indiennes" alors que les États-Unis sortaient tout juste du conflit fratricide de la guerre de Sécession entre 1861 et 1865. Les américians entamaient leur pénible conquête de l’Ouest du territoire. Un objectif qui fit rétrospectivement de John Ford le chantre du racisme et de la "réaction" à l’américaine. La Charge héroïque explore pourtant des thématiques bien plus complexes que celles présagées par son incompréhensible titre français.
John Wayne et Ben Johnson
Synopsis
1876. Au lendemain de la défaite subie à Little Big Horn par le général Custer, les tribus indiennes, fortes de leur victoire, se sont regroupées multipliant les accrochages autour des bastions avancés de l'armée fédérale.
Fort Starke abrite ainsi une garnison de cavalerie au bout du monde.
Victor McLaglen, John Agar, George O'Brien et John Wayne
Le capitaine Nathan Cutting Brittles (John Wayne) vient d'y atteindre l'âge de la retraite. Il a perdu sa femme aimée. Il a aussi perdu ses deux filles comme l'indiquent les deux tombes entourant celles de leur mère. Mais une ultime mission l'attend. Il doit escorter jusqu'en lieu sûr madame Aby Allshard (Mildred Natwick), surnommée Old Iron Pants par Brittles, la femme du commandant du fort, femme sensible et attentionnée, et sa nièce Olivia Dandridge (Joanne Dru), afin que toutes deux gagnent une région moins dangereuse. Pour cela, le capitaine Nathan Cutting Brittles est accompagné du Lieutenant Flint Cohill (John Agar) et du Lieutenant Ross Penell (Harry Carey Jr.), ses lieutenants, qui n'ont d'yeux que pour la belle Olivia.
Harry Carey Jr. et Joanne Dru
En choisissant la sécurité des femmes, Nathan Cutting Brittles va perdre sur tous les terrains. Pour ne pas affronter les Indiens, il a voulu faire un long détour, et ceux-ci vont l'attaquer par surprise. Quand il arrive au relais de diligence, il a pris une demi-journée de retard, il a manqué le rendez-vous avec la diligence mais aussi la relève d'un poste avancé. Celui-ci a subit l'assaut des Cheyenne. Il n'y a plus qu'à constater le désastre, enterrer les morts, recueillir deux enfants orphelins et soigner sous un violent orage un soldat blessé.
John Wayne et Mildred Natwick
L'unique solution est de ramener les deux femmes au fort. Le soir à l'écart du camp, le lieutenant Cohill tente de faire la paix avec Olivia : "Un soldat ne doit jamais s'excuser c'est un signe de faiblesse" lui a appris le capitaine. Pourtant il s'excuse et elle pardonne. Ross Pennell, le rival, les surprend, le défie et le contraint à se battre. Nathan Cutting Brittles survient pour les rappeler à l'ordre. Les Indiens sont tout proches et il expédie l'imprudente demoiselle au camp. Seul maintenant avec les deux hommes, il surveille les environs, découvre un surprenant rendez-vous entre le trafiquant d'armes Rynders et un jeune chef indien. Rynders, méprisant, sûr de lui, fait du chantage pour augmenter les prix. Le chef indien excédé mais impassible, lui décoche une flèche en plein cœur. Rynders s'effondre. Ses hommes tentent de fuir mais sont massacrés sous le regard impuissant et écoeurés des trois officiers.
John Agar, Ben Johnson et John Wayne
Le lendemain, Cohill est chargé de constituer une arrière-garde afin de freiner l'arrivée des Indiens. Consciente du danger que court le lieutenant, Olivia lui avoue son amour.
Nathan Cutting Brittles et sa troupe rentrent à Fort-Starke. Nathan reconnaît l'échec de sa dernière mission, mais il a encore le temps d'une dernière tentative. À l'aube, il quitte le fort sans arme et en civil accompagné d'un clairon. Il essaie de négocier une trêve avec "Poney qui marche" (Chief John Big Tree) mais celui-ci n'a plus de pouvoir. Celui-ci reste entre les mains du jeune chef indien qui a ramené les armes, bien décidé à en découdre. Nathan rejoint son camp sur ce nouveau constat d'échec.
