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26 septembre 2015 6 26 /09 /septembre /2015 18:30

 

Date de sortie 23 septembre 2015

 

Les deux amis


Réalisé par Louis Garrel


Avec Golshifteh Farahani, Vincent Macaigne, Louis Garrel,


Genre Comédie dramatique


Production Française

 

L’amitié fait partie intégrante du cinéma de Louis Garrel, dont le premier court métrage, Mes Copains, célébrait sa bande de potes. En 2011, il réalisait La Règle de trois avec son complice Vincent Macaigne et Golshifteh Farahani.

 

Habitué de la Croisette, Louis Garrel était donc tout naturellement présent cette année à Cannes avec son premier long métrage, Les Deux amis, sélectionné pour la Semaine de la critique.

 

Synopsis

 

Mona (Golshifteh Farahani) travaille tous les jours dans une sandwicherie de la gare du Nord. Ce n’est en rien le job de ses rêves, mais l’héroïne n’a pas exactement le choix…

 

Chaque soir, en effet, Mona doit s’en retourner dans ses drôles de foyers : une prison en banlieue où elle est incarcérée pour des raisons inconnues. Bénéficiant d’un régime de semi-liberté, elle s’acquitte de sa tâche professionnelle sans râler. Histoire de gagner quelques euros et d’améliorer un ordinaire qui en a bien besoin. Histoire, surtout, de prouver aux instances judiciaires qu’elle est capable de se réinsérer dans la "vie normale".

 

Bientôt, Mona rencontre Clément (Vincent Macaigne), un type bizarre et lunaire qui bosse dans le cinéma (il assure de la figuration ici et là) et qui se décarcasse pour la séduire.

 

Quand Clément désespère d’obtenir ses faveurs, son seul et meilleur ami, Abel (Louis Garrel), vient l’aider.

 

Les deux amis se lancent ensemble dans l’aventure de la conquête amoureuse.

 

Mais le chiffre 3 est celui du dérèglement…

 

Les deux amis

Propos recueillis par Olivier Père relevés dans le dossier de presse.

 

Trois jours, trois nuits, une fille, deux garçons et de nombreuses péripéties tragicomiques, c’est ainsi que l’on pourrait présenter votre premier long métrage.


J’ai réalisé un moyen métrage qui s’appelle La Règle de trois et tourné dans un film de Jacques Doillon qui s’appelle Le Mariage à trois (encore plus extrême). Je ne sais plus qui me disait que c’est à partir du moment où l’on est trois que les choses se dérèglent. À deux c’est bien mais c’est en faisant entrer un troisième personnage qu’on commence à s’amuser. C’est une méthode narrative plutôt classique…


Le film est une adaptation libre des Caprices de Marianne de Musset.


Oui. Un jour je suis allé voir une chorégraphie de Roland Petit présentée ainsi : musique Bach, chorégraphie Roland Petit et argument Jean Cocteau. On pourrait dire à propos des Deux Amis argument Musset. C’est le même point de départ que Les Caprices de Marianne, une pièce dont j’ai joué une scène à l’âge de quinze ans et qui m’a accompagné tout au long de mon parcours au théâtre. C’est avec cette scène que je suis entré au Conservatoire et que j’ai rencontré un de mes grands amis. Plus tard j’ai découvert que cette pièce avait inspiré un des plus beaux films français, La Règle du jeu de Jean Renoir.

C’est l’histoire d’un homme qui demande de l’aide dans une situation amoureuse compliquée à un ami, et ce dernier va se retrouver piégé par ses propres sentiments et par le sentiment adverse (si on peut l’appeler ainsi) de la femme. C’est un point de départ qui peut mener à plein d’endroits différents. À la fin de la pièce il y a un malentendu qui débouche sur une tragédie, comme dans le film de Jean Renoir.

Avec Christophe Honoré nous avons éteint la tragédie pour traiter l’argument de manière plus légère.


Vous avez coécrit le film avec Christophe Honoré, comment avez-vous travaillé ensemble ?


J’aime beaucoup quand Christophe traite les rapports affectifs. Je trouvais qu’il n’y avait rien de plus difficile que de raconter une histoire d’amitié entre deux hommes. Il y a une ligne jaune à ne pas franchir qui est la camaraderie, qui ne me donne plus du tout envie d’avoir des amis. J’avais envie que le film donne envie aux gens de se réconcilier avec un ami, de le garder ou de s’en faire d’autres. J’ai pensé à Christophe pour ses qualités de pudeur. Il peut aller très profondément dans le sentiment tout en restant très pudique. Comme j’avais aussi l’idée dès le départ de jouer dans le film, j’avais besoin qu’une autre personne écrive les dialogues, pour avoir la musique de quelqu’un d’autre à jouer pendant le tournage. J’aime les dialogues de Christophe car ils sont toujours simples de prime abord, toujours tendres mais à double tranchant, et toujours un peu sophistiqués. C’est un défi de les jouer.

J’ai d’abord fourni un traitement à Christophe, qui m’a proposé une autre structure que j’ai acceptée assez rapidement, puis nous avons travaillé par emails en nous envoyant des scènes. Fabriquer un objet cinématographique nécessite de prendre de la distance et il est très agréable d’avoir un coscénariste avec qui échanger et discuter du film.

 

Les deux amis

 

Louis Garrel, Vincent Macaigne et Golshifteh Farahani

La mise en scène opte pour la stylisation et la vitesse dès les premières images du film.


Je savais que le scénario avait un prologue assez long avant que l’action ne commence vraiment. J’ai parlé avec la directrice de la photographie du film Claire Mathon - qui a été une grande alliée pendant le tournage - et à ses machinistes pour que l’on soit tout le temps en mouvement. Dans Jules et Jim, entre le début du film, l’histoire de l’amitié entre les deux garçons, et la rencontre avec le personnage que joue Jeanne Moreau, il n’y a que cinq minutes. Dans le cinéma américain l’action arrive aussi très rapidement. Dans le théâtre classique aussi. Un défaut contemporain est de faire des introductions de plus en plus longues. Par rapport aux idées de mise en scène, je pensais tout le temps au dynamisme du début du film. Après avoir fait trois courts métrages, j’ai appris à davantage déléguer aux différents collaborateurs du film. Jean Rabasse - grand décorateur de cinéma - en me proposant des lieux ou des objets apportait beaucoup d’idées de mise en scène.


Pourquoi avez-vous décidé de tourner en 35mm ?


Je voulais tourner en 35mm depuis le départ. Pas par fétichisme, mais parce que cela me permet de me concentrer davantage. Il y a l’idée que quelque chose de précieux se déroule pendant la prise. Il y a des très beaux films tournés en numérique, souvent naturalistes mais pas seulement puisque le dernier Jim Jarmusch Only Lovers Left Alive était très poétique et parvenait à transcender la réalité. Pour des gens qui accordent une place importante à l’improvisation comme Maïwenn ou Abdellatif Kechiche le numérique doit être un outil génial. En ce qui me concerne j’ai pris l’habitude dans mes courts métrages de délimiter le temps de la prise. J’ai besoin que tout le monde soit très concentré, que tout le plateau soit tendu vers la même chose. Avec la pellicule les gens sont plus attentifs parce que cela coûte cher !

Parlez-nous de votre travail avec vos partenaires acteurs, Golshifteh Farahani et Vincent Macaigne…


Je leur ai demandé assez rapidement de travailler en amont avec moi. À un moment donné il faut que l’acteur s’approprie un film, qu’il n’ait pas l’impression d’interpréter le film d’un autre, et qu’il raconte quelque chose de lui-même. C’est important de répéter avec les acteurs, de parler du film avec eux. Les acteurs peuvent exercer une influence sur la mise en scène au moment du tournage. Benoit Jacquot dit qu’il prend la météo des acteurs quand il arrive sur le plateau le premier jour du tournage. C’est fondamental quand on fait un film. On a d’abord une idée fixe, et on veut absolument qu’elle fonctionne, même lorsque quelque chose coince. On pense que c’est de la faute des autres si ça ne marche pas, mais cela veut souvent dire que c’est l’idée qui est fausse. Si la météo n’est pas bonne, il faut changer son fusil d’épaule. Les répétitions sont très importantes car elles mettent les dialogues à l’épreuve du jeu, et donc de la mise en scène aussi.

