Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d'autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. Jean Luc Godard
Date de reprise 1er mai 2013
Version restaurée
Réalisé par George Stevens
Avec Montgomery Clift, Elizabeth Taylor, Shelley Winters,
Anne Revere, Keefe Brasselle, Fred Clark
Raymond Burr, Herbert Heyes
Titre original A Place in the Sun
Genre Drame, Romance
Production Américaine 1951
A Place in the Sun a obtenu six Oscars en 1952
- Meilleure réalisation pour George Stevens
- Meilleur scénario pour Michael Wilson, Harry Brown
- Mailleur film en noir et blanc pour William C. Mellor
- Meilleur costues pour Edith Head
- Best Film Editing pour William Hornbeck
- Meilleure musique pour Franz Waxman
Ce film est une adaptation du roman de Theodore Dreiser Une Tragédie américaine publié en 1925. Un âpre roman naturaliste sur la lutte des classes.
Le roman de Theodore Dreiser connut deux autres adaptations au cinéma :
An American Tragedy réalisé par Josef von Sternberg en 1931 et Nakaw na pag-ibig, film philippin réalisé par Lino Brocka en 1980.
.
.
Synopsis
George (Montgomery Clift) qui vit pauvrement à Chicago est envoyé par sa mère auprès de son oncle, le riche industriel Charles Eastman (Keefe Brasselle). Celui-ci lui confie un poste subalterne dans son entreprise de maillots de bain.
Montgomery Clift
George est dominé par ses sentiments de privation et d'exclusion et ne manifeste guère de disposition pour gravir les échelons. Pourtant son oncle tient promesse et le fait monter dans la hiérarchie de l'entreprise
Malgré les règles strictes qui y règnent, il a une liaison avec une ouvrière, Alice Tripp (Shelley Winters), qui tombe enceinte de lui.
Montgomery Clift et Shelley Winters
Lors d'une réception offerte par son oncle, il rencontre Angela Vickers (Elizabeth Taylor), une jeune fille de la haute société, et s'éprend d'elle.
L'épouser lui ouvrirait pour de bon les portes d'un autre monde...
Mais Alice lui annonce qu'elle est enceinte et menace de tout raconter à la famille de George si celui-ci refuse de l'épouser. Il n'échappe à son sort que parce que la mairie est fermée lorsque le couple s'y rend. George suggère alors une sortie en canot sur le lac avec une idée en tête, celle de provoquer la noyade d'Alice.
Montgomery Clift et Shelley Winters
Il ne peut se résoudre à mettre son plan à exécution. C'est alors que la jeune femme après un mouvement brusque, fait chavirer la barque. Alice, paniquée tombe à l'eau et se noie. George ne tente pas de la sauver.
Il paiera, de sa vie, son indifférence.
Montgomery Clift et Elizabeth Taylor
Montgomery Clift et Elizabeth Taylor sont réunis pour la première fois à l'écran dans ce film. Ils tourneront à nouveau ensemble dans L'Arbre de vie et Soudain l'été dernier. La photographie est magnifique et le film est à la fois troublant, extrêmement touchant. Montgomery Clift, l'hypersensible tourmenté y fut sans doute pour beaucoup, tout comme l'amitié naissante avec Elizabeth Taylor, indéfectible jusqu'à la mort.
Joué par Montgomery Clift, comme une sorte de naïf pathétique, George a pour seuls atouts sa beauté et sa douceur.
George Stevens parvient à nous faire croire à la première histoire, la rendant très universelle, faite de petits riens. Le personnage d’Alice est très doux, fragile. Puis survient Angela, plus sûre d’elle, beaucoup plus féminine, joueuse. La scène dans laquelle Angela et George s’avouent leurs sentiments est d'une incroyable intensité. C’est beau et foudroyant. Le réalisateur réussit un tour de force rare : matérialiser la passion à l’écran.