Peu avant minuit, alors qu'il est donc encore en fonction, il sonne la charge, celle qui a donné le titre français au film, et lance la cavalerie à travers le campement des indiens. Dans une cavalcade au grand galop, ses troupes tirant en l'air font fuir les chevaux indiens de tous cotés rendant impossible avant longtemps toute riposte cheyenne.
Nathan à l'aube est déjà loin, chevauchant seul vers quelque improbable retraite. Un coursier le rejoint, lui annonce sa promotion au grade de colonel. Un long et majestueux travelling introduit Nathan en habit de poussière qui traverse la salle où une fête a été préparée en son honneur. Il remercie et se retire au cimetière.
À la nuit tombante, il vient parler à sa femme, enterrée au cimetière. Il confie ses inquiétudes à la disparue : que sera sa retraite ? Il arrose les fleurs de la tombe. Une ombre de femme grandit. Il s'agit de la jeune et jolie Olivia, venue offrir des cyclamens pour la défunte.
John Wayne et Joanne Dru
Celle-ci après avoir échangé quelques mots avec Nathan le quitte. Elle laisse un grand vide que Nathan ressent lorsqu'il s'adresse à nouveau à la défunte. "C'est une gentille enfant. Quand je la vois, je pense à toi."
Olivia ouvre le bal avec le lieutenant Cohill.
John Wayne, Joanne Dru et John Agar
Le titre original de La Charge héroïque, She wore a yellow rubbon, fait référence à une célèbre chanson américaine dont le thème est le ruban jaune qui signifiait l'appartenance à la cavalerie de l'armée du pays.
L’émotion primant sur l’action est un credo des films fordiens : le spectateur avide de charges héroïques sera sans doute déçu tant les batailles sont rares et expéditives. Comme le souligne le titre original, She Wore a Yellow Ribbon, référence à une tradition amoureuse de la cavalerie et refrain de la chanson-titre, La Charge héroïque est un film sur l’organisation et les habitudes d’un régiment, sur la vie des soldats qui la composent et même sur les histoires d’amour qui peuvent s’y développer. Ce que John Ford admire, ce n’est ni le goût sanguinaire des guerres, ni le respect de l’autorité; ce qui l’attache à la cavalerie américaine, lui, le fils d’immigré irlandais, c’est la force de la dignité et de l’honneur, le sens de l’amitié et du sacrifice. Sa personnalité conservatrice, ou peut-être, plus justement, traditionaliste, n’est pas synonyme de réactionnaire.
Le titre français du film induit d’autant plus en erreur que John Ford ne cède en aucun cas à l’exaltation de héros sans peur et sans reproche : ce sont des hommes simples et ordinaires qui sont les véritables héros fordiens. L’exemple parfait en est le sergent Quincannon, personnage secondaire interprété par un vieux complice de John Ford, Victor McLaglen, dont le goût pour la bouteille est affectueusement souligné, jusque dans la longue bagarre qui l’oppose aux soldats venus l’arrêter.
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Une scène a priori inutile, mais qui flatte à la fois le sens du burlesque du réalisateur, et ses racines irlandaises... Même le capitaine Brittles, interprété par un John Wayne prématurément vieilli pour cause de retraite de son personnage, est bien loin du valeureux cow-boy qu’on s’imagine incapable de s’émouvoir, comme le fait Brittles au moment de recevoir son cadeau de fin de carrière, ou de discuter longuement sur la tombe de sa femme en y plantant des fleurs.
La scène du cimetière est celle où Ford exprime le mieux tout à la fois la nostalgie de la jeunesse perdue et la transmission des valeurs d'une génération à l'autre, la permanence du dialogue entre les vivants et les mort.