 

Par ses thèmes, ses ambiances et ses ruptures de tons, du lyrisme au burlesque, votre film embrasse plusieurs familles du cinéma français, celle des auteurs romantiques mais aussi de la comédie populaire.


Avant le tournage, j’ai revu Marche à l’ombre réalisé et interprété par Michel Blanc, avec Gérard Lanvin, et j’y ai trouvé des similitudes avec Les Deux Amis. C’est aussi l’histoire d’un duo masculin comique. C’est un super film. Ensuite j’ai rencontré Joëlle Hache, la monteuse de Marche à l’ombre, qui m’a beaucoup parlé de son travail sur le film de Michel Blanc. Les Deux Amis est en effet un film typiquement français, dans la mesure où il est sentimental. On revient toujours à l’exploration du sentiment amoureux.

Philippe Sarde a composé la musique des Deux Amis.


J’adore les films de Claude Sautet. Je pensais tout le temps à César et Rosalie, un modèle sur le thème du triangle amoureux. J’aime beaucoup les mélodies au cinéma, c’est la raison pour laquelle j’ai appelé Philippe Sarde. Il s’est pointé à une projection de mon film en me prévenant qu’il allait peut-être s’endormir. "Cela ne voudra pas dire que je n’aime pas, mais que je vois les images et que j’en rêve" m’a-t-il dit. En sortant de la salle il a trouvé que c’était un film sur la culpabilité, et cela l’a inspiré.

 

C’est un film sur la culpabilité, et également sur la rupture entre deux amis.


Cela a toujours été le but du film. Dans La Règle de trois, mon précédent moyen métrage, le personnage que j’interprétais et celui de Vincent Macaigne étaient deux potes. Là ce sont deux amis qui s’aiment d’amour. L’amitié est un sentiment aussi profond, et qui provoque autant de jalousie et de désir que l’amour. Avec Christophe Honoré nous avons eu envie d’écrire une scène de rupture comme si les deux amis formaient un couple.


Les trois personnages du film sont des marginaux ou des déclassés : une jeune femme en prison, un écrivain qui n’écrit pas et un acteur figurant que personne ne remarque…


Ce sont des désaxés pour reprendre le titre du film de John Huston. Ils n’ont que les sentiments auxquels se raccrocher puisqu’ils ne sont pas intégrés socialement. Cela les rend plus touchants, et les trahisons ou les ruptures qu’ils vont vivre sont d’autant plus douloureuses que les relations entre eux sont les seules choses tangibles qu’ils possèdent vraiment.
C’est peut-être un film pour personnes très sensibles, car il décrit des oscillations du coeur extrêmement précises. Il n’y a pas beaucoup de suspense, le film n’a pas d’autre structure narrative que celle du sentiment intime. Je voulais faire un film de chambre, au plus près de l’intimité.

 

Les deux amis - Louis Garrel, Vincent Macaigne

 

Golshifteh Farahani, Louis Garrel et Vincent Macaigne

Mon opinion

 

"Les Caprices de Marianne une pièce dont j’ai joué une scène à l’âge de quinze ans et qui m’a accompagné tout au long de mon parcours au théâtre" a déclaré Louis Garrel. Grand cinéphile, il évoque ses références allant de La règle du jeu de Jean Renoir, en passant par Sautet ou Le Marche à l'ombre de Michel Blanc.

 

Après avoir tourné six fois sous sa direction, le scénario un brin nostalgique de ce premier long-métrage, est coécrit avec Christophe Honoré. Il sera question d'une histoire particulière, celle qui mènera à la rupture d'une amitié. Identique à la fin d'une liaison amoureuse.

 

Si le tournage en 35 mm a permis à Louis Garrel de se "concentrer davantage", toujours selon ses dires, le résultat est étonnant. Les couleurs sont l'image des sentiments des principaux protagonistes. Brillantes.

 

De beaux rôles pour des acteurs qui se connaissent depuis quelques années. Tous trois sont parfaits. La caméra filme magnifiquement la sublime Golshifteh Farahani. Actrice lumineuse qui, par sa seule présence, efface quelques longueurs.

 

Louis Garrel "voulait faire un film de chambre, au plus près de l’intimité".

C'est fait et réussi.

26 septembre 2015 6 26 /09 /septembre /2015 18:20

 

Date de sortie 23 septembre 2015

 

Boomerang


Réalisé par François Favrat


Avec Laurent Lafitte, Mélanie Laurent, Audrey Dana,

Bulle Ogier, Wladimir Yordanoff, Anne Loiret, Anne Suarez


Genre Drame


Production Française

 

Synopsis

 

Boomerang : nom masculin, arme de jet capable en tournant sur elle-même de revenir à son point de départ…

 

En revenant avec sa sœur Agathe (Mélanie Laurent) sur l’île de Noirmoutier, berceau de leur enfance, Antoine (Laurent Lafitte), quadragénaire et père de deux enfants, ne soupçonnait pas combien le passé, tel un boomerang, se rappellerait à son souvenir.

 

Secrets, non-dits, mensonges : et si toute l’histoire de cette famille était en fait à réécrire ?

 

Face à la disparition mystérieuse de sa mère, un père adepte du silence et une sœur qui ne veut rien voir, une inconnue séduisante va heureusement bousculer la vie d’Antoine…

 

Boomerang - Laurent Laffite et Mélanie Laurent

Interview de  François Favrat relevé dans le dossier de presse.

 

Après Le rôle de sa vie et La sainte victoire, Boomerang est votre 3ème film en tant que réalisateur. Est-ce que l’envie de réaliser cette histoire-là part du roman de Tatiana de Rosnay ?


Oui mais pas seulement. Le secret de famille est un sujet que je voulais traiter depuis longtemps. Cela me touche d’abord personnellement. Comme Antoine, j’ai affronté ce long périple pour mettre à jour les vérités cachées. Comme lui, je me suis retrouvé à devenir le vilain petit canard, celui qui divague, le "parano" dont il faut ignorer les délires. Pour tout vous dire, ma grandmère est morte cette année et je n’ai pas pu aller à son enterrement tant les tensions sont restées vives au sein de la famille ! Et puis, en apprenant à parler de ma propre histoire, j’ai découvert que beaucoup d’autres gens souffrent de ces mêmes secrets devenus tabous au fil des années. À force je me suis dit que malgré la singularité du propos, cela pouvait toucher aussi des spectateurs. Dans ma librairie de quartier, j’ai demandé conseil sur un livre traitant du thème, la vendeuse a disparu dans les rayons et en est revenue avec le roman de Tatiana. Je l’ai lu d’une traite et j’y ai vu tout de suite le potentiel d’adaptation et, comment je pouvais m’accaparer cette histoire pour raconter ma propre expérience. Vis à vis de ma famille, je suis couvert, ça n’est pas notre histoire, c’est Tatiana qui a tout inventé !

 

Que vouliez-vous absolument garder du livre et qu’est-ce que vous deviez changer pour l’adapter ?


Il fallait resserrer l’intrigue qui est beaucoup plus longue dans le roman, avec de multiples personnages. J’en ai supprimé certains pour axer le récit sur la quête d’Antoine et ses relations de plus en plus tendues avec sa famille. Au-delà du travail même d’adaptation, retraduire les phrases du roman en scènes et en ellipses, il s’agit surtout de réécrire en images mon point de vue personnel. Et ce point de vue, me concernant, c’est qu’on voudrait tous en avoir fini avec le passé mais que lui n’en a jamais fini avec nous ! "Le passé dure longtemps", aurait pu être un autre titre du film.

 

Les auteurs disent souvent qu’une adaptation est forcément une trahison. Quelle a été la réaction de Tatiana de Rosnay en voyant le film tiré de son livre ?


Avant de voir le film, elle a lu le scénario. J’avais rendez-vous dans un café avec elle, c’est un des moments où j’ai le plus flippé dans ma vie. On dit qu’adapter, c’est trahir, j’ignorais à quel point cette phrase vise juste. Pour bâtir le scénario, j’avais dû supprimer certains personnages, des passages du livre et même réinterprété la fin et donc, le sens même de l’histoire. Bref, exprimer ce qui me touchait vraiment dans cette histoire. Par chance, Tatiana a été sensible à ce travail, elle a parfaitement compris ma démarche et le sens de mon travail. Et récompense finale, elle m’a dit après la projection que j’avais donné une "nouvelle vie" à son roman. Du coup, c’est une expérience que je rêve de revivre.

