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17 novembre 2015 2 17 /11 /novembre /2015 19:00

 

Date de sortie 11 novembre 2015

 

Une histoire de fou


Réalisé par Robert Guédiguian


Avec Simon Abkarian, Ariane Ascaride, Syrus Shahidi,

Grégoire Leprince-Ringuet, Robinson Stévenin,Razane Jammal,


Genre Drame


Production Française

 

Une histoire de fou a été présenté en Séances spéciales, hors compétition, du Festival de Cannes 2015.

 

Robert Guédiguian est un habitué du festival puisqu'il a été récompensé par le prix Un certain regard pour son film culte Marius et Jeannette en 1997.

 

Synopsis

 

Berlin 1921, Talaat Pacha, principal responsable du génocide Arménien est exécuté dans la rue par Soghomon Thelirian (Robinson Stévenin) dont la famille a été entièrement exterminée. Lors de son procès, il témoigne du premier génocide du 20ème siècle tant et si bien que le jury populaire l’acquitte.


Soixante ans plus tard, Aram (Syrus Shahidi), jeune marseillais d’origine arménienne, fait sauter à Paris la voiture de l’ambassadeur de Turquie. Un jeune cycliste qui passait là par hasard, Gilles Tessier (Grégoire Leprince-Ringuet), est gravement blessé.


Aram, en fuite, rejoint l’armée de libération de l’Arménie à Beyrouth, foyer de la révolution internationale dans les années 80. Avec ses camarades, jeunes arméniens du monde entier, il pense qu’il faut recourir à la lutte armée pour que le génocide soit reconnu et que la terre de leurs grands-parents leur soit rendue.


Gilles, qui a perdu l’usage de ses jambes dans l’attentat, voit sa vie brisée. Il ne savait même pas que l’Arménie existait lorsqu’Anouch (Ariane Ascaride), la mère d’Aram, fait irruption dans sa chambre d’hôpital : elle vient demander pardon au nom du peuple arménien et lui avoue que c’est son propre fils qui a posé la bombe.


Pendant que Gilles cherche à comprendre à Paris, Anouch devient folle de douleur à Marseille et Aram entre en dissidence à Beyrouth… jusqu’au jour où il accepte de rencontrer sa victime pour en faire son porte parole.

 

Une histoire de fou - Robinson Stévenin

 

Robinson Stévenin

Entretien avec Robert Guédiguian relevé dans le dossier de presse.

 

Votre film est centré autour du génocide arménien et de ses conséquences. Il aborde des thèmes qui croisent directement vos origines et votre histoire personnelle. Il arrive pourtant tardivement dans votre filmographie. Pourquoi ?


Il y a deux raisons principales. La première, c’est que pendant très longtemps mes préoccupations ont été – comme on disait à l’époque – “internationalistes”. J’étais communiste, internationaliste, et les questions d’identité m’apparaissaient tout à fait secondaires. Importantes mais secondaires. La deuxième raison, liée à la première, c’est qu’à partir des années 90 la thématique de l’identité est devenue extrêmement prégnante. Elle est même passée au premier plan, au point de devenir aujourd’hui le coeur du débat politique en France. Du coup, alors que la gauche ne s’occupait à l’origine pas du tout de cette question, il devenait important que des gens de gauche la prennent à bras le corps. Ce que j’ai fait, à partir de ma propre identité.

Je me sentais obligé, au joli sens très français du terme “Je suis votre obligé”. Car je suis en quelque sorte l’obligé de tous les Arméniens du monde, puisque je m’appelle Guédiguian et que je suis, que je le veuille ou non, ambassadeur de l’Arménie et de cette cause. Avec ce film, j’honore ma responsabilité. J’aurais été Palestinien ou Kurde, j’aurais travaillé la question palestinienne ou kurde. Je suis d’origine arménienne, j’ai travaillé la question arménienne.

 

Une Histoire de fou

 

Pourquoi la mémoire de ces événements nous est-elle si rarement rappelée, quand elle n’est pas purement et simplement niée ?


C’est le plus ancien des génocides, ce qui explique en partie ce phénomène. Rappelons-nous que le mot génocide n’existait pas à l’époque des faits. On parlait alors d’exterminations de masse, avant que la notion de “crime contre l’humanité” n’apparaisse à la fin de la Première Guerre.

Le concept de génocide a été créé par Raphaël Lemkin au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. En tant qu’avocat stagiaire, Lemkin était au procès de Soghomon Tehlirian, meurtrier à Berlin en 1921 de Talaat Pacha, l’un des responsables du génocide, dont on parle dans le film. Et il avait médité cette question, comme d’autres de cette génération, à l’exemple de Jaurès ou de Gramsci.

Cela étant, tous les génocides, et celui-ci en fait partie, ont les mêmes caractéristiques : il faut bien déporter les gens, donc les regrouper, les exiler, les mettre dans des camps de concentration, trouver des manières pour les tuer…
Mais les génocides ont tous, également, une unicité. Celle du génocide arménien, c’est sa négation. Une négation d’État, la Turquie, avec toutes les armes d’un État en termes économiques, médiatiques, diplomatiques, commerciaux, juridiques. Un État qui mobilise des moyens énormes pour faire campagne depuis cent ans pour nier le génocide partout et de manière directe, organisée et financée.

Vous avez choisi de traiter votre sujet sous l’angle de la fiction. Est-ce qu’un documentaire n’aurait pas été plus approprié pour servir votre dessein ?


Il y a déjà eu un certain nombre de documentaires en français et surtout en allemand, car beaucoup d’archives sont conservées en Allemagne, pays allié de l’Empire Ottoman à l’époque. Certains sont très bien faits, très beaux, bien documentés… Mon choix de la fiction tient au fait que, si j’ai produit plusieurs documentaires, je n’en ai jamais réalisé. C’est une manière que je ne maîtrise pas. Mais l’essentiel demeure que la fiction permet d’universaliser le propos et son impact, si elle est réussie, est un million de fois plus fort.

Le documentaire est sans doute plus juste historiquement et sur le plan théorique, ce que ne peut pas se permettre le cinéma de fiction qui doit rester concret. Mais la qualité première d’une fiction c’est l’incarnation : on fait exister des personnages que le spectateur n’oubliera jamais.

 

Comment raconte-t-on un génocide au cinéma ? Comment avez-vous abordé l’écriture du scénario et qu’est-ce qui a guidé vos choix de narration ?


Je me disais depuis longtemps que le centenaire approchait et que je ferai un film sur cette histoire, depuis Le Voyage en Arménie, quasiment dix ans. Mais je ne trouvais pas la manière de l’aborder. Raconter le génocide en soi ne m’intéressait pas plus que ça. Ce que je souhaitais, c’était raconter cent ans d’histoire, c’est à dire le génocide et ce qu’il a produit sur plusieurs générations. Je voulais raconter l’histoire de la mémoire du génocide, et plus encore l’histoire de la mémoire de cette histoire ! Et tout cela de manière incarnée.
Et un beau jour, par hasard, je rencontre José Gurriarán. C’est lors d’un Salon du livre. Je le vois arriver sur scène, marchant difficilement avec ses jambes toutes abimées, ses cannes, ses grosses chaussures. Il vient présenter un livre, La Bombe, qui raconte une histoire époustouflante, la sienne. Celle d’un jeune journaliste espagnol qui, en 1981 à Madrid, a sauté sur une bombe posée par des militants de l’Armée secrète arménienne de libération de l’Arménie, l’ASALA. Il a réchappé de cet attentat à moitié paralysé. Et alors qu’il ne savait absolument rien de la question arménienne, et pour s’en sortir, il va vouloir comprendre. Il se met à travailler sur le génocide et sa négation, il lit, il se renseigne, il se documente… Et au bout de ce processus, convaincu que la cause arménienne est juste, il décide de rencontrer les responsables de l’attentat. Après beaucoup d’échecs, parce que ses différents interlocuteurs ont peur, bien sûr, qu’il soit manipulé par les services secrets turcs ou par Interpol… il reçoit un coup de fil : rendez-vous à Beyrouth tel jour à telle heure. Il s’y rend avec un photographe et passe une journée entière à discuter avec deux dirigeants de l’ASALA,(Armée Secrète Arménienne de Libération de l’Arménie) qui vont ensuite l’emmener dans un camp de la Bekaa où il rencontrera ceux qui ont posé la bombe…

 

Cette expérience a été déterminante. Elle a changé le cours de sa vie…


José Gurriaran a en effet écrit deux livres, La Bombe puis Le Génocide arménien, seul ouvrage sur cette question en Espagne. Il est aujourd’hui le principal militant de la reconnaissance du génocide arménien par l’Espagne, qui continue officiellement de l’ignorer. Chaque année au mois d’avril, il passe beaucoup de temps en conférences sur le génocide. Le principal fondateur de l’ASALA vient d’ailleurs de préfacer la réédition de son livre. C’est une très belle histoire ! Ce n’est pas du tout le syndrome de Stockholm. C’est quelqu’un qui a voulu comprendre avant de juger…
Son histoire m’a donné la clé de mon film, un angle pour entrer dans ces cent ans d’Histoire, en m’apportant en quelque sorte le point de vue du spectateur, de quelqu’un qui, a priori, ne sait rien.

 

Une histoire de fou

 

Syrus Shahidi et Razane Jammal

 

L’expérience vécue de José Gurriaran n’est toutefois qu’un point d’entrée. Votre film est aussi, pour raconter le génocide et ses conséquences, une histoire de famille, de diaspora, de culture déracinée… au fil d’un siècle ?


Oui, parce que dès que j’ai eu ce point d’entrée, je me suis dit que ça ne suffisait pas. Il me fallait une idée qui donne à ce qui n’est qu’une chronique, une dimension plus universelle, de l’ordre de la tragédie. J’ai eu l’idée d’une mère qui pousse son fils à la lutte armée. Une mère très arménienne, mais qui devant l’attentat commis par son fils et l’injustice commise vis-à-vis d’un innocent va tout faire pour aider ce garçon et sauver son fils. Jusqu’à penser qu’il doit toucher du doigt les conséquences de son acte et donc rencontrer celui qui a été la victime de son attentat. Et qui va manigancer une rencontre entre eux deux, jusqu’à une fin tragique qui conduira le jeune homme victime de l’attentat à devenir pratiquement le fils decette femme, son nouveau fils. Quand j’ai eu cette idée-là en plus de l’histoire de Gurriaran, il ne restait plus qu’à écrire !

