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23 juin 2016 4 23 /06 /juin /2016 11:35


Date de sortie 22 juin 2016

 

Tout de suite maintenant


Réalisé par Pascal Bonitzer


Avec Agathe Bonitzer, Vincent Lacoste, Lambert Wilson,

Isabelle Huppert, Jean-Pierre Bacri, Pascal Greggory, Julia Faure, Yannick Renier


Genre Drame


Production Française, Luxembourgeoise

 

Synopsis

 

Nora Sator (Agathe Bonitzer), jeune trentenaire dynamique, commence sa carrière dans la haute finance.
Quand elle apprend que son patron et sa femme ont fréquenté son père dans leur jeunesse, elle découvre qu’une mystérieuse rivalité les oppose encore.
Ambitieuse, Nora gagne vite la confiance de ses supérieurs mais entretient des rapports compliqués avec son collègue Xavier (
Vincent Lacoste), contrairement à sa sœur Maya (Julia Faure) qui succombe rapidement à ses charmes…
Entre histoires de famille, de cœur et intrigues professionnelles, les destins s’entremêlent et les masques tombent.

 

Tout de suite maintenant - Agathe Bonitzer

Propos recueillis par Claire Vassé.

Entretien avec Pascal Bonitzer relevé dans le dossier de presse.


Le monde de la finance et son univers impitoyable… Tout De Suite Maintenant est très ancré dans notre époque.


J’essaie toujours de saisir l’esprit du temps, le "Zeitgeis". Et pour moi, l’esprit de notre temps, c’est ce que la finance appelle le principe TDSM (Tout De Suite Maintenant) d’où le titre – qui correspond à cette mainmise relativement récente de la finance sur le capitalisme d’entreprise.
La finance n’attend pas, il lui faut des résultats et du gain tout de suite. Cette mentalité se retrouve un peu dans tous les domaines : être célèbre tout de suite, riche tout de suite, trouver la femme ou l’homme de sa vie, ou le plan cul tout de suite…
Le temps long est dévalorisé, internet est la mesure du temps actuel : en un clic, vous pouvez tout avoir, enfin, c’est ce qu’on vous fait croire.

 

Comment avez-vous abordé ce milieu de la finance ?


Ma coscénariste, Agnès de Sacy, a un cousin qui dirige une boîte de fusion-acquisition. Une grande partie de l’intrigue professionnelle vient des informations qu’il a accepté de nous donner. On l’a beaucoup sollicité, aussi bien pour le récit que pour le langage et le jargon professionnel.
On n’a pas tout de suite pensé à la finance, ça s’est imposé au bout d’un moment, par élimination. Comme l’héroïne est une jeune trentenaire ambitieuse, on voulait un lieu de pouvoir sans tomber dans celui de la politique.
Le début du film s’inspire du premier chapitre d’un livre autobiographique d’Anne Lauvergeon, La Femme qui résiste, dans lequel elle raconte ses débuts comme conseillère de Mitterrand : elle avait rendez-vous avec François de Grossouvre, ne savait pas trop s’orienter dans les couloirs de l’Elysée, courait pour ne pas arriver en retard et elle est tombée littéralement dans les bras de Nelson Mandela qui sortait du bureau de Mitterrand ! Puis elle a eu une brève discussion avec Mitterrand qui lui a dit de ne pas trop prendre au sérieux Grossouvre et quand elle est arrivée dans le bureau de celui-ci, elle s’est rendue compte qu’il faisait semblant de parler au téléphone avec Mitterrand ! On a repris tout ça en le transposant.

 

Ce jeu sur le temps compté, les coïncidences et les faux-semblants est très représentatif de la mise en scène de Tout De Suite Maintenant, peut-être plus millimétrée et précise que dans vos précédents films.


Les coïncidences, les faux-semblants, le quiproquo, c’est toujours avec ça que je travaille, c’est ce qui m’amuse. Cette précision dont vous parlez tient peut-être au fait que je travaillais pour la première fois avec Julien Hirsch, grand chef opérateur, qui m’a encouragé à faire un découpage très détaillé et sur scénario, ce que je ne fais généralement pas. C’était particulièrement bien venu pour mettre en scène, par exemple, la circulation à l’intérieur des bureaux.

 

Les lieux dans le film sont très contrastés : les bureaux du cabinet financier, le vieil appartement de Serge, la maison somptueuse de Barsac, l’appartement moderne de Nora…


Il fallait ces contrastes, ils font partie de l’histoire.
On passe d’un intérieur à un intérieur pendant presque tout le film, on ne sort vraiment à l’air libre qu’une seule fois, sur la plage à Ostende. Il fallait arriver à ce que ça bouge dans tous ces décors confinés qui sont aussi des personnages à part entière.
Avec Julien, on a choisi de tourner beaucoup de scènes en plan séquence et en mouvement. Il aime beaucoup ça, il appelle ça des péplums ! "On va faire un péplum ! ", c’est sa phrase.

 

Tout de suite maintenant

Nora (Agathe Bonitzer) est le coeur de ce film à multiples protagonistes. C’est la première fois que vous centrez un film sur un personnage aussi jeune.


Comme Cherchez Hortense, Tout de suite maintenant parle de la filiation, mais de manière très différente. Je n’ai pas du tout pensé à Agathe pendant l’écriture. Le seul auquel j’ai pensé, c’est Jean-Pierre Bacri et l’idée du film vient d’ailleurs en partie de notre envie mutuelle de retravailler ensemble après Cherchez Hortense. Comme il y tenait le rôle du fils de Claude Rich, écrasé par ce père terrible, je me suis dit tout bêtement qu’il pourrait jouer dans le prochain film celui du père de l’héroïne, et que ce serait lui qui serait épouvantable et écrasant ! Mais comme c’est Jean-Pierre, il est en même temps touchant, émouvant. C’est un homme blessé.


Avec ce film, j’ai changé de braquet. Mes héros habituels sont des hommes d’âge mûr et désenchantés. Nora est une jeune fille pleine d’ambition qui a la vie devant elle. Mais ce qui s’est passé avant elle la rattrape au tournant.

 

Nora pourrait donner cette impression de caricature d’arriviste froide que Xavier l’accuse d’être à un moment mais nous qui traversons l’histoire à ses côtés, nous savons qu’elle est bien autre chose…


Oui, nous savons que la raison pour laquelle elle a dénoncé Barsac n’a rien à voir avec le calcul d’une arriviste, et tout à voir avec son amour pour son père, malgré ce qu’il lui a fait. Nora est une ambitieuse, elle a envie de grimper rapidement les échelons de sa nouvelle boîte. Mais elle n’est pas servile. Je ne pense pas que Xavier lui-même, quand il lui balance ces accusations, y croit vraiment. Il est simplement blessé et ulcéré, c’est sa manière de se venger, de se défouler.

 

Solveig (Isabelle Huppert) est une sorte de miroir pour Nora.


À la fois de miroir et d’anti-modèle. Il ne faut pas qu’elle fasse comme elle, qu’elle passe à côté de la vie et de l’amour par goût du pouvoir et de l’argent. Même si Nora est le personnage principal, Tout de suite maintenant est aussi très largement l’histoire du carré fatal "Barsac (Lambert Wilson), Serge (Jean-Pierre Bacri), Solveig (Isabelle Huppert), Prévôt-Parédès (Pascal Greggory)".


Tout est encore possible pour eux aussi…


Non, pour Solveig et Serge, c’est trop tard. Leurs retrouvailles et leur nouvelle séparation, sans doute définitive, permettront à Serge de tirer un trait sur les rêves de son passé, qui l’empêchaient de vivre. D’où ce moment où il efface les équations sur son tableau, comme s’il voulait repartir à zéro.

 

Tout de suite maintenant

 

Vous trouvez dans ce film un bel équilibre entre la drôlerie et l’humanité. Ne serait-ce pas votre "comédie humaine" à vous ?


Saïd Ben Saïd, mon producteur, voulait justement que j’adapte Les employés, un roman de Balzac ! Le livre se passe dans un ministère et raconte les intrigues pour empêcher un homme honnête et compétent d’accéder au poste de ministre que sa femme, ambitieuse à la place de son mari, convoite pour lui. Ce roman pourtant très moderne, qui met en scène une cabale médiatique, est assez peu connu. Il est l’une des sources de mon film même si, à l’arrivée, ils n’ont presque plus aucun rapport.
Quant à la comédie, je crois que je ne peux pas faire un film où il n’y a pas l’élément de l’humour. Même quand les choses font froid dans le dos, j’ai besoin qu’elles soient un peu drôles aussi. Par exemple la scène à l’hôpital entre Serge et Nora, une des premières à laquelle j’ai pensé en écrivant ce scénario… Ce qu’envoie le père à la fille doit prendre à la gorge, mais il faut aussi que ça fasse rire. Il profère de telles énormités…

Tout de suite maintenant est constitué de strates de sens dont certaines échappent aux personnages et parfois au spectateur. Chacun est enfermé dans sa bulle – financière, artistique, scientifique…– qui, telle une société secrète a sa vision du monde, utilise ses propres codes et langage, intrigue, dissimule…


Peut-être, parce que les codes de la finance sont ésotériques, et que le monde des mathématiques dans lequel vit Serge est lui aussi inaccessible aux profanes — il se protège avec ça.

L’imagination sert à suppléer à ce qu’on ne sait pas. Or j’aime bien dans une histoire que le spectateur fasse une partie du travail, qu’il fasse jouer son imagination. Dans le film, une partie importante des événements est complètement laissée hors champ…

 

L’histoire d’amour entre Serge et Solveig est ainsi largement prise en charge par le récit que celle-ci en fait à Ezilie…


Je voulais éviter les flash-back, que je trouve en général laborieux et artificiels. Il fallait évidemment une actrice aussi puissante qu’Isabelle pour que le spectateur imagine le passé à partir de ce qu’elle dit, et que ce soit émouvant. J’ai eu beaucoup de plaisir à créer le personnage de Solveig, avec ce côté volubile et exhibitionniste de certains alcooliques. J’ai eu encore plus de plaisir à le voir incarné par Isabelle.


Une autre approche du monde est convoquée avec Ezilie, l’employée de maison : une approche "surnaturelle".


Je voulais une employée de maison qui ne soit pas seulement une employée de maison mais quelqu’un qui éventuellement a des pouvoirs. J’ai toujours rêvé d’introduire des éléments un peu fantastiques dans mes films. Ce qui permet aussi certains raccourcis. Il est par exemple invraisemblable qu’Ezilie arrive chez Nora pour lui remettre le poème de son père mais ça passe, puisque c’est une sorcière…

 

À plusieurs reprises, Nora a des visions d’un chien noir.


À trois reprises. Ne me demandez pas de vous l’expliquer. Ce chien est peut-être lié au personnage d’Ezilie, à son côté sorcière, jeteuse de sorts, à son côté vaudou. Ezilie est un prénom fantaisiste, peut-être un surnom donné par Solveig. C’est le créole d’Erzulie, la déesse vaudou de l’amour…

 

Vous aimez le double sens, notamment dans les mots. À chaque fois qu’on entend un nom propre, on se dit qu’il a une signification… En tout cas qu’il n’est pas gratuit. Comme dans le monde de la finance, tout est crypté dans votre film !


