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15 juillet 2015 3 15 /07 /juillet /2015 20:30


Date de sortie 15 juillet 2015

 

La Isla mínima


Réalisé par Alberto Rodriguez


Avec Raúl Arévalo, Javier Gutiérrez (II), Antonio de la Torre,

Jesús Castro, Jesús Carroza, Nerea Barros, Salva Reina, Manolo Solo


Genre Policier


Production Espagnole

 

Une pluie de récompenses pour La Isla mínima. Cliquez ICI !

 

Le réalisateur Alberto Rodriguez est fasciné par les années 80, celles-ci ayant constitué une période charnière en Espagne, à savoir l'époque post-franquiste, où le pays a tenté une transition démocratique après avoir subi le fascisme du général Franco.

 

Synopsis

 

L'Espagne post-franquiste des années 1980.

 

Pedro (Raúl Arévalo) est un policier progressiste, un parfait démocrate pétri d'idéaux.

 

Juan (Javier Gutiérrez (II), son collègue au comportement violent, est un ancien policier du régime fasciste, au passé trouble.

 

Les deux hommes, malgré leurs différences, vont devoir travailler ensemble sur une affaire de meurtre. Ils se rendent en Andalousie où deux adolescentes, considérées comme "faciles", ont été sauvagement assassinées pendant les fêtes locales.

 

Alors que la région connaît des violences sociales dues à des révoltes d'ouvriers, les deux policiers vont devoir affronter une situation tendue et tenter de découvrir la vérité au sein d'une société machiste...

 

Au coeur des marécages de cette région encore ancrée dans le passé, parfois jusqu'à l'absurde et où règne la loi du silence,  Pedro et Juan vont devoir surmonter leurs différences pour démasquer le tueur.

 

La Isla mínima

 

Raúl Arévalo et Javier Gutiérrez (II)

Entretien par Alfonso Rivera relevé sur cineuropa.org en septembre 2014.

 

Êtes-vous nerveux à l'approche de la grande première ?

 

Plus que le festival, c'est la sortie nationale qui me préoccupe, car c'est là que je vais savoir ce que le public pense de mon film, et c'est le plus important. Pour son rôle dans Les 7 víerges, Juan José Ballesta a gagné le prix du meilleur acteur à San Sebastian, mon film précédent, Groupe d'élite , je l'ai montré à Tribeca, et After est passé à Rome.

 

La isla mínima a le soutien médiatique, avec une belle promotion, d'Antena 3TV, qui figure parmi les coproducteurs

 

Oui, la chaîne a beaucoup misé sur le film et j'espère que cela va continuer. On constate en ce moment que sans une aide comme celle qu'offre la télévision, il est difficile de faire beaucoup d'entrées. Par exemple, les deux films qu'a bien appuyés Telecinco cette année, Spanish Affair et El niño, sont en tête du box-office actuellement.

 

Jesús Castro

 

Jesús Castro

 

Avec El niño, votre film a en commun non seulement deux acteurs (Jesús Castro et Jesús Carroza), mais aussi l'importance du paysage...

 

Nous sommes partis des photos prises par Atin Aya il y a plusieurs décennies sur les rives marécageuses du Guadalquivir. C'est une zone très vaste qui s'est peuplée quand on a commencé à y cultiver du riz, mais avec la mécanisation, ces villages ont été abandonnés pour ne faire plus figure que d'ilots, avec quelques personnes échouées là. Dès le départ, donc, le paysage était un élément clef du projet. C'est un lieu singulier que nous avons filmé, parce que tout en étant complètement diaphane, c'est un vrai labyrinthe : pour aller d'un endroit à l'autre, c'est extrêmement compliqué. Il faut emprunter des chemins impraticables qui peuvent céder sous vos pas et vous engloutir à tout moment.

 

C'est un désert très vivant...

 

Absolument : il n'arrête pas de se mouvoir et de s'agiter. Et l'explosion de vie qu'on y trouve est hallucinante. Nous avons tourné près du Parc national de Doñana, qui se trouve sur le territoire de la province de Huelva, mais aussi de celles de Cadix et Séville.

 

La isla mínima

 

Pourquoi avez-vous choisi d'insérer, dès le générique d'ouverture, ces spectaculaires plans aériens ?

 

L'idée était d'expliquer un peu à quoi ressemble ce lieu si compliqué, et la manière dont le temps y passe, qui est compliquée aussi. On peut passer là des heures sans voir une âme, mais au milieu de l'eau, des oiseaux et de la vie qui frémit partout, même quand on ne voit personne, on est vu. C'est certain.

 

Parce qu'on peut voir les gens de loin, sur 30 000 hectares de rizières.

 

Après, il y a les marais sauvages, l'orée du parc, puis le Parc naturel. L'idée des plans aériens se rapporte aussi indirectement au personnage de Javier Gutiérrez qui est obsédé par les oiseaux.

Les crimes du film sont-ils inspirés de faits réels ?

 

On s'est tout de suite distancié de cette possibilité en établissant très nettement qu'il s'agissait d'une fiction, mais nous nous sommes documentés. Nous avons lu beaucoup de rapports sur les meurtres et les quelques tueurs en série qu'il y a eu en Espagne, mais sans remonter jusqu'à nos jours : il s'agissait toujours de crimes anciens.

 

Vous semblez avoir beaucoup d'intérêt pour les années 1980 - Groupe d'élite se déroulait déjà pendant cette décennie...

 

Je me souviens mal de l'époque de la transition, parce que j'étais petit, mais on nous l'a tellement racontée que s'est ainsi qu'elle s'est fixée dans nos esprits. Ce qui nous a donné la force de reprendre le scénario (que nous avions laissé de côté en 2005), c'est la découverte de deux documentaires des frères Bartolomé : Atado y bien atado et No se os puede dejar solos. Ils évoquent tous les deux la transition, mais pas avec la manière officielle : depuis la rue, à ce moment précis. Je les ai trouvés très intéressants et c'est cela qui nous a donné l'idée de situer l'intrigue cette année-là.

Un bon nombre des problèmes que nous avions à l'époque sont revenus maintenant... Avons-nous vraiment avancé ? La grande différence, c'est les militaires et le terrorisme, dont on sent moins la présence aujourd'hui. En tout cas, il y a évidmment de nombreuses correspondances, et la tension sous-jacente que cela crée nous a permis de construire un film à deux niveaux : celui du récit et un autre plus voilé, en dessous.

 

Vous avez de nouveau choisi pour personnages un duo de policiers aux caractères opposés...

