" … le très puissant château de Saint Marcet
aura certes tenu en respect les convoitises de Foix
et dissuadé tout adversaire mais aura en cela tellement bien réussi
que toute l'histoire, même la plus locale, l'oubliera …"
Philippe de Latour. Revue de Comminges 1975
26 avril 2014.
Un ciel menaçant n'entame en rien mon envie de découvrir ce lieu. Le charme et la beauté du jardin magnifiquement planté et fleuri, augmentent l'envie d'aller plus loin.
Un grand nombre de cyprès s'élancent vers les cieux.
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Des massifs harmonieux se détachent des pelouses et de la végétation luxuriante environnante.
De l'ensemble, se dégage un air de Toscane au beau milieu du Comminges.
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Situé à une petite dizaine de kilomètres de Saint Gaudens, le château est facilement accessible par la route. Mais c'est en marchant que l'on découvre la force majestueuse de Saint Marcet qui impose également une certaine forme de méditation.
Les vestiges et jardins du château-fort de Saint-Marcet sont une propriété privée et habitée.
Jean-Marc Fontan, l'actuel propriétaire des lieux, nous reçoit en toute simplicité. Sa passion devient contagieuse quand il explique avec force détails, tout le travail indispensable pour conserver et restaurer le plus fidèlement possible ces magnifiques vestiges.
Construit vers 1260 à l’initiative des Comtes de Toulouse, et de Comminges et d’Alphonse de Poitiers, frère de Saint Louis, en particulier, celui-ci aura pour but de limiter les prétentions anglaises, le "très puissant château de Saint Marcet", ainsi désigné dans les écrits historiques, ne joua pourtant ce rôle dissuasif que peu temps et fut remplacé dès la fin du XIVème siècle par Aurignac à la tête de la châtellenie.
Au début du XVème siècle, à partir de 1420, le château de Saint Marcet est le théâtre d'un épisode de la vie tragique et romanesque de la comtesse Marguerite de Comminges.
Précédemment mariée à deux reprises, le 14 mai 1378 avec Jean III, comte d'Armagnac et en novembre 1392 avec Jean II d'Armagnac-Pardiac, elle épouse le 16 juillet 1419, le jeune
Mathieu de Foix-Comminges qui n'entend pas partager le pouvoir avec la comtesse âgée de 54 ans, son aînée de 20 ans. La comtesse au tempérament autoritaire aurait fait tuer son second mari en prison. Craignant un sort identique, Mathieu de Foix-Comminges la fera enfermer au château de Saint Marcet.
Il faut attendre l'année 1439, pour qu'une délégation de la noblesse commingeoise, peu favorable à Mathieu de Foix-Comminges demande au roi de France Charles VII de faire libérer leur comtesse. Mathieu refuse et fait secrètement sortir sa femme du château pour une destination inconnue. On apprend plus tard qu'elle a été conduite au château de Saint Julien, puis en Béarn où elle est séquestrée.
Charles VII
ordonne la saisie du comté de Comminges et fait occuper la plupart des châteaux. Maladroitement la garde est confiée au comte d'Armagnac qui en profite pour tenter de récupérer l'intégralité du Comminges. En 1441 la guerre éclate entre les comtés de Foix et d’Armagnac, seulement interrompue par une campagne contre les Anglais en 1442. Après cette campagne, Charles VII ordonne de nouveau la libération de Marguerite le 17 janvier 1443 et Mathieu doit se soumettre le 9 mars suivant. Marguerite de Comminges, enfin libre, meurt peu après à Poitiers non sans avoir, auparavant, légué le Comminges à la Couronne.
Abandonné au XVIème siècle, le château de Saint Marcet fera l’objet dès le XVIIème siècle de démolitions systématiques afin d’extraire la pierre à bâtir. Il subsiste encore aujourd’hui malgré tout, deux donjons ruinés : l’un carré, l’autre triangulaire, ce dernier étant un élément architectural remarquable, les deux reliés par une courtine percée de deux portes et bordée de douves sèches au sud.
