Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d'autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. Jean Luc Godard
Réalisé par Alfred Hitchcock
Avec James Stewart, John Dall, Farley Granger,
Joan Chandler, Cedric Hardwicke, Constance Collier,
Edith Evanson, Douglas Dick, Dick Hogan
Genre Thriller, Drame
Production Américaine
Titre original Rope
Date de sortie 22 février 1950
Lorsque Alfred Hitchcock parle de ce premier film couleur à François Truffaut il déclare : "Je ne sais pas vraiment pourquoi je me suis laissé entraîner dans ce truc de Rope, je ne peux pas appeler cela autrement qu’un truc".
Mais malgré ce sentiment de déception du maître La corde connu un succès public, critique et reste aujourd’hui un modèle pour de nombreux cinéastes. Pour comprendre cet enthousiasme, il faut analyser le fameux plan séquence d’une heure et vingt minutes, observer à quel point l’intrigue est diabolique et mettre en évidence l’audace du grand Alfred Hitchcock lorsqu’il aborde certains thèmes.
John Dall et Farley Granger
Synopsis
Au dernier étage d'un building new-yorkais, un cri est vite étouffé... Deux jeunes gens de la meilleure société, Brandon Shaw (John Dall ) et Phillip Morgan (Farley Granger), viennent d'étrangler avec un bout de corde David Kentley (Dick Hogan), l'un de leurs camarades d'études.
Dick Hogan
Ils ont accompli ce meurtre pour mettre en pratique la dangereuse théorie de leur professeur Rupert Cadell (James Stewart), qui reconnaît aux êtres supérieurs le droit de supprimer un être inférieur de qui la société n'a rien à attendre.
James Stewart
Les deux jeunes criminels ont imaginé de donner ce soir-là une fête à laquelle sont invités les parents et certains amis de David Kentley, ainsi que Rupert Cadell. Mrs. Wilson (Edith Evanson), la femme de chambre n'approuve pas de déplacer le buffet de la table où elle l'avait préparé sur le coffre. Mais cette mise en scène macabre excite Brandon, alors que Phillip cache difficilement sa nervosité.
Edith Evanson et John Dall
Les invités arrivent. D'abord Kenneth Lawrence (Douglas Dick), un condisciple de Brandon et Philipp qui fut autrefois le fiancé de Janet Walker (Joan Chandler) avant qu'elle ne lui préfère David. Il est donc étonné d'être invité en même temps que David et Janet. Celle-ci arrive ensuite et se montre toute aussi surprise de la présence de Kenneth.
Joan Chandler, John Dall, Douglas Dick et Farley Granger
Henry Kentley (Cedric Hardwicke) arrive ensuite accompagné non de sa femme mais Mrs. Atwater (Constance Collier), la soeur de celle-ci, beaucoup plus exubérante. Rupert Cadell arrive ensuite alors que chacun s'étonne du retard puis de l'absence de David... La conversation s'anime et Brandon parvient à faire énoncer par Rupert, une nouvelle fois, sa théorie sur le meurtre. Rupert sent quelque chose de trouble dans l'atmosphère qui règne dans la pièce et il comprend peu à peu que Brandon et Phillip ne sont pas étrangers à l'absence de David. Ayant découvert la vérité, Rupert ne veut pas laisser le crime impuni et il attire l'attention de la police en tirant trois coups de revolver par la fenêtre ouverte.
La Corde est tirée de la pièce de théâtre anglaise Rope's end de Patrick Hamilton, adaptée par Hume Cronyn et scénarisée par Arthur Laurents et elle-même inspirée d'un fait divers authentique : l'assassinat de Bobby Franks par Nathan Leopold Jr. et Richard Loeb à Chicago en 1924.
Dans la société conservatrice américaine d'après-guerre, on ne rigolait pas avec l'homosexualité. Si de nombreux films de l'époque ne faisaient qu'effleurer le sujet, La Corde aborde ce thème nettement plus clairement même si, comme toujours chez Alfred Hitchcock , l'approche est à la fois frontale et détournée. La probable homosexualité entre les trois personnages centraux du film est l'une des clés importantes afin de comprendre de manière effective le déroulement de l'intrigue telle que montée par le cinéaste, qui diffère de la pièce de Patrick Hamilton. Le film n'est pas sorti dans de certains états américains en raison de cette homosexualité implicite des personnages principaux. La censure interdisait à l'époque d'aborder ce sujet au cinéma.
C'est la première pièce de théâtre, filmée comme telle, par Alfred Hitchcock qui a dû attendre d'avoir fondé Transatlantic Pictures avec Sidney Bernstein pour le faire. Il voulait faire un film qui se déroulerait que d'un seul jet, comme une pièce de théâtre.