Cette histoire pose une question importante : faut-il creuser, enquêter, questionner quand on sent que quelque chose ne va pas dans un quotidien apparemment normal ?


Boomerang - Laurent Laffite et Mélanie LaurentC’est une très bonne question ! Mon tempérament et mon expérience m’incitent à répondre que oui, mais avec le risque de ne jamais savoir avant ce que l’on va découvrir. Ça peut n’être rien, bénin, une simple parano. Ça peut aussi être très douloureux et dur à avaler. Alors, on peut faire ce choix de ne rien voir, d’enfouir sa tête dans le sable, mais vivre avec des doutes, c’est laisser s’insinuer des angoisses qui peuvent vous bousiller la vie.

 

Et plus on tourne le dos à certaines choses, plus elles vous reviennent dans la gueule. Comme un Boomerang !…

Ça peut se traduire par un désastre amoureux, une maladie soudaine, une jambe cassée, parfois, c’est hélas plus grave. C’est le sens de la scène d’ouverture du film : à force de ne pas vouloir voir, la soeur et le frère se retrouvent à faire des tonneaux dans une voiture… Je reste partisan d’ouvrir les portes, même les plus effrayantes. D’oser parler même quand les autres s’y opposent. C’est un combat nécessaire, c’est le prix de la liberté. On finit par y gagner toujours, au moins en tranquillité et en harmonie.

 

La forme que vous avez choisie pour illustrer ce combat est très intéressante : Boomerang est une chronique familiale mais c’est aussi un thriller avec tous les codes narratifs et visuels qui vont avec !


Thriller, le mot est un peu fort, mais oui, c’était ma volonté de départ de faire un film où l’enquête, même si elle est intrafamiliale, soit tendue et entraîne le spectateur au fil des découvertes d’Antoine. Le livre de Tatiana est bâti comme cela à la base, avec ce suspens, ces fausses pistes et cette tension qui va grandissant. Moitié anglaise, moitié française, elle maîtrise parfaitement l’héritage romanesque de ces deux cultures. C’est ce qui m’a aussi séduit quand j’ai découvert Boomerang, je voulais conserver la même tension, l’envie de savoir et ces conflits qui vont crescendo.

 

Avec d’ailleurs des références visuelles à Hitchcock…


Boomerang - Laurent Laffite et Mélanie Laurent

 

Elles ne sont pas directes mais il est vrai que c’est un cinéma qui m’a bercé. Je suis toujours très friand de ce genre de films : suivre un personnage en quête d’une vérité cachée, ça me prend instantanément !

 

 

 

 

La trame de mon film est moins policière que ceux de Hitchcock, plus recentrée sur la famille mais je me suis amusé avec le spectateur à travailler les fausses pistes et la montée de la tension.

Et puis cette maison fascinante de Noirmoutier, plantée sur les hauteurs face à la mer menaçante, c’est vrai, elle a quelque chose du manoir de Psychose !
D’autres influences aussi m’ont inspiré. Sautet par exemple, pour sa façon si particulière de véhiculer par des images des émotions profondément humaines et toujours en gardant une pudeur et une élégance auxquelles je suis très attaché.

 

Noirmoutier, comme toutes les îles, est un véritable personnage de cinéma, un endroit à part…


C’est un lieu que je ne connaissais pas avant les premiers repérages et j’ai tout de suite été saisi par le potentiel visuel que je pouvais en tirer. Les pins, ces maisons dressées face à la mer, ces plages à perte de vue et ce fameux passage du Gois, cette longue route pavée qui apparaît et disparaît au gré de la marée. Ce passage dangereux qu’il faut pourtant traverser pour parvenir à comprendre ce qu’il s’est vraiment passé. J’ai tout de suite senti que ce mélange fascinant autant que menaçant pouvait apporter visuellement au film.

 

Boomerang multiplie les flash-back entre le passé et le présent. Comment faire pour ne pas perdre le spectateur en route ?


C’est une partie de la mise en scène à laquelle j’ai été particulièrement vigilant. Pour suivre au plus près la quête du personnage principal, il me fallait mélanger intimement le passé au présent, apporter le plus grand soin à la résurgence des souvenirs tout en continuant à faire progresser le récit. Avec ma scripte, mon chef opérateur et mon assistant, nous avons beaucoup planché sur la question, très en amont, que ce soit en terme de cadre, de lumière et d’astuces d’enchainement entre présent et passé. Puisqu’on parlait de références à l’instant, Les Fraises sauvages de Bergman m’a inspiré pour le travail du temps et des flashback. Et plus récemment, le film argentin, Dans ses yeux de Juan José Campanella où le montage et le rythme des flash-back sont particulièrement réussis

C’est Laurent Lafitte qui joue le rôle d’Antoine.

Comment et pourquoi l’avez-vous choisi ?


J’ai quasiment écrit le rôle en pensant à lui. Dans Le rôle de sa vie, il jouait un rôle secondaire, celui de l’amant d’Agnès Jaoui. Et même s’il parle du tournage d’une scène du film comme de la plus grosse galère de sa carrière d’acteur, je l’avais toujours gardé dans un coin de ma tête. Sa palette de jeu est vaste, fonctionnant aussi bien dans la comédie que dans le drame et il me semblait correspondre parfaitement au personnage d’Antoine, issu de cette famille bourgeoise où l’on ne parle pas, où les secrets sont tus, où on a l’habitude de prendre sur soi. Pourquoi certains acteurs vous inspirent plus que d’autres, je l’ignore. Ça doit être comme quand on est petit à l’école, ceux avec qui on veut jouer, et puis les autres… Laurent avait à mes yeux tout pour entrer dans la peau du personnage. Nous nous sommes vus maintes fois en amont, il m’a suggéré de nombreuses idées autour du scénario, le personnage d’Antoine est aussi né de nos retrouvailles.

 

Pour le personnage d’Agathe, sa soeur, vous avez fait appel à Mélanie Laurent…


Depuis le début, j’avais terriblement envie de le lui proposer le rôle mais je m’autocensurais, je crois. Je me disais, ça n’est pas le rôle principal, elle va m’envoyer bouler, je me faisais mes petites névroses habituelles. Quand elle m’a dit oui au téléphone, j’ai été le plus heureux des hommes ! A mes yeux, elle collait parfaitement à mon idée du personnage de la soeur qui, à l’image de son papa, ne voit pas l’intérêt de ces "psys" qui vous poussent à aller remuer les choses du passé. Durant une grande partie du film, elle fait tout pour refreiner les questionnements de son frère et tenter d’arrondir les angles entre son père et son frère. Elle finit par se retrouver déchirée par cette implosion de la famille. De Mélanie, j’apprécie la vivacité de son jeu, son humour, son regard qui dit tout et l’émotion intense qui émane d’elle dans les scènes cruciales. Je sentais aussi qu’avec Laurent, la sensation de fratrie fonctionnerait à merveille. Un simple échange de regards entre eux devait pouvoir raconter tout leur passé commun. Je suis encore surpris et enchanté de ce "oui" au bout de mon téléphone.

 

Boomerang- Mélanie Laurent et Laurent Laffite

Mon opinion

 

Pour ce nouveau long-métrage, le réalisateur et scénariste François Favrat, sort des sentiers battus, mille et une fois vus et revus, ceux des drames familiaux. En adaptant le célèbre roman éponyme de Tatiana de Rosnay, il construit un scénario, parfaitement écrit. À la fois troublant et angoissant.

 

Celui-ci est dosé de suspense, pour virer dans le thriller, avant de mieux nous replonger dans ces terribles non-dits familiaux. De Paris à Noirmoutier avec son inévitable passage de Goix, les flash-back sont nombreux. La tension monte crescendo.

 

La photographie de Laurent Brunet est particulièrement belle. Le réalisateur ne s'arrête pas aux seuls paysages de cet endroit magnifique. Sa caméra scrute les visages et capte admirablement les émotions.

