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Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d'autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. Jean Luc Godard

Son frère

 

Son-frere---Affiche.jpg

 

Réalisé par Patrice Chéreau

 
Avec Bruno Todeschini, Eric Caravaca,

Nathalie Boutefeu, Maurice Garrel, Catherine Ferran, Antoinette Moya,

Sylvain Jacques, Fred Ulysse, Robinson Stévenin, Pascal Greggory


Genre Drame


Production Française

 

Date de sortie 10 septembre 2003

 

Berlinale 2003 Ours d'Argent du Meilleur réalisateur

 

Son-frere---Eric-Caravaca-et-Bruno-Todeschini.jpg

 

Eric Caravaca et Bruno Todeschini

Synopsis

 

A Paris, Thomas (Bruno Todeschini) est atteint d'une maladie incurable qui détruit ses plaquettes sanguines. Celle-ci astreint le patient à un régime sévère. Un soir, il passe affolé chez son frère cadet, Luc (Eric Caravaca), pour lui confier la gravité des symptômes.
Poussés à bout par la progression de la maladie, les deux hommes, jusque là séparés par le favoritisme dont avait bénéficié l’ainé et l’homosexualité du cadet,  vont enfin se livrer à eux-mêmes. Pour la première fois, Thomas semble éprouver de l'intérêt pour la vie privée de Luc. Claire (Nathalie Boutefeu), la petite amie de Thomas, prend progressivement ses distances vis-à-vis de ce dernier. Les deux frères finissent par passer l'essentiel de leur temps ensemble et se remémorent des souvenirs de leur enfance…

 

Son frère est une adaptation du roman homonyme de Philippe Besson. Le cinéaste Patrice Chéreau a connu le roman au moment où il travaillait sur son projet Napoléon: "J'avais lu un compte-rendu du livre de Philippe Besson et comme je travaillais à l'écriture d'un scénario sur une agonie (celle de Napoléon), j'ai acheté le livre". La description de la dégradation du corps,  la passivité de Thomas, manipulé face à la maladie, et les rapports entre les deux frères ont passionné le réalisateur.

 

 

 

Son frère - Bruno Todeschini et Eric Caravaca  

 

Bruno Todeschini et Eric Caravaca

 

Ce n'est pas toujours noir de parler de la mort. Patrice Chéreau regarde la mort, la maladie, l'accompagnement du malade en face...

 

Le thème du film, c'est aussi la fratrie. C'est la relation entre les frères, leur réconciliation. C'est le fait de se reconstruire parce qu'il y en a un qui va vivre et l'autre qui va mourir, peut-être qu'ils arriveront à se réconcilier parce qu'il y en a un qui va disparaître. C'est à la fois très fraternel et incroyablement cruel. Son frère - Bruno Todeschini-copie-1Il y avait une phrase dans le roman où le plus jeune disait : "De toute façon je m'en fiche parce qu'à la fin c'est moi qui gagnerais." Et ce n'est pas faux. Ça n'exclut pas l'amour. Mais à un moment donné effectivement, il y a un contentieux avec son frère qui va être réglé par la disparition de l'un. Patrice Chéreau été très frappé à les regarder se rapprocher, à ce qu'ils se disent enfin qu'ils s'aimaient, jusqu'à ce qu'ils se disent qu'ils avaient été incroyablement importants l'un pour l'autre quand ils avaient dix ou douze ans, quand ils étaient petits. C'est comme une utopie. Je ne pense pas qu'on puisse se dire ça entre frères. Il faut vraiment qu'il y ait une situation grave, tragique pour qu'on arrive à dire que l'on compte l'un pour l'autre.