Vous ne pouviez néanmoins pas faire l’impasse sur les faits génocidaires eux-mêmes. Plutôt que de les faire raconter à vos personnages de fiction ou de recourir à des images d’archives, vous avez choisi un prologue assez original ?


Un génocide n’est pas filmable. Je ne vois pas comment on pourrait filmer des éventrations, des décapitations, des gens qui brûlent sans que ça devienne du spectacle. Sauf, bien sûr, à assumer ce paradoxe absolu qui consisterait à filmer des choses afin qu’elles ne soient pas regardables, à l’instar de Pasolini dans Salo. Alors pour parler du génocide d’un point de vue historique, j’ai réalisé un long prologue qui m’a semblé être une belle manière de raconter cet événement, par la parole. J’ai choisi d’ouvrir le film avec le procès à Berlin, tout à fait emblématique, de Soghomon Tehlirian, le meurtrier de Talaat Pacha, finalement acquitté par un jury populaire alors qu’il revendiquait totalement cet assassinat. Je crois que ce jury populaire a offert au génocide, contre toute attente, la plus belle reconnaissance qui soit, en répondant par non à la question du tribunal : “Est-ce que Soghomon Tehlirian est coupable d’avoir assassiné Talaat Pacha ?” Au sens strict du terme, le jury ment. La réponse est oui, bien sûr, puisque Tehlirian a reconnu avoir prémédité et commis cet acte. Il dit même en avoir ressenti un “contentement du coeur”. Je crois que le jury a simplement voulu dire qu’il était coupable mais pas responsable.
Que le responsable de sa propre mort, c’était Talaat Pacha. Et malgré les exhortations du président du tribunal, le jury n’a pas varié. J’ai choisi ce prologue comme clé d’entrée dans le génocide lui-même mais également parce qu’il me permet de poser la problématique de la vengeance.

 

Justement, l’attentat que vous mettez en scène, et qui est le pivot du film, est comme un prolongement de l’assassinat de Talaat Pacha. Car même si les actions menées par l’ASALA en Europe dans les années 80 ne s’en prenaient pas – et pour cause – aux responsables-mêmes du génocide, elles visaient à faire payer ceux qui continuent de le nier. Avec pour objectif, selon leurs auteurs, de réveiller la mémoire des pays occidentaux. Ont-ils, en dépit des victimes qu’ils ont engendrées, servi la cause arménienne ?


Oui, incontestablement oui. On est obligé de constater aujourd’hui, quoi que l’on pense de ces attentats et de leur légitimité, que sans eux on n’en serait pas là. Ils ont réveillé, redynamisé, ressoudé les Arméniens du monde entier qui, probablement – et c’est ce que pensaient les jeunes gens à l’origine des attentats – s’étaient un peu endormis sur les commémorations régulières, sans en faire plus. C’est ce que reproche le fils à son père dans le film : on parle un peu arménien, on mange du pasturma, et le 24 avril bien sûr on va à l’église mais ça en reste là. Ces attentats, au fond, aucun Arménien n’était pour, mais aucun n’était franchement contre. C’était “on n’est pas d’accord, mais…” Une attitude un peu schizophrénique.

 

Tant dans votre film Le Voyage en Arménie, qui abordait déjà le sujet de ce pays, que dans celui-ci, on a l’impression d’un saut de génération en matière de mémoire. En clair, la jeune génération, celle qui nous est contemporaine, semble presque plus préoccupée de se réapproprier l’Histoire de l’Arménie que celles qui l’ont précédée ?


C’est vrai des Arméniens, mais c’est une règle universelle dans toutes les immigrations. Les premiers arrivants ne sont préoccupés que par leur survie. Il faut absolument travailler, apprendre la langue, avoir des enfants et faire surtout en sorte que ceux-ci soient intégrés.
Beaucoup de premières générations d’immigrés vont jusqu’à ne plus parler leur langue, ne pas raconter d’où ils viennent… La deuxième génération en revanche, qui est plus libérée de tout ça, s’interroge et finit par poser des questions. Elle veut savoir d’où elle vient. C’est souvent là que réapparaissent les cadavres, les spectres, les fantômes. C’est souvent eux, ceux de la deuxième ou troisième génération, qui se mettent à revendiquer leur identité première. Et c’est d’autant plus vrai quand c’est une immigration qui est liée à la mort, et ici à une extermination.

 

Même si votre film n’est pas stricto sensu un film à message ou un film militant, vous y posez un certain nombre de questions qui dépassent la seule problématique du génocide et de sa reconnaissance. Quand le héros, Aram, dit à sa victime : “Tu es innocent mais je ne suis pas coupable”, il soulève la question des limites de la lutte armée et de la légitimité de la violence…


Cette phrase résume bien ce que je pense ! Je suis contemporain de l’ASALA et des attentats des années 80. J’ai condamné en leur temps les pratiques de cette organisation, surtout lorsqu’elles étaient aveugles. Je ne pense pas d’ailleurs qu’il y ait un seul Arménien au monde qui soit d’accord avec l’attentat d’Orly en 1983. Mais je n’étais pas non plus d’accord avec les attentats du FLN dans les cafés en Algérie dans les années 60, dont on parlait beaucoup dans les cours d’école à l’époque.
J’avais déjà abordé ce sujet avec L’Armée du crime. J’ai imaginé une scène où, au risque de leur vie, les partisans ne jettent pas une grenade dans un bordel car il y a de jeunes prostituées françaises, et qu’ils ne veulent pas prendre le risque de les tuer.
Ce n’est pas que je sois angélique par rapport à toute forme de lutte armée, car il y a des situations où elle est nécessaire. Surtout quand aucun autre moyen d’expression n’existe, ce qui était le cas pendant l’Occupation. C’est un peu moins vrai dans le cas des attentats de l’ASALA, car leurs victimes n’étaient pas directement des génocidaires, c’étaient leurs pères et leurs grands-pères. Mais ils appartenaient à ce moment-là à un État fasciste, emprisonnant et tuant dans son propre pays…

 

Les lieux de tournage ont toute leur importance. Ils donnent une grande vérité au film. On pense notamment aux scènes à Beyrouth…


J’ai tourné à Marseille, en Arménie et à Beyrouth. Je crois que ça compte de tourner sur les lieux authentiques. L’image n’est pas la même. C’est en effet Beyrouth et ce sont des acteurs et figurants libanais. La reconstitution n’était pas de mise. Je voulais les lieux mais aussi les langues, les accents, les lumières, la morphologie de la ville. Même si, dans un cas comme celui-ci, le piège serait de filmer les décors avant la narration car on a très envie de tout filmer. Mais je me retiens ! Il faut être vigilant et toujours s’en tenir à un principe : mettre le récit au premier plan.

Ce qui m’a également intéressé à Beyrouth, c’est le rapport de l’ASALA aux Kurdes et aux Palestiniens. Dans les années 80, la ville était devenue le foyer principal de la Révolution mondiale. Tout ce qui tenait une arme, à gauche ou à l’extrême-gauche, était réuni à Beyrouth à cette époque. On y trouvait aussi des Italiens, des Allemands, l’Armée rouge japonaise, des Irlandais, des Basques. J’aimais bien l’idée d’évoquer cela aussi.

À la fin du film, vous ne tranchez pas. Comme si les choses restaient en suspens. On demeure partagé entre la grande et la petite histoire…


Le dialogue du début du film, entre deux vieux messieurs, au moment où s’ouvre à Berlin le procès de Soghomon Tehlirian, illustre tout ce que j’ai voulu dire. J’ai mis dans la bouche du premier une phrase de l’écrivain israélien David Grossman :

 

"J’aime penser que les moments les plus importants de l’Histoire ne se produisent pas sur les champs de bataille ou dans les palais, mais dans les cuisines, les chambres à coucher ou les chambres d’enfant."
Et son interlocuteur lui répond :

"C’est peut-être pour cela que les guerres sitôt commencées ne finissent jamais, elles changent seulement de visage. Parce que justement elles restent dans la mémoire de ces gens, ces enfants…". Hélas, je crois que tu as raison",

lui répond le premier. Et à ce moment-là, une jeune mère qui les écoutait s’adresse à son bébé et lui dit : "Ne les écoute pas ces vieux, il n’y aura plus jamais de guerre." Ces quatre phrases résument l’Histoire de l’humanité. Au fond, on a toujours besoin de penser que la guerre qu’on vient de vivre était la dernière, que cette fois c’est fini. Et puis quand la folie des Hommes revient et qu’elle frappe, deux, trois, quatre, dix générations plus tard, le conflit ressort et ça explose à nouveau. C’est toute l’histoire du Moyen-Orient aujourd’hui…
Je voulais donc raconter ces cent ans-là à travers quelques chambres à coucher, quelques salons, avec les personnages qui les habitent… En laissant chacun se faire juge.

 

Vous n’avez pas peur que cette mesure, cet humanisme, ce que certains appelleront peut-être du "fatalisme” vous soit reproché ?


Peut-être, mais ce sera le fait de gens qui ont une vision simpliste de l’Histoire. Et puis, sans nos actions individuelles et collectives, ce serait encore pire…
J’ai montré le film à des amis, y compris à trois anciens de l’ASALA hier poursuivis, condamnés et emprisonnés, et ils l’ont trouvé juste.

Je pense à cette fameuse tirade de Macbeth : “la vie n’est qu’une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien.”
Tout ça pour quoi, au fond ?

Quand on réexamine effectivement cette histoire, on se dit : et s’il n’y avait pas eu la négation du génocide, si Mustafa Kemal avait fait revenir les Arméniens chez eux, peut-être que la Turquie serait un État démocratique et pluri-ethnique aujourd’hui ? Les dirigeants turcs auraient peut-être abandonné ce rêve absurde d’un État chimiquement pur !
Je ne vois pas d’autre moyen d’exprimer tout cela qu’avec cette expression populaire : c’est une histoire de fou !

