Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d'autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. Jean Luc Godard
Réalisé par Orson Welles
Avec Anthony Perkins, Jeanne Moreau, Romy Schneider,
Elsa Martinelli, Suzanne Flon, Orson Welles,
Akim Tamiroff, Madeleine Robinson, Arnoldo Foà,
Fernand Ledoux, Michael Lonsdale, Max Buchsbaum,
Max Haufler, Maurice Teynac, Wolfgang Reichmann, Paola Mori
Genre Drame
Titre original The Trial
Production Italien, Allemande, Française
Date de sortie 21 décembre 1962
Orson Welles aurait lui-même déclaré que Le Procès était son meilleur film.
Ce film est tiré de l'un des romans les plus célèbres de l'écrivain tchèque de langue allemande Franz Kafka : Le Procès, écrit en 1914 et publié en 1925, un an après sa mort. On dit que sa logique est celle d'un rêve ou d'un cauchemar.
Même s’ils ne sont séparés que par une seule génération, Frantz Kafka (1883-1924) et Orson Welles (1915-1985) vivent dans des mondes radicalement différents. En effet, si le premier écrit Le Procès en 1914, Orson Welles quant à lui tourne The Trial en 1962 soit près de cinquante ans plus tard. Ainsi, selon l’expression de Gérald Garrutti : "ce demi-siècle frénétique creuse un abîme entre deux-âge : l’âge de la calèche et l’âge du nucléaire".
Après le film Macbeth, Orson Welles ne souhaitait plus tourner aux États-Unis et être dépendant des studios. Il resta quelque temps en Europe, réalisa Mr. Arkadin en 1955, puis revint dans son pays pour tourner un ultime long métrage américain : La Soif du mal en 1958.
Le Procès marque son retour en Europe, le film étant financé grâce à des capitaux français et des aides financières italiennes et allemandes. À noter que deux versions pour Le Procès dont la fin diffère dans les versions française et anglaise. Le Procès est le seul film, avec Citizen Kane, que Orson Welles ait pu maîtriser de sa conception au montage final. C’est également, selon lui, son film le plus personnel, celui qui trouve le plus de résonance avec sa vie intime. "Je voulais peindre un cauchemar très actuel, un film sur la police, la bureaucratie, la puissance totalitaire de l’Appareil, l’oppression de l’individu dans la société moderne."
Anthony Perkins a montré son talent de composition dans Psychose d'Alfred Hitchcock en 1960. Encore auréolé du succès de ce film, il a accepté d'interpréter un autre personnage torturé : celui de Joseph K dans Le Procès deux ans plus tard. Ils se retrouveront sur les plateaux de tournage à trois autres reprises : Paris brûle-t-il ? en 1965, dans lequel Orson Welles incarne le Consul Suédois; Catch 22 de Mike Nichols en 1970; et l'année suivante sous la direction de Claude Chabroldans dans La Décade prodigieuse.
Synopsis
Un petit fonctionnaire, Joseph K (Anthony Perkins), est réveillé et arrêté un matin par deux policiers, qui l’accusent d’un forfait dont il ignore la nature. Il est rapidement submergé de questions et de remarques incongrues. Il finit par comprendre qu’il est inculpé, mais ne sait pas de quoi il est accusé. Il fait remarquer à l’inspecteur qu’il n’a pas pour habitude de s’habiller à 6h15 du matin, et pourtant dans un pantomime comique, s’exécute contre toute attente.
Laissé en liberté le temps de l’instruction de son dossier, il tente de mener une vie normale tout en s’ingéniant à dénoncer en vain, malgré l’aide des femmes qui s’offrent à lui, l’absurdité et l’injustice dont il est victime.
Joseph K est acerbe, fait montre d’une autorité qu’il est incapable d’opposer aux officiels de la police. Et même face à ses collègues il finit par perdre la face en s’inquiétant d’un coup du fait qu’ils pourraient être des mouchards. Lorsque Mme Grubach (Madeleine Robinson), sa logeuse, met à la porte Marika Bürstner (Jeanne Moreau), il est convaincu de s’être fermement opposé à elle, or nous avons été témoins d’une scène où ses propos confus n’ont fait que dénigrer encore plus la danseuse de night-club. Le film est une succession de mensonges envers lui-même dans lesquels K s’enferre. Incapable de prendre à bras-le-corps son procès, il s’enfuit dans une vision romancée du révolté, de celui qui s’oppose au système envers et contre tout. K est un personnage hanté par le ridicule et la honte.