 

Un casting parfait avec l'excellent Wladimir Yordanoff. Mélanie Laurent incarne avec douceur et retenue le rôle de la sœur, pour l'un, mais aussi, tante compréhensive et aimante, pour une autre. Audrey Dana apporte un vent de fraîcheur et de légèreté. Bulle Ogier est parfaite. Derrière le visage rayonnant et la voix douce d'une grand-mère, il faudra attendre la fin du film pour savoir qui elle était réellement. Laurent Lafitte, enfin. Du rire aux larmes, de l'émotion contenue à la colère la plus violente, il excelle dans ce rôle dramatique en offrant toutes les facettes de son talent.

26 septembre 2015 6 26 /09 /septembre /2015 18:00

 

Date de sortie 23 septembre 2015

 

Premiers crus


Réalisé par Jérôme Le Maire


Avec Gérard Lanvin, Jalil Lespert,

Alice Taglioni, Laura Smet, Lannick Gautry,

Christiane Millet, Scali Delpeyrat, Frédérique Tirmont


Genre Drame


Production Française

 

À la question :

Jérôme le Maire explique qu’il a écrit le personnage  en pensant à vous. Puisque vous avez accepté le rôle, en quoi ce propriétaire de vignoble bourguignon vous plaisait-il ?


Gérard Lanvin répond : "D’abord, c’est un univers que je n’avais pas encore abordé. Cet homme de la terre, vertueux, noble m’intéressais.

 

Gérard Lanvin - Premiers crus

 

J’habite à la campagne depuis 30 ans et je connais les paysans, ce sont des gens que l’on méprise, que l’on oublie et que j’estime, avec qui je me sens bien.

 

Ils défendent des valeurs, une tradition française. C’est Rousseau qui disait : "le plus respectable des arts, c’est l’agriculture" et c’est vrai...

 

Le thème de la transmission me touchait également : des générations entières ont sacrifié leur vie pour un patrimoine destiné à la succession et d’un coup cet homme, Maréchal, est à terre parce que personne ne veut reprendre le flambeau...

 

Nous avons beaucoup parlé de lui avec Jérôme : nous le voyions comme quelqu’un de fatigué, désabusé, sans plus aucune motivation.

 

 

 

Au-delà de son aspect psychologique, nous avons travaillé sur son apparence avec des vêtements un peu tristes. Maréchal est en fait un type qui, l’âge venu, veut retourner vers son enfance et ce rêve de construire un bateau pour aller tenter l’aventure sur la mer, loin de sa terre... Quand quelqu’un écrit un film pour vous, d’abord il faut l’en remercier. Cela veut dire que Jérôme a été sensible à tout ce que j’ai pu faire durant mes 36 ans de parcours ! Au-delà de ce cadeau, c’est un réalisateur qui aime les acteurs et dans ce cas-là, je m’engage totalement..."

 

Synopsis

 

Fils de viticulteur, Charlie Maréchal (Jalil Lespert) a quitté la Bourgogne pour devenir un œnologue parisien réputé, auteur d’un guide à succès dont les notes font chaque année trembler tous les vignobles.


Mais en Côte-d’Or, son père,  François (Gérard Lanvin), a perdu le goût du vin et ses errements précipitent l’exploitation viticole familiale vers la faillite.


D’abord réticent, Charlie revient en Bourgogne. Il doit rechausser ses bottes et remonter ses manches, devenir viticulteur et se confronter à un métier qu’il ne connait pas, sous le regard dubitatif de son père.


Entre une météo capricieuse et un cépage délicat, Charlie va devoir prouver à son père qu’il est digne de ce terroir transmis de génération en génération dans leur famille.


Il est facile de noter un vin, mais comment fait-on un grand vin ?

 

Premirs crus - Jalil Lespert et Gérard Lanvin

 

Jalil Lespert et Gérard Lanvin

Entretien avec Jérôme Le Maire relevé dans le dossier de presse.

 

Premiers Crus est votre 2ème film après Requiem pour une tueuse en 2011 réalisé sour  le pseudonyme de Jérôme Le Gris. Qu’est-ce que vous a séduit dans cette histoire qui mêle terroir et famille ?


Précisons d’abord que je ne suis pas bourguignon mais que j’ai passé pas mal de temps dans cette région il y a quelques années. Je me suis toujours demandé pourquoi aucun film n’avait jamais été fait sur cette partie de notre territoire, pourtant connue dans le monde entier pour ses vins. Rares sont ceux qui savent exactement à quoi ressemble la Bourgogne. En me baladant dans les vignes, dans ces décors incroyables, j’ai senti qu’il y avait de très belles histoires à y raconter.

 

C’est apparemment un sujet qui, comme le bon raisin, a pris le temps de mûrir dans votre esprit !


Je crois que les sujets de films s’imposent quand ils sont prêts : un matin vous vous réveillez et c’est celui-là que vous devez faire ! La graine de cette histoire remonte aux années 2006, j’ai écrit le scénario en 2012 et le film sort en 2015, ce qui fait effectivement quelques années de maturation...

 

Il y a de multiples sujets qui traversent votre film, notamment ceux importants de la terre, de la famille et de la transmission. Ce sont des sujets qui résonnent particulièrement en vous ?


En travaillant sur le script, en Bourgogne, je me suis vite rendu compte que le thème de la transmission y était essentiel. C’est une région habitée et cultivée depuis des siècles, ça remonte aux romains puis aux moines. Les vignerons sont plus souvent à la tête de petits domaines familiaux que de grandes exploitations. Savoir qui va reprendre le vignoble est un véritable enjeu pour le viticulteur bourguignon et l’idée de transmission s’est imposée.

 

Au passage, la manière dont vous filmez cette terre bourguignonne rend parfaitement hommage à ce qu’elle représente. Les images sont très belles, sans jamais tomber dans l’esthétisme...


Il fallait magnifier le vignoble. Si vous prenez la peine de quitter la nationale et d’emprunter les petits chemins qui traversent les vignes, vous trouverez des coins superbes et inconnus des guides touristiques. Mais c’est cela aussi la Bourgogne : un lieu un peu fermé où les propriétaires n’ont parfois qu’un demi hectare de vigne. Je voulais montrer la terre et la manière dont ils la cultivent : les pieds dans la boue, les mains dans le raisin, le visage buriné par la météo...

Il y avait donc l’idée d’un film un peu naturaliste, sans en faire trop en effet sur l’esthétisme !

 

Premiers crus.Premiers crus

 

Et comment trouve-t-on sur place les lieux indispensables pour tourner : les châteaux, les chais par exemple ?


Nous nous sommes appuyés localement sur un journaliste de la Revue du Vin de France, lui-même très implanté dans la région. C’est un monde assez fermé où il faut montrer patte blanche mais une fois ce cap franchi, l’accueil est extrêmement chaleureux. Nous avons tourné sept semaines sur place et l’accueil a été formidable.

 

L’intrigue dégage presque une ambiance shakespearienne : les relations père-fils, la rivalité entre deux familles et l’histoire d’amour des enfants de chaque clan...


Je voulais qu’il y ait ce côté un peu tragique, porté d’ailleurs par des personnages féminins très forts. En Bourgogne, les femmes ont un rôle extrêmement important, comme Edith la mère du personnage d’Alice Taglioni. Ce sont de véritables patronnes qui se sont hissées au fil des années et à force de travail à la tête de prestigieux domaines. Quant au côté clanique, il est très présent en Bourgogne. Dans cette région les histoires de rivalités familiales ont une grande importance...

Avec pour François Maréchal, (joué par Gérard Lanvin), une sorte de désillusion par rapport à son domaine...


François Maréchal était un bon vigneron dans le passé mais quand débute le film, il a depuis longtemps baissé les bras. En Bourgogne, comme dans d’autres vignobles, la révolution qualitative amorcée il y a plusieurs années a mis à l’écart ceux qui faisaient du mauvais vin, souvent sur les mêmes terroirs que ceux qui en font de l’excellent. Ce ne sont pas des gens qui communiquent beaucoup entre eux, chacun gardant son savoir-faire.

 

Le choix de Gérard Lanvin pour ce rôle de patriarche désabusé était une évidence ?


Premiers crus - Gérard Lanvin

 

 

Oui, j’ai écrit en pensant à lui. François Maréchal est un personnage fatigué, assez loin de ce qu’on lui propose généralement et de ce qu’il est dans la vie. Gérard est quelqu’un de solaire, chargé d’énergie.