Les génocides relèvent de la folie. On trouve toujours des raisons objectives ou pseudo-objectives, mais ça reste des folies absolues, avec de folles conséquences.

C’est donc là l’origine du titre ?


Pas seulement. Je pense également à l’Histoire des Arméniens au fil du XXème siècle, à ce qu’il y a d’étonnant, d’admirable et de presque miraculeux dans ce qu’ils sont parvenus à faire. Voilà un peuple qui a disparu de ses terres, a été dispersé en de multiples diasporas, un tout petit peuple qui aurait pu s’éteindre. Mais ces gens ont réussi, comme des fous, à maintenir deux choses qui sont a priori intenables, psychanalytiquement intenables : oublier pour pouvoir survivre, partout où ils étaient ; et rester fidèles à eux-mêmes, pour être. Oublier à 100% et être fidèle à 100% à la mémoire.
Ça paraît humainement impossible et ils l’ont fait ! Partout où ils se sont installés, les Arméniens se sont formidablement bien intégrés. Il n’y a à ma connaissance aucune forme de racisme à leur égard dans aucun des pays où ils vivent. Et pourtant, sans jamais développer de sentiment ou de comportement communautaristes, ils sont restés fidèles à leur Histoire et à leur culture. Car tout Arménien qui se respecte parle un peu sa langue, connaît la musique arménienne, fait de la cuisine arménienne et va à l’église arménienne, même s’il n’est pas croyant, car ce sont des lieux où l’activité est autant religieuse que culturelle.

 

Avec ce film vous apportez une nouvelle pierre à la reconnaissance du génocide arménien.


Celui-ci reste pourtant contesté, ou ignoré en tant que tel dans beaucoup de pays. Qu’est-ce qui pourrait faire avancer les choses ? Je pense qu’il faut continuer l’encerclement diplomatique ! C’est-à-dire la pression sur tous les pays du monde. Beaucoup ne l’ont pas encore reconnu, les États-Unis par exemple (à l’exception de la Californie). Parallèlement, il faut continuer la démarche de rapprochement avec la société civile turque. Récemment un sondage a montré que plus de 30% des Turcs de moins de trente ans sont pour la reconnaissance du génocide. Je crois que la génération d’aujourd’hui en a marre, elle a envie de démocratie, de vérité. Il y a une pétition en Turquie, non pour la reconnaissance, parce que c’est condamnable devant les tribunaux, mais qui demande pardon, ce qui est une manière de contourner l’interdit.

Je pense que peu à peu, grâce notamment à internet, la vérité peut se répandre. J’ai rencontré des intellectuels turcs de ma génération qui, et cela peut paraître incroyable, n’ont jamais entendu parler du génocide avant d’être adultes !
Je crois aussi que la reconnaissance du génocide arménien ferait énormément de bien à la Turquie parce que c’est la mère de tous les tabous. Beaucoup de ce qui ne va pas en Turquie, me semble-t-il, procède de ce déni originel.

 

Qu’aimeriez-vous que les spectateurs retiennent du film ?


Qu’ils aient de l’émotion ! "Émotion", étymologiquement, c’est “mettre en mouvement”. J’aimerais que, grâce à cette émotion, les spectateurs comprennent mieux cette histoire là et, ambition suprême, plus largement, qu’ils comprennent mieux l’Histoire tout court !
Parce qu’évidemment, cette histoire en recouvre bien d’autres. Au fond c’est simple : je voudrais que le spectateur soit plus ému et plus intelligent en sortant de la projection qu’en y entrant. C’est le voeu de tous les cinéastes, non ?

 

Une histoire de fou

 

Ariane Ascaride

Mon opinion

 

Une Histoire de fou souligne, avec l'honnêteté qui caractérise Robert Guédiguian, les thèmes de la mémoire, de la rédemption, ceux de la fureur, du châtiment, aussi.

 

Dès le début du film, dans un somptueux noir et blanc, le réalisateur nous plonge dans les années 1920 au cœur d'un procès qui sera le déclencheur d'un besoin de vengeance et d'une nécessaire reconnaissance de toute une nouvelle génération qui n'était pas née au moment des faits.

 

Toutes les horreurs meurtrières commises envers le peuple Arménien, tous les tenants et aboutissants du génocide ne sont qu'effleurés. Le réalisateur choisit la fiction pour éviter le documentaire " une manière que je ne maîtrise pas" précise Robert Guédiguian. Son film s'appuie néanmoins sur l'histoire de José Antonio Gurriarán. Un journaliste espagnol blessé accidentellement au cours d'un attentat, commis par l'Armée secrète arménienne de libération de l'Arménie en 1982 à Madrid.

 

"Les morts d'innocents, ne seront pas les derniers" clame un des chefs,  au travers des attentats perpétrés par l'ASALA dans les années 80. Dans notre actualité, et pour d'autres raisons, ces mots prennent aujourd'hui une dimension particulièrement douloureuse.

 

Ce film reste pour moi d'une grande valeur éducative. Le réalisateur précise "La qualité première d’une fiction c’est l’incarnation : on fait exister des personnages que le spectateur n’oubliera jamais." En cela le pari est gagné. Essentiellement grâce à un casting exceptionnel. À la musique originale signée par Alexandre Desplat, aussi.

 

Ariane Ascaride est magnifique dans un rôle d'une profonde humanité. Robinson Stévenin, dans une participation, aussi courte soit-elle, est particulièrement convaincant. À noter aussi une belle découverte avec l'étonnant et charismatique Syrus Shahidi. À leurs côtés, Simon Abkarian et Grégoire Leprince-Ringuet participent grandement à la réussite de l'entreprise.

Une Histoire de Fou
Une Histoire de Fou
Une Histoire de Fou
12 novembre 2015 4 12 /11 /novembre /2015 12:50

 

Date de sortie 4 novembre 2015

 

Le fils de Saul
 

Réalisé par László Nemes


Avec Géza Röhrig, Levente Molnár, Urs Rechn,

Sándor Zsótér, Marcin Czarnik, Todd Charmont

 

Titre original Saul Fia


Genre Drame


Production Hongroise

Festival de Cannes 2015

 

 

 

 

Saul Fia - Le Fils de Saul

- Grand prix du Festival de Cannes 2015.

 

 

 

 

 

- Meilleur film étranger Golden Globes 2016.

 

 

 

 

László Nemes né en 1977 à Budapest est le fils du réalisateur hongrois András Jeles. 

Il rejoint Paris en 1989 jusqu'en 2003. Il y tourne des petits films d'horreur dans sa cave, dès l'âge de treize ans.

 

Après avoir étudié l’Histoire, les Relations Internationales et l’écriture de scénarios à Paris, il a commencé à travailler comme assistant réalisateur sur des courts et des longs métrages, en France et en Hongrie. Pendant deux ans, il a travaillé comme assistant réalisateur de Béla Tarr et a, par la suite, étudié la réalisation de films à New York.

 

Ses courts métrages With A Little Patience, réalisé en 2007, The Counterpart en 2008 et The Gentleman Takes His Leave en 2010 ont été sélectionnés dans plus de 100 festivals internationaux où ils ont reçu de nombreux prix.

 

Le Fils de Saul est son premier long-métrage.

 

 

Synopsis

 

Octobre 1944, Auschwitz-Birkenau.


Saul Ausländer (Géza Röhrig) est membre du Sonderkommando, ce groupe de prisonniers juifs isolé du reste du camp et forcé d’assister les nazis dans leur plan d’extermination.

 

Il travaille dans l’un des crématoriums quand il découvre le cadavre d’un garçon dans les traits duquel il reconnaît son fils.

 

Alors que le Sonderkommando prépare une révolte, Saul Ausländer décide d’accomplir l’impossible : sauver le corps de l’enfant des flammes et lui offrir une véritable sépulture.

 

Le fils de Saul

 

Géza Röhrig

 

 

Contexte historique. Relevé dans le dossier de presse.

 

Dans le système d’extermination nazi, les Sonderkommandos formaient un rouage essentiel, sans doute le plus problématique, de la machine de mort. Leur travail consistait à accompagner les victimes jusqu’aux chambres à gaz en les encadrant et les rassurant, les faire se déshabiller, les faire entrer dans les chambres de mort, puis à récupérer les cheveux, les bijoux et dents en or, débarrasser les cadavres, les entasser, les brûler tout en nettoyant les lieux. Le tout rapidement car d’autres convois de déportés attendaient. Les membres des Sonderkommandos étaient eux-mêmes des déportés, juifs pour la plupart, sélectionnés par les SS à la descente des trains arrivant dans les camps d’extermination. Ils étaient choisis sur des critères physiques (jeunes et en bonne santé) et en fonction des besoins. Ils vivaient séparés des autres prisonniers.

 

À Auschwitz, ils furent d’abord regroupés au block 11 (la prison du camp), puis dans un block séparé, entouré de murs et surveillé (le block 13 du camp de Birkenau), et à la fin ils vivaient directement au crématorium, dans ce complexe de mort comprenant la salle de déshabillage, les chambres à gaz, la salle des fours et les fosses de crémation.


Auschwitz-Birkenau, le principal des camps d’extermination nazis, fonctionne comme une usine à produire des cadavres, puis à les éliminer. Lors de l’été 1944, elle tourne à plein régime : les historiens estiment que 10 à 12 000 juifs y sont assassinés chaque jour. Pour les Sonderkommandos, la tâche est épuisante, et ils sont éliminés régulièrement par les SS, tous les trois ou quatre mois, à la fois parce que leur rendement faiblit et parce qu’il ne doit rester aucune trace de l’extermination. En tout, plus de deux mille personnes ont fait partie des Sonderkommandos d’Auschwitz, dont quelques dizaines seulement ont survécu en s’échappant.

