Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d'autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. Jean Luc Godard
Réalisé par Pedro Almodóvar
Avec Assumpta Serna, Antonio Banderas, Nacho Martínez,
Eva Cobo, Julieta Serrano, Chus Lampreave, Carmen Maura,
Eusebio Poncela, Bibiana Fernández, Luis Ciges
Genre Drame, Thriller
Poduction Espagnole 1986
Cinéaste de l’amour au féminin, Pedro Almodóvar dessine dans Matador cinq figures de femmes
Une femme charnelle et sanguinaire (Assumpta Serna)
qui mourra dans les bras de l’homme qu’elle pourrait être.
Une mère religieuse (Julieta Serrano)
capable de briser son propre fils.
Une femme généreuse (Carmen Maura)
et maternelle bienveillante.
Une jeune femme épanouie (Eva Cobo
aux formes parfaites.
Une mère issue du peuple (Chus Lampreave), qui aime assez sa fille et la féminité pour être un modèle de force et d’assurance.
Le jeune Ángel (Antonio Banderas) est le héros en formation, et en jogging moulant, du film. Chaque contact avec ces femmes le construit peu à peu. Toutes parlent avec une diction frénétique particulière qui les fait chanter même lorsqu’elles injurient.
Antonio Banderas a été salué par la profession
lors de la remise des Goya 1987.
Goya du Meilleur second rôle masculin pour sa prestation dans Matador.
Antonio Banderas
Synopsis
Une avocate. Maria Cardenal (Assumpta Serna) exécute ses amants d'un coup d'épingle à cheveux dans la nuque au moment de l'orgasme, simulant ainsi le rituel de la tauromachie.
Ángel Gimenez (Antonio Banderas) est un jeune homme fragile, perturbé par une mère possessive et bigote, membre de l'Opus Deï.
Il suit les cours de Diego Montes (Nacho Martínez), ancien matador qui, blessé dans l'arène, a décidé de se consacrer à la formation des jeunes toreros. Ángel lui voue une admiration sans limite. Il va même jusqu'à vouloir connaître ses secrets pour aborder les filles.
Nacho Martínez
De retour chez lui, Ángel met en pratique les conseils de son maître. Il tente de violer Eva (Eva Cobo), sa voisine, qui n'est autre que l'amie de Diego. Cependant, son impuissance l'en empêche et il s'évanouit à la vue de l'égratignure que la jeune femme s'est faite en tombant.
Angel se dénonce à la police mais la"victime" ne porte pas plainte; aussi s'accuse-t-il du meurtre de deux filles portées disparues. Diego voit Maria à la télévision et commence à la suivre. Ils se parlent pour la première fois dans les toilettes d'un cinéma. Diego invite Maria chez lui, elle veut le tuer mais il l'en empêche et comprend alors qu'il a enfin trouvé quelqu'un qui lui ressemble.
Maria Cardenal accepte d'assurer la défense du jeune homme, persuadée que le véritable coupable n'est autre que Diego Montes. Frustré de mises à mort de taureaux, il est désormais tueur de femmes et exécute ses maîtresses comme elle ses amants.
Les indices s'accumulent contre l'infortuné Angel. Mais le commissaire (Eusebio Poncela) est convaincu de son innocence.
En cette veille d'éclipse solaire, quelque chose de tragique se prépare.
Julia (Carmen Maura), la psychiatre qui s'est penchée sur le cas d'Angel, signale à l'inspecteur de police que celui-ci entre dans une phase de transe hypnotique. En effet son hypersensibilité lui permet d'entendre et de voir tous les meurtres qui sont commis dans la ville. La tension devient insupportable pour Angel qui conduit finalement la police à l'endroit où sont enterrées deux de ses prétendues victimes. Le commissaire réalise qu'Angel ne peut être le responsable des crimes, car il ne supporte pas la vue de la moindre goutte de sang.
Antonio Banderas et Eusebio Poncela
Quand Maria Cardenal voit les deux cadavres, elle comprend que Diego tue encore, qu'il est toujours un matador.
Ils savent désormais qu'ils sont faits l'un pour l'autre. Eva découvre la vérité en surprenant une conversation entre Diego et Maria, désormais amants.
Diego rompt ses fiancailles avec Eva, qui part le dénoncer à la police.
Eva Cobo
Mais il est trop tard. Une éclipse se prépare dans le ciel. Deux astres s'apprêtent à s'unir.
Au moment même de l'éclipse lorsque les policiers en compagnie d'Angel et Eva parviennent à destination, deux coups de feu retentissent. Maria et Diego se sont donnés la mort et ont ainsi atteint l'extase après avoir fait l'amour passionnément.