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L'importance de notre patrimoine castral médiéval est bien relative : des châteaux, petits ou grands, qui hérissèrent le royaume de France, il ne reste qu'une faible partie. Quelques-uns sont en bon état, la plupart sont très ruinés. Mais leur impact visuel est d'une telle force dans le paysage qu'il peut laisser croire à une réelle permanence de ces édifices. Il n'en est rien. La plupart ont disparu et à la Révolution française, n'en est pas, de loin, la seule responsable. Dès la fin du XVIème et au début du XVIIème siècle, beaucoup de châteaux sont démantelés par Henry IV et par Louis XIII dans le cadre de la recentralisation du pouvoir : les premiers coups ont donc bel et bien été portés par la monarchie. Les seconds le seront par la noblesse : au XVIIéme et XVIIIème siècle des châteaux forts sont déconstruits et reconstruits par leurs propriétaires pour remplacer ces édifices qui n'avaient été conçus que pour la défense, par de nouveaux "châteaux" qui sont en fait désormais des manoirs ou des palais dans la mesure où seule la dimension résidentielle de luxe et de prestige est prise en compte. Cette mode se poursuivra au-delà de la Révolution française, pendant l'Empire et les Restaurations, et même jusqu'à la fin du XIXème siècle avec l'essor d'une bourgeoisie à la recherche d'une façade sociale aristocratique …
Les survivants donc, son peu nombreux, et paradoxalement, c'est le plus souvent l'oubli ou l'indifférence, qui les a protégés et leur a permis de parvenir jusqu'à nous. Ces témoins méritent en conséquence de faire l'objet d'un intérêt d'autant plus accru qu'ils sont rares, et même de plus en plus rares, lentement, les disparitions continuent.
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Il subsiste bien, en effet, quelques châteaux forts en Comminges, et tous présentent soit un intérêt général, soit quelques éléments représentatifs, ou même un ensemble cohérent. Mais c'est seulement à Saint Marcet que tous les éléments constitutifs d'un château fort sont encore en place et dessinent un espace défensif, résidentiel et symbolique. Certes l'ensemble est très ruiné, mais les témoins essentiels subsistent.
Le château de Saint Marcet a en effet conservé sa première enceinte dotée d'une tourelle de guet, son immense basse cour, ses fossés taillés dans le rocher, sa seconde enceinte percée d'archères entourant la haute cour, sa tour porche ouverte à la gorge et dotée d'une loge de guet à l'étage, son donjon, sa citerne à l'intérieur d'une tour triangulaire surmontée d'une guette et contigüe aux vestiges de logis, sa salle de garde, sa chapelle, son four à pin, et mêmes les égouts pluviaux de la haute cour récemment remis en fonction et qui se jettent dans les fossés de défense.
Il faut souligner ce caractère doublement remarquable du château de Saint Marcet qui non seulement fait partie des rares survivants, mais présente un ensemble architectural exceptionnellement complet. Or cet ensemble est le fuit d'une longue liste de péripéties, de constructions, de chutes et de renaissances, qui font de Saint Marcet ce qu'il est aujourd'hui.
Les ruines du château-fort de Saint Marcet achevaient de disparaitre du paysage commingeois à la fin du XXème siècle : utilisées comme carrière pendant presque trois siècles, dangereusement minées par de profonds effondrements, dévorées par la végétation, elles semblaient alors vouées à une destruction totale.
Cette disparition imminente était encore aggravée par un oubli historique regrettable : aucune étude n'avait jamais été consacrée au site. À l'exception de quelques mentions, celle qui fut peut-être la plus grande forteresse des comtes de Comminges n'avait retenu l'attention d'aucun historien. Cela semblait d'autant plus paradoxal qu'au-delà de l'ampleur des fortifications, le site ne manquait ni d'intérêt, ni même d'originalité, qu'il s'agisse de le l'ancienneté de son occupation, de la conjoncture historique qui présida à son développement au XIIIème siècle, ou de son architecture remarquable … L'aventure commencée en 2005 pour tenter de préserver ce haut-lieu, ambitionnait d'une part de sauver les vestiges encore présents, et d'autre part de rassembler un fonds d'informations qui permette de retracer les grandes lignes d'une histoire oubliée.
Réinscrire la château de Saint Marcet dans le paysage et dans l'histoire : l'ambition était forcément démesurée et n'a pu, bien sûr, être que partiellement atteinte …
Les ruines du château occupent tout le sommet du rocher de Saint Marcet dressé à une centaine de mètres au-dessus de la vallée de La Louge, à 460 mètres d'altitude. Les vestiges s'étendent sur un hectare et demi, sur une longueur de 250 mètres. Le site est naturellement protégé au nord par une puissante falaise, à l'ouest par de fortes pentes et la boucle de la rivière. À l'est le rocher a été retaillé pour accentuer la déclivité. Le sud, plus vulnérable, n'est protégé que par la première enceinte, et peut-être par le village, s'il a été lui-même muraillé, comme le laisserait supposer l'inspection de 1627.
Propos tirés de l'ouvrage "Saint Marcet un château oublié"
signé par Jean-Marc Fontan.
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