 

C’est avec le développement du camp, à la fin de l’année 1942, que les Sonderkommandos se structurent, notamment en novembre 1942 afin de brûler les cent mille corps de prisonniers juifs, polonais ou soviétiques entassés dans les fosses communes. Immédiatement éliminés, les membres de ce premier Sonderkommando sont remplacés, en mars 1943, par deux cents juifs des ghettos polonais et une centaine provenant du camp de Drancy. La résistance et des tentatives d’évasion s’organisent régulièrement. En février 1944, une première tentative échoue. La répression réduit alors le nombre des Sonderkommandos. Mais la déportation massive des juifs de Hongrie contraint les SS à regonfler les effectifs. En août 1944, les chambres à gaz fonctionnent à un rythme infernal : deux équipes de Sonderkommandos regroupent près de neuf cents prisonniers, se relayant pour travailler 24h sur 24. Le 7 octobre 1944, la principale révolte des Sonderkommandos d’Auschwitz-Birkenau est réprimée dans le sang, les SS exécutant quatre cents membres en quelques heures, tandis que le crématorium IV est incendié et mis hors d’usage.

 

À la fin de l’année 1944, quand les chambres à gaz cessent peu à peu leur activité à Auschwitz, les membres survivants des Sonderkommandos sont affectés au démontage des installations, afin d’effacer les traces de l’extermination, avant d’être, pour la plupart, éliminés une dernière fois. Le 18 janvier 1945, lors de la libération et de l’évacuation du camp par l’armée soviétique, il ne reste qu’une dizaine de membres des Sonderkommandos encore vivants.
 

Extraits de l'entretien avec le réalisateur László Nemes.

Propos recueillis par Antoine de Baecque, relevés dans le dossier de presse.

 

Comment est née en vous l'idée du Fils de Saul ?


Sur le tournage de L'homme de Londres, à Bastia. Lors d’une interruption d’une semaine, j’ai trouvé dans une librairie un livre de témoignages publié par le Mémorial de la Shoah, Des voix sous la cendre, connu également sous le nom des "rouleaux d’Auschwitz". Il s’agit de textes écrits par des membres des Sonderkommandos du camp d’extermination, enterrés et cachés avant la rébellion d’octobre 1944, puis retrouvés des années plus tard. Ils y décrivent leurs tâches quotidiennes, l’organisation du travail, les règles de fonctionnement du camp et de l’extermination des Juifs, mais aussi la mise en place d’une forme de résistance.

 

Avez-vous un lien familial avec la Shoah ?


Une partie de ma famille a été assassinée à Auschwitz. C‘était un sujet de conversation quotidien. "Le mal était fait", avais-je l’impression quand j’étais petit. Cela ressemblait à un trou noir, creusé au milieu de nous; quelque chose s’était brisé et me maintenait à l’écart. Longtemps, je n’ai pas compris. À un moment, il s’est agi pour moi de rétablir un lien avec cette histoire.

 

Pourquoi passer par les témoignages des Sonderkommandos ?


J’ai toujours été frustré par les films sur les camps. Ils tentaient de construire des histoires de survie, d’héroïsme, mais ils reconstituaient surtout, selon moi, une histoire mythique du passé.

 

Le fils de SaulAu contraire, les témoignages des Sonderkommandos sont concrets, présents, matériels; ils décrivent précisément, dans l’ici et maintenant, le fonctionnement "normal" d’une usine de mort, avec son organisation, ses règles, ses cadences, ses équipes, ses dangers, sa productivité maximale. D’ailleurs, les SS utilisaient le mot "Stück" (pièces) pour désigner les corps. Là, on produisait des cadavres. À travers ces témoignages, je pouvais pénétrer chez les damnés du camp d’extermination.

 

Mais comment raconter une histoire, une fiction, au sein du fonctionnement du camp ?

 

C’était évidemment problématique. Je ne voulais pas héroïser qui que ce soit, pas choisir le point de vue du survivant, mais pas non plus tout montrer, trop montrer de cette usine de mort. Je voulais trouver un angle précis, réduit, et déterminer une histoire aussi simple et archaïque que possible. J’ai choisi un regard, celui d’un homme, Saul Ausländer, Juif hongrois, membre du Sonderkommando, et je m’en tiens rigoureusement à son point de vue : ce qu’il voit je le montre, ni plus ni moins. Mais ce n’est pas un "regard subjectif", car on le voit comme personnage et je ne voulais pas réduire le film à un motif purement cinématographique. Cela aurait été artificiel. Il fallait surtout fuir tout esthétisme, tout exercice de style, toute virtuosité. De plus, de cet homme naît une histoire, unique, obsessionnelle, primitive : il croit reconnaître soudain son fils parmi les victimes et veut dès lors préserver son corps, trouver un rabbin qui dira le kaddish et l’enterrer. Toute son action est déterminée par cette mission qui semble dérisoire dans l’enfer d’un camp. Le film se concentre sur un unique point de vue et une seule action, ce qui lui permet de croiser d’autres regards et d’autres actions, mais le camp est perçu à travers le prisme du trajet de Saul.

 

Cela suppose un gros travail de documentation, un véritable travail d'hstoire ...


Avec ma co-scénariste, Clara Royer, nous avons appris ensemble. Nous avons lu d’autres témoignages, ceux de Shlomo Venezia et Filip Müller, mais aussi celui de Miklós Nyiszli, un médecin juif hongrois affecté aux crématoriums. Bien sûr, Shoah de Claude Lanzmann, notamment les séquences des Sonderkommandos, avec le récit d’Abraham Bomba, reste une référence. Enfin, nous nous sommes également appuyés sur l’aide d’historiens comme Gideon Greif, Philippe Mesnard et Zoltán Vági.

 

le fils de Saul

Vous êtes-vous interdit des choses ?


Je ne voulais pas montrer l’horreur de face, ne surtout pas reconstituer l’épouvante en entrant dans une chambre à gaz tandis que les gens y meurent. Le film suit strictement les déplacements de Saul, donc s’arrête devant la chambre à gaz, puis y entre après l’extermination pour débarrasser les corps, laver, effacer les traces. Ces images manquantes sont des images de mort, on ne peut pas toucher cela, le reconstituer, le manipuler. Parce que je m’en tiens au point de vue de Saul, je ne montre que ce qu’il regarde, ce à quoi il fait attention. Cela fait quatre mois qu’il travaille dans un crématorium : par un mécanisme de protection, il ne fait plus attention à l’horreur, donc je laisse l’horreur floue ou hors-champ. Saul ne regarde que l’objet de sa quête, c’est ce qui rythme visuellement notre film.

 

Comment filmer ?


Avec le chef opérateur, Mátyás Erdély, le décorateur, László Rajk, on s’était donné un code avant le tournage, une sorte de dogme : "le film ne peut pas être beau", "le film ne peut pas être séduisant", "ne pas faire un film d’horreur", "rester avec Saul, ne pas dépasser ses capacités de vision, d’écoute, de présence", "la caméra est sa compagne, elle reste avec lui à travers l’enfer" … Nous avons aussi voulu utiliser la pellicule argentique 35 mm et un processus photochimique à toutes les étapes du film. C’était le seul moyen de préserver une instabilité dans les images et donc de filmer de façon organique ce monde. L’enjeu était de toucher les émotions du spectateur – ce que le numérique ne permet pas. Tout cela impliquait une lumière aussi simple que possible, diffuse, industrielle, nécessitait de filmer avec le même objectif, le 40 mm, un format restreint, et non le scope qui écarte le regard, et toujours à hauteur du personnage, autour de lui.

 

Saul porte une veste avec une grande croix rouge dans le dos ...


Oui, c’est une cible. Les SS utilisaient cela pour mieux éliminer ces hommes s’ils fuyaient, et pour nous ce fut comme un viseur pour la caméra.


Vous aviez d'autres films en tête ?


Requiem pour un massacre d’Elem Klimov (1985) a été une source d’inspiration. Le film suit un garçon sur le front de l’Est en 1943 et reste avec lui à travers l’enfer de ses aventures d’une manière organique. Mais Klimov s’autorise des choses beaucoup plus baroques que nous.

Lors du premier plan du film, le flou est là, puis un visage soudain apparaît, celui de Saul ...


Il sort du néant. Mon premier court métrage, With a little patience, débute comme cela également. Le spectateur, qui le voit surgir, comprend tout de suite qu’il va le suivre tout au long du film. On a beaucoup travaillé les gestes avec les acteurs. Les règles du camp, et la nécessité de la survie, imposent une gestuelle très précise : toujours regarder vers le bas, ne jamais croiser le regard d’un SS, marcher à pas réguliers, petits, rapides, baisser la tête, retirer son bonnet pour saluer, ne pas parler ou répondre clairement, en allemand.

 

On comprend rapidement qu'il existe plusieurs logiques contradictoires dans le camp : le règlement, la soumission aux SS, les solidarités entre membres de des Sonderkommandos, mais aussi des tensions, des rivalités, l'organisation d'une résistance.

 

Bien sûr, plusieurs attitudes existent au sein de l’horreur, du renoncement à la résistance. Et il existe plusieurs façons de résister. Dans le film, nous voyons la tentative de rébellion qui a effectivement eu lieu en 1944, la seule révolte armée dans l’histoire du camp d’Auschwitz. Saul, lui, choisit une autre forme de révolte, qui semble dérisoire. En poursuivant sa quête personnelle, Saul est conduit à naviguer entre ces différentes attitudes : récupérer le corps du garçon le conduit dans les salles d’autopsie, chez les médecins et anatomistes ; trouver un rabbin le rapproche d’autres groupes de Sonderkommandos ou de convois de juifs en route vers la mort, circuler dans le camp lui fait emprunter le chemin des résistants… Il voit tout cela par bribes, et le spectateur doit lui aussi comprendre par fragments. Personne n’a tout, chacun a des éclats et tente de construire une vision avec ça.

 

À un moment, Saul croise les résistants qui cherchent à photographier le processus d'extermianation ...


Ce qui est strictement interdit par les SS, bien sûr. A Birkenau, la résistance polonaise a introduit un ou plusieurs appareils photo chez les Sonderkommandos, pour témoigner de l’extermination. Au prix de risques inouïs, ils ont réussi à photographier, juste avant la fermeture et juste après l’ouverture d’une chambre à gaz, les femmes qui s’approchent nues, puis les cadavres entassés, sortis dehors, qu’on brûle à même le sol.