 

En fait, dans Groupe d'élite, ils étaient quatre, bien que deux semblaient plus au premier plan. Ici, le film repose sur le fait que ces deux policiers, le vieux caïman et le jeune furet, vont devoir s'entendre quoi qu'il arrive.

Ces deux personnages sont inspirés de cas réels.

 

Sources :

http://cineuropa.org

http://www.cinecure.be

La isla mínima

Mon opinion

 

La superbe photographie d'Alex Catalan survole le delta du Guadalquivir et les méandres marécageux d'une Andalousie souvent méconnue. Tout un univers magnifique et inquiétant qui, vu du ciel, pourrait faire penser à des peintures abstraites. Le site survolé fera partie intégrante de l'action.

 

Dans ces décors naturels, particuliers et inquiétants, la mise en scène de se sixième long-métrage d'Alberto Rodríguez fait preuve d'une grande habilité, d'une belle virtuosité aussi.

 

Effrayant, trouble et sordide, le scénario quelque peu alambiqué n'épargne pas les effets mais garantit de bout en bout une attention permanente et indispensable. Une certaine émotion se dégage dés les premières images et reste présente pendant la durée du film.

 

L'essentiel du récit reste assez trouble, comme cette ambiance toute particulière dans laquelle l'action se déroule. D'un côté, une affaire policière, dans la période post-franquiste, avec les prémices d'une démocratie qui peine à trouver sa juste voie. D'autre part l'affrontement de deux policiers chargés de mener l'enquête.

 

Pour démasquer un tueur, qui a sauvagement assassiné des adolescentes pendant les fêtes locales, ces deux policiers que tout oppose vont se retrouver confrontés devant quantités de situations souvent confuses. Ils devront remettre en cause leurs principes et méthodes respectives, mais également gommer leurs différences et faire face aux non-dits qui placent chacun dans la méfiance de l'autre.

 

Efficace, troublant et captivant, ce film est un bon moment de cinéma.

 

Après l'immense succès rencontré par La Isla mínima en Espagne, Alberto Rodriguez est devenu un réalisateur à suivre avec un intérêt certain.

La Isla mínima
La Isla mínima
La Isla mínima
La Isla mínima
La Isla mínima
La Isla mínima
11 juillet 2015 6 11 /07 /juillet /2015 10:00


Date de sortie 24 juin 2015

 

Masaan


Réalisé par Neeraj Ghaywan


Avec Richa Chadda, Vicky Kaushal, Sanjay Mishra,

Shweta Tripath, Nikhil Sahni, Pankaj Tripathy, Bhagwan Tiwari


Genre Drame


Production Indienne, Française

 

Dans la section Un Certain Regard au Festival de Cannes 2015

- Masaan reçoit, entre autres, le Prix special du Jury

ex-eaquo avec le film Iranien Nahid de Ida Pananandeh

 

Synopsis

 

Bénarès, la cité sainte au bord du Gange, punit cruellement ceux qui jouent avec les traditions morales.

 

Deepak Chaudhary (Vicky Kaushal), un jeune homme issu des quartiers pauvres, tombe éperdument amoureux d'une jeune fille qui n’est pas de la même caste que lui.

 

Devi Pathak (Richa Chadda), une étudiante à la dérive, vit torturée par un sentiment de culpabilité suite à la disparition de son premier amant.

 

Pathak (Sanjay Mishra),le  père de Devi, victime de la corruption policière, perd son sens moral pour de l’argent, et Jhonta (Nikhil Sahni), un jeune garçon, cherche une famille.

 

Des personnages en quête d'un avenir meilleur, écartelés entre le tourbillon de la modernité et la fidélité aux traditions, dont les parcours vont bientôt se croiser...

 

Masaan

Entretien avec le réalisateur Neeraj Ghaywan

 

Comment ce projet est-il né ?


Tout a commencé à l’époque où je travaillais en entreprise. Un ami m’a parlé des ghats de crémation à Bénarès, où les corps sont brûlés près de l’eau, selon la tradition. Il m’a expliqué que ceux qui brûlent les corps sont dépourvus d’émotions. J’ai immédiatement été fasciné par son récit et je lui ai demandé : "Que se passerait-il si un garçon qui travaille sur le ghat tombait amoureux d’une fille ? Et s’il était issu de la caste la plus basse de la société et qu’elle appartenait à la bourgeoisie, si bien qu’il était incapable de lui dire qu’il l’aime ?" Un jour, il découvre son cadavre parmi d’autres et il est dévasté. Il ne sait pas comment réagir. Toute sa vie, ces cadavres lui sont apparus comme des robots, comme des objets, et il n’a jamais ressenti la moindre émotion. Mais tout à coup, il se retrouve nez à nez avec le cadavre de celle qu’il aime le plus au monde. Je voulais explorer les sentiments éprouvés lorsqu’il doit brûler le cadavre d’un être qui lui est cher. Il y avait là une ironie qui m’intéressait.


Avez-vous aussitôt commencé à développer le scénario ?


Pas tout à fait. Il faut bien voir que j’ai fait des études difficiles pour obtenir mon MBA dans l’une des meilleures écoles de commerce du pays. Après coup, j’ai décroché un boulot très bien payé, ce qui a rendu mes parents très fiers de moi. Comme j’avais aussi envie de travailler dans le cinéma, j’ai intégré une maison de production, mais j’étais toujours frustré car j’avais l’impression que je gâchais ma vie : j’étais tellemen en souffrance que je passais mon temps à pleurer ! Dans le même temps, l’histoire de ce garçon travaillant sur le ghat me revenait sans cesse en tête. J’ai eu l’occasion de faire la connaissance du réalisateur Anurag Kashyap qui appréciait mes articles sur le cinéma étranger, et je lui ai raconté que je ne supportais plus ma vie. Il m’a dit que je ne pouvais pas tout avoir et, comme il préparait son nouveau film, il m’a proposé de devenir son assistant. Je me suis senti flatté, mais je ne pensais pas être à la hauteur. C’est alors qu’il m’a dit : "Tu n’as qu’à faire un essai pour en être sûr". Je suis rentré à mon bureau et j’ai donné ma démission. J’ai appelé mes parents et leur ai dit : "Je viens de démissionner et je ne vais plus me marier". Ils ont refusé de me parler pendant six mois, considérant que j’abandonnais tout pour devenir un simple assistant !

 

Masaan

 

Que s’est-il passé par la suite ?