 

Moi, il me fallait l’inverse à l’écran. Maréchal a encore l’oeil qui brille mais il n’a plus envie de se battre, juste de finir son bateau et de partir ailleurs. Je crois que c’est ce qui a intéressé Gérard : aller là où l’on n’a pas l’habitude de l’emmener. Il a beaucoup travaillé le rôle, en trouvant une posture, une démarche et un ton propre à l’énergie un peu basse du personnage.

 

 

Une des bonnes idées du casting, c’est de choisir Jalil Lespert pour jouer Charlie, son fils. Un très bon comédien assez rare à l’écran et qui plus est physiquement crédible en fils de Gérard Lanvin !


Premiers crus - Jalil Lespert

 

C’était le pari de Premiers Crus : trouver un duo d’acteurs père-fils qui fonctionne parfaitement.

 

Jalil est un comédien avec une vraie dimension populaire et une palette de jeu extrêmement large.

 

Comme Gérard, c’est quelqu’un d’intense et d’habité qui trouve toujours le ton juste pour ses personnages. Le film repose en grande partie sur la qualité de leurs interactions, sur l’intensité et la crédibilité du lien père-fils qu’ils m’ont aidé à construire.

Parlons aussi de vos comédiennes car les personnages féminins sont essentiels à l’histoire en commençant par Alice Taglioni qui interprète le personnage de Blanche. Vous avez réussi à la filmer dans toute sa beauté sans jamais que cela ne semble apprêté !


C’est vrai qu’on voit rarement Alice dans la boue avec des bottes et un treillis ! Sérieusement, le parti prix était de ne quasiment pas la maquiller ou la coiffer. Elle devait incarner ce côté un peu aristocratique des propriétaires terriens, tout en restant naturelle. Alice a un physique très moderne, très américain, très plastique donc ce n’était pas compliqué, il fallait juste enlever la sophistication.


Laura Smet - Premiers crus

 

 

Laura Smet joue Marie, la soeur de Charlie, la fille de François Maréchal. Un second rôle mais très important pour l’intrigue...


Laura devait jouer une femme de poigne censée ramener son frère au sein du domaine familial tout en maintenant son père à flots. J’avais en tête un personnage beau, moderne là aussi, qui soit à la fois classe et attachant. Elle a été parfaite et son personnage existe à merveille.

 

 

 

 

 

Le ton du film lui aussi est très moderne, juste, concret...


J’ai écrit avec Remi Bezançon et Vanessa Portal, avec l’envie de trouver un ton simple et fluide en évitant d’être trop bavard, d’autant que les bourguignons sont plutôt des taiseux. J’ai ensuite allégé une partie du texte pendant le tournage, puis j’ai coupé encore au montage avec ma monteuse, pour vraiment rester sur la corde de ce qu’il fallait comprendre, de la chair de l’histoire.

 

Autre élément d’importance, la musique de Premiers Crus. Vous avez joué sur deux tableaux, deux inspirations...


La musique a été écrite par Jean-Claude Petit, un compositeur habitué aux films lyriques et naturalistes : Jean de Florette, Cyrano de Bergerac.... Il a parfaitement compris les émotions de l’histoire et sa musique épouse parfaitement la mise en scène. Nous y avons ajouté à de rares endroits des influences plus modernes signées par Pascal Lafa, un jeune compositeur qui apporte une touche plus contemporaine.

 

Premiers crus - Alice Taglioni et Laura Smet

 

Alice Taglioni et Laura Smet

Mon opinion

 

Toute l'odeur de la terre et des vignobles avec cette déclaration de Gérard Lanvin " J’habite à la campagne depuis 30 ans et je connais les paysans, ce sont des gens que l’on méprise, que l’on oublie et que j’estime, avec qui je me sens bien."  Ces mots trouveront une certaine résonance chez tous ceux qui, issus du terroir, connaissent les difficultés bien réelles à exploiter la terre. Aux problèmes de la transmission, aussi.

 

La Bourgogne, belle et riche région, se trouve magnifiée par la superbe photographie de David Ungaro.

 

En revanche, la musique de Jean-Claude Petit ressemble à beaucoup d'autres. Elle ignore le bémol et devient vite assourdissante.

 

Premiers crus demeure néanmoins un beau tableau sur cette région viticole dans laquelle il sera, aussi, question d'amour. Le scénario n'a rien de très original. L'ensemble est assez prévisible. Reste toutefois cette juste démonstration des aléas de la vie des viticulteurs avec la couleur du ciel, les orages qui s'abattent et le vent qui souffle dans les arbres avant que la grêle ne réduise à néant les efforts exigés par cette dure exploitation de la vigne. La rivalité entre vignerons est assez bien vue.

 

Les caractères des principaux protagonistes auraient mérités d'être plus fouillés. L'histoire n'en pâtit pas pour autant. Essentiellement grâce à un casting à la tête duquel Gérard Lanvin se laisse aller dans ce côté bourru au cœur tendre, que l'on connaît bien. Son naturel désarmant laisse penser qu'il n'a plus besoin de dialogues. Les siens suffisent. Son talent fait le reste. Il n'en reste pas moins crédible et attachant. Lannick Gautry est excellent. Laura Smet et Alice Taglioni ne sont pas que belles. Toutes deux donnent un beau relief à leur personnage respectif. Jalil Lespert, fils idéal de Gérard Lanvin, au cinéma, est particulièrement convaincant.

 

Un agréable moment de cinéma qui m'a replongé dans de magnifiques souvenirs d'enfance. Loin de la Bourgogne. En plein cœur des Landes !

23 septembre 2015 3 23 /09 /septembre /2015 20:00


Date de sortie 9 septembre 2015

 

Youth


Réalisé par Paolo Sorrentino


Avec Michael Caine, Harvey Keitel,

Rachel Weisz, Jane Fonda, Paul Dano, Alex MacQueen

 

Titre original La Giovinezza


Genre Drame


Production Italienne, Française, Suisse, Britannique

 

Synopsis

 

Fred Ballinger (Michael Caine) et Mick Boyle (Harvey Keitel), deux vieux amis, tous deux presque octogénaires, profitent de leurs vacances dans un bel hôtel au pied des Alpes.

 

Fred, compositeur et chef d’orchestre, jadis ami proche d’Igor Stravinsky, est désormais à la retraite. Il n’a aucune intention de revenir à la carrière musicale qu’il a abandonnée depuis longtemps, et ce, malgré de sérieuses sollicitations. Dont celle de refuser à l'émissaire stressé (Alex MacQueen) de la reine Elizabeth de diriger une composition dont semble raffoler le prince Philip.

 

Mick, cinéaste, est, lui, bien résolu à poursuivre sa carrièr. Il travaille au scénario de son  film testament avec des scénaristes dévoués, mais en panne. Il compte tourner avec sa star Brenda Morel (Jane Fonda) qu'il a, jadis, révélée.

 

Lena (Rachel Weisz), la fille de Fred, laisse son père entre de bonnes mains, et quitte l’hôtel pour passer des vacances en Polynésie. Tout un programme… qui ne se déroulera pas comme prévu.

 

Les deux amis savent que le temps leur est compté et décident de faire face à leur avenir ensemble. Ils portent un regard curieux et tendre sur les vies décousues de leurs enfants, sur la jeunesse flamboyante des scénaristes qui travaillent pour Mick, et sur les autres occupants de l’hôtel...

 

Contrairement à eux, personne ne semble se soucier du temps qui passe.
 

Youth - Harvey Keitel et Michael Caine

 

"C'est comme un regard à travers un télescope.

Quand on est jeune, tout semble près. C'est l'avenir.

Mais quand on est vieux, le télescope se retourne et tout à coup tout semble très loin.

C'est le passé."

Pour Paolo Sorrentino, le but premier de Youth est de parler du temps qui passe et du rapport à l'avenir. Même si les personnages campés par Michael Caine et Harvey Keitel incarnent ici des octogénaires, le réalisateur n'a pas souhaité faire un film sur la maladie et la vieillesse.