 

Quatre photographies montrées lors de l'exposition "Mémoire des camps", en 2001, quatre "images malgré tout ...

 

Ces quatre photos m’ont énormément marqué. Elles témoignent de l’extermination, comme des preuves, et posent des questions essentielles. Qu’est-ce que faire une image ? Qu’est-ce que l’on peut représenter ? Quel regard construire devant la mort et face à la barbarie ? Nous avons intégré ce moment au coeur du film, car cela correspond à un bout du trajet de Saul à travers le camp ; il participe soudain, un temps, à la construction du regard sur l’extermination. Mais aussi parce que, comme mis en abyme, le statut de la représentation est interrogé là, et seulement là.

 

Le son joue un rôle important dans le film.


Avec l’ingénieur du son, Tamás Zányi, qui a participé à tous mes films, nous avons décidé de travailler sur un son à la fois très simple, brut, et aussi complexe, multiple. Il faut rendre compte de l’atmosphère sonore de cette usine des enfers, avec de multiples tâches, des ordres, des cris, et tant de langues qui se croisent, entre l’allemand des SS, les langues multiples des prisonniers, dont le yiddish, et celles des victimes qui viennent de toute l’Europe. Le son peut se superposer à l’image, parfois aussi prendre sa place, puisque certaines manquent et doivent manquer. Je comparerais cela à des couches sonores diverses, contradictoires. Mais il faut garder toute cette matière sonore brute, surtout ne pas la refabriquer en la polissant trop.

 

Qui est Saul, qui joue ce personnage ?


Le fils de SaulGéza Röhrig n’est pas un acteur, mais un écrivain, poète hongrois, qui vit à New York, que j’ai rencontré il y a quelques années. À un moment, j’ai pensé à lui. Sans doute car tout est mouvant et mouvement chez lui, sur son visage et son corps : impossible de lui donner un âge, il est à la fois jeune et vieux, mais il est aussi beau et laid, banal et remarquable, profond et impassible, très vif et très lent ; il bouge, remue vite, mais sait également très bien garder le silence et l’immobilité.

 

Ce personnage, et votre film, tentent d'opposer à l'usine de mort une cérémonie de la mort, à la machine des rites, au bruit une prière.


Quand il n’y a plus d’espoir, au fin fond de l’enfer, une voix intérieure dit à Saul : il faut survivre pour accomplir un acte qui a du sens, un sens humain, archaïque, sacré, qui est à l’origine même de la communauté des hommes et des religions, respecter le corps mort
 

Mon opinion

 

Le fils de Saul, premier long-métrage de László Nemes, multiplie les points forts.

 

Géza Röhrig est remarquable de bout en bout. Écrivain et poète hongrois, il est le principal protagoniste de ce film. Pratiquement de toutes les scènes, la caméra implacable filme son visage et son regard. "À la fois jeune et vieux, mais il est aussi beau et laid, banal et remarquable, profond et impassible, très vif et très lent" pour reprendre les dires du jeune réalisateur.

 

Le format de l'image, la pellicule argentique 35 mm, la profondeur de champ minimale, aussi, accentuent une impression d'étouffement. D'écœurement. Le travail de Mátyás Erdély sur la photographie renforce une profonde sensation d'asphyxie.

 

La bande-son est à la fois remarquable et insoutenable. Entre des ordres lancés, tels des aboiements de chiens enragés, les cris douloureux de femmes, d'hommes et quelques pleurs d'enfants, résonnent atrocement dans cette "usine des enfers", pour reprendre les mots du réalisateur.

 

Le scénario coécrit avec Clara Royer est parfaitement documenté. Il s'appuie sur des témoignages bien réels. Des êtres humains, font ici la pire des besognes. Leurs vies restent en sursis. Autant de moments vécus dans l'urgence et dans la terreur.

 

La réalisation est d'une extrême virtuosité. Sans faille aucune. László Nemes ne craint pas les obstacles. Il fait preuve d'un extraordinaire brio et offre au spectateur un très grand film. "Bien sûr, plusieurs attitudes existent au sein de l’horreur, du renoncement à la résistance. Et il existe plusieurs façons de résister." a-t-il déclaré. Il le démontre parfaitement.

 

Le Fils de Saul mérite d'être vu par le plus grand nombre, et restera longtemps dans ma mémoire.

Le Fils de Saul "Saul Fia"
1 novembre 2015 7 01 /11 /novembre /2015 18:30

 

Date de sortie 28 octobre 2015

 

Notre petite soeur


Réalisé par Kore-eda Hirokazu


Avec Haruka Ayase, Masami Nagasawa, Kaho,

Suzu Hirose, Ryo Kase, Takafumi Ikeda

 

Titre original Umimachi Diary


Genre Drame


Production Japonaise

 

Synopsis

 

Trois sœurs, Sachi (Haruka Ayase), Yoshino (Masami Nagasawa) et Chika (Kaho), vivent ensemble à Kamakura.

 

Par devoir, elles se rendent à l’enterrement de leur père, qui les avait abandonnées une quinzaine d’années auparavant.

 

Elles font alors la connaissance de leur demi-sœur, Suzu (Suzu Hirose), âgée de 14 ans.

 

D’un commun accord, les jeunes femmes décident d’accueillir l’orpheline dans la grande maison familiale…

 

Notre petite sœur

Entretien avec Kore-eda Hirokazu relevé dans le dossier de presse.

Le Pacte. (www.le-pacte.com)


Dès que vous avez lu Umimachi Diary, vous avez souhaité l’adapter pour le cinéma. Dans quelle mesure avez-vous cherché à rester fidèle au livre ?


Au départ, je m’étais dit que j’allais seulement modifier la chronologie de l’histoire. Mais j’ai peu à peu changé d’avis et j’ai décidé d’écrire un scénario en y incorporant des scènes qui ne figurent pas dans le roman. Après m’être demandé comment imaginer une intrigue qui ne dépasse pas deux heures et qui tienne compte des problématiques de l’oeuvre originale, j’ai compris qu’il était préférable de limiter les décors et les personnages, et d’ajouter des épisodes inédits. Par exemple, on a décidé de placer Ninomiya du Sea Cat Diner au centre de l’histoire pour qu’elle puisse incarner des personnages qu’on ne voit pas dans le film. On a fait plusieurs tentatives et sans doute commis quelques erreurs, mais tout s’est éclairci après avoir engagé Suzu.

 

En général, vous ne terminez votre scénario qu’après avoir trouvé tous vos comédiens.


Notre petite soeurC’est exactement ce que j’ai fait sur ce film, bien qu’il s’inspire d’un roman graphique. Les monologues surprenants du livre et les didascalies sont frappantes, mais je ne voulais pas trop m’en servir. Du coup, j’ai réfléchi à la manière de transposer cet univers à travers le dialogue et les expressions des personnages.

 

Pendant le tournage, la distinction entre livre et film s’est atténuée. Je me demandais si telle scène figurait dans le roman ou si je l’avais inventée : je considère que c’est la preuve que j’ai pu m’approprier l’oeuvre d’origine.


Vous avez imaginé une histoire nouvelle autour des quatre soeurs.


En lisant le roman, je m’étais dit qu’il s’agissait de l’histoire des personnages qui gravitent autour de Suzu et qui l’observent. Mais dans le film, je tenais à faire de Sachi et de Suzu les protagonistes de l’intrigue. En dehors de ces deux jeunes femmes, on a Yoshino et Chika, ainsi que la mère, la grand-tante et Ninomiya. Je me suis dit que ces personnages-là devaient s’articuler autour de Sachi et de Suzu. D’une certaine façon, c’est une histoire de femmes.

 

La beauté des quatre soeurs comme celle des paysages de Kamakura est frappante. Pourquoi avez-vous fait appel au chef-opérateur Takimoto Mikiya après Tel père, tel fils ?


La posture très droite des personnages est plus proche des personnages de Yasujiro Ozu que de ceux de Mikio Naruse. Les quatre soeurs ont une grande dignité dans l’apparence physique. Je me suis dit qu’il était préférable de les filmer comme si elles faisaient partie du paysage, plutôt que dans un style documentaire. C’est ce que j’avais en tête en sollicitant Takimoto Mikiya. Nous avons veillé scrupuleusement à la mise en place des comédiens et à la composition minutieuse des plans.


C’est la première fois que vous travaillez avec la compositrice Kanno Yoko.


Notre petite soeurNagasawa m’a suggéré le nom de Kanno Yoko alors que je m’interrogeais sur la musique pendant le tournage. La première idée a consisté à trouver un thème avec un quatuor à cordes pour les quatre soeurs, puis à définir un instrument par soeur, et à réunir le tout harmonieusement vers la fin.

 

 

Nous avons utilisé des morceaux préexistants qu’elle avait composés pour les images déjà tournées, et comme le résultat était formidable, j’ai décidé de lui confier la partition.


Il y a de nombreuses scènes d’enterrements et d’obsèques selon des rites bouddhistes. On voit fréquemment les soeurs en train de prier face à un temple consacré à la mémoire des défunts, ce qui nous fait prendre conscience de personnes qui ne sont plus là.


Le film est aussi l’histoire du père, de la mère de Suzu, de la grand-mère, et de tous ceux qui ne sont plus là. C’était difficile d’évoquer le souvenir de ces êtres à travers le comportement et les dialogues des personnages – ou à travers des choses comme la petite friture – au lieu de flashbacks, et de montrer comment les sentiments à l’égard de ces gens peuvent toucher les soeurs. J’ai intégré la scène du maquereau frit parce que je voulais montrer qu’une tradition est transmise même lorsqu’elle n’est plus d’actualité. Je pense qu’un des aspects les plus importants du film, c’est de ne jamais perdre de vue l’avenir.

 

Quand vous parlez de transmission, on croirait entendre Sachi et sa mère Miyako.


Si l’on considère qu’il s’agit de l’histoire de Sachi qui apprend à devenir mère, elle s’émancipe de ses soeurs et se retrouve dans la position de la mère qui n’était jamais présente lorsque Suzu est venue habiter chez elles. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’elle est enfin capable d’accepter cette mère à qui elle était incapable de pardonner.

 

Notre petite soeur

Note d’intention relevée dans le dossier de presse.