Ma vie a totalement changé du jour au lendemain. Dès que j’ai pris cette décision, je me suis mis à écrire des scénarios, qui étaient tous très mauvais ! Et puis, j’ai été assistant pendant deux ans et demi sur Gangs of Wasseypur d’Anurag Kashyap, et j’ai même fini par réaliser le making-of du film. C’est devenu ma formation cinématographique. Chemin faisant, l’histoire du garçon sur le ghat ne cessait de me hanter, comme si elle me demandait de la raconter. Finalement, j’ai décidé de m’y consacrer et j’ai proposé à Varun Grover, un ami originaire de Bénarès, d’écrire le scénario avec moi. Nous avons travaillé sur la première mouture pendant un an environ, mais je n’étais pas totalement satisfait. Il faut dire que j’ai une approche documentaire, qui s’inspire de Haneke et des frères Dardenne, et que je trouve essentiel de faire des recherches approfondies sur le sujet qu’on souhaite aborder. Du coup, nous sommes allés à Bénarès pour rencontrer plusieurs personnes proches de nos personnages, avant de retoucher le scénario qui nous semblait comporter beaucoup de lacunes. En réalité, même les Indiens ne connaissent pas vraiment l’existence de ceux qui sont chargés de brûler les cadavres. Je me suis dit qu’on devait être très précis. Après notre phase de recherche, l’histoire a changé en profondeur.

 

À travers les deux personnages principaux, vous brossez un certain portrait de la jeunesse indienne. Pensez-vous qu’elle ait encore un avenir ?


Tout d’abord, nous souhaitions situer l’intrigue dans une petite ville et y apporter un nouvel éclairage. La plupart du temps, le cinéma indien ne retient des petites villes que la pauvreté et la beauté des paysages.

 

Masaan

 

Nous avons eu envie de filmer dans une ville d’aujourd’hui, en pleine mutation, où les jeunes parlent de leur ambition de devenir ingénieur ou de Facebook, tout en se sentant pris dans un étau socio-économique. D’ailleurs, chacun des protagonistes du film cherche à fuir. Devi tout d’abord veut fuir cet environnement où elle est constamment persécutée.

 

 

Mais ce que j’aime chez elle, c’est qu’elle ne s’excuse pas de ce qu’elle a fait – elle regrette seulement ce qui est arrivé à son petit ami.

Car dans une société aussi conservatrice que la nôtre, avoir des relations sexuelles hors mariage est encore tabou. Devi refuse de s’y plier et, à cet égard, c’est une féministe. On rencontre très peu de femmes libérées sexuellement dans le cinéma indien, mais je n’ai pas cherché à brosser le portrait de l’une d’entre elles parce que c’était "tendance". Au cours de nos recherches, Varun et moi avons réuni une vingtaine de filles et nous leur avons posé des questions telles que : "Est-ce que vous voyez souvent votre petit copain ? Avez-vous des relations sexuelles avec lui ?" Et toutes ont admis qu’elles aimaient regarder des films pornos ! On était stupéfaits ! Ce sont ces éléments qui nous ont inspirés le personnage de Devi.

 

MasaanEn ce qui concerne Deepak, nous l’avons aussi écrit à partir d’un garçon que nous avons rencontré, et nous avons choisi de l’observer d’un point de vue social : c’est un excellent étudiant et il est le seul de sa famille à fréquenter l’université. Pourtant, en fin de compte, ces personnages ne sont pas si rebelles que ça, mais sont profondément humbles et droits. Devi estime qu’elle doit payer pour le tort causé à son père.

 

Deepak est confronté à un dilemme : il pourrait revendre la bague et aider sa famille financièrement, mais il perdrait alors à tout jamais tout souvenir de la fille qu’il aime. Du coup, ils sont tous les deux pris au piège dans leur propre environnement – et Deepak s’interroge sur le sens de la vie et se demande pourquoi la souffrance liée au deuil ne s’amenuise pas…

 

Vous semblez suggérer qu’un gouffre sépare les classes sociales. Une histoire d’amour entre un garçon comme Deepak et Shaalu est-elle encore inenvisageable à l’heure actuelle ?


En menant nos recherches, nous nous sommes rendus compte qu’il est dégradant de toucher à un cadavre et que seule la caste tout en bas de l’échelle sociale s’en acquitte. Sur le plan culturel, il y a de toute évidence un grand écart social entre le milieu de Deepak et celui de Shaalu, mais le gouffre est davantage lié à leurs castes respectives. Jeune fille à l’esprit progressiste, Shaalu trouve ridicule ce genre de préjugés, mais elle est consciente que ses parents n’apprécieront pas Deepak et, s’il le faut, elle est prête à s’enfuir avec lui. Par ailleurs, Shaalu est également passionnée de poésie, ce qui en dit long sur son niveau d’études et de culture. À cet égard, j’avais vraiment envie de citer de grands poètes hindis.

Devi souffre constamment d’être prise pour cible. Est-ce à dire que les femmes sont victimes de violences dans l’Inde d’aujourd’hui ?


Pour être honnête, je n’aime pas le fait que le cinéma indien s’intéresse soit à la pauvreté, soit à des personnages d’allure exotique, ou encore qu’il doive systématiquement aborder une "problématique" sociale, politique ou démographique. Pourquoi un film ne pourrait-il pas se contenter de raconter une histoire ? Si je souhaitais montrer la réalité telle qu’elle est, je ferais un documentaire. Ce sont les rapports entre êtres humains qui m’intéressent avant tout. Cependant, il est indéniable qu’il y a des allusions au fait qu’une femme cultivée est jugée par la société. À un moment donné, le type qui travaille avec Devi lui demande brutalement de coucher avec lui, en affichant son mépris. La société indienne est très patriarcale, et les femmes n’ont pas le droit de sortir sans être accompagnées. Les hommes indiens sont très misogynes, et ils sont mal à l’aise en présence d’une femme. Si une femme est progressiste, ils ont le sentiment qu’elle cherche à se hisser au-dessus d’eux et elle est alors digne de mépris à leurs yeux. Avec mon scénariste,
nous sommes vraiment en faveur de l’égalité des sexes.

 

Masaan

 

Vous sous-entendez également que certains policiers sont corrompus.


Nous avons d’ailleurs interrogé un policier sur ces flics corrompus, et il nous a confirmé que certains d’entre eux se comportent tel qu’on le voit dans le film. En menaçant quelqu’un de rejeter la honte sur lui, on peut lui extorquer de l’argent. Le policier n’a aucune raison de se rendre chez Devi, et c’est pour cela qu’il y va en tenue civile.