Dès lors, le spectateur ne peut que comprendre l’engouement de George, son envie de quitter Alice. Pourtant attaché à cette dernière il aura beaucoup de mal à la voir face à tous ses rêves brisés. Mais emporté par la passion, George va peu à peu céder face à une certaine névrose. Maladroit, lâche, il n’osera pas expliquer clairement la situation à Alice et préfèrera mentir à Angela. Cela le conduira à un double jeu périlleux, de plus en plus étouffant et qui au final fera ressortir ce qu’il y a de pire en lui.
Un personnage tourmenté, à la fois beau cruel, et plein d’ambiguïté.
Consciente que l’homme de sa vie lui échappe, Alice cèdera pour sa part à l’appel de la colère, jouant la carte du chantage. Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour assurer notre place au soleil, pour garder le plus longtemps possible celui ou celle qu’on aime ?
À priori bourgeoise et un peu futile, Angela se révèlera être la seule à donner son amour sans condition. Capable de tout affronter.
Montgomery Clift
Une place au soleil allait ainsi devenir, et rester, un des mélodrames classiques les plus émouvants de l'époque. Notamment grâce à la direction d'acteurs très précise, avec comme consigne, de privilégier le langage corporel aux dialogues, d'une part et d'autre part l'utilisation talentueuse de deux styles contrastés.
Le rencontre féérique de George et d'Angela est observée par une caméra intimiste, avec des gros plans en flou artistique soigneusement juxtaposés.
Les scènes à l'usine avec Alice, la première liaison de George, et plus tard au tribunal sont au contraire filmées dans le plus pur style du film noir. Éclairage en clair-obscur et des compositions tranchées qui illustrent avec force la menace que les circonstances opposent au désir de George de se faire sa "place au soleil". On passe ainsi somptueusement de fondus enchaînés à des surimpressions, pour nous montrer toute la culpabilité, les fantômes et les fantasmes qui empêchent George d’avancer calmement, l’enchaînant entre ses peurs et son désir.
Devant la caméra de George Stevens, George restera davantage dans les mémoires comme un amant tragique que comme exemple de leçon sociopolitique.
"Le roman de Theodore Dreiser, à l’origine du film, s’appelle Une tragédie américaine. Les studios ont préféré un titre plus glamour, mais l’amertume sourd quand même. George Stevens cache son dégoût du rêve américain derrière un cinéma ultra-hollywoodien. Ce classicisme apparent est une attaque provocatrice contre Hollywood, qui s’échine à esthétiser la misère, jusqu’à l’enterrer. Là réside le talent de George Stevens, amoureux des paradoxes et spectaculairement engagé. Une place au soleil est un requiem grinçant, à la fois tapageur et déchiré. Au bout des cordes des violons se balancent de tristes pendus, sacrifiés par une société faussement égalitaire, condamnés pour leur présomption de révolte sociale. Le cinéaste réussit à dénoncer, discrètement mais efficacement, les ligues anti-avortement et la peine de mort. Ses acteurs font merveille, notamment Shelley Winters, femme martyrisée par de faux amis et qui semble répéter son futur rôle dans La Nuit du chasseur... "
Martine Landrot pour Télérama du 5 juillet 2006.
Le scénariste Michael Wilson est sur la liste noire du maccarthysme depuis 1950 quand il se met à travailler sur ce film. Il apparaît d'ailleurs sous un nom d'emprunt dans le générique orginal. Si le scénario peut paraître classique il est pourtant riche en tension et continuellement magnifié par la mise en scène. Ici tout le monde semble pris au piège de l’amour.
En sortir digne ou indemne ne sera pas aisé…
L’issue sera alors forcément tragique, clôturant avec force ce drame.
La musique de Franz Waxman
servit de générique à l'émission de Michel Boujut, Cinéma, Cinémas.
Sources :
http://www.popandfilms.com
1001 films à voir avant de mouriir - Steven Jay Schneider
http://lalalandhistory.
http://fr.wikipedia.org
http://www.allocine.fr