Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d'autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. Jean Luc Godard
Réalisé par Elia Kazan
Avec Marlon Brando, Jean Peters, Anthony Quinn,
Joseph Wiseman, Arnold Moss, Alan Reed,
Margo, Harold Gordon, Lou Gilbert, Frank Silvera,
Florenz Ames, Richard Garrick, Fay Roope, Mildred Dunnock
Genre Biopic, Historique
Production Américaine 1952
Marlon Brando
Viva Zapata ! valut à
Marlon Brando Le Prix d'interprétation masculine Cannes 1952
à Anthony Quinn l'Oscar du Meilleur second rôle.
Anthony Quinn
"Je crois que mon premier film est Viva Zapata ! tous ceux qui sont avant, je ne les aime pas. De tous les films que j’ai faits, c’est sûrement un de ceux qui me sont le plus cher" dira à plusieurs reprises le réalisateur. Il est évident, connaissant un peu Elia Kazan, que ce film lui est très proche et qu’il aborde alors des sujets qui lui tiennent à cœur : un film de gauche comme il se plait à le décrire, mais une gauche non-autoritaire et surtout pas dictatoriale comme la gauche stalinienne qu’il a en horreur et qui le poussera à dénoncer ses camarades communistes à la Commission des Activités Anti Américaines. De plus le personnage de Zapata est un homme ayant les mêmes doutes que lui à ce moment de sa vie puisqu’il s’agit de l’époque où justement le réalisateur s’embourbe dans cette fameuse affaire, de triste mémoire.
Emiliano Zapata : "Vous voulez des chefs sans défauts, ça n'existe pas.
Un chef est comme tout le monde.
Il change! Il abandonne! Il meurt!
Il n'y a pas de chefs en dehors de vous.
Un peuple fort est la seule force durable."
Synopsis
Viva Zapata débute par une scène d’une concision extrême nous plongeant d’emblée dans ce tourbillon historique très remuant allant de 1909 à 1919. Porfirio Diaz (Fay Roope) exerce sa dictature sur le Mexique. Il reçoit une délégation de péons venue se plaindre des mauvais traitements que leurs font subir les grands propriétaires terriens. La manière qu’à Porfirio Diaz de nommer les paysans My children montre le paternalisme qu’utilise le dictateur envers son peuple avec un cynisme assez réjouissant. Au moment de quitter le palais présidentiel, après que le despote leur ait demandé de s’armer de patience, un péon aux paupières lourdes s’avance et explique que les paysans ne peuvent plus être patients, les récoltes ne pouvant pas attendre que des lois soient votées ou que des décisions soient discutées. En gros plan, on voit alors Porfirio s’emparer de la feuille sur laquelle sont inscrits les noms des hommes du groupe et entourer celui de ce paysan prénommé Emiliano Zapata (Marlon Brando) qui pourrait très vite devenir un fauteur de trouble. La scène suivante montre une troupe de paysans affamés, venue voler de la nourriture dans les champs des grands propriétaires, se faire tout simplement massacrer à la mitraillette et au sabre.
Souhaitant mener une vie calme, Emiliano Zapata provoque un processus irréversible le jour où, pour délivrer un péon, il est obligé de tuer des soldats. Il se retrouve donc à la tête de la rébellion contre le pouvoir en place. Après la démission de Diaz, les hommes se succèdent au pouvoir sans que les problèmes soient résolus pour autant. Devenu général et même président, Emiliano Zapata voit lui aussi l’ivresse du pouvoir suprême lui monter à la tête. S’en inquiétant, il décide finalement de retourner auprès de son peuple afin de continuer la lutte. En 1919, il finira en martyre de la cause mexicaine.
Edgecumb Pinchon, qui avait auparavant écrit le roman Viva Villa !, une biographie de Pancho Villa, collabora à l'élaboration du scénario de Viva Zapata !.
Viva Zapata ! marque la première collaboration entre Elia Kazan et le romancier et scénariste John Steinbeck. Ce dernier écrira trois ans plus tard le script de À l'Est d'Eden.
"Il y a beaucoup de choses à l’origine de Viva Zapata !, mais ce fut d’abord mon idée. J’étais allé dire à John Steinbeck que je pensais à cet homme. Et John s’empara soudain du projet avec vigueur, cela l’intéressait. Mais il y avait quelque chose de plus profond et peut-être d’à peine conscient chez nous : nous cherchions tous deux une façon d’exprimer ce que c’était d’être de gauche et progressiste tout en étant antistalinien. Je crois que quelque part au fond de moi j’avais toujours cherché un sujet comme ceux des grands films soviétiques que j’aimais dans les années 30. J’avais depuis 1935 l’idée de faire un film sur Zapata, depuis que j’avais entendu parler de lui au cours d’un voyage à Mexico. Son dilemme tragique nous intéressait : une fois qu’on a pris le pouvoir grâce à la révolution, que faire du pouvoir et quelle sorte de structure construire ?" confie le réalisateur.