 

Le professeur est-il l’incarnation des traditions dans une société en rapide évolution ?


En réalité, s’il s’agit d’un prêtre classique, il aurait été très conservateur. Idéalement, il aurait marié Devi rapidement pour s’épargner la honte. Mais nous ne voulions pas d’un prêtre aussi conventionnel. Du coup, nous avons décidé d’en faire un prof, qui a tourné le dos au système éducatif depuis longtemps et qui mène à présent une vie tranquille. Comme on le voit dans le film, il est cultivé et progressiste. Il finit peu à peu par accepter ce qu’a fait sa fille, même si c’est difficile pour lui. Lorsqu’il se met à pleurer, la tête sur ses genoux, il montre qu’il ne la condamne
pas et qu’il comprend ce qu’elle endure. Les rôles sont inversés et Devi est cette fois la figure maternelle.

 

La mort plane sur tous les personnages. Est-ce un thème important à vos yeux ?


Elle est aussi présente dans l’un de mes courts métrages. Quand quelqu’un de très proche disparaît, au cinéma on montre en général une grande tristesse et de la souffrance. Mais ce qu’on ne comprend pas, c’est qu’on peut en retirer aussi une profonde sagesse. De même, lorsqu’on vit une première rupture, on est effondré, mais la deuxième rupture est moins douloureuse. La souffrance est source d’enseignements, et elle rend le plus souvent beaucoup plus sage. Pour moi, le film est un récit initiatique, dans lequel la douleur peut s’avérer positive et n’est pas forcément synonyme de détresse absolue. D’ailleurs, Bénarès est connue comme la "ville de la mort", et on raconte que si l’on meurt à Bénarès, on trouvera le salut. C’est pourquoi c’était d’autant plus important d’y situer l’intrigue.


Aucun des deux protagonistes n’est très bavard : ils sont plutôt dans l’introspection et l’observation.


Ils sont socialement déchirés. Devi, au fond d’elle-même, a toujours pensé que son père était responsable de la mort de sa mère. Quant à Deepak, il est pleinement conscient d’appartenir à la caste la moins favorisée et comme ses amis viennent de différents milieux, il se dit qu’ils n’ont peut-être pas d’estime pour lui. C’est pour cette raison qu’il s’énerve lorsque sa petite amie lui demande où il habite – il s’est senti rabaissé toute sa vie.

 

Masaan

 

En dépit d’une approche documentaire, le film est très stylisé. Comment avez-vous travaillé la lumière et les couleurs ?


Anurag Kashyap est adepte d’une mise en scène très sobre et, par exemple, il n’utilise pas de grue, ce qui est très inhabituel dans le cinéma indien. Tout comme lui, je souhaitais surtout raconter une histoire et rester au plus près de mes personnages. Je ne voulais pas tourner en Scope, car cela a tendance à isoler les personnages dans le plan, d’autant plus qu’il s’agit d’un film très chargé émotionnellement. En outre, je ne voulais pas tomber dans les clichés sur Bénarès. En général, quand on tourne dans cette ville, on filme des prêtres, des figures de la divinité, des célébrations religieuses et des motifs hindouistes. On ne voulait rien de tout cela, mais plutôt montrer la réalité du monde dans lequel vivent les personnages, sans l’enjoliver. D’où le fait que nous ayons tourné l’intégralité du film en décors naturels. Nous nous sommes même rendus sur le ghat, mais nous n’avons pas filmé la crémation pour des raisons éthiques. Les décors devaient donc être aussi réalistes que possible. Par exemple, étant donné que le bleu est censé être la couleur du diable, nous avons utilisé cette couleur. Je voulais que mes collaborateurs soient aussi habités par le film que moi. Par conséquent, la plupart de mes chefs de poste ont fait leurs débuts sur ce film, à l’image de l’ingénieur du son, du chef-décorateur, du chef-opérateur et du scénariste. Tous étaient passionnés par ce projet.

Comment s’est déroulé le casting ? Les comédiens sont-ils connus du public indien, ou s’agit-il de débutants ?


Je tenais absolument à ce que mes acteurs aient un accent ou une démarche authentique. Si on fait appel à des comédiens très célèbres et qu’on les emmène en décors réels, ils attirent d’innombrables badauds qu’il faut ensuite gérer. La fille qui joue Devi est très connue, tout comme l’acteur qui campe son père. Quant à Deepak, j’étais sur le point d’engager un comédien célèbre, mais ses disponibilités ne coïncidaient pas avec le tournage. J’ai fini par choisir un type qui a été 1er assistant et avec qui j’ai sympathisé. D’abord j’ai hésité à le prendre, car je ne voulais pas être influencé par notre amitié. Mais j’ai été emballé par son audition et je n’aurais pas trouvé un acteur plus convaincant que lui. Dès qu’on a atterri à Bénarès, je lui ai dit, "si tu ne fais qu’une chose pour te préparer, va sur le ghat", et il y a passé l’essentiel de son temps. Il est "devenu" le personnage. Pendant des jours et des jours, il est resté là-bas pour observer les crémations, ce qui peut être extrêmement effrayant une fois la nuit tombée.

 

Masaan

 

Le film se démarque nettement du Bollywood. Pensez-vous qu’il y ait en Inde un espace pour d’autres genres et notamment pour le cinéma d’auteur ?


Je ne regarde pas beaucoup de films de Bollywood. Ils sont destinés à un public bien spécifique et ils ne me plaisent pas. Mais il y a une nouvelle vague de réalisateurs à l’heure actuelle qui émergent. Les gens sont de plus en plus attirés par des films qui abordent de vrais sujets et qui s’appuient sur de bons scénarios – ils commencent à se lasser des chants et des danses ! Du coup, on ne voulait aucune scène de chant ou de danse dans notre film. Je crois vraiment qu’un film est fait pour émouvoir et présenter des situations réalistes – mais réaliste ne veut pas dire ennuyeux.


Pourquoi avez-vous cherché des producteurs en France ?


J’ai d’abord fait une recherche en Inde, mais je n’ai pas trouvé de producteur. C’est d’ailleurs très difficile de trouver des gens prêts à investir de l’argent sur un film comme celui-ci. Du coup, je suis allé au festival de Sundance et le film a immédiatement suscité de l’intérêt sur le marché international. Guneet Monga, qui avait produit The Lunchbox, m’a recommandé d’opter pour une coproduction. Elle a envoyé le scénario à Mélita Toscan du Plantier, alors qu’elle était en Inde. À son retour et après avoir créé sa maison de production (Macassar Productions) avec Marie-Jeanne Pascal, elles ont toutes les deux lu le scénario et l’ont adoré. Elles ont donc conclu un accord avec Arte et Pathé. On a donc eu beaucoup de chance au bout du compte.

