Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d'autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. Jean Luc Godard
Réalisé par Radu Mihaileanu
Avec Leïla Bekhti, Hafsia Herzi, Hiam Abbass,
Saleh Bakri, Biyouna, Sabrina Ouazani, Karim Leklou,
Mohamed Majd, Mohamed Tsouli, Omar Azzouzi, Saad Tsouli
Long-métrage français.
Genre Comédie dramatique
La Source des femmes a été présenté
en compétition au Festival de Cannes 2011.
Cette fable réalisée par Radu Mihaileanu lui permet d’entrer en résonances avec de nombreux sujets contemporains qui traversent régulièrement l’actualité et qui secouent le monde Arabe : la place de la femme dans la culture musulmane, leur rapport au corps et à la sexualité, l’interprétation du Coran, la position des imams, le port du voile, la montée des extrémismes, la corruption… Mais sous couvert de licence poétique, le film ne cherche pas à condamner ni à prendre position et ne s’engage jamais sur le terrain de la politique. La source des femmes se satisfait d’un optimisme un peu naïf, musical et coloré.
Synopsis
Du haut d’une colline, la caméra observe un village en contrebas, puis zoome pour s’en approcher. Aucun indicateur de temps ni de lieu mais la présence de téléphones portables suggère que l’histoire se déroule aujourd’hui et la langue parlée permet de penser que nous sommes au Maghreb.
Ce mouvement de caméra nous invite à entrer dans ce petit village, quelque part entre l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Un village qui est celui d’un conte oriental et donc, symbolique. Leila (Leïla Bekhti) est témoin de la chute d'une jeune femme enceinte, en revenant de la source. Cette dernière fait une fausse couche.
Cet événement lui fait réfléchir à la condition des femmes et Leila s'évertuera dès lors de persuader les autres femmes du village que c'est aux hommes qu'incombe la pénible tâche de chercher l'eau à la source dans la montagne.
Leila, jeune mariée, propose aux femmes de faire la grève de l'amour : plus de câlins, plus de sexe tant que les hommes n’apportent pas l’eau au village.
Leila, originaire du désert, est toujours considérée comme étrangère au village. C'est la seule femme qui sait lire. Loubna (Hafsia Herzi), sœur cadette de Sami (Saleh Bakri) est très proche de Leila. Elle est déçue par un amour qui lui échappe, a soif d'un accès à l'éducation et finira par choisir de quitter le village quitte à devenir à son tour, une étrangère.
Rachida (Sabrina Ouazani) n'attend qu'une chose, que la grève se termine. Vieux fusil (Biyouna), femme autoritaire à la voix grave qui n'a pas sa langue dans sa poche et réplique aussi vite que l'on dégaine une arme, seconde Leila depuis le lancement de la grève du sexe et fédère les femmes du village autour de Leila. Seule, Fatima (Hiam Abbass) déteste Leila. On apprendra vers la fin du film qu'elle a été mariée à 13 ans à Hussein (Mohamed Majd), qui n'était pas l'homme qu'elle aimait, et qu'elle a eu son premier fils à 14 ans.
Hiam Abbass
Sami, mari de Leila et instituteur du village, rêve d'un accès à l'éducation pour tous et prône l'entente dans le village entre tous. Hussein, père de Sami et de Loubna, aime aussi bien son fils que Leila, sa belle-fille, dont il admire le courage. Il est conscient du conflit qui habite la communauté villageoise et désire y mettre un terme.
Karim (Karim Leklou), l'ami de Sami lui avouera en pleurant qu'il voulait devenir écrivain mais que son père lui a interdit de poursuivre sa scolarité, tant ses résultats étaient inférieurs à ceux de Sami, le premier de la classe. L'imam (Mohamed Tsouli), découvre qu'il y a plusieurs lectures possibles du Coran.
La Source des femmes est le cinquième long métrage de Radu Mihaileanu.
Après
Un week-end sur deux Réalisé par Nicole Garcia en 1990
Avec Nathalie Baye, Joachim Serreau, Felicie Pasotti Cabarraye,
Film sur lequel Radu Mihaileanu est 1er assistant réalisateur.
Il attend huit ans avant de réaliser Train de vie
Avec Lionel Abelanski, Rufus, Clément Harari
Dans Va, vis et deviens en 2004
Avec Yaël Abecassis, Roschdy Zem, Moshe Agazai
Il cumule les fonctions de réalisateur, scénariste et producteur
Avec Le Concert Réalisé en 2008
Avec Mélanie Laurent, Aleksei Guskov, Dimitry Nazarov,
Radu Mihaileanu a ressemblé plus de 3 millions de Français dans les salles obscures.
Sabrina Ouazani et Biyouna
Radu Mihaileanu revient sur la genèse du film : "Tout a commencé avec un fait divers qui s'est déroulé en Turquie en 2001. Suite à une série d'accidents, les femmes d'un village ont décidé de rompre la fatalité et d'entamer une grève de l'amour tant que les hommes ne raccordaient pas l'eau au village. Au départ, les hommes n'ont pas pris les femmes au sérieux, puis c’est devenu violent. Les femmes ont tenu bon. L'affaire a fini par être réglée par le gouvernement. De manière plus métaphorique, je me suis aussi replongé dans "Lysistrata" d'Aristophane, où une femme déclenche la grève de l'amour pour mettre fin à la guerre, face à l'indifférence des hommes", explique le metteur en scène.
Hafsia Herzi
En tant qu'homme juif et français, Radu Mihaileanu avait quelques réticences par rapport au fait de réaliser La Source des femmes. Il a alors cherché une réalisatrice d'origine arabe, mais n'ayant trouvé personne, il a fini par se laisser convaincre de réaliser le film lui-même.