L’adaptation du roman graphique


En découvrant le premier tome de Umimachi Diary en 2007, Kore-eda Hirokazu, immédiatement fasciné par l’ouvrage, décide de l’adapter pour le cinéma. À première vue, ce manga s’apparente à un drame familial émouvant, mais en s’y attardant davantage, on constate qu’il est plus nuancé qu’il y paraît. La présence de la demi-soeur cadette Suzu permettra-t-elle à l’aînée Sachi et à ses soeurs de se réconcilier avec leurs parents à qui elles en veulent toujours ?

Comment Suzu, qui a appris que sa naissance était source de souffrances, pourra-t-elle s’affirmer dans sa nouvelle vie ?

C’est à partir de ces deux questionnements que Kore-eda Hirokazu a échafaudé cette trajectoire d’une année au cours de laquelle les quatre protagonistes deviennent soeurs et finissent par former une vraie famille. Le travail d’adaptation a commencé à l’automne 2012. Tandis que Tel père, tel fils était censé sortir au Japon à l’été 2013, Kore-eda Hirokazu s’est attelé à l’écriture du scénario.

 

Notre petite sœurTout en s’inspirant des personnages et des différents épisodes du livre, il a développé le parcours des quatre soeurs en fonction de sa propre sensibilité et de ses recherches. Chemin faisant, il a été encouragé par l’auteur Yoshida Akimi : "Je lui ai dit : Oublie le roman et adapte-le comme tu le souhaites", se souvient-il.

 

Se sentant soutenu, Kore-eda Hirokazu  a imaginé son propre dénouement. Le tournage, qui a démarré au printemps 2014, s’est déroulé sur quatre saisons.

 

Le choix des comédiens

 

Kore-eda Hirokazu est très fier de ses actrices, qu’il qualifie de "quatre soeurs idéales". Il évoque le choix d’Ayase Haruka dans le rôle de la soeur aînée Sachi : "Jusqu’à présent, l’image d’Ayase correspondait plutôt à celle de la soeur cadette. Mais je me suis dit que sa posture bien droite et sa démarche convenaient parfaitement à la soeur aînée. Elle est empreinte d’une attitude propre à l’ère Showa qui évoque la comédienne Hara Setsuko". Le rôle de Yoshino a été confié à Nagasawa Masami qui avait déjà tourné sous la direction du réalisateur dans I Wish : " La soeur cadette, à l ’esprit frondeur, évolue dans un contexte profondément marqué par la mort. Nagasawa est très belle et je me suis dit qu’elle correspondait parfaitement au personnage", ajoute Kore-eda Hirokazu. S’agissant de Kaho, qui campe la soeur benjamine Chika, il souligne qu’ "Elle a un charisme et une aisance qui sont très proches du personnage dans le roman. Kaho possède à la fois profondeur et sensibilité. Elle a été d’une grande précision dans son jeu et dans ses déplacements". Hirose Suzu, qui incarne la plus jeune de la fratrie, Suzu, ressemble à tel point à son personnage dans le livre que ses trois soeurs ont cru la voir surgir du roman. "Quand j’ai rencontré Hirose à l’audition, j’ai eu le sentiment que le personnage de papier s’animait sous mes yeux !", reprend le cinéaste. "Elle n’était pas du tout impressionnée devant ses aînées pendant les répétitions. Sa présence, à divers moments, était impressionnante. J’étais convaincu qu’elle était la seule à pouvoir jouer le rôle ".

 

Notre petite sœur

Les personnages


La caractérisation des personnages ne s’inspire pas forcément du graphisme du roman. Les costumes, les coiffures et le maquillage ont été conçus en fonction des comédiennes. Hirose, qui campe Suzu, n’a pas reçu le scénario : on lui donnait son texte verbalement à chacune de ses scènes. Il s’agit d’une technique que Kore-eda Hirokazu a surtout utilisée avec des enfants. "Elle était formidable au moment des répétitions", précise-t-il. "Du coup, je lui ai demandé ce qu’elle préférait". Au final, la comédienne a choisi la deuxième option et a donc joué sans scénario. C’est un dispositif, dans le cinéma de Kore-eda Hirokazu, révélateur de la manière dont la personnalité d’un comédien nourrit son personnage. Par exemple, la façon particulière dont mange Chika s’inspire de celle dont Kaho se nourrit.


Tournage à Kamakura


L’histoire de ces quatre soeurs se déroule dans une ville de bord de mer. Dès sa découverte du roman graphique, Kore-eda Hirokazu a cherché à transposer les quatre saisons telles qu’elles apparaissent dans le livre. "Je trouve que l’une des grandes qualités du film tient à la manière dont la lumière qui baigne cette petite station balnéaire évolue au fil des événements", note le réalisateur. En évoquant avec précision le temps qui passe, le cinéaste s’attache à l’évolution et à la transformation des habitants de la petite ville. Notre petite sœur raconte aussi l’histoire d’une maison. Le foyer familial est un espace important qui évoque les paysages propres à chaque saison et la vie des quatre soeurs.


Notre petite sœur

Kore-eda Hirokazu poursuit : "Je n’aurais pas tourné le film si on n’avait pas déniché la maison qui convenait à cette histoire".

Après des repérages approfondis, l’équipe a trouvé le site correspondant aux consignes du réalisateur.

Mon opinion

 

Un Japon loin de celui que l'on croît connaître. Des lieux propices aux rêves dans lesquels la nature est à la fois généreuse et splendide.

 

Le réalisateur fait appel une deuxième fois à Takimoto Mikiya comme Directeur de la photo. "Je trouve que l’une des grandes qualités du film tient à la manière dont la lumière qui baigne cette petite station balnéaire évolue au fil des évènements" déclare Kore-eda. Le résultat est splendide, enivrant, irréel et poétique. Ce "tunnel" dans lequel deux enfants s'engouffrent sur une bicyclette est lumineux et magique.

 

Le film est construit autour "d'une histoire de femmes" pour reprendre le mot du réalisateur. Quatre jeunes femmes dont on suivra des moments de vie, entre rires étouffés et courbettes à répétition. D'une saison à l'autre nous partageons leur quotidien. De désillusions, en problèmes familiaux, de la maladie au décès en passant par des fêtes, avec un splendide feu d'artifice, entre autres. Quelques vagues amourettes viendront ponctuer le quotidien des deux aînés entre recettes de cuisine et liqueur de prunes. D'autres femmes, très attachantes aussi, apparaîtront dans des rôles secondaires.

 

On arrive à envier ces traditions ancestrales qui tiennent bon face à une modernité qui reste, ici, bien en retrait. Il y a aussi cette dignité dont tous les personnages sont imprégnés, tous ces moments bienveillants entre jeunes élèves sans oublier le grand cœur d'un banquier. Tout est idéalisé pour mieux nous emporter et nous offrir du rêve.

 

Un film attendrissant et généreux.

Notre petite soeur "Umimachi Diary"
Notre petite soeur "Umimachi Diary"
27 octobre 2015 2 27 /10 /octobre /2015 08:28


Date de sortie 21 octobre 2015

 

Mon Roi


Réalisé par Maïwenn


Avec Vincent Cassel, Emmanuelle Bercot,

Louis Garrel, Isild Le Besco, Patrick Raynal, Paul Hamy


Genre Comédie Dramatique


Production Française

Festival de Cannes 2015

 

 

 

 

Mon Roi

est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2015

 

Emmanuelle Bercot

reçoit le Prix d'interprétation féminine.

ex æquo avec Rooney Mara pour son rôle dans Carol

 

 

 

 
 

Maïwenn est une personne entière, qui met tout dans ses films. Parfois, cela peut rebuter. Mon Roi va peut-être plus diviser que Polisse car le film provoque beaucoup de débats entre les hommes et les femmes. Pour moi, c'est une vertu du cinéma...

 

Maïwenn est quelqu'un qui provoque la passion. Son cinéma lui ressemble.

 

Et puis en France, surtout à Cannes, on attend au tournant les gens qui rencontrent du succès, parfois les kalachnikovs sont de sortie.

 

Extrait d'interview d'Emmanuelle Bercot relevé sur parismatch.com.

Pour lire l'intégralité cliquez Ici.

 


 

 

Synopsis

 

Tony (Emmanuelle Bercot) est admise dans un centre de rééducation après une grave chute de ski. Dépendante du personnel médical et des antidouleurs, elle prend le temps de se remémorer l’histoire tumultueuse qu’elle a vécue avec Georgio (Vincent Cassel).

Pourquoi se sont-ils aimés ? Qui est réellement l’homme qu’elle a adoré ?

Comment a-t-elle pu se soumettre à cette passion étouffante et destructrice ?

Pour Tony c’est une difficile reconstruction qui commence désormais, un travail corporel qui lui permettra peut-être de définitivement se libérer …

 

Mon Roi - Emmanuelle Bercot et Vincent Cassel

 

Emmanuelle Bercot et Vincent Cassel

Entretien avec Maïwenn relevé dans le dossier de presse

 

Mon Roi traite d’un amour passionnel et destructeur qui s’étale sur dix ans. C’est une chronique très distanciée sur le couple ; un film très différent de ceux que vous avez réalisés jusqu’ici.


C’est un sujet que je porte depuis des années et dont je repoussais sans cesse la réalisation. Il me faisait peur, je sentais que je n’avais pas la maturité suffisante pour le traiter. J’en avais écrit de nombreuses versions, sans qu’aucune ne me paraisse satisfaisante.

 

Qu’est-ce qui vous effrayait ?


Mon Roi

Les moments heureux qu’ils traversent avant de se déchirer – j’ai réalisé à quel point c’était dur pour moi de montrer des gens heureux au cinéma ; tout ce que j’écrivais était mièvre. Il fallait pourtant qu’on y croie : comment comprendre autrement qu’ils reviennent sans arrêt l’un vers l’autre, décrire leurs névroses et leurs conflits si l’on n’est pas convaincu de leur amour ?

 

Pourquoi avoir soudain choisi de sauter le pas ?


Je me suis dit : "Tu ne vas tout de même pas procrastiner toute ta vie !"

 

Vous cosignez le scénario du film avec Étienne Comar.