 

Sources :

http://www.unifrance.org

 

Masaan.Masaan

Mon opinion

 

"Pourquoi un film ne pourrait-il pas se contenter de raconter une histoire ?" a déclaré le réalisateur. Pour son premier long-métrage Neeraj Ghaywan a longuement travaillé son scénario, coécrit avec Varum Grover. Celui-ci met en évidence les contrastes saisissants de son pays en pleine mutation. Pour appuyer le propos, plusieurs destins vont se croiser.

 

Rien n'est laissé au hasard. L'ensemble est fouillé d'une façon quasi documentaire.

 

Le scénario s'appuie, entre autres, sur la triste condition féminine. Un sujet difficile, dur et douloureux. Membres du Jury de la Section un Certain Regard au Festival de Cannes 2015, Nadine Labaki, fameuse réalisatrice libanaise, et la courageuse Haifaa Al-Mansour dont on se souvient du sublime Wadjda, n'ont pas dû rester insensibles devant pareille iniquité.

 

Il est également question de la corruption policière, qui semble fonctionner comme une véritable institution.

 

De cette division entre personnes de castes différentes, tristement d'actualité, aujourd'hui encore.

 

Tout ceci pourrait paraître trop pour un seul film. Pour ma part, il n'en a rien été.

 

D'emblée la sublime photographie d'Avinash Arun Dhaware et la musique composée par Bruno Coulais et Indian Ocean m'ont transportées.

 

L'émotion est venue s'imposer, plus profonde encore, grâce à l'impeccable jeu des comédiens, professionnels ou pas. De ses vies, de survie pour certains, en quête d'un avenir meilleur et qui se trouvent tiraillés entre une certaine modernité qui s'impose et les traditions qui perdurent.

 

Ce magnifique pays et à la fois riche de son Histoire, de ses coutumes, de ses villes mythiques, de ses sites et couleurs admirables, de ses poètes, aussi, dévoile devant la caméra de Neeraj Ghaywa une part importante de la vie dans la ville sainte de Bénares. Du Gange. La vie d'aujourd'hui d'un côté, les rites ancestraux de l'autre.

 

Masaan est un film captivant. Sans être un chef d'œuvre, l'émotion qui s'en dégage reste bien prégnante. C'est bien là l'essentiel.

 

 

L’Inde, la plus grande démocratie du monde à être tournée vers l’innovation, est aussi l’un des plus anciens foyers de civilisation, ainsi que le berceau de plusieurs religions dont l’hindouisme (pratiqué par plus de 80% de la population), le jainisme, le sikhisme et le bouddhisme. La place de la religion dans la vie quotidienne est centrale.

 

 

Elle régit, de la naissance à la mort, chaque étape cruciale de l’existence (par exemple le mariage) par le biais de codes, rites, rituels, cérémoniaux, basés sur un calendrier lunaire selon lequel l’astrologie détermine chaque activité. Le système sociétal est donc extrêmement complexe.


La hiérarchie rigoureuse, endogame, injuste puisque héréditaire, du système des castes (division de la population en classes) impose des lois intransigeantes qui déterminent la destinée professionnelle d’un individu dès sa naissance. La société hindoue se compose principalement de 4 castes associées à des catégories socio-professionnelles :


-  la caste la plus élevée des Brahmanes, constituée de prêtres et d’enseignants
-  Kshatriya, dont dépendent des princes, rois et guerriers
-  Vaishyas, celle des commerçants et agriculteurs
-  les Shudras, ou caste des serviteurs


Enfin, 25 % de la population indienne fait partie d’une cinquième caste, celle des intouchables ou dalits (opprimés). Gandhi les surnommait Harijan, "les enfants du dieu Vishnu".


La société a longtemps pénalisé les plus défavorisés en les cantonnant aux tâches les plus ingrates, telles que balayer les rues, nettoyer les sanitaires, laver du linge ou s’occuper des crémations. De quoi argumenter la lutte menée par la population concernée pour retrouver une dignité humaine. En légiférant sur l’abolition de cette stigmatisation, la constitution a pu apporter des éléments de réponse à cette injustice.


La hiérarchisation de la population est intimement liée au cycle de la vie et de la mort, ainsi qu’à la notion de réincarnation, qui fait partie des croyances fondamentales de l’hindouisme. Selon ces croyances, l’âme, après la mort d’un homme, prend la forme d’un autre être vivant. La réincarnation (sous forme animale, végétale ou humaine dans une caste plus privilégiée) est prédéterminée en fonction des actes menés par la personne au cours de sa vie antérieure, c’est-à-dire de son Karma. La délivrance ultime de ce cycle perpétuel est conditionnée par les diverses actions conduites durant la vie, et ne peut être accordée que par le tout puissant dieu Brahman qui lui seul a le pouvoir de briser le cycle des réincarnations.
 

Vârânasî la ville sainte, le Gange fleuve sacré et le ghat : Mark Twain, célèbre auteur américain et indophile, disait de la ville sainte Vârânasî (renommée Bénarès par les britanniques)

"Bénarès est plus vieille que l’histoire,

plus vieille que la tradition,

plus vieille même que la légende,

et elle a l’air d’être plus vieille que les trois réunies".


Vârânasî, centre d’études théologiques, l’un des 7 hauts lieux de pèlerinage pour la communauté hindoue, est citée dans les textes sacrés des épopées mythologiques Mahâbhârata et Ramayana, écrits plusieurs siècles avant l’ère chrétienne.


La scène du Mahabharata de la présentation par Ganga de son fils Devavrata (l'avenir Bhisma) à son père, Shantanu.

 

Selon la mythologie, le fleuve sacré Gange aurait pris sa source dans la chevelure d’un des principaux dieux hindous, Shiva, dieu de la destruction, de la création du nouveau monde, et seigneur des lieux de crémation. Il était alors normal que Vârânasî soit sous la protection du dieu Shiva. Pour tout croyant, le Gange symbolise le moyen d’accéder de son vivant à l’ablution, par le biais du bain sacré, puis un moyen de se purifier par la prière et enfin, sous réserve d’avoir mené une vie vertueuse, de se réincarner dans une caste supérieure grâce au rite de passage que constitue la crémation.