Peut-être pas tout, mais les noms ont du sens. Que Nora s’appelle Nora et Solveig s’appelle Solveig ça renvoie à deux personnages d’Ibsen, cette appartenance indique qu’elles ont un lien, même si elles ne se connaissent pas. Serge a appelé sa fille Nora parce qu’inconsciemment ou pas, il pensait encore à Solveig…

 

Tout de suite mainenant - Agathe Bonitzer et Isabelle Huppert

Agathe Bonitzer, votre propre fille, joue Nora…


J’avais pensé à Agathe pour jouer la soeur, Maya, qui, dans un premier traitement, n’était pas la sœur mais un personnage très différent : une jeune fille folle amoureuse de Xavier et un peu perturbée.
Je ne pensais donc pas à elle pour jouer le rôle principal pour la bonne raison que c’était un risque de travailler ensemble, à la fois pour elle et pour moi. Et aussi une limitation : je ne peux pas tout me permettre avec quelqu’un qui est ma fille, il y a forcément de l’auto-censure, un certain nombre de tabous…
Mon producteur m’a dit que Nora était un rôle pour Agathe, qu’inconsciemment, c’est elle que j’avais en tête. J’ai réfléchi un peu et je me suis dit : après tout, pourquoi pas ? Agathe est une bonne comédienne, elle a de la ressource…


Sa beauté altière lui donne un côté Reine des neiges et confère au film une dimension de conte.


Eh bien oui, comme tous les enfants que nous avons tous été, j’aime beaucoup les contes de fées, leur cruauté parfois incroyable et qu’ils finissent bien ! Et puis Nora a en effet ce côté neigeux qu’Agathe, avec son teint de rousse, incarne parfaitement, à l’opposé de sa soeur Maya, jouée par Julia Faure, la brune sensuelle qui évoque plutôt le sud. Nora la cérébrale c’est en même temps la passion, le feu sous la glace !

 

Comment avez-vous pensé à Isabelle Huppert pour Solveig ?


J’avais envie de travailler avec elle depuis longtemps. C’est quand même l’une des plus grandes comédiennes qui soit. Et le premier scénario que j’ai écrit était celui des Soeurs Bronté, dans lequel elle était l’une des trois soeurs.
Face à Agathe, ce choix me paraissait intéressant – elles avaient déjà joué ensemble dans La Religieuse de Guillaume Nicloux et je savais que ça pouvait fonctionner. Agathe a une admiration totale, presque de l’adoration pour elle, mais ça ne la paralyse pas.
Face à Bacri aussi l’enjeu était intéressant parce que ce sont deux grands comédiens et qu’Isabelle et Jean-Pierre n’avaient pratiquement jamais tourné ensemble, sauf brièvement dans Coup de foudre de Diane Kurys, il y a plus de trente ans ! J’avais très envie de les confronter, particulièrement dans leur longue scène à l’hôpital qui est l’une des scènes centrales du film.

 

On sent un enjeu pour Bacri et elle de jouer ensemble, qui sert le propos de ce couple qui se retrouve après toutes ces années…


Oui, le courant est passé tout de suite, je crois qu’ils étaient heureux de jouer ensemble… La scène de l’hôpital a été tournée en plan séquence, on sentait beaucoup d’intensité, l’émotion était très forte. Jean-Pierre a aussi beaucoup d’admiration pour Isabelle, il m’a dit qu’il se sentait poussé vers le haut en travaillant avec elle...

 

Tout de suite maintenant - Jean Pierre Bacri

 

Il est rare de voir Isabelle Huppert pleurer, jouer une émotion plus extérieure…


J’ai trouvé très beau ce qu’elle a fait, d’autant plus qu’il n’était pas écrit qu’elle devait pleurer. C’est vraiment quelque chose qu’elle a ressenti pendant la scène. Et j’ai gardé cette prise où son émotion est à fleur de peau. Isabelle est arrivée sur le plateau après le tournage très éprouvant de Elle de Verhoeven. Elle n’avait eu que quelques jours de repos, on n’a pas eu le temps de répéter mais elle s’est emparée tout de suite du personnage. Et la perruque blonde, c’est son idée à elle, que j’ai trouvée très heureuse. Elle renforce l’éclat qu’Isabelle a naturellement.

 

Et retravailler avec Lambert Wilson ?


Je trouvais qu’il faisait un beau contraste avec Jean-Pierre Bacri. Lambert était un peu réticent au début sur le rôle, ne serait-ce que parce qu’il est plus jeune de quelques années que ses supposés anciens condisciples, Jean-Pierre et Pascal. Il n’avait pas envie de se vieillir. Pour le convaincre, j’ai dû lui citer Le Maître de Ballantrae de Stevenson, où le frère scélérat reste au long des années jeune et séduisant tandis que son brave type de frère accuse son âge et s’avachit. Barsac est le rôle du méchant dans le film mais Lambert, qui est quelqu’un de très tendre, a voulu l’humaniser et a fait affleurer une douleur secrète sous son côté cynique.

 

Il forme un duo singulier avec Pascal Greggory.


Je voyais bien l’opposition entre eux. Et en même temps ce qui pouvait les réunir. Et puis Pascal est un très grand acteur ; il n’est pas seulement beau, il a un charme et une élégance incroyables et a investi son personnage avec une originalité telle que je n’ai absolument rien eu besoin de lui dire : c’était exactement ça, tout de suite. Prévôt-Parédès, qu’il incarne, est le personnage dont l’histoire est la plus secrète, la plus en pointillés mais c’est pour moi un personnage essentiel. Il est clair qu’il a été amoureux et qu’il est encore amoureux de Solveig. Dans mon esprit, je ne sais pas si les spectateurs le captent mais peu importe, il est l’homme avec lequel elle est partie autrefois au Cambodge, après son histoire fracassée avec Serge et avant que Barsac ne la récupère.

 

On n’avait pas encore vu Vincent Lacoste dans un rôle si adulte et entreprenant…


Vincent est très jeune et c’est un grand talent comique, il est extraordinaire dans les films de Riad Sattouf mais j’avais envie de lui donner, cette fois, un rôle sérieux. Il avait déjà fait ses preuves dans ce registre dans Hippocrate mais là je voulais qu’il ait du répondant, quand il envoie à Nora ses quatre vérités à la fin, il fallait que ça fasse mal. Je lui avais demandé de se faire une tête un peu à la Jérôme Kerviel. J’ai adoré travailler avec lui.


Quant à Julia Faure pour interpréter Maya, je la connaissais un peu, c’est une très bonne comédienne et elle était proche d’Agathe. Elles sont aux antipodes physiquement, mais grâce à leur amitié, je savais que le côté sœurs pourrait fonctionner. Et puis, ayant fait le Conservatoire, elle a appris à chanter, ce qui bien sûr était la condition sine qua non pour jouer le rôle.

 

Le PDG incarné par Yannick Renier est plutôt séduisant.


Ce n’est pas venu tout de suite. Dans la première version, c’était un gros type assez vulgaire, mais je me suis rendu compte que ça ne fonctionnait pas, qu’il fallait prendre le contre-pied. J’ai alors pensé au patron de Virgin, Richard Branson, beau gosse, barbu, séduisant, dynamique. C’est Agathe qui m’a suggéré Yannick Renier, qui est un très bon acteur. Il n’a que deux scènes, mais importantes.

Ces chansons sont originales.

 

La mélodie a été composée par Bertrand Burgalat qui m’a dit que c’était à moi d’en écrire les paroles. Je n’y avais pas pensé, ça m’a surpris mais ça m’a plu. Bertrand est un grand compositeur mais c’est aussi un personnage, quelqu’un de très singulier, avec un univers bien à lui.
J’ai commencé à écrire plusieurs chansons et certaines lui ont plu. La chanson Je ne reviendrai pas, je l’ai écrite comme un sonnet classique, en alexandrins.
Quant à Gare du Nord, qui accompagne le générique de fin, elle n’était pas prévue mais Julia Faure a insisté pour que je l’écrive, après le tournage. Dans cette chanson, il y a une allusion à Orphée et Eurydice. Comme si les rapports de Serge et Solveig étaient un peu similaires : lui le poète la retrouve une dernière fois et la perd définitivement…

 

Avec ce film, vous saisissez quelque chose d’une jeunesse d’aujourd’hui.


Ah bon, vraiment ? En tout cas, c’est assez nouveau chez moi, il était temps !

 

Mon opinion

 

Encore un film sur le milieu de la haute finance. Certes.

 

Mais avec des grands plus, un excellent casting, un scénario fouillé, sans concession, et parfaitement écrit. Accablant pour les milieux financiers, sinistre toile de fond qui met en avant les principaux instigateurs liés à des histoires personnelles souvent sordides. L'intérêt passe avant tout.

 

À l'instar de ce milieu sans âme, les décors sont d'une redoutable froideur.

 

Les scènes s'enchaînent avec des moments de pur bonheur quand de grands acteurs mènent le jeu. Je retiens le face à face entre Jean-Pierre Bacri et Isabelle Huppert, entre autres. Toujours au top, l'excellent Pascal Gregory n'a plus rien à prouver. Dans une prestation aussi courte soit-elle, il excelle.

 

Les deux principaux protagonistes, Agathe Bonitzer et Vincent Lacoste ont le grand mérite d'exister aux côtés de l'ensemble des acteurs connus et reconnus. Peut-être un peu jeunes pour leur rôle respectif, ils n'en sont pas moins durs, inquiétants, parfois touchants mais toujours justes.

16 juin 2016 4 16 /06 /juin /2016 12:37

 

Kumbh Mela, Sur Les Rives Du Fleuve Sacré - Affiche


Réalisé par Pan Nalin


Avec Hatha Yogi Baba, Mamta Devi, Kishan Tiwari,


Genres Documentaire, Biopic, Drame


Production Indienne, Française

 

Date de sortie 30 juillet 2014

 

"Quoi de plus merveilleux que la force de la foi quand elle s’exprime de la sorte ? Elle permet à des multitudes de gens, qu’ils soient vieux ou jeunes, faibles ou fragiles, d’entreprendre sans hésitation un tel voyage et d’endurer, sans se plaindre, toutes les souffrances qu’il implique. C’est un acte d’amour ou de peur, je ne saurais le dire. Mais qu’importe l’origine. C’est quelque chose qui pour nous, les blancs, dépasse l’entendement".


Mark Twain, 1895

 

Synopsis

 

Le Kumbh Mela est le plus grand pèlerinage du monde, qui réunit en Inde tous les 12 ans, plus de 100 millions d’hindous venus se baigner dans les eaux sacrées du Gange, au confluent de 3 rivières.

 

Pan Nalin y a posé sa caméra et relate différents destins, profondément émouvants, tous liés par la même foi : un jeune vagabond, un Sadhu, une mère désespérée à la recherche de son petit garçon disparu, un Yogi qui élève seul un bébé abandonné, ou encore un ascète fumant du cannabis.

 

Des hommes et des femmes hors du commun, par leur personnalité et leur spiritualité, tous confrontés à un dilemme inextricable : vivre dans ce monde ou s’exiler.

