Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d'autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. Jean Luc Godard
Réalisé par Alexander Mackendrick
Avec Burt Lancaster, Tony Curtis, Susan Harrison,
Martin Milner, Jeff Donnell, Sam Levene, Joe Frisco,
Barbara Nichols, Emile Meyer, Edith Atwater
Titre original Sweet Smell Of Success
Genre Drame
Production Américaine
Date de sortie 1957
Tony Curtis et Burt Lancaster
Y aurait-il des canailles parmi les rédacteurs en chef de la presse people ?
Il semblerait. Rassurez-vous, nous sommes en 1957, et aux Etats-Unis.
Star des tabloïds arrogante contre attaché de presse ambitieux, cynique et dévoyé : match nul, et sanglant, filmé par un réalisateur anglais en colère. Chantages, coups bas, violence : jusqu'où n'irait-on pas pour un scoop, un écho fielleux ?
Dans une atmosphère nocturne de film noir au rythme syncopé, Alexander Mackendrick lance une caméra véhémente contre la société du spectacle, de l'apparence, de l'accessoire.
Tous les futurs grands scandales de la politique et des moeurs se dessinent en filigrane de cette traversée du medialand américain. Burt Lancaster, qui a produit le film, y est prodigieux.
Face à lui, Tony Curtis tient superbement le choc. Une nouvelle fois aux côtés de Burt Lancaster, Tony Curtis rayonne et fait jeu égal avec son partenaire, grâce à une interprétation remarquable qui fera date dans sa filmographie.
Le Grand chantage est le genre d’uppercut émotionnel que Burt Lancaster affectionne tout particulièrement. D’une justesse à toute épreuve, le film dévore ses personnages, qu’il s’agisse du granitique et impressionnant Burt Lancaster ou de la petite frappe arriviste personnifiée par Tony Curtis, rien ni personne n’en ressort indemne. Cynique, arrogant, nihiliste même, décrivant un monde où la fraicheur et l’innocence ne peuvent pas survivre, à moins de s’en échapper. Plus qu’aucun autre film auparavant, Le Grand chantage offre à Tony Curtis ce après quoi il courait sans relâche jusqu’ici, la reconnaissance de son travail d’acteur.
Martin Scorsese dit, à propos de ce film : "Sweet Smell of Success est un film clé, le premier qui ait atteint la brutalité émotionnelle du monde du show business. Le type d’acidité qu’on devine dans les relations de Burt Lancaster et Tony Curtis existe toujours, même si, aujourd’hui, les choses sont un peu plus policées."
Burt Lancaster et Tony Curtis
Le Grand chantage est reconnu aujourd’hui comme l'une des meilleures productions de la "triplette" Lancaster-Hill-Hecht mais fut en son temps un bide commercial. Trop brillant sans doute...
D’après Burt Lancaster, ce film était même le plus grand fiasco que sa société de production ait jamais produit. Néanmoins le comédien l’appréciait beaucoup. Le trio de producteurs décida par la suite de se tourner vers des oeuvres financièrement plus rentables.
Alexander Mackendrick signe là son chef-d’œuvre. Sa carrière a été finalement assez courte : une douzaine de films pas plus, parmi lesquels l’admirable Cyclone à la Jamaïque et quelques classiques de la comédie british comme Tueurs de dames, Whisky Galore ! et L’Homme au complet blanc.
Synopsis
Un grand film sur le milieu du journalisme, ses rouages, son sensationnalisme, les requins qui le peuplent, les gloires qui se font et se défont, les différents styles de corruption... bref, sur l'univers du journalisme tout-puissant. L'œuvre n'a rien perdu de sa force et démontre les relations souterraines inhérentes à ce milieu.
New York.
J.J. Hunsecker (Burt Lancaster) est l'éditorialiste le plus influent du journal Le Globe de New York. Il a décidé d'empêcher sa sœur Susan (Susan Harrison) d'épouser Steve Dallas (Marty Milner), un guitariste de jazz.
Susan Harrison et Burt Lancaster
Pour cela, il demande à Sidney Falco (Tony Curtis), minable agent publicitaire de Broadway et sans scrupules de tout faire pour empêcher cette union. Ce dernier, hait et envie à la fois le tout-puissant éditorialiste. Mais aux abois, Sidney Falco n'hésitera pas à se compromettre pour arriver à ses fins.