 

 


Le terme "ghat" désigne les escaliers aménagés qui mènent aux berges du fleuve sacré où ont lieu les baignades, les prières ainsi que les nombreuses crémations quotidiennes. Vârânasî compte environ une centaine de ghats aux noms différents; on estime à environ 30 000 le nombre de crémations qui s’y déroulent par an. Un certain nombre de ghats sont la propriété privée de familles fortunées et de Maharadjas depuis plusieurs générations. Ces derniers les ont aménagés en construisant de somptueux édifices ainsi que des temples aux styles architecturaux variés. Autour de ces pratiques religieuses s’est créée une véritable industrie qui a ses propres codes. La crémation, acte considéré comme impur, est une tâche exclusivement allouée à la caste des intouchables ou dalits.

 

Ghat à Bénarès

Bonus Day : Sur le ghat, la personne dont c’est le Bonus Day reçoit tous les gains générés par toutes les crémations du jour. Par exemple : disons que c’est mon jour de bonus et que vous êtes l’un des ouvriers sur le ghat. Si vous facturez 600 dollars pour incinérer un corps, 500 seront pour moi et 100 pour vous. Admettons qu’il y ait 100 corps incinérés ce jour, alors je récolte plus de 50.000 dollars de bonus. Ce jour de Bonus est une sorte de bien intangible, transmis au fil des ans. Ainsi, si j’ai 2 jours de bonus par an et que je prévois d’avoir deux fils, mes deux fils vont hériter d’un jour de bonus par an chacun.Telle est la logique du Bonus Day.

L’amour, l’adultère et les codes de la relation amoureuse au sein de la société hindoue :


Toutes les étapes de la vie d’un hindou sont régies par des règles imposées d’une part par les textes religieux, d’autre part par la société en tant que telle. Les actes de se marier, et même de s’aimer, doivent obéir à ces règles. Le flirt et les relations sexuelles hors mariage ne sont pas autorisés. Le mariage est arrangé par les parents avec un ou une prétendant(e) de caste similaire. S’aimer, avoir des relations sexuelles sont des choses envisageables une fois seulement que les deux personnes sont unies par les liens sacrés du mariage.


Bien que la société soit en pleine mutation, que la femme indienne moderne soit cultivée, ait fait des études, ait un métier et soit de plus en plus souvent financièrement indépendante, la question du mariage reste la même : les traditions ancestrales éclipsent toujours tout le reste, en imposant l’ordre moral.


Il apparaît donc tout à fait normal que les parents choisissent un(e) époux/ épouse à leur enfant, et que le jeune couple, alors parfaitement étranger l’un à l’autre, attende le moment du mariage pour consommer cet amour imposé. Transgresser ces règles conduit irrémédiablement à une sanction extrêmement lourde qui se traduit en premier lieu par la notion du déshonneur vis-à-vis de la société, puis par le rejet de sa propre famille, et enfin par une mise à l’écart, véritable ostracisation qui conduit souvent au suicide, tant l’amour interdit reste associé à la souffrance et à la mort.


Internet, Facebook et autres sites de rencontres sont autant de moyens dont raffole la génération actuelle en quête de soi, dans un pays déchiré entre rêve de modernité possible grâce aux nouvelles technologies et poids de traditions millénaires, entravant l’émancipation des êtres humains en les privant de leur liberté fondamentale, les gardant prisonniers d’un cycle perpétuel et sans espoir d’échappatoire…

 

Sonia Rannou

Propos relevés sur http://www.unifrance.org

5 juillet 2015 7 05 /07 /juillet /2015 20:50


Date de sortie 1er juillet 2015

 

Victoria


Réalisé par Sebastian Schipper


Avec Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski, Burak Yiğit

André Hennicke, Max Mauff, Philipp Kubitza, Ernst Stötzner


Genre Thriller, Drame


Production Allemande

 

- Au Festival international du Film Policier de Beaune 2015

le réalisateur Sebastian Schipper remporte le Grand Prix.

 

- Berlinale 2015, l'Ours d'Argent de la Meilleure contribution artistique

est attribué à Sturla Brandth Grøvlen,

Directeur de la photographie

 

Plus qu'un film, Victoria est devenu un phénomène lors de la dernière cérémonie des German Film Awards, l'équivalent des César en Allemagne.

 

Le long métrage a obtenu, entre autres, les récompenses les plus prestigieuses.

 

Deutscher Filmpreis 2015

- Meilleur film

- Meilleur réalisateur Sebastian Schipper

- Meilleur acteur Frederick Lau

- Meilleure actrice Laia Costa

- Meilleure photographie Sturla Brandth Grøvlen

- Meilleur compositeur Nils Frahm

 

Quatrième film de Sebastian Schipper, Victoria est également le premier film qu'il produit grâce à sa société de production MonkeyBoy qu'il a fondée avec Jan Dressler en 2013. Comme pour ses trois précédents longs-métrages, le cinéaste signe également le scénario de son film.

 

Le tournage de Victoria a ceci de particulier,

il n'a duré en tout et pour tout que... 2h14 !

 

Le réalisateur Sebastian Schipper a en effet tourné l'ensemble du film en un seul plan séquence, en temps réel, un matin à l'aube.

 

Afin que les lieux de tournage soient proches les uns des autres, le décor de la boîte de nuit fut spécialement construit pour les besoins du film.

 

Une grande part des dialogues furent également le résultat de l'improvisation des comédiens.

 

Au final, Victoria se voit comme un objet cinématographique singulier qui a fait dire au réalisateur américain Darren Aronofsky, président du jury de la Berlinale où le film fut présenté, qu'il avait "bouleversé son monde".

 

La gageure d'un film tourné en un seul plan séquence et en temps réel ne supportait pas de refaire les prises. Il fallait, malgré l'aspect pour le moins singulier du projet, laisser supposer une certaine fluidité, comme le déclare le metteur en scène : "Il fallait que je réalise un film maîtrisé, j'ai donc appris à m'exprimer comme un entraîneur."

 

Victoria

 

Synopsis

 

5h42. Berlin.

 

Sortie de boîte de nuit, Victoria (Laia Costa), espagnole fraîchement débarquée, rencontre Sonne (Frederick Lau) et son groupe de potes.

 

Emportée par la fête et l'alcool, elle décide de les suivre dans leur virée nocturne.

 

Elle réalise soudain que la soirée est en train de sérieusement déraper…

L'action du film se déroule à Berlin. La capitale allemande est figurée ici comme un véritable personnage.

 

Pour Sebastian Schipper, le film ne pouvait être tourné nulle part ailleurs : "Pour moi Berlin est la meilleur ville du monde car elle incarne le "ici et maintenant" de cette fureur de vivre."