 

 Le Kumbh Mela

Né dans une famille indienne très pauvre, mais spirituellement riche, Pan Nalin a passé son enfance à vendre du thé dans l’unique gare de son petit village. Fasciné par les miroirs, la lumière et les ombres, il n’aimait pas aller à l’école et préférait peindre et dessiner. C’est lorsqu’il voit son premier film à l’âge de 9 ans qu’il décide de devenir réalisateur.
Jusque-là autodidacte, il est admis au NID, une prestigieuse école de design indienne, où il apprend la réalisation. Passionné de cinéma, il organise également des festivals et des rétrospectives de ses cinéastes favoris : Jean-Luc Godard, Ingmar Bergman, Akira Kurosawa, Sergei Mikhailovich Eisenstein et Luis Buñuel.
Il tourne aussi des courts métrages, mais comprend rapidement que la meilleure école reste la vie. Après plusieurs voyages, il commence à travailler dans une société de production avant de monter sa propre société de production cinématographique, Ideas Unlimited. Il écrit alors des scénarios puis réalise des courts métrages et des documentaires en collaboration avec Canal +, la BBC, Discovery, National Geographic et France 3.
Son sujet de prédilection est la quête spirituelle à travers la société, la religion, la foi et la sensualité. En 1993, il décide de réaliser son premier long métrage Samsara qui sortira en salles en 2001, puis le documentaire Ayurveda sortira en France en 2005 en enfin le long métrage de fiction la Vallée des fleurs réalisé en 2006, un conte qui prend vie au coeur de l’Himalaya du XIXème siècle pour terminer dans le Tokyo moderne. Il faut attendre alors sept ans pour le voir revenir au documentaire. Avec Faith Connections, Pan Nalin rend hommage à son père en respectant son souhait, celui de prendre part au voyage spirituel du Kumbh Mela.

Kumbh Mela. Commentaires du réalisateur.

 

Le Kumbh Mela est l’une des plus extraordinaires manifestations religieuses au monde. C’est un voyage qui dépasse l’entendement et qui attire une centaine de millions de fidèles. Il n’a lieu qu’une fois tous les douze ans au bord du Gange, près d’Allahabad, au Nord-Est de l’Inde. Et tous les 12 Kumbh Mela, soit tous les 144 ans, la configuration des planètes est telle qu’elle transmet au fleuve encore plus de pouvoirs. Le nombre de pèlerins augmente alors sensiblement.


C’était le cas du Kumbh Mela qui a eu lieu en 2013 et qui a servi de cadre à ce film.


Ce pèlerinage hindou se déroule pendant un mois et demi sur le Triveni Sangam qui signifie : "carrefour des trois rivières". C’est un lieu sacré pour les Hindous. Selon la tradition, celui qui s’y baigne sera lavé de ses péchés et libéré du cycle des renaissances et des réincarnations. En hindi, Kumbh signifie la "cruche" et Mêla, "la fête". Selon la mythologie hindoue, la croyance veut que quelques gouttes d’un "nectar d’immortalité" soient tombées de la cruche que transportaient les Dieux, après le retrait de la mer. Cette fête est considérée comme le plus grand rassemblement humain sur terre. Selon les estimations, 4 à 7 millions de pèlerins se baignent le jour des plus grands auspices. Le nombre total de pèlerins serait de 70 à 100 millions au cours des 55 jours que dure le c.

 

L’événement majeur de la fête est le bain rituel qui a lieu sur les rives du Gange et de la rivière de Yamuna.

 

Kumbh Mela, Sur Les Rives Du Fleuve Sacré

 

Les autres activités incluent des débats religieux, des chants, des rassemblements où l’on discute des différentes doctrines et surtout, les repas qui sont servis par milliers aux fidèles et aux pauvres. Pendant le Kumbh Mela, on peut voir des Sâdhus revêtus de leur robe couleur safran, la peau parsemée de cendres et de poudre, conformément aux traditions ancestrales. (Les sâdhus (ascètes), au nombre de 7 millions, suivent une voie de pénitence et de mortification pour atteindre l’illumination. Ils souhaitent modifier leur karma en rejetant l’attachement au monde, par des pratiques qui nous apparaissent pour nous occidentaux comme barbares.)

On peut rencontrer certains hommes, les Naga Sanyasis, entièrement nus, même lors d’hivers très froids. Aucune fête hindoue de cette ne se conçoit sans l’omniprésence de la ganja (le cannabis) !

 

On voit les gens arriver de toutes parts, inonder les gares ferroviaires, les routes, les ponts… Ils affluent vers les innombrables camps de tentes qui forment Kumbh City.

 

La force de ce rassemblement, c’est le peuple. Tous ces gens se présentent tels qu’ils sont : des villageois, des nomades, des hommes d’affaires, des hommes nus, des saints, des ascètes fumant de la ganja, des riches, des pauvres, des jeunes, des vieux… Ils sont tous là, unis par la même foi. Ils marchent tous vers une même destination : le confluent entre les trois rivières, avec un même objectif : le bain sacré dans le Sangam.
Alors que je voyageais et ressentais la force de la foi, des histoires incroyables se sont déroulées et se sont croisées au travers de mes rencontres… Cependant la foi est mise à rude épreuve au bureau des personnes disparues. Là, les gens ne cessent de se présenter, jour et nuit, à la recherche de leurs proches, égarés au milieu d’une foule de millions de personnes. Environ 70 000 haut-parleurs annoncent 24h/24h le nom des personnes disparues.


Qu’est-ce qu’il adviendrait si la foi devait déserter l’humanité ? Que deviendraiton si nous devions perdre notre capacité à croire ? Qu’est ce qui nous porte ? Qu’est ce qui porte des millions et des millions d’êtres humains ? Qu’est-ce qui les incite à avoir la foi ? Est-ce vraiment Dieu ? Ou est-ce la crainte de nos péchés, petits ou grands ? Ou est-ce simplement que l’humanité n’a pas d’autre choix que de croire ?


Au XXIème siècle, nous avons maîtrisé les esprits, conquis les coeurs, créé l’illusion de ce que devraient être la liberté et le bonheur, et pourtant cette peur profonde continue à nous habiter. Ai-je péché, ai-je accumulé de mauvais karmas ? Suis-je ici parce que je crois en Dieu ou parce que j’ai perdu la foi en l’humanité ?

 

Kumbh Mela, Sur Les Rives Du Fleuve Sacré

Entretien avec le réalisateur Pan Nalin

 

Pourquoi le Kumbh Mela ?


À quel endroit sur Terre pourrait-t-on être témoin d’un tel pouvoir de dévotion ? De nos jours, nous perdons le contact "réel" avec les religions : tout est pouvoir, politique, fanatisme et exploitation de la foi. Les vrais dévots sont rares et en voie de disparition. Les religions n’ont plus aucun sens : la spiritualité est emballée, exportée puis réimportée comme un mode de vie. Ainsi, seuls les plus démunis ont encore une foi réelle – le Kumbh Mela en est le spectacle. La foi a un pouvoir tel que j’ai été, de nombreuses fois, ému aux larmes. Je n’ai aucune explication rationnelle à donner : il s’agit d’un sentiment profond, comme un feu qui brûle en vous. Mais ce feu spirituel, seuls les pauvres de notre monde le ressentent. Des millions d’entre eux affluent vers le Kumbh Mela, guidés par cette foi. Et cette manifestation n’existe nulle part ailleurs sur Terre.

 

Quelle approche avez-vous du plus grand rassemblement du monde – et où trouvez-vous toutes ces histoires ?


Nous vivons à l’ère des images. Nos vies sont envahies par des images qui nous parviennent sous beaucoup de formes : cinéma, TV, internet, smartphones, livres, magazines… Nos sens sont constamment bombardés de contenus audiovisuels. Par conséquent, quand je suis arrivé au Kumbh, je me suis dit que si je ne trouvais pas de personnalités intrigantes, j’abandonnerais l’idée de faire un film car la production cinématographique est déjà nombreuse sur cet événement. J’ai cherché les intrigues les plus simples : une mère à la recherche de son fils, un bébé abandonné qui bouleverse la vie d’un Yogi, un enfant qui doit choisir de devenir Sadhu ou gangster, un pèlerin qui ne veut simplement rien… Seule la rencontre avec ces personnes aux parcours "vraiment" exceptionnels pouvaient nourrir ma vision artistique. Une fois mon projet mis au clair, il me restait à plonger dans l’océan de l’humanité pour y pêcher des trésors. D’ailleurs, étonnamment, mon expérience fut proche de celle de la pêche ; je sentais tout avant même de le voir !

 

Sur quoi avez-vous construit le style cinématographique du film ?


A notre époque, l’audiovisuel envahit nos sens, j’essaie donc de chercher un style visuel personnel, un point de vue qui puisse apporter de la fraîcheur aux spectateurs. Les médias de toutes sortes envahissent notre vie, ce n’est pas seulement l’histoire qui est importante mais aussi la manière dont on la raconte, et qui la raconte. Alors j’ai décidé de bien cerner mes personnages pour tenter ensuite de les approcher à la loupe ; le défi étant d’arriver à se sentir dans leur peau. J’ai été également inspiré par la macrophotographie, très étonnante, de l’artiste Natasha De Betak, qui a apporté une nouvelle dimension au style cinématographique.

 

Kumbh Mela, Sur Les Rives Du Fleuve Sacré

Vous faites aussi bien des fictions que des documentaires, est-ce facile de passer de l’un à l’autre ?


Je n’aime pas faire de différence entre fiction et documentaire : pour moi, il n’y a que des films. Je ne segmente pas les styles (artistique, commercial ou cinéma du monde). Pour moi, il y a les films que nous aimons, et les films que nous n’aimons pas. L’intérêt et l’envie qu’il y a à faire un documentaire, c’est qu’il y a plein de surprises ; vous ne savez jamais où vous allez commencer et où vous allez vous retrouver. Contrairement à la fiction, le documentaire se "fait" après le tournage, alors qu’il faut décider de presque chaque image avant de filmer une fiction. Quand vous attaquez la réalité de front, vous n’avez guère plus de choses à faire que de décider de l’endroit où vous allez placer votre caméra, de quand vous allez la mettre en marche et de quand vous allez l’arrêter - voilà tout. Vous n’avez aucun contrôle, ni sur le désir ni sur les destins de vos personnages et vous n’avez aucun pouvoir sur l’intrigue. C’est une sensation absolument édifiante. Dans la fiction, vous saisissez la vie pour recréer du réel. Dans les documentaires, vous saisissez le réel pour recréer de la vie. Dans les deux cas, l’intention est la même : recréer de la vie, raconter des histoires.

Les personnages du film.

 

Kishan Tewari


Un petit garçon d’à peine 10 ans. Il est ici pour une toute autre raison. C’est une occasion de faire des affaires, ou de devenir quelqu’un. Il devient l’ami du livreur de lait, d’un policier et d’un couple de Sâdhus. Est-il réellement un orphelin ? Où vit-il ? Ne craint-il pas ces foules immenses ? Finalement, Kishan pense qu’il voudrait être Sâdhu ou Caïd dans la Mafia de Bombay. Nous l’accompagnons pour savoir quelle sera sa décision finale. Kishan choisira-t-il de devenir un mafieux ou un Sâdhu ?