 

 

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Dans le film, le médecin chargé du cas de Thomas est devant un cas récalcitrant, qui n'arrive pas à se soigner. Normalement, il y a trois étapes avec la cortisone. Dans 60 % des cas, le traitement fonctionne et la destruction des plaquettes s'arrête. Si ça continue, il faut pratiquer une ablation de la rate. Normalement, c'est bon. "Mais il y a des cas, très rares, où ça continue. A ce moment-là, la personne n'est pas dans un état de fatigue ! Il y a juste cette épée de Damoclès. C'est ça qui rend le dialogue entre le malade et le médecin si compliqué. Elle est obligée de lui dire que tout peut aller très bien. Il peut arriver quelque chose de grave, mais ça peut aussi très bien ne pas arriver. Je pense que le médecin est dans une situation typiquement impossible. Dans le livre, c'était beaucoup plus brutal. Je n'ai aucune raison de charger le personnel médical. Simplement, elle est dans une situation infernale d'un malade qui se refuse à elle, que ne l'aide pas, qui l'engueule, et d'un malade qui l'insulte, et d'un malade qui, petit à petit, se trouve, sans le vouloir, dans une situation la pire qu'il soit. Où les traitements ne marchent pas. Qu'est-ce qu'on dit à un malade pour lequel aucun traitement ne marche ?" avoue Patrice Chéreau.

C'est une situation affreuse, et c'est elle qui doit annoncer la mauvaise nouvelle, elle doit subir un échec, c'est son échec à elle. Tout du moins, elle le prend à son compte. Je pense qu'elle est timide et revêche au début, mais à aucun moment je n'ai voulu en faire une charge, ou une attaque. Elle est dans une situation intenable.
Bruno Todeschini Son-frere---Bruno-Todeschini.jpg

"Le sujet du film ce n’est pas la maladie; mais un homme qui découvre que toute sa vie était basée sur un mensonge, sur une force présumée, qui finalement n’est pas là. Il n’a pas la volonté de décider d’en finir, ni de se battre. C’est ce qui arrive quand une personne d’un narcissisme énorme est atteinte physiquement…C'est un film sur les corps et sur la manipulation d'un corps en particulier. C'est un film sur les peaux, sur la dégradation d'un corps qui était sans doute très actif et qui, là, est contraint de se laisser manipuler. Il devient passif et abandonné, on le regarde, on le compare aux autres corps, ceux qui sont en bonne santé."

 

Patrice Chéreau filme des corps. Meurtris, violés, suppliants. Le corps tatoué du voisin de chambre de Thomas, qui refuse obstinément de se laisser soigner. Le corps, croisé dans un couloir, d’un jeune homme de 19 ans aux grands yeux tristes interprété par Robinson Stévenin et qui se demande quand s’arrêtera son cauchemar. Le corps de Thomas, bien sûr, gavé de cortisone, veines apparentes au bras, que deux infirmières rasent longuement, à la veille d’une opération. Son-frere---Bruno-Todeschini-et-Eric-Caravaca-copie-1.jpgGestes précis, comme des caresses qui font mal. Et Patrice Chéreau  filme comme une cérémonie interminable, presque obscène et pourtant grandiose, cette mise à nu. Thomas, abandonné sur son lit, comme mort déjà, ressemble à une bête blessée. Un pauvre type résigné à subir un destin. Un vrai héros de tragédie. Un martyr. Aucune insistance, aucune complaisance dans le regard, juste une indulgence, parfois étonnée, pour les gens. Leurs faiblesses et leurs erreurs.

 

Quand j'ai lu le livre, je me suis dit : "Oui, il y a beaucoup de corps nus", mais je me suis dit peut-être qu'à ce moment-là, c'est comme l'idée de faire un diptyque avec intimité. C'est de se dire il y a la question du corps, la réalité des corps, et la nudité dans l'intimité.

Et là, ça serait l'inverse.

C'est une impression vague que j'ai eue très tôt. Ce sont des corps qui n'ont plus de désir l'un pour l'autre; des corps où le désir est mort, des corps froids, une chair froide puisque l'amour, absolument exclusif qui est en train de revenir chez ses deux frères, exclut tous les partenaires, que ce soit Claire, l'amie de Thomas, ou Vincent l'ami de Luc, interprété par Sylvain Jacques.