Assumpta Serna et Nacho Martínez
Leurs corps sont enlacés, inertes, dans le salon de cette maison où ils se sont aimés une dernière fois. Le commissaire s'arrête respectueusement sur le seuil de la porte, subjugué par la beauté de ces deux corps nus, enlacés et ensanglantés. Le film baigne dans un esthétisme appuyé, éclatant et de bout en bout empreint de culture tauromachique.
Le film commence sur des images de Six femmes pour l'assassin Réalisé en 1964 par Mario Bava et de La lune de sang Réalisé en 1981 par Jesus Franco que regarde Diego Montes, le matador blessé, pour se masturber douloureusement dans la première séquence du film et qui lient déjà la mort avec une sexualité sans plaisir. Ces éléments trouveront leur apothéose tragique et macabre avec l'ultime mise en scène des rapports sexuels du matador et de l'avocate Maria Cardenal aboutissant à leur double suicide. Ainsi l'avait voulu Almodovar :
"Matador est mon film le plus abstrait, bien qu’il parle de quelque chose de très concret, le plaisir sexuel et la mort. C’est mon film le plus éloigné du naturalisme et de la réalité objective. J’ai essayé de faire de ce film une sorte de fable dont les personnages principaux étaient plutôt des héros qui ne trouvent leur place que dans une légende parce qu’ils représentent ce qu’on ne peut arriver à faire dans la vie. Il était impossible pour moi d’avoir la prétention que le spectateur s’identifie avec deux purs assassins. Ce que je voulais c’est que le spectateur puisse s’identifier avec la sensibilité, la mentalité de ces assassins, avec l’idée de la mort qu’incarnent ces héros, pas avec leur réalité. Il est difficile de parler de Matador car c’est de ce que représentent ces personnages et non de ce qu’ils sont vraiment qu’il faut parler. Pour moi, c’est aussi mon film le plus romantique et le plus désespéré. Il y a de toute façon de très nombreux éléments dans ce film, en plus de l’histoire d’amour. Les taureaux, par exemple, un des éléments les plus spécifiques, les plus représentatifs et probablement les plus sacrés de ma culture. Les Espagnols respectent davantage le monde de la tauromachie que celui de la religion et, si on leur avait laissé le choix, ils n’auraient sans doute pas sanctifié le créateur de l’Opus Dei mais un matador. C’est en Espagne que Matador a provoqué le plus grand malaise et qu’il a le moins bien marché. J’y parle du plaisir et de la sensualité de la tauromachie, ce qui est un sujet tabou ici."
"Dans Matador, quand les deux personnages principaux entrent dans une salle de cinéma, ils voient leur avenir sur l'écran, la dernière scène de Duel au soleil qui montre exactement la manière dont leur vie va se terminer : Jennifer Jones et Gregory Peck s'entretuent et meurent ensemble."
Conversations avec Pedro Almodóvar par Frédéric Strauss, Cahiers du Cinéma 2007.
Matador marque la seconde collaboration de l'acteur espagnol Antonio Banderas avec Pedro Almodóvar, après Le Labyrinthe des passions en 1982. Le duo se retrouvera par la suite pour La Loi du désir en 1987, Femmes au bord de la crise de nerfs en 1988 et Attache-moi ! en 1990 et La piel que habito en 2011.
La mort est un sujet qui revient régulièrement dans le cinéma de Pedro Almodóvar. La douleur d'une mère confrontée à la mort accidentelle de son fils dans Tout sur ma mère en 1998 en est un bon exemple. Pedro Almodóvar explique la signification de la mort dans Matador : "Toutes mes histoires parlent de manière plus ou moins directe de la mort. (...) La mort pour moi est, dans un scénario, un élément d'excitation sexuelle. Ici les protagonistes sont de purs assassins. La folie, la haine, les conflits et les idéologies ne peuvent être tolérés à moins qu'ils ne soient la conséquence de l'amour. Tout cela devient alors un acte de vitalité, douloureux et amoral mais totalement lié à la beauté et à l'amour."
Avant qu'Assumpta Serna ne soit choisie pour se glisser dans la peau de l'avocate spécialisée en criminologie Maria Cardenal, Pedro Almodóvar avait pensé aux actrices Ana Belen et Charo Lopez.
Sources :
http://www.allocine.fr
http://www.cineclubdecaen.com
http://www.cinemotions.com
http://www.imdb.com
http://www.critikat.com
http://www.almodovarlandia.com
http://www.cineplex.com