 

Kumbh Mela, Sur Les Rives Du Fleuve Sacré


Baba Hatha Yogi


Alors que Kishan se demande s’il va quitter le monde pour rejoindre une vie ascétique, le destin de Baba le ramène vers le monde. Il a vagabondé en ermite et a renoncé au monde il y a bien longtemps, mais son destin a basculé un beau jour où il a découvert un nouveau-né à l’entrée de sa hutte. Il a d’abord recherché les parents du petit garçon mais personne ne s’est présenté pour le réclamer. Baba a été obligé d’endosser le rôle du père et de la mère. Depuis trois ans, Baba est attiré dans le monde du quotidien pour nourrir le bébé. Il est forcé d’apprendre les règles de la société indienne moderne : le soin des enfants, l’éducation, la carrière…


Vivekanandji & Umeshji


Ce sont des Sadhus adultes, qui ont campé à la Akhada Agni pour faire du Satsang et du Bhajan ; leurs discours spirituels et leurs discussions se font jour et nuit au milieu des nuages de fumée de Ganja !


Lost & Found camp


C’est le bureau des personnes disparues qui remet toutes nos croyances en question. Ici les gens se démènent jour et nuit, pour retrouver leurs proches. Environ soixante-dix mille haut-parleurs sont reliés à ce bureau pour annoncer les noms des personnes disparues vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

 

Mamta Devi et Sonu


Au Centre Lost & Found, nous avons rencontré les parents Mamta Devi et Sonu qui ont perdu leur fils de trois ans, Sandeep. Nous continuons à les suivre dans leur recherche de leur fils disparu. Après environ trois ou quatre nuits, la mère s’écroule. Le père perd tout espoir. Ils n’ont ni mangé ni dormi depuis plus d’une semaine. Trouveront-ils leur fils ? Est-ce Dieu qui les met à
l’épreuve ? Y aura-t-il d’heureuses retrouvailles ? Leur fils fera-t-il partie de ces cinq pour cent de personnes jamais retrouvées ?

 

Bhole Baba & Shuklaji

Pèlerin de 40 ans. Il passe son temps à visiter des temples et à rencontrer des Esprits. Il aime fumer de la marijuana sacrée dans une pipe en terre. Il croit que Bob Marley aurait pu être un Sadhu. Il pense aussi que les Babas et les Sadhus sont adaptés aux temps modernes. C’est pourquoi aujourd’hui on trouve des Sadhus appelés : Pilote Baba, iPad Baba, Baba Visa et même Obama Baba !

Mon opinion

 

Le réalisateur a posé ses caméras en 2013 lors de ce dernier rassemblement hindou, unique au monde, et rassemblant des millions de croyants.

 

Une tradition voudrait que les dieux se soient battus pour obtenir un nectar donnant l'immortalité. Quelques goutes du précieux liquide seraient tombées dans les fleuves sacrés. "Ce pèlerinage hindou se déroule pendant un mois et demi sur le Triveni Sangam qui signifie : "carrefour des trois rivières". C’est un lieu sacré pour les Hindous. Selon la tradition, celui qui s’y baigne sera lavé de ses péchés et libéré du cycle des renaissances et des réincarnations." A déclaré le réalisateur.

 

Pour ce documentaire Pan Nalin, suit plusieurs catégories de croyants, tous rassemblés ici dans une même et grande exaltation. Différents dans leur mode de vie respectif, ils n'en sont pas moins respectueux les uns par rapport aux autres.

 

Une douce sérénité se dégage de certains visages, bien souvent ceux des plus démunis. La photographie s'attarde sur ces mouvements de foule, véritable marée humaine, en marche vers un même et seul but.

 

L'ensemble est assez long, quelques passages sont répétitifs, mais pour les amoureux de ce pays, il n'est guère difficile de se laisser emporter par une grande émotion.

 

Kumbh Mela, Sur Les Rives Du Fleuve Sacré

15 juin 2016 3 15 /06 /juin /2016 20:44

 

Sunrise


Réalisé par Partho Sen-Gupta


Avec Adil Hussain, Tannishtha Chatterjee, Ashalata Wabgaonkar,

Gulnaaz Ansari, Komal Gupta, Esha Amlani, Chinmay Kambli

 

Titre original Arunoday


Production Indienne et Française

 

Date de sortie 2 mars 2016

 

Synopsis

 

Dans la vaste mégalopole de Mumbai, l'inspecteur Joshi (Adil Hussain) recherche désespérément sa fille de six ans, Aruna, qui, un jour, n'est pas rentrée à la maison après l'école.

La journée, Joshi est un maillon essentiel des apathiques forces de police ; la nuit, il erre dans les bars dansants clandestins, à la recherche de sa fille. Une silhouette sombre apparaît partout où va Joshi, mais malgré ses nombreuses tentatives pour l'attraper, elle reste inaccessible. Tard dans la nuit, Joshi retourne à son petit appartement pour faire face à sa femme brisée.

Naina (Esha Amlani), une petite fille de six ans, est emmenée par des trafiquants dans une maison close et est confiée à Komal (Gulnaaz Ansari), une prostituée adolescente. La petite fille voit les autres enfants être envoyés vers des "clients".

Joshi et les autres policiers mènent une rafle dans la maison close, mais les maquereaux cachent les enfants dans un faux plafond. Joshi sent la présence de la silhouette sombre. On amène à Joshi un jeune homme de 16 ans, Babu (Chinmay Kambli), qui a été sévèrement battu. Joshi ne peut obtenir aucune réponse de sa part. Il décide d'enquêter sur la famille de Babu, mais rien ne ressort de l'enquête.

Il sent encore la présence de la silhouette.

Avant que le jour ne se lève, Joshi doit attraper cette silhouette fuyante qui détruit la vie des enfants.

 

Sunrise

Partho Sen Gupta, réalisateur, scénariste, et producteur est né à Mumbai, en Inde. Il a commencé sa carrière comme apprenti-décorateur aux studios de Bollywood à l’âge de 17 ans. Il a alors créé son propre studio de création de décors. Il a réalisé les décors et les effets spéciaux de nombreux films et publicités.

Il a été le chef décorateur du film Nocturne Indien d’Alain Corneau, tourné en Inde en 1989.

En 1993, il obtient une bourse pour étudier la réalisation à la Femis, L’école nationale des métiers de l’image et du son, à Paris. Il réalisa quatre films avec lesquels il fit le tour des festivals d’Europe, gagnant plusieurs prix.

Après son diplôme, il réalise son premier long-métrage, Hava Aney Dey (Let the Wind Blow) qui a été sélectionné au Festival International du Film de Berlin en 2004. Il a été montré au MoMa à New-York dans le cadre de la présentation Global Lens.

Son nouveau film, Sunrise (Arunoday), une co-production franco-indienne, avec Adil Hussain et Tannishtha Chatterjee a été sélectionné au festival International du film de Busan dans la catégorie  New Current.

Partho Sen Gupta vit désormais à Sydney, en Australie.

Comment concrètement as-tu trouvé le financement pour Sunrise ?


Comme je ne parvenais pas à trouver de l’argent, j’ai fait appel au crowfunding en 2011. J’ai appris sur le tas comment fonctionnaient Facebook et Twitter et j’ai ainsi récolté 21 000 dollars. Cette collecte représente un vrai travail et m’a pris trois mois. J’ai ensuite rassemblé mes comédiens et j’ai réalisé un teaser d’une durée de deux minutes. Il m’a permis d’être sélectionné pour le marché Open Doors du Festival de Locarno. Armé d’un iPad où était stocké ce teaser, j’ai pitché mon film à de nombreuses personnes. Marc Irmer, qui est devenu le producteur de Sunrise et que je connaissais depuis l’époque de mon passage à la Fémis, s’est intéressé au projet. J’ai aussi rencontré des représentants du National Film Development Corporation of India, l’équivalent indien du CNC, qui voulaient que je leur soumette le projet. Ils pouvaient apporter 50% du budget, mais il fallait passer devant une commission. J’ai donc fait les démarches nécessaires. Au moment du crowfunding, j’ai eu des contacts avec deux financiers, dont un Indien basé à New-York, qui produit beaucoup de films. Il était d’accord pour mettre 25 000 dollars car il voulait voir ce que j’allais pouvoir faire. Un autre investisseur souhaitait financer des films, mais ne l’avait encore jamais fait. Il a aussi investi 25 000 dollars.


J’avais prévu à l’origine un budget de 200 000 dollars, mais quand j’ai soumis mon projet au National Film Development Corporation of India, ses membres ont considéré qu’il ne pouvait s’agir d’un vrai budget. Nous l’avons retravaillé et il est monté à 500 000 dollars. Le CNC indien a donné un avis favorable et a contribué au financement du film à hauteur de 53%. Le producteur français, Marc Imer de Dolce Vita Films, a apporté 35% du budget, que j’ai complété avec ma société, Independent Movies.

 

Ton film est fini,

quelle est ta stratégie pour le faire connaître par le plus grand nombre ?


Comme nous disposons de plus de moyens pour Sunrise par rapport à mon premier film, nous avons embauché un agent de vente. Son rôle est celui d’un vendeur - que ni moi, ni mon producteur ne sommes. Cet agent possède des réseaux et fait passer les films dans les festivals. Chaque festival va payer entre 800 et 1000 euros par projection qu’il va utiliser pour faire de la publicité. Jusqu’à son arrivée en janvier, nous pensions montrer Sunrise dans des festivals d’art et essai classiques. Il a ainsi été projeté aux festivals de Pusan et de Bombay. C’est lui qui a eu l’idée de l’inclure dans des manifestations spécialisées dans les polars. Du coup, il va être montré à Sitges, à Fantastia à Montréal... Par ailleurs, nous avons déjà vendu le film en Allemagne pour une sortie en salles. C’est une petite vente, mais c’est déjà une vente.


Je ne pense pas qu’il sera distribué en salle dans beaucoup de pays, mais il sera visible sur iTunes, en VOD... Il faut vivre avec la réalité d’aujourd’hui. J’aimerais bien sûr que le film sorte en salle, mais le contexte actuel d’une offre trop abondante et d’une moindre place accordée aux films d’art et essai dans les cinémas rend une sortie difficile. Sunrise a en outre comme défaut de ne pas être un film réaliste. Or le monde du cinéma en Europe privilégie les films tournés dans une veine réaliste, comme ma première réalisation, Let the Wind Blow. J’ai réussi avec Sunrise à sortir du ghetto "film indien", même si je ne l’ai pas fait consciemment. Il est à la fois un peu un polar, un peu un film fantastique.

 

Extraits d'interview relevés sur sancho-asia.com

Partho Sen-Gupta est la nouvelle tête du ciné indé indien. Dans la droite lignée d'Anurag Kashyap et de ses polars noirs, Gangs of Wasseypur ou Ugly, tous deux projetés à la Quinzaine respectivement en 2012 et 2013, le réalisateur signe un drame encore plus sombre.

 

Mais s'il a le thème et la noirceur de Ugly, les ressemblances s'arrêtent là. Au contraire d'un Kashyap d'inspiration largement tarantinesque, Partho Sen-Gupta tangue, lui, franchement vers David Lynch. Dans sa façon de filmer les errances de son héros, ses songes. La nuit, enrobée du seul bruit de la pluie tombant drue sur ce Mumbai poisseux.

 

Dans cette divagation permanente entre rêve et réalité.

 

Sunrise est un film à la lisière de l'autobiographie pour un réalisateur qui a manqué, petit, de se faire kidnapper. "Quand ils ont essayé de m'enlever, j'ai crié si fort que des ouvriers m'ont entendu et sont venus à mon secours", explique le cinéaste.