 

Même si les dialogues du film furent improvisés par les acteurs, Sebastian Schipper avait tout de même un scénario d'une douzaine de pages sur lequel figuraient les scènes, les lieux et les actions des personnages.

 

Victoria - Laia Costa

 

Le personnage principal du film, Victoria, est espagnol. Pour le réalisateur, placer un personnage de cette origine au sein de la jeunesse berlinoise se justifie : "La rencontre d'une jeunesse allemande, élève bien-pensante dans une Europe des inégalités, et d'une jeunesse espagnole moins riche et en proie à de grandes difficultés, m'intéressait. Les deux se retrouvent sur une absence d'avenir programmée. Dans cette inquiétude de la jeunesse, j'aimais cette solidarité du "qui es-tu, d'où viens-tu"? Cette vérité va plus loin que les bonnes intentions."

 

Sebastian Schipper n'a pas souhaité se référer à des films qui existaient déjà car Victoria devait justement ressembler à quelque chose d'inédit.

 

Le réalisateur déclare : "Nous voulions absolument créer de toute pièce une véritable expérience pour le spectateur, pour cela il fallait que c'en soit une pour nous, pour l'équipe technique, pour les acteurs, pour tous ceux qui y participaient. Nous avons envisagé le film comme le résultat de cette expérience, et nous savions que pour réaliser cela nous devions nous éloigner des codes du cinéma, pour créer quelque chose d'unique, de nouveau, avec sa propre saveur, sa propre odeur, sa propre épaisseur."

 

Sources :

http://www.allocine.fr

http://www.deutscher-filmpreis.de

Mon opinion

 

"La rencontre d'une jeunesse allemande, élève bien pensante dans une Europe des inégalités, et d'une jeunesse espagnole moins riche et en proie à de grandes difficultés, m'intéressait." a déclaré le réalisateur.

 

Le temps de tournage de ce long-métrage correspond exactement à la durée du film. Un seul plan séquence, d'un peu plus de deux heures, au petit matin, dans le Berlin d'aujourd'hui.

 

Le scénario est minimal, peut-être trop. Caméra à l'épaule, le réalisateur suit ses acteurs, dans leur périple. Une première partie avec une musique envahissante et cette jeunesse qui veut vivre ou oublier sa solitude et ses peurs avec, semble-t-il, l'alcool et la drogue comme seuls remèdes. Le film vire rapidement au polar.

 

L'exploit technique est bien réel. Le rythme effréné de la mise en scène est parfaitement maîtrisé de bout en bout. La photographie, la musique participent amplement à l'intérêt de ce film novateur et haletant.

 

L'insouciance du début plongera les principaux protagonistes dans un drame irréversible. Les acteurs, tous excellents, n'ont pas le droit à l'erreur. Dans le rôle de Victoria, Laia Costa est remarquable. Une très belle révélation.

 

Un film coup de poing. Je suis sorti assommé mais avec la satisfaction d'avoir vu une œuvre inoubliable et à nulle autre pareille.

Victoria
Victoria
Victoria
4 juillet 2015 6 04 /07 /juillet /2015 16:59


Date de sortie 17 juin 2015

 

Mustang


Réalisé par Deniz Gamze Ergüven


Avec Güneş Nezihe Şensoy, Doğa Zeynep Doğuşlu, Elit İşcan,

Nihal Koldaş, Ayberk Pekcan, Tuğba Sunguroğlu, İlayda Akdoğan


Genre Drame


Nationalité Turque

 

César 2016.

 

-  Meilleur premier film

 

-  Meilleur montage  Mathilde Van de Moortel

 

-  Meilleur scénario  Alice Winocour et Deniz Gamze Ergüven

 

-  Meilleure musique Warren Ellis

 

 

 

Née à Ankara en 1978, Deniz Gamze Ergüven a, dès l’enfance, un parcours cosmopolite marqué par de nombreux aller-retours entre la France, la Turquie puis les États-Unis.


Deniz Gamze ErgüvenCinéphile compulsive, elle intègre le département Réalisation de la Fémis à Paris en 2002 après un diplôme de Lettres et une maitrise d’Histoire africaine à Johannesburg.
Son film de fin d’études, Bir Damla Su  (Une goutte d’eau) réalisé en 2006 est sélectionné à la Cinéfondation du Festival de Cannes et récompensé au Festival International de Locarno (section Léopards de demain).

S’ouvrant sur l’image d’une femme voilée faisant une bulle de chewinggum, le court-métrage raconte la tentative d’émancipation d’une jeune turque (interprétée par Deniz elle-même) en rébellion contre le patriarcat et l’autoritarisme des hommes de sa communauté.

 

À sa sortie de la Fémis, Deniz Gamze Ergüven développe un premier projet de longmétrage situé durant les émeutes du Sud de Los Angeles en 1992. Intitulé Kings, lauréat d’Émergence, de l’Atelier de la Cinéfondation, ainsi que du Sundance Screenwriter’s Lab, le projet est finalement mis de côté au profit de Mustang  co-écrit avec Alice Winocour à l’été 2012.

 

Récit d’une libération, Mustang pose un regard fort et féminin sur la Turquie contemporaine.

 

Grâce à sa sélection à la Quinzaine des Réalisateurs, Mustang va recevoir une exposition mondiale. Quelles réactions espérez-vous ?


C’est un honneur de présenter ce film à Cannes. Quand j’ai fait lire mon scénario à des hommes en Turquie, j’ai parfois été témoin de réactions vives car mon regard féminin sur leur société était très nouveau pour eux. J’imagine que ce sera tout autant exotique pour eux que pour les gens qui vivent à l’autre bout du monde. Je suis très curieuse des retours... J’aimerais que le film soit partagé, qu’il fasse réfléchir, qu’il ouvre des petites portes en Turquie ou ailleurs. L’important pour moi est de créer un sentiment d’empathie envers ces filles. Qu’on leur donne enfin la parole et qu’on écoute leur voix.

 

Entretien avec la réalisatrice Deniz Gamze Ergüven

Relevé sur http://www.unifrance.org

 

 

Synopsis

 

C'est le début de l'été.


Dans un village reculé de Turquie, Lale et ses quatre sœurs rentrent de l’école en jouant avec des garçons et déclenchent un scandale aux conséquences inattendues.


La maison familiale se transforme progressivement en prison, les cours de pratiques ménagères remplacent l’école et les mariages commencent à s’arranger.