Mon producteur, Alain Attal, me parlait d’Étienne comme d’un type génial, il m’a donné envie de le rencontrer. On s’est entendus dès le début. C’était un bonheur. Nous étions rigoureux nous travaillions tous les jours de 9h à 13h.

 

Était-il, dès le départ, évident que vous ne joueriez pas dans le film ?


Mon Roi - Emmanuelle Bercot

 

 

 

Oui. J’ai eu envie de tourner avec Emmanuelle Bercot et j’ai aussi eu envie d’un film dans lequel je ne serais pas. Pour voir ce que ça pouvait apporter à ma mise en scène.

 

 

 


Le personnage de Giorgio est d’autant plus complexe qu’il reste empli de zones d’ombres.

 

J’y tenais : un personnage ne doit jamais être monolithique, ou bien cela devient vite très ennuyeux. La vie n’est jamais d’une pièce, il faut pouvoir la regarder sous différents angles.

 

On sent tout de suite un décalage entre cet homme et cette femme. Tony n’a pas la beauté des mannequins avec lesquels Giorgio a l’habitude de sortir et porte surtout en elle une blessure folle – absurde – qu’elle lui confie dès leur première nuit d’amour.


Il devait se passer quelque chose de très intime entre eux pour que Giorgio tombe amoureux. De la même façon que Tony le démasque avec l’histoire des glaçons, elle se démasque à son tour en lui avouant une angoisse intime. Ils entrent directement dans une intimité extrême ; une intimité singulière, c’est très souvent comme ça qu’un couple se fait.

Mon Roi aborde des personnages qui ont une quarantaine d’années…


Et cela incline sans doute à lui donner une image de film d’adulte. Mais même les ados peuvent s’y reconnaître. Mon film s’adresse à tous les amoureux qui ont été incompris.


Vous lui donnez une dimension universelle qui tranche avec le ton de Pardonnez-moi, votre premier long métrage.


Je ne me suis jamais reconnue dans l’étiquette de "la réalisatrice qui tourne des films autobiographiques", que l’on m’attribue depuis mes débuts. Polisse n’était pas plus ou moins personnel que Pardonnez-moiI. Ce n’est pas parce que je me suis amusée avec l’image des comédiennes que Le Bal des Actrices était mon histoire. Que je sois ou non partie de tous petits faits réels n’efface en rien le travail que j’ai fourni. C’est blessant et réducteur de se trouver perpétuellement adossée à ces qualificatifs. J’en ai souffert. Le malentendu vient sans doute pour beaucoup du fait que j’ai joué dans ces films.

 

Mon Roi - Emmanuelle Bercot et Vincent Cassel avec Maïwenn

 

Emmanuelle Bercot, Vincent Cassel et Maïwenn

 

En ayant recours au flash-back, vous vous autorisez précisément une distance que vous ne preniez pas auparavant.


Cette structure narrative permettait à Tony d’avoir un double regard sur elle et Giorgio en revisitant des moments de leur histoire. Et c’était l’occasion pour elle de se reconstruire. En sortant du centre, elle est dans une sorte de résilience.

 

Sa reconstruction passe par la réparation du corps : on sent chez vous une certaine fascination à filmer les blessures physiques des patients du centre de rééducation.


J’ai toujours éprouvé de l’attirance pour les gens blessés physiquement ou infirmes. Ils sont un peu coupés de la société et n’éprouvent plus ni les mêmes besoins ni les mêmes envies que les valides. On est peu de chose lorsqu’on marche avec une béquille ou qu’on est cloué dans un fauteuil. Cela permet de relativiser la vie d’avant : la seule chose importante devient soudain de guérir – se raccommoder. C’est grâce à son accident que Tony parvient à éprouver de nouveau de la tendresse pour Giorgio. Remarcher lui paraît soudain le plus beau cadeau que l’existence puisse lui offrir.

 

Sa rencontre avec les jeunes du centre compte pour beaucoup dans sa guérison.


Ils sont blessés, comme elle : ils lui font du bien. Ce sont des gens différents de ceux qu’elle a connus jusque là. Des gens simples qui sont dans le rire, le partage et la légèreté.

Détruite – physiquement ou moralement – Tony reste une guerrière. Elle se bat.


Mon Roi - Emmanuelle Bercot

 

J’en ai faite une avocate et ce n’est pas un hasard. Même si on la voit jamais au travail et si le film se concentre uniquement sur son histoire d’amour avec Giorgio, j’aimais l’idée qu’elle passe son temps à défendre les autres, salauds ou innocents, et qu’elle défende son homme de la même façon.

 

 

 

Elle a attendu longtemps, elle a rencontré un amour fulgurant, elle fait tout pour le garder et, oui, elle se bat. "Je n’ai pas attendu toutes ces années pour faire un enfant et me casser" , dit-elle à son frère.


Le personnage du frère joue un rôle très important dans le film.


Mon roi - Louis Garrel et Vincent Cassel

 

 

J’adore Louis. Je lui avais déjà proposé Polisse. Il a refusé. Je suis revenue à la charge pour Mon Roi. Je me suis quasiment traînée à ses pieds dans un resto pour qu’il accepte d’interpréter Solal. Il avait peur de moi je crois…

 

 


D’où vient le titre du film ?


Je n’en trouvais pas – celui que j’avais retenu au départ m’avait très vite lassée. Je me suis amusée à me passer des chansons d’amour dans la tête et, un jour, je me suis mise à fredonner celle d’Elli Medeiros – "Toi toi mon toit… toi mon tout, mon roi…" C’était court et percutant. Et Georgio est vraiment le Roi, dans tous les sens du terme…

Mon opinion

 

Un scénario à la fois tendre, violent, intelligent, tourmenté et impitoyable pour un film auquel on adhère, qui peut également déranger, mais en aucun cas, laisser indifférent. Quelques situations répétitives peuvent paraître invraisemblables. Elles trouvent, dans leur finalité, toute l'habileté de Maïwenn à les rendre plausibles. Entre autres, cette scène dans laquelle Vincent Cassel s'improvise serveur.

 

L'écriture, la réalisation et la sincérité de Maïwenn évitent toutes les embûches et nous plongent dans cette histoire avec un intérêt qui ne décroit à aucun moment, de la rencontre à la dernière scène. Un rythme fou, parfois hystérique pour cette histoire magnifique et douloureuse dans laquelle l'humour côtoie la tendresse.

 

Pour donner vie à son scénario la réalisatrice a su trouver un casting idéal. Louis Garrel, Paul Hamy, Isild Le Besco, entre autres, sont parfaitement justes. Également présente dans une petite participation, une mystérieuse dame en noir, Dani.

 

Emmanuelle Bercot et Vincent Cassel, sont tous deux excellents. Que ce soit dans la retenue ou le délire, dans l'exaspération due aux actions de l'un, face à la douceur de l'autre ils participent à la belle réussite de ce quatrième long-métrage de la réalisatrice.

 

"Maïwenn est quelqu'un qui provoque la passion. Son cinéma lui ressemble." A déclaré Emmanuelle Bercot.  J'acquiesce complètement.

 

Mon Roi
Mon Roi
Mon Roi
20 octobre 2015 2 20 /10 /octobre /2015 11:03

 

Date de sortie 7 octobre 2015

 

Fatima


Réalisé par Philippe Faucon


Avec Soria Zeroual, Zita Hanrot, Kenza Noah Aïche


Genre Drame


Production Française

 

César 2016.

- Meilleur Film Philippe Faucon

- Meilleur espoir Féminin Zita Hanrot

- Meilleure adaptation

 


 

Synopsis

 

Fatima (Soria Zeroual), vit seule depuis son divorce avec ses deux filles : Souad (Kenza Noah Aïche), 15 ans, adolescente en révolte, et Nesrine (Zita Hanrot), 18 ans, qui commence des études de médecine.

 

Fatima maîtrise mal le français et le vit comme une frustration dans ses rapports quotidiens avec ses filles.

 

Toutes deux sont sa fierté, son moteur, son inquiétude aussi. Afin de leur offrir le meilleur avenir possible, Fatima travaille comme femme de ménage avec des horaires décalés.

Un jour, elle chute dans un escalier. En arrêt de travail,

 

Fatima se met à écrire en arabe ce qu'il ne lui a pas été possible de dire jusque-là en français à ses filles.

"Mes grands parents ne parlaient pas le français et ma mère ne le parlait pas dans son enfance. Ils étaient des ‘‘ invisibles ’’ de la société dans laquelle ils vivaient. Chez Fatima, j’ai retrouvé des attitudes que j’ai connues chez eux. Elle est à l’image de ces femmes, qui souvent n’ont eu accès qu’à des scolarités incomplètes, ont été amenées à émigrer par nécessité vitale, pour venir vivre dans un pays dont elles ne parlaient pas la langue et dont les codes leur étaient étrangers. En France, elles ont donné naissance à des enfants qu’elles ont élevés, parfois séparées d’eux par la langue et par des pratiques et des repères différents. Pour toutes ces raisons, ces femmes ont développé, malgré leurs ignorances et leurs handicaps, des ressources très importantes, allant puiser au fond d’un courage et d’une obstination farouches."


Philippe Faucon

 

Fatima

Entretien avec Philippe Faucon.

 

Comment avez-vous eu l’idée, et l’envie, d’adapter librement  Prière à la lune  de Fatima Elayoubi ?


Ce projet m’a été proposé par Fabienne Vonier, qui devait en être la productrice. Le livre Prière à la lune est un petit recueil de poèmes, de pensées, de fragments écrits divers, et lorsque je l’ai lu, je me suis demandé quel film on pouvait en tirer. J’ai mieux compris l’intuition qu’avait eue Fabienne quand j’ai rencontré Fatima Elayoubi, qui est une personnalité extraordinaire. Elle est venue en France en suivant son mari, sans savoir ni écrire, ni parler le français, et elle n’a donc eu accès qu’à des boulots peu considérés. Elle a fait des ménages toute sa vie et a commencé à parler et à écrire sur le tard, car ses horaires et ses difficultés de vie ne lui laissaient guère de temps pour apprendre. Elle a appris quasiment seule, en déchiffrant puis en lisant tout ce qui lui tombait sous la main. Aujourd’hui, son expression est riche et minutieuse, on sent un besoin de l’exactitude du mot qui exprimera sa pensée ou son ressenti. Je me suis beaucoup attaché à ce projet, qui n’était pas simple à écrire ni à financer : le sujet n’offrait pas la possibilité d’un casting porteur et le film était en partie sous‑titré. Pour des raisons de santé, Fabienne a dû renoncer à le produire et nous a proposé, à Yasmina Nini-Faucon et moi, de le reprendre en tant que producteurs.