Quand, des années plus tard, sa fille naît, ce traumatisme d'enfance réapparait. Il fait des cauchemars toutes les nuits. Le résultat, ce Sunrise. Pas un film réaliste. Mais un film sur l'émotion. La sensation. Celle d'avoir un enfant qui disparaît du jour au lendemain. Un drame qui fait écho à un véritable phénomène. Chaque année en Inde, plus de 50.000 enfants se volatilisent.

 

Des gamins poussés, le plus souvent, vers la prostitution, la mendicité ou le travail forcé.

 

Sunrise

Partho Sen-Gupta a choisi de traduire cette tragédie par l'onirique. Sans aucune linéarité dans la narration. Passant sans cesse de l'enquête, réelle, au cauchemar de Joshi. Comme si cet homme ne pouvait plus espérer quoi que ce soit de cette vraie vie. De son pays qui comme seule réponse, lui a balancé son indifférence. Et le voilà, glissant peu à peu, dans un monde imaginaire. Le seul endroit où il peut encore espérer réparation et se muer en héros. Abattre les coupables et revoir sa fille. Ce n'est alors plus un père à la recherche de son enfant que nous présente Partho Sen-Gupta. Mais les réactions de l'esprit humain confronté à la douleur et à l'injustice. Les réactions de sa femme qui a elle perdu la tête depuis bien longtemps. Leurs relations. Taiseuses, meurtries, presque macabres.
 
Et si l'on sent parfois une mise en scène de la noirceur un peu artificielle, ce film n'en reste pas moins un drame poignant, empli, tout à la fois, d'espoir et de résignation.

 

Sources : Boris Courret. Pour culturebox.francetvinfo.fr.

 

Sunrise

Mon opinion

 

Le film tout entier s'appuie sur une atmosphère lourde, sombre, assez irréelle.

 

Le scénario est réduit au strict minimum. Le film traite de la disparition, et du trafic des enfants indiens, qui s'en suit. La prostitution enfantine pour toile de fond.

 

Le réalisateur/scénariste, connaît bien l'horreur du propos, il a déclaré : "Quand ils ont essayé de m'enlever, j'ai crié si fort que des ouvriers m'ont entendu et sont venus à mon secours", explique-t-il. Un souvenir trop pesant et douloureux pour l'étayer par un scénario plus construit.

 

Mumbai, pour la plus grande partie, plongée dans les ténèbres, et la mousson, assombrissent davantage encore sur le propos cauchemardesque du film.

 

La photographie est souvent belle.

 

Si le cinéaste a du mal à convaincre avec ce polar, il ne manque pas d'une certaine virtuosité dans sa mise en scène.

10 juin 2016 5 10 /06 /juin /2016 11:52

 

Date de sortie 8 juin 2016

 

Folles de joie


Réalisé par Paolo Virzì


Avec Valeria Bruni Tedeschi, Micaela Ramazzotti,

Valentina Carnelutti Bob Messini, Tommaso Ragnon Sergio Albelli,

Anna Galiena, Marisa Borini, Marco Messeri Bobo Rondelli

 

Titre original La Pazza Gioia


Genre Comédie dramatique

 

Production Italienne, Française

 

Synopsis

 

Beatrice Morandini Valdirana (Valeria Bruni Tedeschi) est une mythomane bavarde au comportement excessif.
Donatella Morelli (Micaela Ramazzotti) est une jeune femme tatouée, fragile et introvertie.
Ces deux patientes de la Villa Biondi, une institution thérapeutique pour femmes sujettes à des troubles mentaux, se lient d’amitié.
Une après-midi, elles décident de s’enfuir bien décidées à trouver un peu de bonheur dans cet asile de fous à ciel ouvert qu’est le monde des gens "sains".

 

Folles de Joie (La Pazza Gioia) - Micaela Ramazzotti et Valeria Bruni Tedeschi

 

Micaela Ramazzotti et Valeria Bruni Tedeschi

Entretien avec le réalisaateur Paolo Virzi relevé dans le dossier de presse.


Après avoir réalisé un thriller noir, aux tons froids et sarcastiques, Les Opportunistes, peut-on dire, qu’avec ce nouveau film, vous revenez à une comédie aux tons plus chauds ? Ou au contraire, vu les thèmes abordés comme la maladie mentale, s’agit-il d’un film encore plus dramatique ?


Nous avions entre les mains une douzaine de pages d’un sujet avec pour protagonistes deux patientes en psychiatrie aux caractères opposés qui, un peu par hasard, s’enfuient de la structure clinique qui les accueille. Un refus des mesures de sécurité, des contraintes de la cure qui devient une errance euphorique et sans fin dans le monde extérieur.


Nous pouvons donc le défi nir comme une comédie d’aventure ?


Je voulais que ce soit une comédie, divertissante et humaine, une histoire qui, à un moment donné, finirait par s’approcher d’un conte, ou carrément d’un trip psychédélique, mais sans être dépourvue de sens. Nous voulions raconter aussi l’injustice, l’oppression, le martyre de personnes fragiles, de femmes stigmatisées, méprisées, condamnées, recluses. Mais sans que cela ne devienne un pamphlet. Nous cherchions des traces de bonheur, ou pour le moins d’euphorie, dans l’internement. Peut-on sourire ou même rire en racontant la souffrance, ou est-ce quelque chose d’impudique, de scandaleux ? Espérons que oui, parce que c’est ce que je préfère quand je fais un film, au fond, c’est la seule chose qui m’intéresse. Par exemple dans ce film, nous mettons en scène un épisode parmi les plus féroces qu’il m’ait été donné de filmer. Et pourtant je me rends compte que j’ai essayé de le raconter sur un ton heureux. C’était, il me semble, l’unique façon de parler d’un sujet aussi terrible que mystérieux.

 

Voulez-vous nous raconter votre travail sur le scénario, écrit cette fois avec Francesca Archibugi ?


Avant de nous lancer dans l’écriture du scénario, nous avons commencé par interroger de vrais psychiatres et psychothérapeutes et leurs avons demandé de nous accompagner dans le monde des structures cliniques.

 

Folles de joie (La Pazza Gioia) - Micaela Ramazzotti et Valeria Bruni Tedeschi.

Nous avons rencontré toutes sortes de patients : catatoniques, hystériques, mélancoliques, importuns, paranoïaques, prolixes. Et j’ajouterais: comme dans la vie de tous les jours. Parmi eux, il y avait aussi des personnes que les institutions, les juges, les services sociaux avaient jugées dangereuses car elles avaient commis des délits et risquaient un internement dans des hôpitaux psychiatriques judiciaires. Nous y avons rencontré bon nombre de Beatrice et de Donatella. On ne pouvait s’empêcher de poser les questions classiques et stupides : quel est son trouble ? Quelle maladie a-t-elle ? Est-elle, bipolaire ? Dépressive ? Borderline ? En s’intéressant aux histoires de chacune, en fouillant dans leurs vies souvent tumultueuses, nous avons trouvé une grande partie de cette trame passionnante justement parce que l’identité de ces personnes n’est jamais définie par un compte-rendu médical, le nom d’une maladie, les médicaments à prendre. Nous voulions surtout adopter leur point de vue.

 

 

 

Et adopter le point de vue  de Beatrice et de Donatella, cela signifiait affirmer l’importance de leur histoire, faite de tribulations, d’abus subis et perpétrés, une histoire qui par bien des aspects peut se révéler drôle, délirante, comique. Nous les avons aimées quand nous les avons écrites, nous les avons aimées quand nous les avons filmées, parce qu’elles nous faisaient rire, parce que même durant le tournage, au moment où elles sont devenues deux êtres en chair et en os, ensemble, elles transmettaient une joie mystérieuse, irrésistible, contagieuse. Et s’il est vrai que dans ce film nous avons mis en scène des moments sombres, désolés et parfois violents, il m’a semblé par d’autres aspects n’avoir jamais filmé autant d’exaltation, d’ivresse, d’hilarité.

Parlez-nous de la Villa Biondi... Est-ce une structure qui existe réellement ?


Durant les repérages, nous avons visité des endroits décourageants, où les patients étaient traités de manière expéditive : placés sous sédatifs, attachés par des lanières, ou oubliés. Mais nous avons aussi découvert des endroits très beaux chargés d’énergie, où on essaie de mettre en place des projets de réinsertions, qui vont au-delà de la surveillance, où il fait bon vivre.

 

Surtout, nous avons rencontré beaucoup de médecins, psychiatres, psychothérapeutes, personnel paramédical, bénévoles et motivés, compétents et passionnés, dont le dévouement était total et touchant, malgré une carence en structures et en personnel adéquat.


Nous avons créé la Villa Biondi en nous inspirant d’éléments observés sur les collines de Pistoia, dans les pépinières, où travaillent des personnes venant d’un centre comme celui-ci. À la Villa Biondi, il y a aussi une assistante sociale sceptique, obtuse et normative, des règles strictes, une pluie de médicaments, pouvant donner l’envie de s’enfuir. Nous avons cependant voulu imaginer un endroit accueillant où on aimerait revenir.


Parlez-nous de Valeria Bruni Tedeschi et Micaela Ramazzotti, les interprètes de Beatrice et Donatella : aviez-vous pensé à elles dès le début ?


Je n’aurais jamais réalisé Folles de joie sans Valeria et Micaela. La toute première inspiration est née d’une situation observée de loin alors qu’elles marchaient dans l’herbe, la boue et la neige. Nous étions sur le tournage des Opportunistes et Micaela était venue en visite, le jour de mon anniversaire. Je tournais la dernière prise avant la pause déjeuner. Et je vois justement sur le terrain où se trouvaient les mobile-homes des acteurs et de la production, Valeria emmenant Micaela vers le chapiteau du traiteur, la première portant une robe dorée et élégante, trottinant sur ses talons, tandis que l’autre la suivait péniblement, avec un mélange, m’a-t-il semblé, de confiance et d’effarement. Et à un moment, comme le terrain était inaccessible et détrempé par la neige fondue, Valeria a tendu la main vers Micaela pour l’aider. C’est à cet instant que j’ai eu une envie soudaine de pointer la caméra vers ces deux filles intrigantes, très belles, drôles et peut-être un peu folles.

 

Folles de joie (La Pazza Gioia) - Valeria Bruni Tedeschi et Micaela Ramazzotti

Deux protagonistes féminines, une clinique qui n’accueille que des femmes... c’est aussi pour cela que vous avez voulu écrire le film avec une co-scénariste ?


J’ai toujours été très intéressé par les personnages féminins, aussi bien comme lecteur que comme spectateur. De Madame Bovary à Anna Karénine il y a une littérature qui tire son inspiration du récit de l’esprit féminin. Je pense aussi à Carlo Cassola, et au cinéma de Pietrangeli, Scola, Woody Allen… Pourtant il n’y a pas de doute qu’avoir Francesca comme partenaire a été utile. C’était un désir que nous avions depuis longtemps, et au fond nous l’avions déjà fait de manière non officielle, lorsque nous étions ensemble élèves de Furio Scarpelli, jeunes diplômés du Centro Sperimentale. En 1987, Francesca avait déjà tourné son premier film, quand j’étais encore à l’école. Nous avions pris l’habitude de nous échanger les scripts, d’y fourrer notre nez, et nous avons continué à le faire. Mais nous n’avions jamais écrit un film ensemble et il m’a semblé que c’était le bon projet. Nous partageons de nombreuses passions, politiques, narratives et psychiatriques. Nous avons eu des expériences avec des amis et des parents un peu fous et peut-être que nous attirons tous les deux certains cinglés, psychotiques, dérangés en tout genre.