La légende tendrait à faire croire qu’il n’y eut qu’un plan, mais la longueur de la pellicule n’excédant pas les dix minutes, il a fallu raccorder huit plans pour filmer l’ensemble du métrage. La simulation de plan séquence tient dans des raccords en fondus enchaînés sur le dos des protagonistes. Cette quasi absence de montage est d’une audace rare, mais d’un point de vue dramatique cela n’apporte rien. Alfred Hitchcock l’avoue lorsqu’il dit à François Truffaut : "[…] les mouvements de la caméra et les mouvements des acteurs reconstituaient exactement ma façon de découper, c’est à dire que je maintenais le principe du changement de proportions des images par rapport à l’importance émotionnelle des moments donnés". Ce plan séquence impressionne par le travail qu’il a représenté.
Alfred Hitchcock tourna en technicolor trichrome, le monstre cubique derrière le réalisateur, sur la photo ci-dessus, qui pouvait être déplacée sur un nouveau prototype de chariot travelling mis au point pour le réalisateur par son chef opérateur, Lee Garmes, sur le tournage du Procès Paradine.
Tous les décors, conçus par Howard Bristol et Emile Kuri et construits en studio étaient réalisés de façon à permettre aux acteurs de se déplacer facilement. Les murs étaient prévus pour pouvoir laisser passer la caméra d'une pièce à l'autre. Tous les mouvements de caméra étaient inscrits à même le sol. Les répétitions étaient intenses car la moindre erreur obligeait de reprendre à zéro un plan de plusieurs minutes. Les décors flottants, les câbles qui jonchaient le sol, la gestion de la lumière étaient autant d’obstacles dont Alfred Hitchcock s’est débarrassé avec talent. La caméra devant être constamment en mouvement, la matière de chaque bobine fut répétée en détail par la caméra et les acteurs comme un ballet pouvant être déréglé par la moindre erreur. La pression tourna au cauchemar pour la star, James Stewart à qui Alfred Hitchcock avait infligé le handicap supplémentaire d'une chaussure sans talon pour obtenir une légère boiterie du personnage. Cette impression de long plan séquence est par ailleurs appuyée par les unités de lieu, de temps, d'action et par le faible nombre de personnages. Le film est composé, en tout, de 11 plans alors qu'un film de la même durée en comprend généralement entre 400 et 600 ! Mais ces efforts n’ont pas un grand intérêt pour un réalisateur qui reste avant tout un narrateur.
Le panorama de New York était une maquette trois fois plus grande que le décor lui-même, avec des nuages en laine de verre et six mille petites lumières allumées à la tombée du jour. Les immeubles, les nuages et le coucher de soleil furent réalisés d'après photographies et les bruits extérieurs qui montent jusqu'aux fenêtres de l'appartement furent préenregistrés dans la rue.
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Et si La corde est toujours considérée comme un tour de force, il faut remarquer que cette expérience n’a jamais été renouvelée.
Cependant ce choix technique apporte au film une forme absolument linéaire permettant de mettre en relation théâtre et cinéma à travers l’élégant texte de Patrick Hamilton.
La corde est considéré comme une prouesse technique. Mais cette réputation occulte un scénario et une mise en scène parfaitement ciselés.
Au départ, la cinéaste envisageait de confier le rôle principal du film à Cary Grant, mais celui-ci était sous contrat avec un autre studio. La Corde signe la première collaboration entre Alfred Hitchcock et James Stewart. Les deux hommes se retrouveront par la suite pour Fenêtre sur cour, L'Homme qui en savait trop et Sueurs froides.
Pour le rôle de Brandon Shaw, finalement confié à John Dall, Alfred Hitchcock avait, en premier lieu, pensé à Montgomery Clift.
L'apparition d'Alfred Hitchcock dans le film qui représentait un défi puisque le film se passe dans une pièce unique. Selon Arthur Laurents, Alfred Hitchcock a d'abord pensé accrocher un néon représentant son profil dehors dans la rue. Selon le scénariste, il a trouvé cette idée trop voyante ou l'effet trop " blagueur " et aurait finalement préféré apparaître juste après la fin du générique marchant dans la rue.
On a pourtant du mal à reconnaître la silhouette d'Alfred Hitchcock dans le personnage accompagnant la femme dans la rue.
Le tournage de La Corde s'est déroulé du 12 Janvier au 21 Février 1948. Les répétitions s'étaient, quant à elles, effectuées sur quinze jours.
Sources :
http://www.dvdclassik.com
http://www.cineclubdecaen.com
http://www.lacinemathequedetoulouse.com
http://www.imdb.com
http://www.allocine.fr