Réalisé par Albert Lewin
Avec James Mason, Ava Gardner, Nigel Patrick,
Sheila Sim, Harold Warrender, Mario Cabré,
Marius Goring, John Laurie, Pamela Mason, Patricia Raine
Genre Drame, Romance
Coproduction Américaine, Britannique de 1951
Date de reprise 28 janvier 2015 en Version restaurée
Titre original Pandora and the Flying Dutchman
Échec commercial à sa sortie, démoli par les critiques le qualifiant de prétentieux, Pandora aura gagné avec le temps son statut de chef-d’œuvre, pour demeurer aujourd’hui un des plus beau représentants du genre romanesque et considéré comme un classique du septième art.
La photo de Jack Cardiff au technicolor flamboyant qui magnifie
les décors ensoleillés de la cote espagnole, amplifie le coté fantastique
et iconise et rend irréele chaque apparition d'Ava Gardner.
Film mythique s’il en est, Pandora demeure encore aujourd’hui unique en son genre. Un des mariages les plus réussis entre sophistication intellectuelle, esthétique flamboyante et émotion à fleur de peau.
Pandora va propulser Ava Gardner au sommet et le mythe de cette Vénus descendue sur terre va rencontrer une autre légende : celle du Hollandais volant sur son Vaisseau fantôme. Ava Gardner, surnommée "le plus bel animal du monde" est définitivement consacrée par ce mélodrame onirique, où elle est filmée pour la première fois en couleurs, elle démontre son extraordinaire présence sur l'écran et sa beauté impériale illumine ce mythe éternel. Ava Gardner ne s’était jamais totalement sentie intégrée à Hollywood. C’est pendant le tournage de ce film qu’elle découvre pour la première fois l’Europe et tout particulièrement deux pays qui vont marquer sa carrière et sa vie privée pour toujours, l’Angleterre et l’Espagne.
Fascinée d’emblée par l’Espagne elle s’y installera pendant plusieurs années, à partir de décembre 1955.
"L'amour se mesure à ce que l'on sacrifie pour lui"
Synopsis
À la fin de l'été 1930, un corps est retrouvé sur la côte espagnole. L'oncle Geoffrey raconte...
Pandora Reynolds (Ava Gardner) est une belle chanteuse américaine, adulée de tous. Mettant ses prétendants à l'épreuve, elle demande à Stephen Cameron (Nigel Patrick), un pilote automobile britannique, de jeter sa voiture du haut de la falaise. En échange, elle lui fait une promesse de mariage. Intriguée par un yacht appartenant à un certain Hendrick van der Zee (James Mason), elle s'y rend à la nage.
Ce dernier n'est autre que le Hollandais volant, un marin maudit condamné à naviguer éternellement qui n'est autorisé à vivre une vie humaine que six mois tous les sept ans.
À moins qu'une femme n'accepte de mourir par amour pour lui...
Ava Gardner et James Mason
Le Hollandais Volant est l'un des plus célèbres spectres de l'histoire maritime.
Sa légende remonte au 17ème siècle et parle d'un marin condamné à errer éternellement sur les mers sur son navire fantôme entouré d'un étrange halo rougeâtre, à moins qu'une femme n'accepte de mourir par amour pour lui. Plusieurs versions sont avancées concernant l'origine de cette malédiction : pour certains, le marin aurait passé un pacte avec le Diable et payerait ainsi le prix de sa richesse et de la rapidité de son bateau; pour d'autres, c'est en prenant la mer un vendredi saint que le Hollandais Volant s'attira les foudres de Dieu; enfin, la version la plus courante raconte le destin d'un marin qui, trop fier pour vouloir renoncer à affronter une terrible tempête, y survécut et s'attira la colère du Seigneur. Mythe ou réalité, Le Hollandais Volant aurait été aperçu à de nombreuses reprises à travers les siècles, condamnant à la mort le premier marin qui l'aperçoit...
Le réalisateur et scénariste Albert Lewin donne ici sa propre vision de ce personnage mythique. L’extrême richesse et la profondeur de l’histoire pourraient laisser croire que le script est adapté d’un livre, or il n’en est rien, vu que tout est issu de l’imagination d'Albert Lewin, profondément investi dans l’entreprise puisqu'ici scénariste, réalisateur et producteur, suite au refus de la MGM de participer au film. Réalisateur au parcours atypique, Albert Lewin a toujours été une figure à part dans le paysage de l’âge d’or Hollywoodien.
Scénario original, Pandora poursuit cette voie ambitieuse mélangeant rien moins que le mythe grec de la boite de Pandore et celui nordique du Hollandais Volant, dans une version inspirée de la relecture qu’en fit Wagner pour son opéra Le Vaisseau fantôme, d’où son nom Van Der Zee, "De la mer" en néerlandais, le tout se déroulant dans le cadre moderne des années 30. On l’aura compris, nous naviguons là dans une atmosphère très sophistiquée et littéraire, soulignée par des dialogues pleins d’emphase, où l’on sent poindre un auteur se faisant une très haute idée de ce qu’il raconte, laissant craindre un récit pompeux et abscons.
