Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d'autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. Jean Luc Godard
Réalisé par Douglas Sirk
Avec Jane Wyman, Rock Hudson, Agnes Moorehead,
Barbara Rush, Otto Kruger, Paul Cavanagh,
Sara Shane, Judy Nugent, Helen Klebb
Titre original Magnificent Obsession
Genre Comédie dramatique
Production Américaine
C'est Ross Hunter, le producteur du studio Universal auquel appartient les droits du scénario qui décide de faire un remake du beau mélodrame, Magnificent Obsession signé en 1935 par John Stahl et qui fut un très grand succès populaire. Le film est inspiré d'un roman de Lloyd C. Douglas.
Lloyd Cassel Douglas né en 1877 à Columbia City dans l'Indiana, et décédé à Los Angeles le 13 février 1951 était un pasteur et également un auteur américain des plus populaires de son temps. Dans un premier temps il fut pasteur, marié et père de deux filles. À plus de 50 ans il commença à écrire et prit sa retraite pour se consacrer à l'écriture de romans dès 1933. Son premier roman, Magnificent Obsession, publié en 1929, fut immédiatement un véritable succès adapté au cinéma dès 1935.
A partir de 1953, Douglas Sirk tourne une série de grands mélodrames qui vont marquer la fin de sa carrière. Plusieurs sont des remakes de films de John M. Stahl.
Premier film d’une série de mélodrames flamboyants en Technicolor, Le Secret magnifique est en un sens l’archétype même du genre. Douglas Sirk parsème d’une tristesse insondable et d’un lyrisme visuel unique les extraordinaires événements dramatiques ou mystiques du scénario. À travers cet univers où le malheur et l’amour transforment miraculeusement les êtres, le réalisateur offre à Rock Hudson et Jane Wyman un passeport pour la gloire.
Le film ne comporte qu'un contexte économique abstrait et aucune dimension raciale comme le seront plus tard Écrit sur du vent, La ronde de l'aube ou Mirage de la vie.
"Le Secret magnifique donne un sentiment d'harmonie à la fois plastique et morale."
Jacques Lourcelles
Synopsis
Riche play-boy jouisseur et cynique, Bob Merrick (Rock Hudson), victime d'un accident en hors-bord dû à son imprudence, a été ramené à la vie grâce à un inhalateur emprunté au docteur Wayne Phillips. Bob Merrickl a involontairement causé la mort de ce dernier, terrassé par un malaise cardiaque car privé de son inhalateur qu'il avait toujours avec lui.
Cet accident laisse ainsi une veuve et deux orphelines dont Joyce (Barbara Rush) qui perd son père, au même moment où l’humanité, voit disparaître un grand homme. Wayne Phillips étant à la fois un grand chirurgien et un généreux mécène, que son altruisme entraînait peu à peu jusqu'à la faillite personnelle.
Jane Wyman et Agnes Moorehead
Se sentant coupable, Bob Merrick tente de se racheter en proposant un chèque de 25.000 dollars à Helen (Jane Wyman), la veuve du médecin disparu dont l'hôpital doit faire face à de graves échéances. Mais Helen qui n'éprouve que mépris et ressentiment pour Bob Merrick refuse son offre, avec l’énergie de la colère. Pour elle, cet argent, donné dans le but de rembourser une dette, salit l’idéal philanthropique de son époux.
Ce refus n'empêche pas Bob Merrick de tomber éperdument amoureux d'elle et de la poursuivre de ses assiduités. En tentant de lui échapper la jeune femme est grièvement blessée; elle perd la vue.
Bob Merrick rencontre alors un ami du docteur Phillips, Edward Randolph (Otto Kruger), qui l'initie à l'idéal altruiste sur lequel le médecin disparu avait basé sa vie.
Bob Merrick se fait connaître d'Helen sous le nom de Robinson et devient son intime. Au cours de ses fréquentes visites, son amour ne fait que croître tandis qu'Helen finit à son tour par l'aimer et par se rendre compte de sa véritable identité. Pour l'aider à recouvrer la vue, Bob Merrick dépense sans compter mais, le jour où il lui demande sa main, Helen disparaît. Désormais ardent philanthrope, Merrick reprend ses études de médecine jadis interrompues. Quelques années plus tard, devenu chirurgien réputé, il est appelé au chevet d'Helen mourante. Grâce à son intervention, la jeune femme retrouvera la vue et la santé et, auprès de lui, connaîtra à nouveau le bonheur.
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Douglas Sirk n'a non seulement pas choisi le sujet, mais il ne dispose d'aucune liberté pour modifier le scénario. Le studio veut lancer Rock Hudson avec Jane Wyman qui est alors déjà une star. Le film obtiendra un succès populaire mais personne ne verra à l'époque un auteur chez Douglas Sirk.