Pouvons-nous définir ainsi Folles de joie comme un film thérapeutique ?


Tous les films sont une thérapie. Ils aident, je ne dis pas à guérir, mais au moins à mieux supporter les choses de la vie, surtout s’ils vont débusquer la comédie précisément au coeur du drame et de la tragédie.

 

Folles de joie (La Pazza Gioia) - Valeria Bruni Tedeschi et Micaela Ramazzotti

Entrtien avec Valeria Bruni Tedeschi.


Comment avez-vous abordé votre rôle ?


Je pense que le personnage de Beatrice a quelque chose de très puissant. En jouant le rôle de Beatrice j’ai beaucoup pensé à Blanche Dubois, au personnage en soi, à sa fragilité, à sa solitude, à sa manière de sortir de la douleur, de s’en protéger par la folie. J’ai éprouvé physiquement comment la folie protège de la douleur, comment l’imagination et la folie, qui chez elles vont ensemble, la préservent de la douleur insupportable et de la solitude. Quand un personnage comme celui de Beatrice est aussi bien écrit, si complet et si parfait – parce qu’il contient toutes les guerres intérieures, les dynamiques, les motivations, les besoins, les actions, les rêves – alors pour un acteur tout est plus facile.


Quel genre d’approche avez-vous eu avec ce personnage ?


Parfois j’aurais voulu être encore plus précise, encore plus profonde, fantaisiste, inventive. Peut-être que je ne me sentais pas à la hauteur et d’une certaine manière, j’ai l’impression que cette frustration a été positive pour le personnage parce que Beatrice n’est pas une femme satisfaite. J’ai essayé de lui offrir aussi mon insatisfaction personnelle, ma nervosité, ma fatigue, parfois aussi mon incapacité, parce que c’est une incapable. Je sentais que la Beatrice que j’interprétais me prenait et me faisait faire un petit pas, pour pénétrer dans sa maladie, dans sa mythomanie, dans sa méchanceté, dans son besoin d’amour. Je n’ai pas eu l’impression d’être moi saine et elle malade, mais que je devais me déplacer un petit peu, un tout petit peu par rapport à moi-même. Par exemple sa mythomanie a quelque chose de très naturel, on comprend pourquoi elle est aussi mythomane, pourquoi elle est aussi méchante à certains moments et pourquoi à d’autres elle perd le sens de l’orientation. De plus, comme je disais, j’utilise toujours des éléments personnels... la solitude de Beatrice ne me semble pas si lointaine. Dans la vie je ne suis peut-être pas aussi mythomane, pourtant la première scène que nous avons tournée est une vraie scène de mythomanie et j’ai compris aussitôt que la mythomanie de cette femme représentait une manière de ne pas tomber dans la dépression. Curieusement Beatrice est une mythomane qui dit de nombreuses vérités. Par la suite, on voit que qu’elle dit presque toujours la vérité...


Comment avez-vous réussi, avec Micaela Ramazzotti, à faire vivre votre couple sur le plateau ?


Tout doucement, scène après scène. Une des premières séquences que nous avons tournées avec Micaela est celle où je fais semblant d’être une psychiatre. Une scène fondatrice de notre amitié orageuse. Je l’accueille, la comprends et elle se sent comprise et accueillie. Mais ensuite elle se sent trompée. C’est comme ça que j’ai été animée par mon besoin de sauver et de protéger, et puis est né son besoin à elle d’être sauvée et protégée ; ensuite encore une déception, après quoi nous nous retrouvons de nouveau... Voici toutes les étapes de l’amitié de ce couple, où l’une et l’autre, en quelque sorte, tombent amoureuses. Avec Micaela, nous avons avancé courageusement, avec des instants diffi ciles aussi, parce qu’il y avait des moments de joie mais aussi de violence entre nos deux personnages, et nous les avons tous vécus, avec une vraie joie et aussi avec une vraie violence. Nous avons toutes deux accepté de nous montrer, de nous faire du mal et de nous faire du bien, mais surtout de ne pas faire les choses de manière conventionnelle, mais de la façon la plus authentique possible. J’espère que le couple auquel nous donnons vie est plein de tout ce que nous avons vécu vraiment, avec des moments où nous étions ensemble mais où nous nous sentions seules, exactement comme nos personnages.

 

Folles de joie.

 

Et puis nous avons vécu aussi des moments de grande joie et de grande "compassion" l’une pour l’autre, de vraie tendresse.

Nous n’avons pas été "correctes", nos personnages étant mal élevés, c’est pourquoi il me semble important de l’avoir été nous aussi, comme actrices.

Entretien avec Micaela Ramazzotti.


Comment avez-vous construit votre personnage ?


Je suis partie de ce qui semblait être le diagnostic de Donatella, du moins celui que fait Beatrice à son propos : borderline avec une grave dépression. La psychiatrie étant une matière fascinante, je me suis plongée dans des textes médicaux, mais j’avais l’impression de tomber dans un puits sans fond. J’ai surtout cherché à mettre au point l’histoire de Donatella, son rapport avec des parents qui l’ont méprisée ou ignorée, sa nature réservée, sa personnalité méfiante, blessée utilisant avec peine un vocabulaire de quelques mots, ses pulsions d’autodestruction et d’automutilation, ayant subi des injustices toute sa vie durant. Une personne à la vie décousue qui, adolescente, a certainement abusé de drogues et qui ensuite est devenue dépendante aux psychotropes, qui a travaillé dans le monde de la nuit, a cherché l’affection des hommes et qui n’y a trouvé que méchanceté et mépris. Il fallait donc partir de là, de son passé et puis essayer d’imaginer comment elle était devenue aujourd’hui. Puis j’ai eu envie de jeter un oeil aux hôpitaux et aux cliniques pour mieux comprendre quelle était la situation actuelle. J’ai visité différentes structures à Rome aux réalités très différentes. Des endroits très durs comme les services de psychiatrie de Sant’Andrea ou de San Filippo Neri, où le personnel médical est compétent mais où l’atmosphère n’aide pas. Il n’y a pas un tableau, pas un dessin, pas de couleur sur les murs... Ou comme la Samadi, une structure privée qui a le même style sévère. Mais ensuite, avec Valeria, Paolo et Valentina Carnelutti, qui interprète Fiamma, la psychiatre, nous avons visité aussi la Maieusis à Porta Capena, un centre plus comparable à celui dont nous parlons dans Folles de joie, autrement dit une villa à la campagne, avec un jardin, des graffitis pleins de couleurs, où les patients aux troubles mentaux très graves suivent des thérapies pour se réinsérer.

 

Folles de joie (La Pazza Gioia) - Micaela Ramazzotti.

On y enseigne la technique des mosaïques en céramique, les décorations pour les maisons et les villas du secteur, avec un projet pouvant offrir quelque perspective après leur séjour. Même si cela n’arrive pas toujours, les opérateurs sanitaires nous ont racontés que souvent le patient revient.

 

 

 

La rencontre avec les patients a été une expérience très intense. Nous avons découvert des cas douloureux mais aussi des personnes au contact desquelles nous avons pu parler de choses concrètes notamment combien il est difficile de vivre quand on est vulnérable. Nous avons parfois assisté à une énergie mystérieusement joyeuse, parce que la maladie mentale est aussi comique, poétique, surréelle, irrévérencieuse, c’est même une forme de rébellion. Ensuite j’ai travaillé sur l’aspect physique. Lorsque Paolo dessinait Donatella il avait à l’esprit un physique très maigre et un peu masculin. Un psychiatre m’a expliqué que les jeunes filles borderline ont souvent un style bien à elles : elles sont un peu sombres, tatouées, parfois anorexiques ; elles tiennent à être maigres, à avoir des tatouages sur le corps parce qu’ils donnent une identité et donc de la force, tu écris sur toi ce que tu es. Donatella a vingt-trois tatouages, une dizaine de cicatrices... Nous avons coupé les cheveux courts, mal, très mal même, comme si elle se les était coupés toute seule ; puis j’ai perdu quelques kilos pour obtenir cet effet – comme dit Beatrice lors de leur première rencontre - “anorexisant”. Une fois l’aspect physique établi et la manière de bouger, j’ai écouté ce que m’a dit Paolo : “Tu es toujours un pas derrière Beatrice, tu te fais porter, ce n’est pas toi qui prends des initiatives, tu as peur de tout, à un moment donné tu décides de te fier à elle et tu te laisses guider, mais toujours avec un air soupçonneux, toujours plongée dans tes pensées obsessionnelles”. Donatella, c’est comme si elle avait autour de la tête une nuée bourdonnante de moucherons, c’est comme si elle regardait toujours derrière elle, prisonnière d’une idée fixe, du désir de revoir son fils qu’on lui a enlevé, du désastre dont elle est l’auteur, mais aussi de l’injustice qu’elle a subie. Voilà ce que dit le silence de Donatella, elle pense seulement et exclusivement à ça. C’est un personnage asexué, une préadolescente. Emmener avec elle pendant trois mois cette nuée de moucherons, de pensées têtues n’a pas été facile, cela a un peu changé mon humeur. Sur le tournage je ne pouvais jamais rire, au contraire... Quelquefois j’avais soudain envie de pleurer sans raison précise. Qu’est-ce que nous avons pleuré durant le tournage, Valeria et moi ! Et quelquefois nous avions de la peine à sortir du personnage, nous le traînions un peu derrière nous, ces jours-là, même à la maison. La seule scène où nous voyons Donatella sourire, c’est quand elle rencontre ce fils qu’elle ne connaît pas. Là, elle semble s’ouvrir, c’est peut-être la première fois que nous la voyons mûrir, comme si elle avait le désir de prendre soin d’elle, de sa vie, et voir cet enfant de temps en temps.


Quelle est la scène qui vous tient le plus à coeur ?


La scène de la mer est très belle parce que je ne m’attendais pas à la légèreté avec laquelle elle serait tournée. Ce fut une scène pleine de chaleur et d’apaisement. Donatella rencontre un jeune garçon, le bébé qu’elle avait connu est devenu un jeune garçon plein de santé. De l’intérieur je l’ai vécue comme un bain entre deux copains du même âge. Donatella voudrait être maternelle mais elle ne sait pas comment on fait, elle n’a pas appris à prendre soin de son fils, on le lui a enlevé trop tôt, elle est surtout empruntée et émue. C’est une scène de timidité, mais aussi de joie, de désir de commencer à guérir.

 

Folles de joie (La Pazza Gioia) - Valeria Bruni Tedeschi et Micaela Ramazzotti


Sur le tournage vous avez travaillé avec de véritables patients. Comment a été votre rapport avec eux ?