Exhorté par son oncle (Max Haufler) à prendre un avocat, il finit par dénoncer ce dernier et entend défendre seul son cas. Mais sa culpabilité semble d’ores et déjà décidée.
Ce n’est pas l’innocence ou la culpabilité réelle de K, qui reste importante dans le récit ou le film, mais bien sa transformation suite à l’accusation, la culpabilité qu’il ressent quels que soient les actes qu’il a ou n’a pas commis. K explique à Mlle Bürstner que toute sa vie il s’est senti coupable.
Deux hommes se saisissent de lui et le conduisent dans un terrain vague. Son rire désarçonne un instant ses bourreaux, mais il meurt dans une explosion dont l’image finale évoque celle d’une bombe atomique.
Lors de la première audience, devant un parterre de spectateurs, il se donne en spectacle en se moquant de ses juges. Puis il se rend compte que la foule est uniquement composée d’employés du tribunal. Scène effrayante mais scène où Josef K est saisi par le ridicule de la situation dans laquelle il s’est plongé. Anthony Perkins par ses gestuelles, par l’utilisation de son grand corps longiligne qui ne trouve pas sa place dans l’étroitesse des décors, exprime à merveille ces sentiments qui s’emparent de lui. K voit dans son accusation un moyen de se donner une prétendue grandeur, une stature quasiment héroïque.
"Je voulais peindre un cauchemar très actuel, un film sur la police, la bureaucratie, la puissance totalitaire de l’Appareil, l’oppression de l’individu dans la société moderne." déclare le réalisateur. Il trouve dans le roman de Franz Kafka les échos les plus proches de ses angoisses sociales et politiques, mais également la retranscription la plus précise d’un thème qui l’obsède, celui de la culpabilité.
Deux producteurs, les frères Michael Salkind, et Alexander Salkind, avaient une envie absolue de faire tourner Orson Welles et lui proposent de choisir un titre parmi une centaine de romans à adapter , condition sine qua non de leur engagement : que le scénario ne soit pas original. Quand le cinéaste voit que Le Procès fait partie de cette liste, et que les frères Salkind semblent sincères dans leur désir de lui donner carte blanche, il trouve le matériau idéal pour poursuivre son exploration de la culpabilité et de réaliser enfin l’œuvre critique dont il rêve. Les producteurs tiennent leur promesse, et laissent toute latitude à Orson Welles pour mener à bien sa vision du film, si ce n’est un budget limité qui contraindra le réalisateur à tourner dans la gare d’Orsay en lieu et place des décors qui devaient être fabriqués dans des studios de Zagreb. La seule contrainte imposée par les Salkind est que Orson Welles prenne comme compositeur Jean Ledrut, qui serait selon certaines sources l’un des principaux financiers du projet. Les seuls soucis auxquels va donc être confronté Orson Welles, sont de limiter au maximum le poids d’une partition qu’il rejette, et de faire preuve de sa débrouillardise légendaire pour compenser l’impossibilité de tourner en studio. C’est au montage qu’il va résoudre son premier problème. Le second trouve sa solution par la découverte de la gare d’Orsay. Ce lieu de tournage ne va pas se contenter d’être un pis-aller aux vertigineux décors qu’il avait dessiné, mais deviendra le véritable cœur du film, architecture complexe qui va donner corps aux visions du cinéaste. Orson Welles ressent en ces lieux le poids des heures d’attentes des voyageurs, et cette ambiance entre en parfaite résonance avec les espérances déçues des accusés du procès qui voient leurs vies s’échapper à attendre une chimérique ordonnance du tribunal.
Il est étonnant de constater à quel point la fragilité des conditions de tournage, passage des immeubles modernes et tristes de Zagreb aux décors plus anciens de la gare d’Orsay, entrent en résonance avec la vision cinématographique de l’appareil qui s’acharne sur le personnage. Ainsi, cette gare d’Orsay choisie pour lieu de tournage à la dernière minute, mais qui fascina Orson Welles au point qu’il exploita ce bâtiment au maximum, de la cave au grenier, y créant des lieux multiples où satisfaire son envie de filmer.