Albert Lewin livre un spectacle embrasé par l’amour fou et la passion, où le fond et la forme se marient avec une magie rarement égalée. Le cadre de la côte espagnole donne une tonalité inédite à une forme de récit plus aisément associée au fantastique gothique anglo-saxon, apportant une ambiance sensuelle de désir toute latine et méditerranéenne. Cette ambiance est véhiculée par Ava Gardner; la boite de Pandore, c’est elle, et tous les personnages masculins fous d’amour pour elle viennent s’y perdre sans espoir de retour. Indifférente et cruelle au début de l’histoire, sa beauté va en s’embellissant au fur et à mesure que le film avance et qu’elle découvre enfin l’amour aux côtés du Hollandais Volant. Ce dernier est formidablement campé par un ténébreux James Mason, dans la lignée des héros de Albert Lewin, élégant, torturé et désabusé. L’alchimie entre les deux fonctionne idéalement, entre la passion ardente de l’une et la mélancolie de l’autre, avec à la clé le plus beau et poignant dilemme qui soit, le Hollandais ne pouvant se résoudre à demander à Pandora de mourir pour le sauver de sa malédiction.
Réputé pour demander à ses comédiens un nombre impressionnant de prises pour chaque scène, Albert Lewin fit honneur à sa réputation sur le tournage de Pandora, demandant lors de certaines séquences près de 100 prises ! D’où peut-être l’élégance et la fluidité de la mise en scène, dans laquelle tous les acteurs du drame se lovent avec une théâtralité retenue. Aux côtés d’Ava Gardner, James Mason, est l’énigme devenue réalité, la juste interprétation de l’homme "invisible", qu' Albert Lewin oppose avec brutalité, au matador qui se meurt également d’amour pour la belle Pandora. Mario Cabré, hispanique jusqu’au bout de ses rêves. Au point lui aussi d’en accepter le sacrifice ultime.
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Les relations entre Ava Gardner et l'Espagnol Mario Cabré, qui interprète son amant le torero Juan Montalvo dans Pandora, furent des plus difficiles. La comédienne, qui explique que le comédien a confondu son rôle avec la véritable vie et le décrit comme "beau, macho et tapageur", dut affronter son amour et ses réactions souvent exubérantes.
Mario Cabré et Ava Gardner
La cause de cet enfer : elle se laissa aller et fit trop la fête avec lui un soir, et se réveilla dans sa chambre... Ainsi, l'imaginant comme "sienne" après cette soirée, Mario Cabré fanfaronna sur les plateaux, clamant qu'il avait remplacé Frank Sinatra dans le coeur de l'actrice. Une situation amusante au départ, qui devint rapidement insupportable et difficile à gérer. La situation resta des plus tendues jusqu'à la fin du tournage, après quoi Ava Gardner ne le revit plus jamais.
Ava Gardner devient une source d’inspiration pour Mario Cabré, le très éclectique acteur, poète et torero, qui lui consacra de nombreux vers et recueils de poésie, consternants selon certains.
Les producteurs britanniques du film le décrivaient comme "un brun authentique avec des yeux de toro". Ava Gardner, dans ses mémoires, l’estoque en quelques phrases cruelles. Mario, "un bel homme macho" mais "un emmerdeur espagnol", "un empoisonneur de première" qui faisait sa propre promotion, sur son dos, si on peut dire, et clamait haut et fort que Frank Sinatra, fiancé d’Ava à l'époque, ne sortirait pas d’Espagne vivant s’il s’avisait d’y venir.
On a prêté à Mario Cabré d’innombrables maîtresses dont Irène Papas ou Yvonne de Carlo, qui tombera aussi dans le lit de Luis Miguel Dominguín, son rival sur la piste ou entre les draps.
Selon Ava Gardner, Albert Lewin a quitté de son propre chef la puissante MGM pour pouvoir diriger ce film non-commercial que les producteurs auraient refusé de financer. Toujours selon les propres dires de l'actrice, le réalisateur aurait demandé comme prime de départ le... prêt d'Ava Gardner, alors attachée au studio !
Pandora marque la seconde collaboration entre Ava Gardner et James Mason, après Ville haute, ville basse en 1949. Ils se donneront la réplique à deux autres reprises : dans Mayerling en 1968, et dans le téléfilm historique en plusieurs parties A.D. en 1985.
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James Mason Mario Cabré
Pandora a été principalement tourné en Espagne, dans la petite ville de Tossa del Mar sur la Costa Brava. Certains extérieurs ont été filmés à Londres.
Sources :
http://www.allocine.fr
http://www.imdb.com
http://www.cinemastrikesback.com
http://www.iletaitunefoislecinema.com
http://www.toutlecine.com
http://ava-gardner.blogspot.fr
http://www.lheuredelasortie.com
http://www.liberation.fr
http://www.dvdclassik.com
Mon opinion
Voir et revoir.
La légende du Hollandais volant prend dans ce film toutes les couleurs d'un rêve magnifique. La photographie de Jack Cardiff se noie avec une certaine violence dans le bleu, le rouge sang, le vert, l'or, tout en voulant magnifier des décors intemporels.
Notre imaginaire s'envole dans un environnement qui, aujourd'hui, semble complètement désuet. Le jeu appuyé de certains acteurs peut faire sourire. Qu'importe.
Pour donner vie à ce mythe le réalisateur offre à Ava Gardner un écrin dans lequel chacune de ses apparitions la rend de plus en plus éblouissante. Celle qui fut dénommée "le plus bel animal du monde" retrouve le troublant regard de James Mason.
Un couple magnifique pour un film baroque, intemporel et inoubliable.