En ce qui concerne la mise en scène, La Source des femmes est un film très différent de Concert, la précédente réalisation de Radu Mihaileanu : "D'entrée de jeu, je savais que ce film allait me bousculer après l'expérience du Concert dont la mise en scène était ample et se rapprochait d'une production américaine. J'ai donc utilisé une petite caméra, très légère, et j'ai tourné quasiment tout le film à la main", confie le réalisateur.
Leïla Bekhti
La Source des femmes est un savant mélange de rires et de larmes. Selon Radu Mihaileanu, il s'agit d'un "reflet de ma vie, et de la vie en général qui est tout sauf monochrome".
Radu Mihaileanu a écrit le rôle de Leila pour Leïla Bekhti qu'il avait vue dans Mauvaise foi de Roschdy Zem. Durant le tournage, l'actrice l'a marqué "par son talent, sa profondeur humaine, sa volonté, sa force de caractère".
Leïla Bekhti
Radu Mihaileanu est un homme passionné, généreux et honnête, qui s’est posé la question de sa légitimité à mettre en scène une telle histoire. Lui-même juif hongrois, il s’est longuement documenté sur la question religieuse du film, a séjourné dans un village marocain pour s’imprégner des lieux, des coutumes et recueillir la parole de ses habitantes pour en nourrir le scénario
Pour écrire le scénario du film, Radu Mihaileanu et Alain-Michel Blanc ont rencontré des spécialistes du monde arabe. Pour créer certains personnages, ils se sont inspirés des habitantes du village : "Dans la maison où j'habitais, il y avait un couple assez similaire au couple Leila/Sami : lui était guide pour les touristes et avait épousé par amour une femme extérieure au village, qui se faisait souvent appeler "l'étrangère", comme dans le film", raconte le réalisateur.
La Source des femmes a été tourné en décors naturels. Seul le village a subi quelques modifications avec l'aval de ses habitants : "On a apporté quelques touches de couleurs patinées, comme les portails ou les fenêtres, en nous inspirant de la peinture des orientalistes et d'autres villages du monde arabo-musulman", explique Radu Mihaileanu.
Leïla Bekhti et Hafsia Herzi
Radu Mihaileanu évoque une métaphore arabe bien connue, qui est au cœur du film : "Dans certains chants arabes traditionnels, on dit que l'homme doit "arroser" la femme, comme si la femme était une fleur. Ou une terre fertile. Et les femmes demandent aux hommes de ne pas oublier de les arroser – autrement dit, de ne pas les négliger et de continuer à les regarder. Etant donné que l'homme n'apporte pas l'eau au village, il ne peut plus les arroser. La sécheresse qui frappe le village est donc une métaphore du cœur qui se tarit."
Quand on écoute Radu Mihaileanu nous parler de son film, on ne peut, en tout cas, pas remettre en cause l’intégrité de sa démarche et l’intelligence de son propos. Le réalisateur est très disert et communique très facilement son enthousiasme dans un flot verbal exalté et chaleureux, sans chercher à convaincre. Juste en nous faisant comprendre sa vérité, loin de tout manichéisme, une vision définitivement optimiste qui nous fait aimer La source des femmes malgré la légèreté de ses partis pris formels et narratifs.
Bien que les femmes soient les héroïnes du film, Radu Mihaileanu n'avait pas pour intention de stigmatiser la gente masculine : "Ni Alain-Michel ni moi n'aimons écrire des personnages intégralement positifs ou négatifs. On se dit qu'ils sont tous le produit de plusieurs facteurs et qu'ils ont tous une subjectivité qui peut leur donner raison. Même le frère de Sami n'est pas une brute épaisse : on comprend qu'après avoir souffert d'un tel manque d'amour, il était logique qu'il devienne comme ça. Tout comme le fils du Vieux Fusil est devenu islamiste parce qu'il est victime de conditions économiques épouvantables et de la crainte de "perdre la face", incapable d’envoyer de l’argent à la famille", affirme-t-il.
Saleh Bakri et Leïla Bekhti
Radu Mihaileanu nous décrit le casting masculin du film : "J'avais vu Saleh Bakri dans La Visite de la fanfare, où il avait un rôle plus monochrome et linéaire. Mais il a à la fois cette douceur et cette faculté d'indignation propres au personnage de Sami. C'est un être humainement exceptionnel. Une autre rencontre merveilleuse a été celle de Mohamed Majd, qui avait joué dans Le Grand voyage d'Ismael Ferroukhi : c'est un immense acteur marocain, au visage magnifique, qui n'a même pas besoin de parler pour exprimer ses émotions, la caméra l’adore."
Leïla Bekhti et Saleh Bakri
Pour rendre compte de la chaleur et de la sécheresse du pays, Radu Mihaileanu a tourné avec une lumière violente. Il a cherché à capter l'ocre de la terre, de la montagne et des maisons, ainsi que la couleur cuivrée des visages.
C'est Armand Amar qui s'est occupé de la musique du film : "Comme dans Va, vis et deviens, il a marié plusieurs tonalités musicales, du symphonique à des instruments traditionnels, comme l'oud, mélange de force et de nostalgie tragique, le doudouk, qu'il avait déjà utilisé, et le kamanché, violon iranien aux sonorités rugueuses qui me plaisent beaucoup. Il a aussi utilisé deux voix magnifiques de femmes arabes, comme un leitmotiv qui ponctue le film", déclare Radu Mihaileanu. Pour réaliser les séquences musicales, le réalisateur et le compositeur ont assisté à des fêtes, des mariages et des naissances, et ont visionné des documentaires sur ces chants et danses traditionnels.
Biyouna
Sources :
http://www.unifrance.org
http://www.imdb.fr
http://www.versatile-mag.fr - Frédéric Rackay
http://www.allocine.fr
http://www.cinemovies.fr