Après un premier échec, Falco parvient à ses fins, moyennant chantage...
Tony Curtis
Le scénario d’Ernest Lehmann et de Clifford Odets est admirable. Ce dernier signe des dialogues impitoyables, amers et ironiques sur le monde du spectacle qui sont un régal pour les oreilles, notamment les affrontements verbaux entre Hunsecker et Falco :
" I’d hate to take a bit out of you. You’re a cookie full of arsenic." D’ailleurs, ils sont pour beaucoup dans la réussite du film.
La musique jazzy, quant à elle, est omniprésente et contribue à conférer une atmosphère particulière au film. les morceaux de jazz sont extraits de l'oeuvre de Chico Hamilton, bien connu des amateurs du genre.
Burt Lancaster
Le personnage de JJ Hunsecker joué par Burt Lancaster est inspiré de Walter Winchell. Il fut le chroniqueur mondain le plus craint et le plus influent des années 40 et 50 avant de tomber en disgrâce.
J.J Hunsecker, est un échotier dépourvu de moralité, arrogant et sarcastique, qui se sert de tout le monde, aussi bien les attachés de presse que les artistes ou les hommes politiques. C’est un personnage qui a besoin de détruire pour affirmer sa puissance. L’amour qu’il porte à sa jeune sœur est entaché d’une passion malsaine et quasi-incestueuse qui tourne à l’obsession. Il fera tout pour briser le jeune musicien dont elle est amoureuse.
Face à lui, Sidney Falco est un petit publiciste sans scrupules, hypocrite et cynique, obnubilé par la réussite sociale.
Tony Curtis
Le Grand chantage est un authentique film noir, notamment à travers le personnage de Falco. C’est leur ambition démesurée qui en fait des personnages noirs : ce sont des êtres manipulés mais qui ne s’en rendent pas compte, aveuglés par l’importance qu’ils se donnent. À trop vouloir s’élever au niveau de Hunsecker, Falco, comme Fabian, finira par être passé à tabac par un policier corrompu, sorte de brute épaisse. Quant à Hunsecker, s’il ne perd pas son statut à la fin du film, il sera puni d’une autre façon par sa sœur qui se libérera du joug fraternel.
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Dans le rôle de Falco, Tony Curtis livre sans doute la plus belle composition de sa carrière, avec celle de L’Etrangleur de Boston de Richard Fleischer, loin de ses rôles de séducteurs, comme précédemment dit.
Face à lui, Burt Lancaster casse aussi une image qui lui colle à la peau, celle d’un acteur physique spécialisé dans les films d’aventures et les westerns. Il donne beaucoup de prestance à son personnage.
Tony Curtis
Avant Le Grand Chantage, Burt Lancaster et Tony Curtis s'étaient déjà croisés en 1949 dans Pour toi, j'ai tué. Mais Tony Curtis, alors débutant n'est même pas crédité au générique. Par contre, ils partagent de façon égale l'affiche de Trapeze en 1956. Ils se retrouvent une dernière fois en 1963 dans Le Dernier de la liste où les acteurs principaux, déguisés, sont méconnaissables.
Dix ans après Le Grand Chantage, Tony Curtis retrouvera le réalisateur Alexander Mackendrick dans une comédie californienne, Comment réussir en amour sans faire de vagues.
Il est impossible de parler du Grand chantage sans évoquer la superbe photographie de James Wong Howe, l'un des plus grands chefs opérateurs d’Hollywood, qui crée un univers claustrophobe et nocturne, renforçant le côté noir du film. Les scènes de jour sont assez rares. On a l’impression de se retrouver dans un immense piège à rats dans lequel les protagonistes se débattent tant bien que mal pour exister.
L’essentiel du film se passe dans des lieux clos mais vivants : boîtes de nuits, clubs... On trouve très peu de scènes d’extérieurs, celles-ci étant d’ailleurs tournées en décors réels.
Sources :
http://www.dvdclassik.com
http://www.tvclassik.com - Julien Léonard
http://www.filmforno.com
http://www.lexpress.fr
http://www.cinemovies.fr
http://www.imdb.fr
http://fr.wikipedia.org
http://www.allocine.fr