 

Tout en faisant de Fatima le personnage principal, vous brossez le portrait de trois femmes de générations ‑ ou en tout cas d’âges ‑ différents et, à travers elles, vous abordez des problématiques qui leur sont propres.

 

Oui, car toutes trois vivent au sein d’une même cellule familiale, avec des affects forts, mais également dans des univers différents, qui établissent ou accentuent quelquefois des séparations entre elles, des ignorances l’une de l’autre, des incompréhensions. Il y a avant tout les barrières de la langue, qui sont révélatrices des différences entre les mondes dans lesquels elles évoluent séparément. Fatima ne comprend rien à la langue des études qu’a entreprises Nesrine, ni au langage de la rue qui est celui de Souad. De même, les deux jeunes filles ignorent tout de ce que leur mère écrit en arabe dans son cahier.

 

Effectivement, l’absence de maîtrise de la langue française est une source d’enfermement et d’isolement pour Fatima, voire d’aliénation…

 

C’est un handicap quotidien, dans les rapports sociaux et aussi dans sa relation à ses filles, qui, elles, parlent le français depuis toujours. Chacune des trois possède un niveau de langage en rapport avec son histoire et son environnement culturel. Fatima apprend le français comme elle peut, en interrogeant Nesrine ou Souad, ou aux cours d’alphabétisation lorsqu’elle a le temps de s’y rendre entre ses heures de ménage. Elle éprouve une grande frustration en communiquant mal avec ses filles, et fait tout son possible pour suivre la scolarité de Souad, malgré ses carences et les railleries de cette dernière. Nesrine parle le français d’une jeune fille de deuxième génération, qui s’est emparée, grâce à ses lectures et aux études, de quelque chose que ses parents ne pouvaient lui transmettre. Si on l’écoute attentivement, elle commet quelques rares "fautes" qui continuent de la  "marquer" concernant ses origines sociales. Quant à Souad, elle parle le langage de ses 15 ans et des ados de son environnement social, à la fois restreint, inventif et provocateur, avec des expressions inattendues pour sa mère : "Arrête de dire que c’est un garçon pas assez bien pour moi ! Comme si j’étais sortie du cul d’une poule en or ! "

 

Fatima

Ce regard fait écho à celui des délatrices, sur le lieu de travail de Fatima.


On est ici dans un monde où le travail est déshumanisé, pénible et sans attrait. Et pour certaines collègues de Fatima, les faveurs de la chef sont une échappatoire.


Pour vous, qu’est-ce qu’exprime la chute de Fatima dans l’escalier ? Faut-il y voir un appel au secours ?


On sait que souvent, un accident au travail n’arrive pas par hasard. À ce moment du film, Fatima a sans doute atteint un point de rupture. Elle n’arrive plus à faire face à toutes les difficultés auxquelles elle est confrontée. Elle est gagnée par la crainte de l’échec de Nesrine, dans des études qui ont coûté tant d’efforts, à l’une comme à l’autre. Et elle est hantée par l’idée que Souad, sa plus jeune fille, ne puisse s’affranchir du parcours de relégation sociale qui a été le sien.


Qu’est-ce qui pousse Fatima à prendre la plume ?


Le besoin d’exprimer dans sa langue ce qu’elle ne peut dire dans celle de ses filles – et de la société dans laquelle toutes trois vivent.


Le film est une épure, dont l’émotion jaillit à certains moments sans jamais verser dans le sentimentalisme.


FatimaLe sentimentalisme, l’emphase, la surcharge sont des travestissements de la vérité. Et une émotion ne peut se rencontrer que si l’on accède réellement à une vérité du personnage ou de son interprétation. Il faut donc débarrasser l’écriture, la mise en scène et le jeu de ce qui détourne de l’essentiel, de ce qui n’a pas vraiment d’intérêt ou de sens – tout ce que Pialat appelait le "gras" d’une scène. Mais trop d’épure peut aussi amener à passer à côté de ce qui est important, ou à ne pas aller jusqu’à ce qui est important.

 

Vous adoptez un style naturaliste, sans être pour autant dans le documentaire. Quelles étaient vos priorités pour la mise en scène ?


Trouver les points de rencontre avec les interprètes : entre eux et leurs personnages, dans les différentes situations de jeu qui vont les confronter. C’est une aventure où il s’agit de mobiliser tous ses moyens, d’attention, d’intuition, d’échange, afin de parvenir à apporter dans l’incarnation des personnages à l’écran quelque chose d’unique. Si l’on parvient à ça, on n’est plus dans le documentaire. Ni dans le naturalisme au sens péjoratif du terme, c’est à dire la reproduction plate, désincarnée, de la réalité.


Comment avez-vous choisi vos trois interprètes principales ?


Concernant le rôle principal, nous avons été amenés à faire des recherches en direction de non-professionnelles, comme pour plusieurs de mes autres films – tout simplement parce qu’il n’existe pas en France de comédienne pour interpréter ce personnage, celui d’une femme d’origine maghrébine maîtrisant mal le français. Pour Fatima particulièrement, cette recherche n’était pas évidente, car il s’agissait d’un rôle complexe, présentant un certain nombre de difficultés techniques de jeu, pas forcément à la portée de quelqu’un de non expérimenté. Nous avons fait des recherches au Maroc, où j’ai rencontré des comédiennes marocaines que j’ai trouvé intéressantes, mais aucune n’avait l’âge exact du rôle. Je me suis donc décidé pour une non-professionnelle, Soria Zéroual, qui vit à Lyon, sans pouvoir me départir, comme elle, jusqu’au premier jour de tournage, d’un peu d’appréhension : si nous lui trouvions tous de belles qualités dans les essais, personne ne pouvait avoir la certitude qu’elle parviendrait à tenir le rôle jusqu’au bout, dans toutes ses difficultés.

Fatima

 

Aujourd’hui, je sais que j’ai fait le bon choix : je la trouve très juste. Les deux filles de Fatima, âgées de 15 et 18 ans, sont jouées par de jeunes filles qui se destinent à être comédiennes, mais qui, en raison de leur âge, n’avaient pas non plus une filmographie très fournie. Zita Hanrot, qui joue l’aînée, sort du Conservatoire National de Paris et Kenza-Noah Aïche est apparue dans un court-métrage.

 

 

Je crois que toutes trois sont dans de vraies rencontres, avec les personnages qu’elles incarnent, mais aussi avec elles-mêmes – rencontres qui vont au-delà du "terrain connu", du "j’ai déjà fait ça". Pour ces raisons, elles apportent de vrais moments de grâce au film.

Pourquoi avez-vous choisi de tourner en région lyonnaise ?


Parce que la Région Rhône-Alpes s’est engagée dès le départ, d’une façon importante. J’ai donc situé l’histoire là-bas, ce qui ne posait pas de problème particulier, et nous avons aussi commencé des recherches de casting sur place. Une partie des intérieurs est par ailleurs tournée à Marseille, la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur s’étant également engagée sur ce projet.


Parlez-nous de la musique qu’on entend aux génériques de début et de fin ?


Nous voulions éviter une bande-originale trop attendue. Le musicien m’a proposé plusieurs thèmes et nous nous sommes décidés pour un ensemble faisant se répondre des instruments comme le piano et le violoncelle avec un instrument à connotation moins "noble", l’accordéon, et un instrument oriental, le oud.


Le film a-t-il été difficile à financer ?


Oui, j’en ai un peu parlé au début. C’est un film, par son sujet même, sans possibilité de casting notoire (une non-professionnelle et deux jeunes comédiennes), en partie sous-titré, pas fortement dramatisé, dans lequel l’émotion ou la beauté d’un personnage n’apparaîtront (si on parvient à la faire apparaître au moment du tournage ou du montage) qu’au travers de petits évènements. C’est donc tout l’inverse des croyances qui prédominent aujourd’hui dans le financement des films : scénario "béton", casting "porteur", etc. Ici, le scénario n’est pas "bétonné", il est ouvert, c’est un point de départ à un travail ultérieur, en recherche de vie à l’écran. Et les choix de casting sont du même ordre : donner vie à des personnages, les plus authentiques possibles, avant de pouvoir "afficher des noms".

 

C’est le cinéma que j’aime faire.

 

Fatima

Mon opinion

 

Philippe Faucon adapte librement un recueil de poèmes et d'écrits signé Fatima Elayoubi. "Elle a appris quasiment seule, en déchiffrant puis en lisant tout ce qui lui tombait sous la main. Aujourd’hui, son expression est riche et minutieuse, on sent un besoin de l’exactitude du mot qui exprimera sa pensée ou son ressenti." précise le réalisateur.

 

Il démontre parfaitement le chemin solitaire, difficile et douloureux que l'héroïne de son film choisira pour exprimer ses pensées.

 

Non seulement pour sa propre vie, mais également pour trouver une crédibilité face à ses deux filles, dont la plus jeune est toujours dans le reproche et la honte de voir sa mère "nettoyer la merde des autres".

 

Le film est lumineux, d'une incroyable énergie, tout en délicatesse, non dépourvu d'humour et d'une grande profondeur. Une leçon de courage et d'optimisme mélangés.

 

Le rôle essentiel revient à Soria Zéroual, actrice non-professionnelle, qui vit à Lyon. Une mère magnifique dans un film tout en finesse, sans affect, sans grandiloquence et qui invite au respect. Soria Zeroual, Zita Hanrot et Kenza Noah Aïche, deux générations de femmes toutes trois magnifiques et tout simplement inoubliables.

 

Un grand coup au cœur.

 

Lire une autre critique. Celle de Dasola en cliquant ici.

 

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