Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d'autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. Jean Luc Godard
Réalisé par Jacques Demy
Avec Catherine Deneuve, Françoise Dorléac, George Chakiris,
Jacques Perrin, Michel Piccoli, Jacques Riberolles, Grover Dale,
Danielle Darrieux, Geneviève Thénier, Henri Crémieux,
Gene Kelly, Patrick Jeantet
et Agnès Varda
Genre Comédie musicale, Comédie
Production Française
Date de sortie 8 mars 1967
Les Demoiselles de Rochefort représente en 1967 un aboutissement dans la carrière de Jacques Demy. Réalisateur atypique et scénariste de l’intégralité de ses films, il représente dans les années 60 un auteur dans le sens le plus noble du terme. Né à Pont-Château près de Nantes en 1931, il fait des études de photographie et de cinéma en 1949 dans la rue Vaugirard à Paris.
Les Demoiselles de Rochefort, avec ses chansons et séquences dansées, la présence de Gene Kelly et George Chakiris, est un hommage direct à la comédie musicale américaine.
Françoise Dorléac,
meurt dans un accident de voiture trois mois après la sortie du film.
Les Demoiselles de Rochefort est son avant-dernier film.
Une œuvre qui, sous ses aspects de simple bluette ou d’amourette gentille et un peu fleur bleue, dévoile une richesse insoupçonnée grâce notamment à la lumineuse présence de Françoise Dorléac et Catherine Deneuve.
"Heureusement qu'on a fait ce film là. Jusque là, nous étions complices, on ne se voyait ou fréquentait pas tant que ça. Les Demoiselles nous ont rapproché physiquement. J'ai un souvenir de ce tournage, extraordinaire."
Mais la tragédie rattrape le cours des évènements. "Aujourd'hui ça me demande un effort personnel, mais l'envie que le portrait d'elle existe est plus importante que mes préoccupations personnelles... Il s'agit de la déchirure la plus importante que j'ai éprouvée. Ça a changé mes relations avec les gens, ceux présents... Accepter l'inacceptable. (...) Nous étions comme deux sœurs jumelles, très complémentaires, très différentes. Françoise s'exprimait beaucoup, de façon violente... J'étais plutôt extrêmement discrète, rentrée, introvertie..." dit encore Catherine de sa sœur.
Quel plus bel hommage que celui là ?
Le film a été tourné simultanément en français et en anglais.
Agnès Varda a tourné un documentaire sur le tournage des
Demoiselles de Rochefort et l'empreinte que le film a laissé
sur ses habitants dans Les demoiselles ont eu 25 ans en 1993.
Synopsis
Une caravane commerciale avec camions, chevaux et moto-cyclistes arrive à Rochefort par le pont transbordeur pour participer à la foire de la ville, la Fête de la mer. Les forains installent leurs camions sur la grande Place Carrée de Rochefort.
Au-dessus de la mairie, des jumelles, Solange (Françoise Dorléac) et Delphine Garnier (Catherine Deneuve), donnent un cours de danse à des fillettes. Delphine rêve à son idéal masculin et Solange compose un concerto qu’elle espère présenter à Paris.
Catherine Deneuve et Françoise Dorléac
Yvonne (Danielle Darrieux), leur mère, gère le café de la place Colbert. Elle a renoncé à un grand amour parce que son amant avait un nom ridicule, Simon Dame (Michel Piccoli). Yvonne, qui ne peut quitter son comptoir, demande aux deux jeunes patrons de la caravane, Étienne (George Chakiris) et Bill (Grover Dale), d’aller chercher son jeune fils Boubou (Patrick Jeantet) à la sortie de l’école.
Grover Dale, Danielle Darrieux et George Chakiris
Guillaume Lancien (Jacques Riberolles) expose dans sa galerie un portrait de jeune fille, peint par un jeune militaire, Maxence (Jacques Perrin). L’idéal féminin de Maxence correspond au visage de Delphine.
Jacques Perrin
Celle-ci refuse les avances de Guillaume Lancien qui lui exprime son désir avec un certain cynisme. De son côté, Solange rend visite à Simon Dame, le marchand de musique, à qui elle a commandé du papier pour partitions. Elle lui demande une recommandation auprès de Andy Miller (Gene Kelly), ancien camarade de conservatoire de Simon, devenu un grand pianiste aux États-Unis. Celui-ci est revenu en France pour une tournée. Simon avoue alors à Solange qu’il a autrefois aimé une femme qui a rompu avec lui parce qu’elle trouvait ridicule de s’appeler Madame Dame. Étienne et Bill apprennent que leurs deux partenaires féminines ont décidé de les abandonner. Ils demandent alors à Solange et à Delphine de les remplacer au pied levé et de présenter un numéro lors du spectacle du dimanche. Celles-ci, après un moment d’hésitation dû à leur coquetterie, acceptent de présenter leur chanson "Nous sommes deux sœurs jumelles". Andy Miller arrive alors et croise brièvement Solange, partie chercher Boubou. C’est le coup de foudre immédiat entre eux. Après la grande fête dominicale marquée par le triomphe des jumelles Garnier, Simon Dame retrouve en Yvonne son amour perdu.
Gene Kelly et Françoise Dorléac
Andy Miller et Solange se rencontrent et s’avouent leur amour, en même temps qu’on découvre que Subtil Dutrouz (Henri Crémieux), un paisible retraité client du café d’Yvonne, est l’assassin d’une ancienne danseuse, nommée Lola Lola, qu’il a découpée en morceaux. Sur la route du départ, le camion d’Étienne et Bill, dont Delphine est la passagère pour Paris, s’arrête un instant pour prendre un jeune autostoppeur : le marin, Maxence, qui vient d’être démobilisé. Série de chassés-croisés amoureux qui se conclura de façon heureuse.