Sous les traits d'une histoire naive et un peu facile se cache en réalité un film d'une infinie beauté et chargé d'une intense émotion. Douglas Sirk s'intéresse ici à l'ironie du destin, lorsque celui-ci vous joue des tours, et construit une histoire à la portée universelle. La force du film réside aussi dans les personnages complexes et dissemblables qui vont s'unir dans le bien de l'autre. Débarrassé de tout effet plantif et tire-larme, Douglas Sirk fait passer un message fort et d'autant plus d'actualité aujourd'hui à l'heure où une certaine forme d'autisme habite l'espèce humaine.
Une œuvre universelle traitée de manière inhabituelle et extraordinaire.
Pur cinéaste du regard, de la mise en scène et de l'intensification d'un monde qui devient plus fort que la vie, Douglas Sirk parvient pourtant à s'attacher à cette simple histoire sentimentale qui, grâce à son talent, devient bouleversante.
Le scénario est tiré d'un roman dont le propos reste sulpicien : il faut faire attention aux autres, se dépasser soi-même, lutter pour transcender sa médiocrité et devenir un type formidable.
Douglas Sirk n'introduit pas de second degré. Edward Randolph, qui encourage Bob Merrick dans l'idéal altruiste, c'est Dieu dans les nuages en train d'observer les pauvres humains. Du moins est-ce le sens de la séquence où il domine la salle d'opération, derrière une coupole transparente. La lumière est enfin une espérance, dans ce film où les événements fatidiques sont repoussés à l'aube. Il est là, le fameux secret, expliqué par le maître, l'initiateur Edward Randolph, à partir d'une lampe : agir dans le secret pour faire apparaître la lumière. Une lueur dans l'obscurité, de l'ombre dans la lumière : voici la teneur paradoxale de ce Secret magnifique.
En optant pour ce choix, Douglas Sirk désacralise quelque peu la belle métamorphose de son héros, puisque tous les actes de bonté que ce dernier a commis n’ont pour intention que l’amour terrestre, celui qu’il porte à Helen.
The Magnificent Obsession qu'il propose c'est de faire le bien sans que personne ne le voie, en secret. Et tout le film tourne autour de l'aveuglement. Bob Merrick s'aveugle dans ses artifices de séducteur et Helen ne voit pas la sincérité de son amour. Pour tous les deux, il s'agira d'ouvrir les yeux sur une morale plus vaste que ce qu'elle était auparavant. De même, la fille de Phillips, dans une séquence bouleversante, découvre la sincérité de l'amour qui unit Helen et Bob Merrick.
Pour Philippe Le Guay, Douglas Sirk reprend le même propos que celui de Diderot dans sa Lettre aux aveugles à l'usage de ceux qui voient : c'est dans le spectacle du monde que l'on peut atteindre à la compassion. Les aveugles ne peuvent pas se rendre compte qu'autour d'eux il y a la misère et la faim parce qu'ils n'ont pas la clé sensible du monde. Ceux qui voient peuvent être touchés par ceux qui souffrent.
Douglas Sirk nous rend sensible à la beauté du spectacle du monde par l'intensification du réel. Il rend les couleurs plus vives qu'elles ne le sont avec une obsession du détail comme celui du parasol jaune quand Helen comprend que son mari vient de mourir. Les couleurs nous réconcilient avec le monde, nous donnent envie de faire partie du monde. "Je ne savais pas que le monde pouvait être aussi beau" dit ainsi Helen.
Le Directeur de la photographie n'est personne d'autre que le fameux Russell Metty.
Les couleurs exaltent les personnages, les intérieurs, les émotions subtiles et les sentiments nobles. Douglas Sirk semble guidé par une idée qui fait converger dans un même éclat, dans un même palette de couleurs, le vrai, le beau et le bien. Les apparences ont l'air d'être parfaitement à la mesure des personnages et des situations. C'est peut-être pour ça qu'on dit "mélodrame flamboyant". Il y a, dans Le Secret Magnifique, cette manière unique de charger de secrets les plans les plus transparents, de cacher par beaucoup de lumière ce qui fait vraiment souffrir. Le Technicolor suggère une palette de couleurs large ne saturant jamais et qui au contraire souligne la beauté d'un paysage. Douglas Sirk filme beaucoup en extérieurs. Mais également tous les détails d'un objet ou d'un vêtement porté soit par Rock Hudson ou Jane Wyman. La définition est irréprochable et la compression idéale.
Rock Hudson et Jane Wyman
La beauté du cinéma de Douglas Sirk c'est cet écho entre la plastique et la morale. Sa caméra se rapproche de la vie, de ses grands mirages et de ses petits miracles !
Sources :
http://www.cineclubdecaen.com
http://fenetressurcour.blogspot.fr
http://cinema.jeuxactu.com
http://www.carlottavod.com
http://www.unifrance.org
http://www.imdb.com
http://fr.wikipedia.org
http://www.allocine.fr