Joseph K est acerbe, fait montre d’une autorité qu’il est incapable d’opposer aux officiels de la police. Et même face à ses collègues il finit par perdre la face en s’inquiétant d’un coup du fait qu’ils pourraient être des mouchards. Lorsque Mme Grubach (Madeleine Robinson), sa logeuse, met à la porte Marika Bürstner (Jeanne Moreau), il est convaincu de s’être fermement opposé à elle, or nous avons été témoins d’une scène où ses propos confus n’ont fait que dénigrer encore plus la danseuse de night-club. Le film est une succession de mensonges envers lui-même dans lesquels K s’enferre. Incapable de prendre à bras-le-corps son procès, il s’enfuit dans une vision romancée du révolté, de celui qui s’oppose au système envers et contre tout. K est un personnage hanté par le ridicule et la honte.
Si l’ironie et la culpabilité sont au centre du film d' Orson Welles, le réalisateur insuffle également à son adaptation des thèmes directement hérités des drames du XXème, sous forme d’images fugitives, sans faire dériver le récit vers une lecture purement moderne du récit de Franz Kafka : images de l’Holocauste avec ces êtres hagards portant des matricules, images de la tyrannie communiste et de la folie de McCarthy. La première audition de K reprend l’imagerie de la chasse aux sorcières, jusque dans les grésillements du son qui semblent sortir de micros. Mais aussi l'apparition d’un champignon atomique qui clôt la dérive de K et remue en ce début des années 60 des peurs prégnantes pour tous les hommes.
Le contexte de la guerre froide est largement perceptible dans le film d'Orson Welles à travers cette sorte de suspicion paranoïaque policière et judicaire généralisée qui évoque les pays du bloc soviétique. La persistance des dictatures fascistes en Europe, le franquisme en Espagne évoqué dans La dame de Shangaï, le souvenir douloureux du maccarthysme et de sa chasse aux sorcières, présent dans La soif du mal réalisé en 1958, éveillent chez Orson Welles une méfiance vis à vis des démocraties qui tendent à développer les aspects policiers de l’organisation sociale.
L’arrestation de K. y devient typique du harcèlement intrusif pratiqué par un état totalitaire sur l’individu. En témoigne aussi la scène de l’interrogatoire où est évoquée sous l’angle de la caricature la comédie de la justice, qui n’est pas sans rappeler l’affaire Rosenberg, manifestation la plus symbolique de l’esprit paranoïaque de la guerre froide. Dans son dispositif spatial, dans les questions insistantes et saugrenues du président et dans les réactions intempestives et à contre temps de la salle, la justice sous l’œil d'Orson Welles est présentée de façon caricaturale.
Le contexte historique a donc pesé fortement sur la relecture du roman par Orson Welles. En effet, Le procès est sous tendu par les grandes hantises du XXème siècle, celle de l’espace carcéral et concentrationnaire mais aussi celle de l’atomisation nucléaire, qui renvoient à la figure de l’inhumain. La fin est orientée à cause des camps de concentration et à travers le plan d’un nuage atomique révèle que l’aventure individuelle s’est muée en cataclysme universel. Si Orson Welles modifie la fin du procès c’est par conscience de la responsabilité historique potentielle de sa représentation.
Orson Welles était réputé pour être très méticuleux sur les tons que prenaient ses comédiens pour réciter leur texte. En effet, il n'était pas rare que le réalisateur repose sa voix en post-production sur celle des acteurs lorsque la leur ne lui convenait pas. Anthony Perkins déclara plus tard qu'il ne savait absolument pas lesquelles de ses phrases avaient été doublées par le cinéaste tant son imitation était excellente.
À l'origine, ce devait être l'acteur Jackie Gleason qui devait incarner le personnage de l'avocat Albert Hassler, Orson Welles s'étant octroyé le rôle du prêtre. Finalement, l'acteur-réalisateur incarnera lui-même l'avocat, tandis que le prêtre est interprété par Michael Lonsdale.
À son arrivée en France au début des années soixante, Romy Schneider entreprit de casser son image de jeune fille sage. Le personnage de Leni est sa première apparition dans un rôle ambigu après Boccace 70 réalisé en 1961.
Le Procès est le premier film où Orson Welles met en scène Jeanne Moreau. Par la suite, ils tourneront ensemble Falstaff réalisé 1965, et Une histoire immortelle en 1968.
Sources :
http://www.dvdclassik.com
http://www.cinehig.clionautes.org
http://www.critikat.com- Benoît Smith
http://www.cineclubdecaen.com
http://www.evene.fr
http://www.imdb.com
http://www.allocine.fr