 

Je trouvais extrêmement intéressant, pour moi, de faire le contraire, explique Patrice Chéreau.  

 

Bruno Todeschini  Son-frere---Bruno-Todeschini-.jpg

 

Sur la question des corps, les confrontations du roman étaient intéressantes. Par exemple, la plage et l'été induisent naturellement le bonheur d'être allongé sur le sable en plein soleil. Et c'est sûr que c'était intéressant d'avoir un personnage qui est dans une phase terrible, où il va mourir en plein été, en pleine lumière. Tout devient un calvaire : une simple promenade à la plage devient longue parce que si on va trop loin, il faudra repartir à pied, et dans son état... En plus, la plage veut dire croiser des corps en très bonne santé. Tomber sur une plage naturiste, c'est obscène par rapport à sa maladie.

 

 Son-frere---Bruno-Todeschini-1.jpg Bruno Todeschini

 

Patrice Chéreau  a écrit un scénario que Anne-Louise Trividic a réécrit, et puis ont commencé les repérages."Des fois, tout ceci se fait dans un engrenage sans trop y croire, on se dit que ce n'est pas possible qu'un film puisse se faire si aisément. Évidemment, un film si petit, financièrement, se fait plus facilement. Mais ça a tenu aussi au fait que c'était Arte, que c'était Pierre Chevalier. Que Pierre Chevalier est quelqu'un qui met deux jours à vous donner une réponse. C'est rien. Il a dit "oui" pour une somme qu'on savait déjà, j'ai pu commencer les repérages rapidement, Bruno était prêt, libre, et il a compris tout de suite qu'il fallait qu'il se mette en condition physique pour faire le film. Tout s'est enchaîné très simplement pour une préparation en juin, et un tournage en juillet. Fin août, on avait tourné le film. Et fin octobre, on l'avait monté. Mais ça aurait pu se passer autrement. Je veux dire par là que ça n'est absolument pas significatif que tout se soit passé facilement." se souvient le réalisateur.


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L'acteur Bruno Todeschini qui incarne Thomas, le frère malade, a dû perdre douze kilos pour son rôle. Cela a eu des répercussions au moment du tournage : "En Bretagne, j'étais à 400 calories par jour, c'est à dire deux pommes et un yaourt. Du coup, j'étais exclu du groupe. Pas question d'aller dîner avec eux le soir. Le matin, lorsque les gens me faisaient la bise, je voyais que ça leur était désagréable, ce contact avec ma maigreur. C'est dans cette mise à l'écart que j'ai, aussi, cherché Thomas."  

 

À la lecture de dossier de presse, on apprend que la fameuse scène du rasage intégral du corps de Thomas fut un choc pour Patrice Chéreau, et que c'est cette scène lui a donné envie de réaliser cette adaptation. "C'est vrai que je l'ai écrit, que je l'ai dit dans une interview, mais j'en suis maintenant un peu moins sûr. J'ai réagi à une autre scène qui était à peu près la même dans le roman. Et pendant un moment, dans le scénario, il y a eu longtemps ces deux scènes jusqu'au jour où je me suis dit qu'il ne pouvait y avoir les deux. C'était comme un pléonasme dans le scénario. C'est une scène de l'abandon du corps, et d'une manipulation du corps par le personnel hospitalier qui m'a frappé. Frappé parce qu'elle est impudique. Je l'ai bien vue quand je l'ai tournée, j'ai bien vu la position de Bruno, j'ai bien vu que je n'avais rien à lui dire dans cette scène. Manipulé par les infirmières, exposé au regard de tout le monde, y compris au regard de son frère, il se passe une chose étrange comme ça : belle, attirante, et en même temps étrange, et hors propos.
Oui, il y a une chose qui m'a frappée dans la scène. Dire que c'est pour ça que j'ai fait le film est faux, mais elle a sûrement été comme un déclic pour aller un peu plus loin dans le roman."