 

"Le titre est bien évidemment ironique, confie le réalisateur à 20 Minutes. Je l’ai choisi parce que je crois qu’on a souvent du mal à réaliser qu’on a vieilli parce qu’on se voit éternellement jeune." Les deux amis octogénaires rivalisent de charme et d’anecdotes ce qui ne les empêche de reluquer les filles."Je ne suis aucun des personnages et tous les personnages à la fois, précise Sorrentino. À 45 ans, j’ai commencé à m’interroger sur ma vie et ma carrière et ce film est le produit de cette réflexion."

 

En fait, tout est parti d'une rencontre que Paolo Sorrentino a fait avec le réalisateur italien Francesco Rossi, à qui justement le film est dédié. Ce dernier lui a raconté son histoire avec une jeune fille qui a été sa fiancée durant sa jeunesse. Le célèbre réalisateur de L'Affaire Mattei était alors accompagné d'un vieil ami et Paolo Sorrentino s'est alors inspiré de cette connivence pour construire l'histoire de Youth et l'histoire d'amitié entre les deux principaux protagonistes.

 

Souvent cité pour l'esthétique de ses films, Paolo Sorrentino est appuyé quant à l'image de ses films par le directeur de la photographie Luca Bigazzi qui l'accompagne depuis son troisième film, L'Ami de la famille en 2006.

 

Avec Youth, les deux hommes collaborent de nouveau sur un film dont tout le monde s'est accordé pour souligner la beauté plastique au moment de sa présentation lors du dernier Festival de Cannes.

 

La musique a un rôle particulier dans les films de Paolo Sorrentino qui signe toujours des bandes originales au cordeau. Après le mélange de musiques classiques et électros dans La Grande Bellezza, Youth constitue l'occasion pour le réalisateur italien de proposer à nouveau une bande originale où la pop de Florence and The Machine côtoie un concert de cloches de vaches dirigé par le personnage de chef d'orchestre que joue Michael Caine !

 

Mon opinion

 

Après le souvenir intact de la Grande Belleza dans lequel tout me semblait plausible et poétique à la fois, c'est une véritable déception que j'ai ressentie avec ce nouveau film.

 

Paolo Sorrentino appuie lourdement sur l'inévitable dégradation physique due au temps qui passe. Le scénario multiplie les personnages sans leur donner une véritable existence. S'en ressent une certaine lourdeur, malgré quelques éclairs de génie dans la mise en scène, qui toutefois, reste assez présomptueuse.  

 

Des dialogues, parfois violents, sonnent parfaitement justes et restent un point fort du film.

 

Le fidèle Luca Bigazzi offre une photographie particulièrement réussie.

 

Les deux truculentes et trop courtes apparitions de Jane Fonda, sont un régal. La très belle Rachel Weisz, dans un rôle superflu, est étouffée par les excellents Michael Caine et Harvey Keitel. Grâce à leur prestation respective l'ennui devient supportable.

14 septembre 2015 1 14 /09 /septembre /2015 12:40

 

Date de sortie 16 septembre 2015

 

Marguerite


Réalisé par Xavier Giannoli


Avec Catherine Frot,

André Marcon, Michel Fau, Denis Mpunga,

Christa Théret, Sylvain Dieuaide, Aubert Fenoy


Genre Drame


Production Française, Tchèque, Belge

 

César 2016.

 

- Meilleure actrice Catherine Frot 

 

-  Meilleurs costumes Pierre-Jean Larroque

- Meilleur son François Musy  et Gabriel Hafner

- Meilleurs décors Martin Kurel


 

 

Synopsis

 

Le Paris des années 20.

 

Marguerite Dumont (Catherine Frot) est une femme fortunée passionnée de musique et d’opéra. Depuis des années elle chante régulièrement devant son cercle d’habitués. Mais Marguerite chante tragiquement faux et personne ne le lui a jamais dit. Son mari et ses proches l’ont toujours entretenue dans ses illusions. Tout se complique le jour où elle se met en tête de se produire devant un vrai public à l’Opéra.

 

Marguerite - Catherine Frot

Entretien avec Xavier Giannoli relevé dans le dossier de presse.

 

Comment est né ce film ?


Il y a une dizaine d’années, j’ai entendu à la radio la voix d’une improbable chanteuse d’Opéra qui interprétait "La Reine de la Nuit", de Mozart, mais en chantant totalement faux. C’était très drôle, saisissant… L’enregistrement était grésillant, ancien et mystérieux, comme "venu d’ailleurs".


Qui était cette chanteuse ?


J’ai découvert qu’elle s’appelait Florence Foster Jenkins et qu’elle avait vécu aux Ètats-Unis dans les années 40. Elle était riche, passionnée de musique et d’Opéra et surtout parfaitement inconsciente de la splendide fausseté de sa voix. Elle avait l’habitude de chanter devant un cercle d’habitués et jamais personne de son entourage ne lui avait dit qu’elle chantait complètement faux, par hypocrisie sociale, intérêt financier ou simplement lâcheté…

 

 

La situation était déjà très amusante, avec quelque chose de cruel que j’avais envie d’explorer.

 

Vous avez donc fait une enquête…


À New-York, j’ai trouvé beaucoup de coupures de presse évoquant son improbable "carrière",
son excentricité. On évoquait même un grand concert à la fin de sa vie où elle a chanté devant la salle immense du "Carnegie Hall". J’ai aussi trouvé un enregistrement où elle interprète plusieurs airs classiques, toujours avec la même maladresse hilarante. Sur ce disque, il y avait une photo d’elle avec des ailes d’ange dans le dos et un diadème de reine sur la tête. Elle offrait un sourire à la fois innocent et confiant à l’objectif. Cette expression m’a longtemps intrigué… Alors, j’ai écouté ce disque en boucle pendant des années en pensant à ce sourire et en laissant mon imagination s’emparer des éléments de mon enquête. J’ai écrit une première version puis je suis parti faire d’autres films en gardant toujours cette photo sur moi et cette mystérieuse voix dans ma tête. Je sentais que cette voix brisée avait quelque chose à me dire, un secret

 

Marguerite n’est donc pas un biopic…


Marguerite - Catherine Frot

Non, c’est une évocation libre d’un personnage qui a vraiment existé. C’est assez comparable avec le travail que j’avais fait pour À L’origine : je commence par une enquête fouillée, je me documente énormément, puis j’écris une histoire romanesque en en parlant avec ma complice Marcia Romano pour trouver les lignes de forces de l’histoire.

 

 

 

 

L’important, c’est d’avoir un regard personnel, de proposer un point de vue sur la vérité humaine qui s’exprime dans un destin aussi original… et après de se sentir libre d’en faire du cinéma. Ma conviction, c’est qu’on a besoin de la fiction pour essayer de comprendre et sentir la réalité du monde et des êtres. Je ne pourrais pas me contenter d’une approche documentaire ni d’un pur travail de fiction. D’ailleurs quelque chose du personnage se cherche là : entre la vérité et le mensonge, la vie de l’acteur et ce qu’il joue, l’invention de soi-même.

Sur le tournage, j’ai appris qu’un biopic hollywoodien était en projet. Cette démarche n’aurait de toute façon jamais été la mienne.

Pourquoi avoir choisi de transposer l’histoire dans la France des années 20 ?


Pendant mes recherches, j’ai découvert à la bibliothèque de l’Opéra de Paris des photos de Divas du début du siècle. Des femmes magnifiques jouant dans un style très "expressionniste" des tableaux vivants d’Opéras célèbres. Je découvrais ces femmes sublimes en écoutant la voix disgracieuse de ma Diva qui chantait faux. Ce contraste était drôle et féroce, poétique aussi... Ma chanteuse se rêvait l’une d’elles mais n’en avait aucune des qualités vocales. C’est là que j’ai eu l’idée des photos et que le coeur du film s’est mis à battre.
On sait aussi que les années 20 sont un moment important dans l’aventure de la liberté, tant en art qu’en matière de mœurs. Je voulais que mon personnage s’arrache à quelque chose d’un ancien monde qui l’a empêché de s’accomplir et du nouveau qui va la perdre. Je cherchais un mouvement, à la fois ample et intime.

 

Qu’est-ce qui vous touche chez Marguerite ?


Marguerite - Catherine Frot

J’aime les personnages à idée fixe, les obsessionnels, car ils entraînent tout le film dans leur mouvement et lui donnent une tension, un rythme, un point de fuite. Marguerite vit une passion, dans tous les sens du terme : l’apprentissage de la souffrance et le bonheur de vivre pour la musique. Elle chante divinement faux mais on sent qu’elle exprime un besoin rageur de vivre.