Danielle Darrieux est la seule comédienne non doublée pour le chant.
Gene Kelly, ayant un emploi du temps trop chargé pour apprendre des chansons en français, a été doublé par un chanteur anglophone dont l'accent entretenait mieux l'illusion. Des centaines d'auditions ont été nécessaires pour trouver des voix chantées semblables aux voix parlées des comédiens.
Anne Germain, membre des Swingle Singers, prête sa voix à Catherine Deneuve. Elle doublera à nouveau Catherine Deneuve dans Peau d'âne Réalisé en 1970, tout comme Jacques Revaux le fera avec Jacques Perrin. Georges Blaness redoublera quant à lui Michel Piccoli dans Une chambre en ville en 1981. Claude Parent assurera le doublage de Françoise Dorléac. Le chanteur Romuald prête sa voix à Georges Chakiris et José Bartel à Grover Dale.
Lorsque Jacques Demy écrit les premiers jets d'un scénario des Demoiselles de Rochefort, le film s'appelle Boubou, nom du petit frère de Catherine Deneuve et Françoise Dorléac dans le film.
Jacques Demy fait appel à une brochette d’acteurs, pour la plupart débutants ou presque, on retrouve George Chakiris qui était à l’affiche de West Side Story, qui ont pour noms Jacques Perrin et Catherine Deneuve. L’un et l’autre auront des carrières exceptionnelles, soit en tant qu’acteur, soit en tant que producteur. Jeune, impertinente, Catherine Deneuve campe ici un personnage à l’apparente frivolité.
Grover Dale, Françoise Dorléac, Catherine Deneuve et George Chakiris
En fait, comme ses ami(e)s, elle cherche l’amour. Dans de grands ballets chorégraphiés, les personnages expriment leurs désirs et leurs attentes. Dès lors, on sait tout de suite celles et ceux qui aimeront ou rejetteront en bloc ce film. À partir du moment où l’on ne supporte pas les paroles chantées poursuivant la narration des dialogues et décrivant les états d’âmes des personnages, associées à des pas de danse, on risque fort de ne pas aller plus loin que le chapitre deux. À contrario, si chanter la vie, ses déboires amoureux ou ses rencontres fortuites ou déterminantes vous emballent et vous font voyager sur un petit nuage, le film est fait pour vous, car c’est un concentré de trouvailles du genre. A partir de cet instant, le regard des deux jumelles ne peut que vous faire succomber. Célèbre, la chanson éponyme reste dans toutes les mémoires. En fait le "la" est donné dès ce début tonitruant et nous emmène dans une immense parade de couleurs et de sons.
Ce feu d’artifice des sens, Jacques Demy l’illustre grâce à sa caméra virtuose. Un tour de force technique qui met à profit toutes les techniques imaginables : grues, travellings arrière et avant, mouvements de caméra amples en panoramiques. La caméra ne cesse de bouger et Jacques Demy invente des plans osés comme celui montrant la caméra suivre deux danseurs puis monter et aller se faufiler dans la chambre ouverte des deux jumelles répétant devant leur piano, sans aucune coupe. Un peu plus loin, la caméra suit à nouveau Catherine Deneuve marcher sur deux trottoirs, et le plan des retrouvailles entre Gene Kelly et Françoise Dorléac, tourné dans la galerie, servira de clou final. Avec sa modernité, Les Demoiselles de Rochefort utilise à merveille les nuances de la langue et le jeu des mots. Jacques Demy est cultivé et, avec une grande précision, insuffle rythme et poésie à ses dialogues. Ils ne sont pas récités, ils sont joués. Il utilise ainsi la prosodie en vers et les rimes féminines ou masculines, croisées et embrassées, gage de richesse sonore pour retranscrire les différents états par lesquels passent les héroïnes, du bonheur au doute, de la tentation à l‘hésitation, enfin de la tristesse à la joie.
Les mots résonnent et dansent, se percutent, s’entrechoquent, comme les noirs, les croches et les clés d’une partition. On peut certes dater les costumes, les coiffures et certains décors, les devantures de magasin en particulier. Mais du point de vue technique, le film reste intemporel. Par quel sorte de miracle, Les Demoiselles de Rochefort parvient-il à conserver sa jeunesse éternelle ? Sans doute parce qu’il compte une réunion de talents hors du commun : Michel Legrand à la musique, Gene Kelly, en français dans le texte, Michel Piccoli, Catherine Deneuve, Catherine Dorléac, Danielle Darrieux...
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Contrairement aux comédies musicales américaines, le film fut tourné en décors naturels, sur la vraie place de Rochefort, mais Jacques Demy fit repeindre toutes les façades des immeubles et les volets, créant ainsi un univers irréaliste et onirique. Quarante mille mètres carrés de façades ont été repeints à Rochefort pour le film qui a été tourné en grande partie sur la place Colbert ainsi que dans les rues adjacentes. Les lumineuses couleurs pastel, les chansons composées par Michel Legrand, le scénario qui relève du conte de fée, font des Demoiselles de Rochefort une oeuvre euphorisante et un hymne à la joie de vivre ...
Depuis 1994, la place située juste devant la gare de Rochefort a été renommée place Françoise-Dorléac.
Sources :
http://www.dvdclassik.com
http://www.enfants-de-cinema.com
http://www.allocine.fr
http://fr.wikipedia.org