Il y a eu une grande générosité de la part des jeunes filles de Pistoia qui sont venues sur le tournage, disposées à raconter leurs histoires, leurs vies pleines de péripéties, leur désir de guérir, de ne pas prendre plus de vingtcinq cachets par jour : des femmes et des jeunes filles d’une grande douceur, au désir de vie et de contact humain qui nous ont tous bouleversés. Je ne me suis jamais sentie écoutée avec une telle attention et compréhension. Ce fut un rapport thérapeutique, avant tout pour moi, qui m’a permis d’enquêter sur certaines de mes zones d’ombres, sur ces mélancolies que les psychiatres appellent moments crépusculaires. Ce n’est pas un hasard si de nombreuses scènes ont été tournées au crépuscule. Paolo a souvent cherché la lumière entre le jour et la nuit, pour donner un air romanesque mais aussi une idée de la peur des personnages, le crépuscule et l’aube font naître un sentiment de beauté et de déchirement en même temps. Nous avons vécu ces différentes phases crépusculaires durant le fi lm, avec toute la troupe, qui pouvait donner l’impression d’un groupe de patients en cure, et ce fi lm nous a peut-être appris à tous à accepter notre propre côté psychopathologique, les troubles que nous portons en nous et qui nous tiennent compagnie.


Entretiens de Valeria Bruni Tedeschi et Micaela Ramazzotti

réalisés par Fabrizio Corallo.

 

Folles de joie (La Pazza Gioia) - Micaela Ramazzotti et Valeria Bruni Tedeschi

Mon opinion

 

Deux femmes. La première d'une curiosité maladive, et toujours pourvue d'une joyeuse extravagance, est issue d'un milieu favorisé, dont il semblerait que la fortune initiale ait été mise à mal par ses excès. La deuxième, mère d'un petit garçon, victime de la lâcheté d'un homme méprisable, est sombrée dans la marginalité et une profonde dépression.

 

Paolo Virzì, s'appuie essentiellement sur ce duo pour réaliser avec une belle efficacité ce nouveau long-métrage. Entre discordes et hurlements, rires ou pleurs, conflits quasi permanents et divergences en tout, sa réalisation, à la fois simple et maîtrisée, fonctionne parfaitement. Les dialogues trouvent, dans la version originale, une résonnance toute particulière.

 

Une magnifique bâtisse en plein cœur de la Toscane, se veut être le lieu pour remettre sur les rails ces femmes qui, au milieu de quantité d'autres, feront tout pour recouvrer une certaine forme de liberté.

 

Le rôle tenu par Valeria Bruni Tedeschi lui offre toutes les possibilités. Agacer au plus au haut point par son incroyable débit vocal, faire rêver au travers de ce que fut sa vie dans des endroits magiques, émouvoir quand elle se tourne vers ce qui reste d'elle au plus profond. Elle est remarquable de bout en bout.

 

Micaela Ramazzotti, méconnaissable est tout aussi parfaite dans des beaux moments d'émotion pure, d'hystérie complète ou de désarroi profond.

 

Deux grandes actrices dans ces rôles opposés avec un seul point commun, beaucoup de souffrances psychologiques derrière un semblant de vie et des fous rires pour oublier.

 

Folles de joie (La Pazza Gioia) - Valeria Bruni Tedeschi

9 juin 2016 4 09 /06 /juin /2016 21:00

 

Date de sortie 8 juin 2016

 

Diamant Noir


Réalisé par Arthur Harari


Avec Niels Schneider, August Diehl, Hans Peter Cloos,

Abdel Hafed Benotman, Raphaële Godin, Guillaume Verdier,

Raghunath Manet, Jos Verbist, Hilde Van Mieghem


Genre Drame


Production Française

 

Synopsis

 

Pier Ulmann (Niels Schneider) vivote à Paris, entre chantiers et larcins qu’il commet pour le compte de Rachid (Abdel Hafed Benotman), sa seule "famille".

Son histoire le rattrape le jour où son père est retrouvé mort dans la rue, après une longue déchéance. Bête noire d’une riche famille de diamantaires basée à Anvers, il ne lui laisse rien, à part l'histoire de son bannissement par les Ulmann et une soif amère de vengeance.

Sur l’invitation de son cousin Gabi (August Diehl), Pier se rend à Anvers pour rénover les bureaux de la prestigieuse firme Ulmann. La consigne de Rachid est simple : "Tu vas là-bas pour voir, et pour prendre." Mais un diamant a beaucoup de facettes…

 

Diamant noir - Niels Schneider

 

Niels Schneider

 

César 2017

 

- Meilleur espoir masculin Niels Schneider

Entretien relevé dans le dossier de presse avec le réalisateur Arthur Harari

mené par François Guérif.


Comment vous est venue l’idée de faire un film dans le milieu des diamantaires ?


L’origine du projet précède le choix du milieu. Elle vient d’un producteur, Grégoire Debailly, qui avait lu un article dans Libération sur la recrudescence des braquages en Europe. Avec l’aide d’Olivier Séror, réalisateur, puis des scénaristes Vincent Poymiro et Agnès Feuvre, j’ai fait dériver la proposition en partant sur l’idée d’une variation autour du thème d’Hamlet, l’histoire d’un jeune homme qui veut venger son père en détruisant sa famille et qui, pour cela, entre dans un milieu qu’il ne connaît pas. Nous avions pensé d’abord à la ville de La Chaux-de-Fonds en Suisse, où se fabriquent les montres de luxe, et qui offrait un décor cinématographique et social assez étonnant. Et puis, finalement, le film se passe à Anvers… et c’est avec un autre producteur, David Thion des Films Pelléas, que je l’ai fait.

 

Comment passe-t-on de la Suisse à la Belgique ?


En partant sur cette variation autour d’Hamlet, j’étais aussi très influencé par mon intérêt pour Pierre Goldman, militant d’extrême gauche, aventurier-guérillero puis braqueur de pharmacies dans les années 60. Mon Pier Ulmann en est un lointain cousin, ils ont en commun d’être écrasés par le mythe du père, de frayer avec des bandits en commettant des vols, et d’être juifs. Sur la base du premier synopsis, l’idée du quartier diamantaire d’Anvers, majoritairement juif, est arrivée. On s’est rendus compte que ce quartier n’avait jamais été le cadre d’un film de fiction, et j’ai eu la chance de rencontrer très tôt les bonnes personnes par le biais de deux amis, notamment la famille du plus grand tailleur de diamants vivant, Gabi Tolkowsky, sur laquelle celle des Ulmann est à moitié calquée. L’autre moitié vient d’un jeune négociant du milieu dont le père était un ouvrier du diamant communiste, connu comme le loup blanc dans ce quartier où ça ne courait pas vraiment les rues. Le milieu et la ville ont fait le reste, c’est un cadre romanesque et cinématographique génial.

 

C’est donc le choix d’Anvers qui a dicté l’idée de la main coupée ?


Non, c’est un hasard complètement dingue. Mon coscénariste Vincent Poymiro se souvenait que dans sa belle-famille, un type avait perdu son bras dans la briqueterie familiale et que, suite à cet accident, il s’était mis à détester sa famille et que son fils avait hérité de sa haine. Nous cherchions quelle pouvait être la souffrance originelle du père, transmise à son fils, et nous avons eu l’idée de la mutilation de la main. Ce n’est que sur place que nous avons découvert la légende de la fondation d’Anvers. Sur les bords de l’Escaut, le géant Druoon Antigoon exigeait un droit de passage et tranchait la main des mauvais payeurs. Le soldat romain Silvius Brabo tua le géant, trancha sa main et la jeta dans le fleuve.

Cette main devint l’île sur laquelle fut construit le premier château d’Antwerpen, nom qui signifierait "jeter la main" (hand werpen). Le mythe fondateur d’Anvers est donc une histoire de réparation, d’injustice réparée… Et quand on regarde la statue de Silvius Brabo sur la Grande Place d’Anvers, le visage du héros ressemble de manière troublante à celui de Niels Schneider !

 

Silvius Brabo sur la Grande Place d’Anvers

 

Silvius Brabo sur la Grande Place d’Anvers

Il y a un aspect documentaire dans le film …


J’y tenais beaucoup. Grâce aux "bonnes personnes" dont je vous ai parlé, j’ai pu avoir accès à l’un des ateliers de taille les plus prestigieux du monde, prendre des notes, enregistrer des témoignages. Tout ça a nourri l’histoire de façon très naturelle. Le casse lui-même devait avoir une dimension réaliste, en prenant le parti d’une forme d’artisanat et non de la prouesse technologique. L’un des rares films de casse où j’ai trouvé cette dimension est Le solitaire de Michael Mann, qui transpire un magnifique réalisme sale. Le mélange de stylisation formelle et de réalisme brut est par ailleurs une des spécificités historiques du film noir, et pas qu’américain : c’est magistral dans La bête humaine de Renoir, qui est à mes yeux le plus grand film noir français. Je rêvais de suivre ces exemples excitants, et j’ai eu la chance de pouvoir tourner dans un des derniers (sinon le dernier) ateliers du quartier diamantaire situé en dehors du périmètre sécurisé. Nous avions un rapport direct avec les patrons du lieu, sans avoir à passer par les autorités du quartier, évidemment très tièdes vis-à-vis d’un tel tournage. Cette immersion a été précieuse pour obtenir ce réalisme concret dans lequel je souhaitais tremper le romanesque formel du film.

 

L’atmosphère visuelle du film est singulière, en terme de couleurs notamment. Aviez-vous des références ?


Oui. Avec le chef opérateur, mon frère Tom Harari, nous voulions que l’image du film ait quelque chose de tranché, à la fois lyrique et incarné. Nous avons vu beaucoup de films classiques américains, notamment de Vincente Minnelli (Celui par qui le scandale arrive) et d’Elia Kazan (La fièvre dans le sang).

 

Diamant noir - Niels SchneiderEt nous nous sommes aperçus que même chez quelqu’un que l’on adore comme John Cassavetes, dans Opening night, Love streams ou Meurtre d’un bookmaker chinois par exemple, il y a un héritage fort de ce courant formel du mélodrame américain, où les contrastes sont très marqués, les directions de lumière très affirmées et les couleurs éclatantes.

 

À mes yeux, il n’y a aucune opposition entre une certaine inspiration réaliste et la stylisation la plus osée. Le lyrisme que l’on cherchait s’est aussi nourri d’influences plus baroques voire maniéristes, de De Palma à Sergio Leone en passant par Verhoeven et Fassbinder…


Cette recherche d’un lyrisme qui fasse pénétrer le spectateur dans un monde romanesque, elle est bien sûr aussi passée par la musique. Je voulais un thème obsédant, mais en essayant de ne pas verser dans une orchestration opératique boursouflée. J’avais une amorce de thème en tête depuis l’écriture du scénario, et je l’ai transmise (en la sifflant !) au compositeur Olivier Marguerit. Il l’a développée et a amené deux autres thèmes, et l’instrumentation qu’il a choisie, avec des choses qu’on n’entend plus si souvent comme la flûte, le violon ou la trompette, mais utilisés de manière presque dissonante, m’a enthousiasmé. Ça participe énormément à la dimension à la fois émotionnelle et mentale du film, mais aussi à son identité formelle.


Plusieurs scènes du film, où il est justement question de forme à travers la taille du diamant, semblent dessiner une métaphore sur le cinéma. La valeur de la pierre est arbitraire, c’est avec la lumière qu’elle prend vie, il faut donc "tracer un chemin à la lumière dans la pierre". Et vous enfoncez le clou : la technique s’apprend vite, "n’importe qui peut la maîtriser. Ce qui fait la différence, c’est l’oeil." Autrement dit le regard du metteur en scène.