Marguerite nous ressemble car nous avons tous besoin d’illusions pour vivre.

 

Elle incarne aussi quelque chose d'unique, de perdu : la passion désintéressée pour l'Art.


Hélas, la passion ne valide pas le talent, cela n’a rien à voir.
J’écris ce personnage après avoir passé 40 ans et vécu pas mal d’épreuves douloureuses ces dernières années. J’avais besoin de trouver par l’humour une distance avec ce que la vie peut avoir de difficile, avec le sentiment de trahison ou d’échec, les hypocrisies et les méchancetés de la vie sociale, le lointain écho de mon éducation chrétienne qui ne simplifie pas mon rapport à la souffrance, et puis ce doute qui grandit... J’avais besoin de rire de tout cela !


Quand Marguerite chante, c’est aussi pour moi un cri de vie libérateur.

 

Vous avez le sentiment d’avoir réalisé une comédie ?


Il y a quelque chose d’hilarant à la voir chanter faux des grands airs classiques ou risquer sa candeur désarmante au milieu des cyniques. Mais le film est d’abord une histoire d’amour entre un homme et une femme qui cherchent comment continuer à s’aimer. Alors oui, j’espère que l’on a envie de rire en suivant les aventures de Marguerite, mais j’espère également qu’entre deux rires, c’est aussi toute la vie humaine qui s’évalue : le désir et la mort. Marguerite finira dans les bras de l’homme qu’elle aime et qui l’aura aimée trop tard, comme dans un Opéra. C’est la cruauté qui empêche le mélodrame complaisant ou la comédie facile

Quand avez-vous pensé à Catherine Frot pour interpréter Marguerite ?


Je voulais une actrice qui imposerait une évidence physique, comme dans le cinéma américain que j’aime, et qui pourrait incarner la naïveté tout en  n’étant plus une jeune fille. Il y a chez Catherine un scintillement juvénile et honnête, une générosité offerte qui la met en danger au milieu des cyniques et donc met les scènes sous tension. Elle a aussi une aura populaire qui approfondit l’émotion du personnage en marquant sa différence avec les dignes aristocrates de son milieu qui la méprisent et les Divas intouchables de ses passions. J’ai observé Catherine dans beaucoup de films mais le vrai déclic a été de la découvrir au théâtre dans Oh les beaux jours… de Samuel Beckett. Je me souviens d’une scène hilarante où elle parle avec une fourmi et d’un coup Marguerite était là, sans aucun doute. Soudain, en voyant la fourmi, elle dit : "Mais il y a de la vie, là !" et c’était devenu une évidence.


Pour elle aussi ?


Elle a tout de suite accepté le rôle et nous avons combattu pendant de longs mois pour réussir à
financer le film, en faisant beaucoup de sacrifices, en cherchant des solutions. Cela m’a touché qu’elle se réserve pour ce projet. Je crois que ce rôle est important pour elle mais je ne veux pas savoir exactement pourquoi. J’espère que le public pourra ainsi la redécouvrir au cinéma. Les acteurs ont un éclat particulier quand ils se font rares.

 

Elle a d’ailleurs rarement joué ce type de personnage et d’émotions.


Je voulais aussi l’amener à se dépasser, à s’abandonner à des scènes d’émotion ou de folie inédites pour elle. Car le film est d’abord un portrait de femme à un moment fragile de sa vie. Sur le tournage, elle invente, elle propose, et surtout elle m’oblige à être simple et concret. Elle sait que quelque chose du cinéma se joue là, dans ce qui va circuler entre les corps des acteurs, leur simple présence physique, l’évidence de leurs gestes. Et il y a des regards d’elle qui continuent de me bouleverser, comme quand elle vient de découvrir que son mari la trompe depuis des années et qu’elle lui caresse le visage en disant simplement "Mon mari… ".
Je crois que sa performance est vraiment habitée, troublante, en trouvant une harmonie entre des registres a priori dissonants : le rire et l’émotion.

 

Marguerite - Catherine Frot

Vous avez choisi les autres comédiens après avoir choisi Catherine ?

 

André Marcon est un immense acteur et j’étais heureux de lui proposer ce rôle. Il impose une force tout en jouant un personnage d’abord assez lâche et faible, menteur comme un homme. Il a une présence saisissante avec cette voix si profonde et complexe, une séduction virile avec son manteau d’ours et ce regard parfois débordé par une sensibilité que l’on découvre finalement "à vif". C’est un des pouvoirs angéliques de Marguerite : rendre les êtres qui l’entourent à eux-mêmes, les sauver des mensonges de leur vie en sacrifiant la sienne.

 

Son mari n’est-il pas le premier "spectateur"de Marguerite, son complice ?


Le mensonge est un spectacle qui se joue à plusieurs. Et c’est un lien très cinématographique car il embarque le spectateur dans sa logique, sa folie… Et je pense que le pouvoir de manipulation des mots ou des images est un thème qui traverse le film jusqu’à aujourd’hui, le monde dans lequel nous vivons. Celui de l’illusion publicitaire, du mensonge politique, du bain d’images dans lequel nous vivons cette "société du spectacle"…

 

C’est à ce moment précis que j’écris ce personnage, son rapport trouble à la réalité son épreuve de vérité.Marguerite réussira finalement à faire rentrer son mari dans sa dernière photo de Diva, dans son mode d’illusion.

 

Comment avez-vous pensé à Michel Fau ?


J’ai écrit le rôle pour lui, avec sa voix dans la tête. De son "Récital emphatique" à ses mises en scène de Guitry ou Montherlant, j’ai toujours eu pour sa liberté et son éclectisme beaucoup de respect et d’admiration. Je me suis rarement autant amusé à inventer un personnage avec un acteur. Atos Pezzini (hommage à mes origines corses) est odieux et pourtant attachant car Michel a trouvé comment le rendre complexe et imprévisible. Après la première audition au château, quand il se retrouve dans la voiture avec Madelbos, il a une façon de dire "Chez moi, à Boulogne… " où on sent la profonde solitude de cet animal social drôle et décadent.

 

Michel Fau Marguerite - Michel Fau

 

Il y a aussi beaucoup de seconds rôles assez déroutants…


Le rôle de Madelbos le chauffeur-photographe est joué par Denis Mpunga, un acteur belge à qui je veux rendre hommage car il donne une profondeur saisissante à ce personnage qui est d’abord un être d’écoute et de regard. Marguerite est sa muse et un lien assez délirant et inquiétant les unit. C’est lui qui l’emmènera au bout de son destin de Diva improbable. Son personnage interroge aussi ce qu’est la création. Il sublime la vie de sa muse en l’entraînant dans une mort digne de l’héroïne qu’elle a toujours rêvé d’être. Je ne sais pas s’il la tue ou s’il la sauve… mais il aura accompli leur "oeuvre". Après, de Christa Théret à Sylvain Dieuaide, Aubert Fesnoy ou Sophia Leboutte la femme à barbe et tous les autres, nous avons travaillé un peu comme un orchestre autour de Catherine. Je crois qu’un casting est d’abord riche d’acteurs que l’on n’a pas ou peu vus au cinéma. Les seconds rôles sont les premiers qui donnent un sentiment de vérité au film et je voulais qu’ils soient tous forts, inattendus.

 

Marguerite

 

Sylvain Dieuaide, Aubert Fenoy, Christa Théret,

C’est votre premier film "en costumes".


Mon film précédent se déroulait dans l’univers des médias contemporains et essayait de capter
quelque chose de la modernité qui me fascine et m’effraie. J’étais heureux de tout changer et de m’aventurer dans un univers radicalement différent. Je n’ai pas voulu faire une reconstitution
mais une évocation personnelle de cette époque. Il y a ce château improbable de Marguerite, comme une bulle blanche et protectrice, qui contraste par exemple avec les bureaux "modernes" aux lignes droites et épurées du journal où elle apparaît immédiatement décalée, dépaysée. Mais je crois que ce travail reste simple et retenu. Ce que l’histoire a d’intemporelle m’intéresse davantage qu’une reconstitution hollywoodienne dont je n’ai de toutes les façons pas les moyens. Les films d’époque minimalistes sont souvent les plus beaux. D’ailleurs, très vite, j’ai eu l’idée du grand rectangle noir devant lequel son professeur fait travailler Marguerite. Un fond abstrait, hors du temps et des époques, comme pour revenir à l’essentiel : la vérité du personnage. De la même façon, j’ai voulu épurer les lignes des costumes, être simple et élégant, en harmonie avec les personnages ou leurs humeurs, sans jamais aucun pittoresque "années folles".