 

Son frère - Bruno Todeschini-copie-2.Son frère - Bruno Todeschini 1-copie-1


Son frère marque la quatrième collaboration cinématographique entre Patrice Chéreau et Bruno Todeschini. L'acteur faisait partie de la promotion 1986 du Théâtre des Amandiers de Nanterre animé par le réalisateur. Les deux artistes se retrouveront à plusieurs reprises sur les plateaux de cinéma. Tout d'abord, en 1986, dans Hôtel de France puis en 1993 avec La Reine MargotCeux qui m'aiment prendront le train en 1997.

 

Les chansons de Mariane Faithfull sont incroyablement scéniques, cinématographiques. "J'ai longtemps eu un regret de n'avoir pu mettre aucune musique d'elle dans mes films. La première personne que j'ai donc contactée ce fut elle. Je lui ai demandé si elle était d'accord pour qu'il y ait une seule chanson dans le film, et que cette chanson soit d'elle." raconte Patrice Chéreau

   
Avant de sortir dans les salles hexagonales en septembre 2003, Son frère a bénéficié d'une diffusion sur Arte en juin. Patrice Chéreau affirme que la sortie du film, passe d'abord à la télévision n'a influencé en rien sa réalisation.
"Pour la simple raison que la télévision était pratique et nécessaire par rapport au sujet, c'est-à-dire qu'un producteur de cinéma m'aurait peut-être dit... Je ne sais à qui j'aurais pu proposer ce sujet-là. Par contre, on est plus libre sur Arte, on a touché plus de 900 000 personnes ce qui est exclu de faire ça en salle. En même temps, je ne sais pas ce que c'est un film de télévision. Je ne travaille pas de façon spécifique pour la télévision. Je sais faire un film. Je fais tous mes films de la même façon, enfin ils sont tous différents, mais je fais des films pour le cinéma, car dans mon esprit, la finalité a toujours été le grand écran. Je ne me suis pas préoccupé de savoir si c'était pour la télévision.
La télévision a changé beaucoup le point de vue que j'avais, parce que c'était plus facile de le faire avec Arte, que le financement était réuni, et que les sommes sont sans communes mesures avec le budget normal d'un film."

 


 

Selon Pierre Murat Pour Télérama

Patrice Chéreau a réalisé un film intense et pudique, où le désespoir se dilue insensiblement dans la tendresse. Car ce n’est pas la mort au travail qu’il filme, mais une lente, longue et difficile résurrection. Celle de Luc qui renaît à la fraternité. Au sentiment. Et à la vie.

      

Sources :

http://circeo59.wordpress.com

http://www.cinemovies.fr

http://www.unifrance.org

http://www.allocine.fr

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B
<br /> J'ai vu ce film il y a peu de temps chez une amie. Nous étions bouleversés.<br />
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Z
<br /> Salut Alain, à mon avis jamais la maladie et l'accompagnement dû aux malades n'a été aussi bien filmée. Ce film est bouleversant et mériterait d'être vu par un plus grand nombre. Plus qu'un film<br /> c'est une véritable leçon, un enseignement aussi pour ceux qui ignorent ces moments de fin de vie. Ton billet est formidable pour le rappeler. Merci. à @<br />
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J
<br /> j'ai beaucoup pleuré en voyant ce film qui est pourtant magnifiquement traité et n'appuie pas sur l'émotion. il a remué beaucoup de souvenirs et Chéreau traite particulièrement bien ce délicat<br /> problème<br />
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C
<br /> Pas vu! Tu donnes envie. Mais j'ai un sentiment mitigé vis-àvis de Patrice Chereau. Quelqu'un de profondément dérangeant à l'image de son film pour moi le plus fort, l'homme blessé. L'avoir<br /> approché, un tout petit peu, au Piano Zinc, a confirmé ce sentiment. Je me suis senti très vite largué. Ce n'était pas qu'il était d'une intelligence et d'une culture supérieures... Je n'étais<br /> pas sur la même planète que lui. Et en plus, une beauté, un charme et un charisme ébouriffants. Je pense qu'il le savait et en jouait, mais je n'en suis pas sûr!!!<br />
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