Je n’en étais pas conscient au début, mais la métaphore est devenue évidente au fur à mesure de l’écriture. De même que le discours sur la beauté et l’éloge de l’asymétrie : ce n’est pas le critère standard qui fait la beauté, c’est l’endroit où il y a une déviance qui fait qu’elle est singulière, sans égale : il y a aussi une dimension liée à l’origine brute des choses, et il faut que cette origine soit perceptible, aussi élaborée que soit la forme finale. C’est presque une morale esthétique. Ça vaut pour les décors, la lumière, le son, le casting.

Puisque vous parlez du casting, il est assez étonnant pour un film français…


Je pense que c’est dû au grand melting-pot dont il résulte, non seulement en termes de nationalités, mais surtout de parcours. Pour le rôle principal, il y avait très peu d’acteurs français connus (c’est-àdire : rassurants pour les partenaires financiers !) de 25/30 ans qui me semblaient convaincants, et potentiellement crédibles dans les différents milieux sociaux du film.

 

Diamant noir - Niels SchneiderNiels Schneider est une idée de ma collaboratrice au casting et à la direction d’acteurs, Cynthia Arra. Il était a priori à l’opposé de ce que je cherchais, mais une amie réalisatrice, Shanti Masud, m’a montré une séquence tournée avec lui où son intensité inquiétante m’a beaucoup surpris. Et aux essais sa présence nous a littéralement tapé dans l’oeil, notamment pour une chose qui est la clef du personnage de Pier : l’enfance.

 

Il a beaucoup travaillé là-dessus pour construire le personnage et il a vraiment opéré une mue. Il y a une violence troublante en lui, qui n’avait quasiment jamais été exploitée dans ses rôles jusqu’à présent. Comme dit August Diehl, Niels fait partie des rares acteurs qui ont "une histoire à raconter". August Diehl justement, l’acteur allemand qui interprète le cousin épileptique, je l’avais vu dans Inglorious Basterds de Tarantino où il a une scène jubilatoire. C’est un virtuose absolu, venu du théâtre, avec cette grande générosité de prendre autant de plaisir à jouer avec des professionnels qu’avec des amateurs instinctifs. C’est un vrai tragédien, qui va sans peur jusqu’au pathétique et au grotesque.
Jos Verbist (le tailleur de pierres) et Hilde Van Mieghem (la tante) sont quant à eux deux magnifiques acteurs flamands de théâtre et de cinéma. Hans Peter Cloos (l’oncle) est un metteur en scène allemand travaillant en France depuis 30 ans, proche de la bande de Fassbinder dans les années 70. C’est la première fois qu’il joue un rôle de cette importance dans un film (même s’il a des apparitions récurrentes chez Otar Iosseliani). Malgré sa composition autoritaire ici, c’est l’homme le plus doux du monde et il a fourni un travail impressionnant.

 

Et puis, il y a Raphaële Godin. C’est Brisseau qui l’a fait connaître dans Les savates du Bon Dieu, où sa présence singulière, tranchante, était déjà marquante. Elle ne tourne presque plus, elle est agent de photographes et éditrice. Elle est "rare" dans les deux sens du terme : on la voit peu, mais quand elle est là on ne voit qu’elle. Raghunath Manet (le diamantaire indien) est un chanteur, danseur et musicien renommé de Pondichéry. Pour lui, c’était une première fois dans une fiction de cinéma, et ce qu’il apporte est précieux, une sorte de magnétisme bancal que j’adore. Guillaume Verdier (le jeune complice) est un acteur très émouvant qu’on a vu grandir au cinéma depuis l’adolescent qu’il était dans Ni d’Eve ni d’Adam de Jean-Paul Civeyrac.


Enfin, Abdel-Hafed Benotman (cliquez ici) est arrivé sur le film grâce à Abdellatif Kechiche, auquel j’avais initialement proposé le rôle et qui me l’a conseillé quand je lui ai défini le personnage de Rachid comme "doux et inquiétant". Hafed était un homme fascinant, un écrivain dont la vie tenait du roman, avec lequel je suis devenu ami dès notre première rencontre. Je pense qu’il avait un potentiel énorme comme acteur de cinéma. C’est une des rencontres les plus fortes de ma vie.

 

Diamant noir - Abdel Hafed Benotman

 

Abdel Hafed Benotman

Le premier plan du film est un oeil, que vient brouiller une larme ou une goutte de sueur. Cela indique-t-il que la séquence qui suit est elle-même brouillée ?


Le premier plan est bien un oeil, mais pas celui dont vous vous souvenez ! C’est un oeil fermé, agité comme quand on rêve. Le plan de l’oeil avec la goutte est le cinquième plan du film… Mais ça ne fait que confirmer votre interprétation : la séquence est tellement brouillée que même le souvenir qu’on en a le devient ! Donc oui, absolument. Commencer par deux plans d’yeux, un fermé puis un parasité, suggère dès le début qu’il s’agit d’une histoire d’aveuglement, celle d’un homme qui ne voit pas les choses comme elles sont, mais de façon déformée. Il voit tout depuis un oeil fermé. Cette séquence pré-générique n’est ni un flash-back ni un rêve, mais comme le souvenir d’un récit qu’on lui a transmis. Et pour le spectateur, la séquence a, du moins c’était mon intention en la plaçant en ouverture, exactement le même statut que pour le personnage : un souvenir dérangeant et irréel qu’on prend ensuite pour la vérité. C’est comme quand on a vu un film il y a longtemps : on a en mémoire des choses qui n’ont pourtant jamais été là, et on est sûr d’avoir vu ces choses. On invente de nouvelles images, un autre film. L’impact du moment où on nous raconte une histoire peut être tel qu’il modifie notre perception profonde. Cette dimension de leurre constitutive du récit me passionne complètement. Dans mon film, ça concerne une famille, mais on peut voir ce mécanisme mythologique trompeur oeuvrer à l’échelle d’une culture, d’une guerre, d’une patrie… C’est d’ailleurs le sujet de mon prochain film !

 

Que racontera-t-il ?


C’est l’histoire du dernier soldat japonais de la guerre de 39-45, Hiroo Onoda. Il a été formé à la guérilla et envoyé sur une petite île des Philippines en 1944, à 22 ans, avec pour ordre de résister au débarquement américain puis de tenir l’île jusqu’au retour en force des troupes japonaises, que ses supérieurs lui ont présenté comme certain. Il avait interdiction absolue de se rendre, de renoncer ou de se suicider. Il n’a jamais voulu croire à la reddition du Japon et a mené sa guérilla sur l’île pendant 30 ans, d’abord avec quelques hommes, trois puis deux, et enfin seul. Il n’a déposé les armes qu’en 1974.

 

Avez-vous voulu faire un film noir ?


Oui. Ma cinéphilie est née d’une rétrospective Warner Bros à Beaubourg, en 1990. Je crois que le
premier film qu’on y a vu avec mon frère aîné est Le faucon Maltais de Huston, avec Bogart (dont j’ai appris depuis qu’il était considéré comme le premier opus du genre stricto sensu) et j’ai développé une telle passion pour le film noir que j’ai eu pendant des années une liste dans mon portefeuille de tous les films du genre que je devais voir. Je les entourais quand c’était fait ! C’est un courant qui a continué de nourrir ma cinéphilie, même si elle s’est ensuite ouverte plus largement. C’est une passion d’enfance, et le cinéma concerne d’abord et finalement l’enfance, je crois. Ce que j’aime dans le film noir, c’est l’ambiguïté. Elle touche tout : l’intrigue, l’image, le jeu, les sentiments, le sens, la morale. C’est une autre métaphore qu’offre le diamant : comment la multiplicité des facettes compose une réalité à laquelle on ne peut pas assigner une définition simple. Quand on regarde un diamant taillé de près, c’est frappant : on ne sait pas comment le regarder ! Pour une pierre censée incarner la pureté et la clarté, c’est un paradoxe étrange… Concernant le film noir, si je poussais un peu plus, je dirais que l’ambiguïté va jusqu’au genre lui-même : dans son ADN, il y a une impureté qui le rend particulièrement susceptible de mutations et de fusions. Il y a des passerelles permanentes avec le mélodrame, le film d’amour, ou encore avec le western, le film politique ou social, et même la comédie…

 

On peut voir dans votre film la marque de certains de ces croisements, en premier lieu avec la tragédie familiale.


Oui, c’est une tragédie familiale qui emprunte les chemins du film noir. Ce qui n’est pas particulièrement moderne en soi, vu qu’OEdipe Roi de Sophocle est un parfait film noir ! La question existentielle pour Pier c’est celle du père : il l’a peu et mal connu, mais il hérite de quelque chose de trop pesant, de trop "symbolique" pour ses seules épaules, et qui ne le laisse pas libre. Il est presque téléguidé, au premier niveau par Rachid – qui a concrètement pris la place paternelle – et à un niveau plus mental et symbolique, par son père. Veut-il ou doit-il obtenir réparation ? Il ne pourrait répondre à la question. Tout l’enjeu du film était de lui dessiner un chemin tragique mais libératoire : en croyant réparer l’offense faite à son père, il répare, dans le sang, son propre rapport maladif à la figure du père. Et cela coûte la vie à ses amis, qui ont eux-mêmes joué avec le feu. C’est une tragédie, mais impure, dans la mesure où Pier n’est pas le jouet du destin jusqu’à la mort ou la damnation. On peut voir le destin agir dans le film, ou ne pas le voir. D’autres forces sont en jeu : l’héritage culturel et symbolique, l’immaturité affective, l’humiliation sociale, l’envie, le désir… la libido au sens large… plein de choses potentiellement explosives !

 

La fin est surprenante, avec le personnage qui formule : "Je voudrais partir."


Ce qui m’importait, c’est non seulement que le bout du parcours ne soit ni l’enfermement, ni l’affliction, mais que Pier décide enfin de quelque chose pour lui-même et par lui-même. La fin du film est dure, mais à mes yeux pas fermée ni noire. Pier portera sûrement toujours une blessure, mais il échappe au nouveau piège mensonger tendu par son oncle (et toute famille ne tend elle pas tôt ou tard un piège à ses enfants ?). Il devra affronter seul la suite de sa vie : sans pères d’aucune sorte, sans obligation de les servir. Et au passage, il a découvert le goût et la possibilité de créer de la beauté, c’est ce qu’il emporte avec lui dans ce train. Cette délivrance amère, c’est le sentiment que je voulais amener le spectateur à ressentir, avec Pier.

 

Diamant Noir - Niels Schneider

Mon opinion

 

Un scénario quelque peu alambiqué, mais parfaitement écrit, demande un minimum d'attention.

 

Pour ce premier long-métrage Arthur Harari fait preuve d'une grande virtuosité.

 

Les premières images, assez vertigineuses, nous plongent dans le passé pour revenir au travers d'un œil dans un présent, noir et accablant.

 

La violence est beaucoup plus psychologique que physique. "D’autres forces sont en jeu : l’héritage culturel et symbolique, l’immaturité affective, l’humiliation sociale, l’envie, le désir… la libido au sens large… plein de choses potentiellement explosives !" commente le réalisateur.

 

Pour incarner l'ensemble des personnages un casting de choix, à la tête duquel s'impose l'excellent Niels Schneider.

 

Welcome

 

"Le bonheur est la chose la plus simple,

mais beaucoup s'échinent à la transformer

en travaux forcés !"

 
François Truffaut

 

 

 

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