 

Le travail de la lumière semble aller dans le même sens…


Avec le directeur de la photographie flamand Glynn Speeckaert, nous avons voulu une image sans trop de couleurs, épurée et contraste, avec parfois des tâches rouges-sang : le foulard de la
maîtresse, l’éventail ou le rideau de l’Opéra qui semblent crier leur couleur comme Marguerite crie sur scène. J’ai besoin de ces effets de rupture, dans les couleurs ou les sons, pour que quelque chose d’organique se mette à vivre. Nous avons tourné avec des objectifs des années 50 qui diffusent sensiblement la lumière et donnent au film une texture singulière avec parfois des reflets inattendus, comme des éclats, des dissonances dans l’image que je voulais ainsi garder "vivante".

 

Comment avez-vous choisi les musiques ?


Il y a d’abord le répertoire de Marguerite, fait des grands airs d’Opéra qu’une très grande soprano doit avoir chanté, comme "Casta Diva" dans Norma de Bellini. Des airs très techniques qu’elle est bien sûr parfaitement incapable d’interpréter... Mais je voulais aussi que le film soit une expérience musicale "totale" qui corresponde à mes goûts et ce que j’avais envie de partager. Il y a de la musique baroque avec Vivaldi ou Purcell, du jazz, des harmonies plus "modernes" avec Poulenc ou Honegger, du didgeridoo australien et de la musique indienne, un piano que l’on fracasse à coups de hache ou sur lequel on joue du Bach, du Mozart réinterprété par les Swingle Singers a capella ou encore King Arthur de Purcell réorchestré par le grand Michael Nyman, les cris d’un paon ou les explosions des moteurs, et enfin les sublimes et inédites dissonances de la voix de Marguerite, comme un trou noir où tous ces sons se perdent… ou se rassemblent.
Je ne sais pas.

 

Comment avez-vous "inventé" la voix de Marguerite ?


Catherine a longtemps travaillé avec une grande professeur pour trouver une attitude, des gestes, un visage de chanteuse lyrique. Car même si elle chante faux, Marguerite travaille énormément et cela devait se voir…
Le problème, c’est que Catherine a une très belle voix et qu’elle prend depuis longtemps des leçons de chant alors que moi j’avais besoin d’un chaos à la fois hilarant et émouvant, ce qui est techniquement très compliqué. Comme pour une cascade, la voix de Catherine avait besoin d’une doublure quand cela devenait trop dangereux pour sa gorge. Une "vraie" chanteuse nous a donc prêté sa voix et nous avons beaucoup travaillé pour trouver l’émotion et la drôlerie que je cherchais dans chaque dissonance. Avec les ingénieurs du son, nous avons ensuite fait un gigantesque travail pour qu’à l’écran Marguerite incarne sans aucun doute possible cette voix si particulière à laquelle je veux aussi garder pour le public sa part de secret, de mystère.

 

Enfin, vous avez souvent utilisé des références à la musique, comme la dissonance, pour parler de votre travail sur ce film.


Dans la vie, la musique ou la mise en scène, je crois qu’il est d’abord question d’harmonie ou de désaccord, entre les corps qui se déplacent ou les sentiments qui se cherchent, entre la vie dont on rêve et celle que l’on a. Film après film, je veux aller à l’essentiel, faire des choix qui me permettront de créer au montage des rapports d’intensité, des mouvements dramatiques ou des ruptures visuelles. J’essaye de ne rien m’interdire, ni des moments de captation des surprises du tournage, ni des mouvements très construits par exemple de montage parallèle en musique. Alors, je tenais à finir le film sur un oeil, un regard. Car c’est bien des moyens du cinéma dont j’ai besoin pour faire vivre mon histoire, pour essayer d’emporter le spectateur comme Marguerite se laisse prendre par la musique. J’ai consacré ma vie au cinéma et à chaque film je ressens comme mes personnages un trouble, une peur face à la réalité qui fascine mais se dérobe. Je sais que ma mise en scène est travaillée par ce mouvement : un désir d’utiliser les moyens d’illusions du cinéma et une volonté de traquer la vérité humaine du personnage.

 

Marguerite - Catherine Frot

Mon opinion

 

Le film s'inspire de la vie de Florence Foster Jenkins. "Une évocation libre", pour reprendre les termes du réalisateur, de la vie de cette femme qui, grâce à sa fortune, est allée jusqu'au bout de ses rêves, en chantant sur scène, en enregistrant des disques, avec une voix qui n'aurait permis à aucune autre de faire parler d'elle.

 

Le film de Xavier Giannoli transpose l'action dans les années 20. Une reconstitution soignée les décors sont luxueux et les costumes somptueux. Les dialogues superbement écrits sont riches. Entre moments de pure folie ils sombrent dans la dérision avant de virer dans le pathétique. Quelques rires, à l'insu de la principale protagoniste, sont vite étouffés par des situations qui s'enchaîent entre ridicule et pathétique.

 

La mise en scène est grandiose. Pour mieux se rapprocher de sa source d'inspiration, le scénario abuse de quelques invraisemblances. Comment imaginer que cette femme, fervente admiratrice d'art lyrique, experte de ce monde particulier du bel canto, n'entende pas sa propre voix ? Le réalisateur laisse planer le doute.

 

Le principal est ailleurs. Dans l'horrible solitude d'une femme mal entourée et prête à tout pour vivre son rêve. L'hypocrisie, le mensonge et la lâcheté règnent à tous les niveaux. Est-ce pour Marguerite le seul moyen de vivre ? Est-elle réellement dupe ? La vérité serait-elle plus cruelle que le mensonge ? La lumière vacillante d'un lustre, bousculé par Marguerite, laisse planer le doute sur un certain désarroi qui semble pointer temps à autres. La lumière deviendrait-elle cruelle ? Incertaine ?

 

"On sait aussi que les années 20 sont un moment important dans l’aventure de la liberté, tant en art qu’en matière de mœurs. Je voulais que mon personnage s’arrache à quelque chose d’un ancien monde qui l’a empêché de s’accomplir et du nouveau qui va la perdre." a déclaré Xavier Giannoli.

 

L'excellent Denis Mpunga, dans le rôle du fidèle majordome, entretient avec adoration, une certaine protection aussi, la folie de Marguerite. Dans quantités de photos son œil magnifie le modèle. Par amour ou pour mieux attirer le regard de celui qui s'est détaché de sa femme ?

 

Dans le rôle de l'époux volage, André Marcon excelle. À la fois lâche, faible et dépité, il ne tentera rien pour décourager celle à qui il doit tout.

 

Le personnage trouble, incarné par le remarquable Michel Fau, fait basculer le film dans une cruauté totale.

 

Dans un rôle démesuré et difficile Catherine Frot, à la fois troublante et touchante, irradie de la première à la dernière image. Elle est tout simplement magnifique. Cette Marguerite est un très beau rôle pour une grande comédienne. Catherine Frot triomphe.

Marguerite
Marguerite
Marguerite
Marguerite
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Une vie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En 2015.

 

..Mon Fils - Eran Riklis..Gente de Bien.La Maison au toit rouge.La Tête Haute.Une Femme Iranienne "Aynehaye Rooberoo". Facing Mirrors.Une seconde mère "Que Horas Ela Volta ?".Mustang.La Belle saison.Aferim !.La dernière leçon.Ni le ciel ni la terre.Les chansons que mes frères m'ont apprises.Fatima...Mia Madre

 

 

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Voir et revoir..........................................Voir et revoir.........................................Voir et revoir....................

 

Pandora "Pandora and the Flying Dutchman".Umberto D.La chevauchée des Bannis.Loin du Paradis.Une journée particulière.Le procès de Viviane Amsalem "Gett".Tout ce que le ciel permet.

 

 

Luchon. Reine des Pyrénées. Cliqez ICI.