John Ford fut le héraut de cette époque dès les débuts de sa carrière. La Charge héroïque, dont l’histoire se déroule juste après celle du Massacre de Fort Apache, c’est-à-dire après la bataille de Little Big Horn, qui vit la cavalerie américaine défaite par les Indiens, exalte la bravoure de ces soldats chevauchant "à l’avant-poste d’une nation", risquant leur vie au quotidien pour imposer la main-mise sur des territoires encore "sauvages". La notion de sauvagerie opposée à celle de civilisation étant bien évidemment une des constantes du western. John Ford filme également avec une admiration sans bornes les troupeaux de bisons, les beaux paysages de l’Ouest, s’attachant comme toujours à sa marque de fabrique, l’imposant rocher de Monument Valley, mis en valeur par des panoramiques délicats. Dans ce décor grandiose et désertique, le danger rôde toujours : ce sont ces Indiens, la plume enfoncée dans les cheveux, qui guettent en haut d’une colline, filmés de profil ou de dos, se détachant au bord du cadre, au premier plan, et laissant peser une sourde menace sur la cavalerie qui chemine tranquillement dans la plaine ; ou c’est cette fumée qui s’élève au loin, signe que le calme et le silence ne sont qu’apparents...
La complexité de l’univers fordien que le cinéaste a pourtant voulu, paradoxalement, le plus simple possible, s’exprime enfin dans son rapport aux Indiens. Le racisme dont on a longtemps accusé John Ford est d’autant plus injuste que son amitié avec des tribus apaches était connue de tous. Mais à ceux qui reconnaissent que le cinéaste fut, avec Les Cheyennes, réalisé en 1964, l’un des premiers, à faire des Indiens ses héros, il faut rappeler que La Charge héroïque ne fait que respecter les codes d’un genre, qui voulait à l’époque que les Indiens ne soient que des visages anonymes, massacrant à tout va ceux qui avaient le malheur de se trouver sur leur chemin.
Là encore pourtant, John Ford introduit des nuances : d’abord, en rappelant, par l’intermédiaire du seul véritable vilain du film, un trafiquant d’armes, la traîtrise de certains blancs, qui se retournèrent contre leur propre camp par goût du profit. Le cinéaste n’hésite pas non plus à stigmatiser la lâcheté de ceux qui plutôt que d’affronter les Indiens, préférèrent les anéantir en en faisant des alcooliques.
Mais on retiendra surtout de La Charge héroïque ce magnifique face-à-face entre le héros blanc, Nathan Brittles, et le chef indien Poney-that-Walks, où l’un et l’autre sont traités d’égal et égal dans le cadre et discutent en paix comme de vieux amis. Car la création de la nation américaine, selon John Ford, ne pouvait se faire contre les Indiens, mais avec eux.
L’Histoire et la stupidité de la nature humaine, hélas bien éloignée de l’idéal fordien, en ont décidé autrement.
Si La Charge héroïque est sûrement l'un des plus grands westerns de John Ford, il marque également l'une des plus belles collaborations de ce dernier avec John Wayne, l'un de ses comédiens fétiches, ici dans la peau d'un militaire vieillissant. Les deux hommes ont collaboré sur les deux autres volets de la trilogie sur la cavalerie, Le Massacre de Fort Apache et Rio Grande. Mais également sur L'Homme tranquille réalisé en 1932, La Chevauchée fantastique en 1939 et encore L' homme qui tua Liberty Valance en 1962.
Pour La Charge héroïque, John Ford retrouve également son complice Victor MacLaglen, lui aussi à l'affiche de chaque volet de la trilogie sur la cavalerie et d'une petite dizaine d'autres films du cinéaste parmi lesquels L'Homme tranquille ou La Patrouille perdue en 1934.
Sources :
http://www.cineclubdecaen.com
http://www.critikat.com - Ophélie Wiel
http://annyas.com
http://www.allocine.fr