Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d'autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. Jean Luc Godard
Date de reprise 5 septembre 2012
Réalisé par Otto Preminger
Avec Dana Andrews, Gene Tierney, Gary Merrill,
Bert Freed, Tom Tully, Karl Malden,
Ruth Donnelly, Craig Stevens
Titre original Where the Sidewalk Ends
Genre Policier, Drame
Production Américaine
Date de sortie 22 août 1951
En 1950, après trois réalisations pour le compte de la 20th Century Fox, Otto Preminger réalise son dernier film noir pour le studio avec Where the sidewalk ends. Le scénario, adapté d’un roman de William L. Stuart Night Cry est signé par un mystérieux Rex Connor. Derrière ce pseudo se cache Ben Hecht, l’un des plus talentueux et plus prolifiques scénaristes de la cité des anges. Ben Hecht signe ici un de ses meilleurs scripts, un travail d’orfèvre à la fois riche et maîtrisé. Ce résultat, qu’il doit en partie à sa collaboration avec Otto Preminger et au roman de William L.Stuart, plonge le spectateur dans la complexité de l’esprit de Dixon.
Dans l'analyse de Mark Dixon détective, on peut lire : "le talent de Preminger est trop grand pour être restreint à (…) des codes prédéfinis". Ou plus exactement trop personnel et entier, car il en est d'autres non moins réputés qui sauront se plier à cet exercice ingrat sans trop d'états d'âme
Otto Preminger, également producteur du métrage, s’entoure des meilleurs techniciens, parmi lesquels le célèbre directeur photo Joseph LaShelle.
Enfin, la distribution n’est pas en reste puisque l’on retrouve au générique, six ans après Laura, le couple mythique Gene Tierney/Dana Andrews
Synopsis
Mark Dixon (Dana Andrews) est détective à New York du 22e district.
À la prochaine erreur, il sera définitivement déclassé par sa hiérarchie new-yorkaise. Ses supérieurs lui reprochent en effet ses méthodes personnelles, en particulier les bagarres avec les truands que le détective côtoie au fil des ses enquêtes.
Dana Andrews
Mark Dixon est un flic, un flic violent, mais au-delà de ce constat trop simpliste, il est également un personnage en proie au doute : fils de truand, il est d’avantage flic par esprit de contradiction avec le modèle paternel que par véritable conviction. S’il est flic, c’est pour faire la peau à tous les gangsters et, de façon plus inconsciente, pour régler son compte à un père qui, on le devine, a fait souffrir son entourage.
Mark Dixon est entièrement tourné vers cet objectif et rien ne pourra le retenir.
Réputé pour sa brutalité envers les criminels, il vient d'être rétrogradé par son chef pour brutalité envers un prévenu.
Les malfrats connaissent tous le lourd héritage laissé par le père de Dixon, un parrain notoire de la pègre et n’hésitent jamais à le lui rappeler, surtout un certain Tommy Scalise (Gary Merrill).
Dana Andrews et Gary Merrill
Ce truand gère des tripots clandestins. Au cours d’une partie illégale, un de ses hommes de main Ken Payne (Craig Stevens) tue Morrisson, un joueur trop chanceux. En fait, un riche éleveur Texan, poignardé, après avoir gagné 19 000 $. Ken Payne, en compagnie de sa femme Morgan (Gene Tierney), avait attiré la victime dans la salle de jeu clandestine.
Arrivée trop tard sur les lieux, la police ne dispose d’aucun élément.
Mais en brusquant un peu le principal suspect, Ken Payne, Mark Dixon le tue accidentellement...
Gene Tierney
Il endosse dès lors le rôle du tricheur qu’il a toujours condamné. En quittant le droit chemin, la filiation paternelle se fait plus forte et le mêle à un univers sordide. Ici le titre original du film prend toute sa valeur : Where the sidewalk ends, autrement dit les caniveaux, lieux de circulation des détritus, des rats, bref une allégorie du monde de la pègre.
Le détective fait disparaître le corps dans la baie du port.
Un concours de circonstances fait que c'est Jiggs Taylor (Tom Tully), chauffeur de taxi et père de Morgan, la femme de Payne, qui est suspecté du meurtre.
Tom Tully et Dana Andrews
Le flic devient hors-la-loi et doit se sortir du piège qu’il a lui même mis en place. Mais Mark Dixon reste obsédé par son complexe oedipien. La lutte qu’il livre contre l’image paternelle est trop présente dans son histoire pour s’en défaire. Chaque truand le renvoie à son père et après le meurtre de Ken Payne, l’empreinte paternelle prend le dessus. Dans un premier temps, il joue le jeu et laisse ses confrères se faire abuser par des preuves matérielles trop évidentes.
En dernier recours, il sera pourtant prêt à risquer sa vie pour sauver son honneur et mourir en policier quitte à renoncer à l’amour.
Dana Andrews et Gene Tierney
Moins célèbre que Laura, ce film noir, compte pourtant parmi les chefs-d’œuvre d’Otto Preminger. Mark Dixon, détective appartient à sa série de thrillers psychologiques, remarquable par sa cohérence et sa densité romanesque. Dans Mark Dixon, détective, l’accent est mis sur la névrose masculine, le dilemme moral du héros et sa dépendance à la violence. Where the Sidewalk Ends, désigne la fine frontière qui sépare le bien du mal.
Alors que Otto Preminger est essentiellement réputé pour ses portraits féminins et son talent de directeur d’actrices, le cinéaste offre ici à Dana Andrews, acteur au jeu inquiet et tendu, un rôle complexe où il peut exprimer sa personnalité tourmentée et somnambulique.
De manière générale Where the Sidewalk Ends ne cède jamais à la sophistication . C’est une histoire très directe, qui échappe largement aux sortilèges du film noir pour retrouver la narration plus franche d’un polar. La mise en scène est extrêmement dynamique, la caméra se trouvant sans cesse en mouvement pour faire corps avec les personnages. La tension propre à l’action tient ainsi en haleine le spectateur, livré de manière immédiate aux aventures des personnages. Ces derniers sont véritablement extraits de leur cadre urbain, l’atmosphère de ce dernier étant gommé pour souligner davantage l’intensité de l’action. Bien entendu la caméra sait aussi s’apaiser par instants pour scruter dans des gros plans fixes les combats intérieurs des personnages, particulièrement celui de Mark Dixon.
Otto Preminger avait déjà dirigé Gene Tierney dans Tempête à Washington en 1962 et bien avant dans Le Mysterieux Docteur Korvo en 1949.
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Quant à Dana Andrews, il avait déjà tourné sous la direction du cinéaste d'origine viennoise dans Crime passionnel, Femme ou maitresse, et on le reverra en 1965 dans Première victoire.
Sources :
http://www.dvdclassik.com
http://www.lesinrocks.com
http://www.objectif-cinema.com
http://www.imdb.com
http://www.purjus.net
http://www.allocine.fr