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Connaissant les films américains ayant pour toile de fond historique le Mexique, Elia Kazan s’aventurait aussi en terrain miné. Les écueils sont évités avec talent grâce à la sincérité et à la conviction de John Steinbeck et Elia Kazan qui croient dur comme fer à leur sujet et qui nous offrent un film intelligent, passionnant et surtout très moderne dans sa mise en scène pleine de vitalité. Ils offrent ainsi une nouvelle respectabilité aux biographies ayant sombré la plupart du temps dans la médiocrité et brossent le portrait d’un être humain avec ses faiblesses.
Avec seulement les deux premières séquences du film, nous savons que nous ne sommes pas en présence d’un film insipide et ordinaire mais la modernité et l’exaltation de la mise en scène d'Elia Kazan sautent littéralement à la figure : montage sec et violent, travellings très rapides, précision des cadrages ou tremblement de la caméra, musique assez avant-gardiste, compositions picturales à la fois très recherchées mais jamais figées… Nous sommes prêts à continuer à suivre le réalisateur les yeux fermés dans le portrait qu’il brosse de cet homme qu’il ne nous a pour l’instant fait qu’entrapercevoir.
Viva Zapata ! marque la deuxième collaboration entre Elia Kazan et Marlon Brando. Le premier a dirigé le second dans Un tramway nommé désir en 1951et le retrouvera sur le tournage de Sur les quais en 1954. Malgré qu’il ait eu du mal à imaginer Marlon Brando pour ce rôle, le producteur Darryl F. Zanuck fit entièrement confiance au réalisateur et le résultat terminé lui plût assez jusqu’à ce que le film sorte. Viva Zapata ! marque les retrouvailles d'Elia Kazan avec le producteur Darryl F. Zanuck. Les deux hommes avaient auparavant collaboré sur Boomerang ! en 1947, Le Mur invisible et Pinky en 1949.
Les jalons sont maintenant posés et nous n’allons plus quitter Marlon Brando, magnifique dans le rôle de cet homme paradoxal, révolutionnaire malgré lui, jamais manichéen, plus humain et instinctif qu’héroïque, un homme qui commettra des erreurs pour avancer : "Je ne suis pas la conscience du monde." Et dans le même temps nous faisons connaissance avec Eusemio, son frère, interprété avec truculence par Anthony Quinn. Fernando Aguire, un aventurier-journaliste assez trouble et inquiétant, émissaire de Madero, chef de l’opposition à Diaz, que joue avec talent l’acteur au visage si sévère, Joseph Wiseman, qui sera surtout connu par la suite pour avoir tenu le rôle du Docteur No dans la première aventure de l’espion le plus connu de la planète. Cette scène dans laquelle nous découvrons tous ces personnages, se déroulant dans les montagnes mexicaines où nos héros se cachent, est encore une fois splendidement filmée, montée, découpée et les images possèdent une grande force poétique et lyrique. Et c’est maintenant au tour du personnage féminin de venir sur le devant de la scène, la fille d’un grand propriétaire dont Zapata est amoureux : Josefa que joue avec beaucoup de retenue Jean Peters. Elle se révèle ici très bonne actrice. Pour en finir avec un casting vraiment bien choisi, il faudrait également ne pas oublier Frank Silvera dans un emploi très court mais oh combien marquant, celui du redoutable Huerta avec son crâne rasé, son cigare et ses petites lunettes, qui donne, dès sa première apparition, des frissons dans le dos.
Une fois les personnages présentés et les éléments bien en place, ce ne seront plus qu’une succession de moments forts, de scènes presque toutes aussi réussies les unes que les autres, la première mémorable étant celle de la capture de Zapata et sa délivrance dans les instants qui suivront par le regroupement de tous les paysans au fur et à mesure de l’avancée de la colonne de soldats conduisant le prisonnier en ville. Une scène que le réalisateur rend la plus puissante possible par une remarquable utilisation de tous les éléments cinématographiques à sa disposition :
une sorte de climax amené par une parfaite combinaison de la photo, de la musique, de la mise en scène et du montage. Plus l’escorte avance, plus les paysans qui les suivent grossissent leur rang jusqu’à représenter une véritable armée dix fois plus nombreuse que la milice. Parmi les autres scènes qui restent inoubliables, citons celle de l’exécution de Madero par Huerta, se déroulant de nuit dans un climat à la limite du fantastique grâce à des éclairages et une lumière quasi expressionnistes.
C'est la deuxième fois qu'Elia Kazan travaille avec le compositeur Alex North. Tous deux avaient auparavant collaboré sur Un tramway nommé désir en 1951. C'est aussi la troisième collaboration entre Elia Kazan et Joseph MacDonald, son chef opérateur sur Pinky en 1949 et Panique dans la rue en 1950.
Viva Zapata ! s'inscrit dans une période un peu trouble, celle du maccarthysme. C'est à cette époque qu' Elia Kazan trahit ses amis communistes en les dénonçant à la Commission des activités anti-américaines.
Elia Kazan voulut d'abord tourner Viva Zapata ! au Mexique, mais il dut se résigner à réaliser son film au Texas.
Sources :
http://www.dvdclassik.com
http://www.allocine.fr
http://www.imdb.com
http://younesibrothers.blogspot.fr
http://fr.wikipedia.org