Les cinq sœurs, animées par un même désir de liberté, détournent les limites qui leur sont imposées.

 

Entretien avec la réalisatrice Deniz Gamze Ergüven

Relevé sur http://www.unifrance.org

 

Vous êtes née à Ankara mais vous avez surtout vécu en France. Pourquoi avoir tourné en Turquie votre premier film ?


La majeure partie de ma famille réside toujours en Turquie et j’ai passé ma vie à faire des allers-retours entre les deux pays. Je suis d’autant plus préoccupée par les histoires qui se déroulent en Turquie que c’est une région en pleine effervescence, où tout bouge. Depuis quelques temps, le pays a pris une tournure plus conservatrice mais on y ressent toujours une force, une fougue. On a le sentiment d’être au coeur de quelque chose, que tout peut vriller à tout moment, partir dans n’importe quelle direction. C’est aussi un réservoir à fiction incroyable.


Tout comme votre court-métrage de fin d’études, Mustang est le récit d’une émancipation. Quelle est la genèse de cette histoire ?


Je voulais raconter ce que c’est que d’être une fille, une femme dans la Turquie contemporaine. Un pays où la condition féminine est plus que jamais au centre du débat public. Sans doute le fait d’avoir un effet de dezoomage en quittant fréquemment la Turquie pour la France a eu son importance.

 

À chaque fois que je retourne là-bas, je ressens une forme de corsetage qui me surprend. Tout ce qui a trait à la féminité est sans cesse ramené à la sexualité. C’est comme si chaque geste des femmes, et même des jeunes filles, avait une charge sexuelle. Par exemple, il y a ces histoires de directeurs d’écoles qui décident d’interdire aux filles et aux garçons de monter en classe par les mêmes escaliers. Ils vont jusqu’à aller construire des escaliers séparés pour chacun. Ça prête une grande charge érotique aux gestes les plus anodins. Monter les escaliers devient un sacré machin… C’est toute l’absurdité de ce genre de conservatisme: tout est sexuel. On en arrive à parler de sexe sans cesse. Et on voit émerger une idée de société qui positionne les femmes comme des machines à faire des enfants, bonnes à rester à la maison. On est l’une des premières Nations à avoir obtenu le droit de vote dans les années 30 et on se retrouve aujourd’hui à défendre des choses aussi élémentaires que l’avortement.


C’est triste.

 

Pourquoi ce titre à la sonorité anglo-saxonne Mustang ?


Le Mustang est un cheval sauvage qui symbolise parfaitement mes cinq héroïnes, leur tempérament indomptable, fougueux.Et même visuellement, leurs chevelures ressemblent à des crinières, leurs cavales à travers le village ont tout d’une troupe de mustangs... Et l’histoire avance vite, parfois à tambours battants. C’est cette énergie qui est pour moi le coeur du film, à l’image de ce Mustang qui lui a donné son nom.

 

Mustang

 

Qu’y-a-t-il de vous dans le film ?


Le petit scandale que les filles déclenchent en grimpant sur les épaules des garçons avant de se faire violemment réprimander au début du film m’est réellement arrivé à l’adolescence. Sauf que moi, ma réaction à l’époque n’a pas du tout été de répondre aux remontrances qui m’étaient faites. J’ai commencé par baisser les yeux, honteuse. Ça m’a pris des années pour commencer à ne serait-ce que m’indigner un peu. Je tenais à faire de mes personnages des héroïnes. Et il fallait absolument que leur courage paye, qu’elles gagnent à la fin, et ce de la manière la plus jubilatoire possible. Je vois ces cinq filles comme un monstre à cinq têtes qui perdrait des morceaux de lui-même, à chaque fois qu’une des filles sort de l’histoire. Mais le dernier morceau subsisterait et réussirait à s’en sortir. C’est parce que ses aînées sont tombées dans des pièges que Lale, la cadette, n’a pas envie du même destin. Elle est un condensé de tout ce que je rêve d’être.

 

Vous semblez affirmer que la seule issue est l’éducation ?


La déscolarisation des filles et la réaction que cela suscite chez elles a, l’air de rien, un impact déterminant sur l’histoire. Mais je n’approche pas les choses de manière militante. On ne fait pas un film comme un discours politique. Romain Gary disait qu’il n’allait pas manifester car il avait une étagère entière de livres qui le faisaient à sa place. Il y a de ça : le film exprime les choses de manière beaucoup plus sensible et puissante que je ne pourrais le faire. Je l’envisage vraiment comme un conte avec des motifs mythologiques comme celui du Minotaure, du dédale, de l’Hydre de Lerne - le corps à cinq têtes que constituent les filles - et du bal, remplacé ici par un match de foot auquel les filles rêvent d’assister.

 

Une famille avec cinq adolescentes qui suscitent la convoitise des garçons alentours et que l’on essaie de mettre sous cloche. On pourrait penser à Virgin suicides de Sofia Coppola. Quelles ont été vos références cinématographiques ?

 
J’ai vu Virgin suicides  à l’époque de sa sortie et lu le livre de Jeffrey Eugenides. Mais Mustang n’en découle pas. Pas plus qu’il ne trouve ses racines dans Rocco et ses frères. Parmi mes influences bizarres, il y a plutôt  Salò ou les 120 Journées de Sodome pour l’espèce de distance que prend Pasolini pour évoquer à travers un conte un peu sordide une société en prise avec le fascisme. Ce décalage entre forme et fond était ce que je recherchais. Je me souviens qu’il m’arrivait souvent de laisser courir le DVD pendant que j’écrivais mon scénario. J’ai aussi vu beaucoup de films d’évasion comme Un condamné à mort s’est échappé, ou L’évadé d’Alcatraz . Car, si mon histoire se déroule dans le cadre domestique et familier d’une maison, le registre dramaturgique est celui du film de prison.
Avant le tournage, je montrais aux comédiennes un DVD par jour : Monika de Bergman, Fish Tank, Allemagne année zéro, L’enfant des frères Dardenne, beaucoup de choses différentes, pour des raisons très précises à chaque fois... Il y avait aussi des prescriptions sur mesure pour chaque personnage. Par exemple, İlayda Akdoğan qui joue Sonay, l’aînée, a aussi eu droit à Sailor et Lula de Lynch et à plein de titres avec Marilyn Monroe pour cette confusion qu’elle dégageait entre innocence et sexualisation à outrance
.

 

Le choix du village reculé d’Inébolu à 600 kms au nord d’Istanbul, sur la côte de la Mer Noire, n’est pas anodin. Il participe à l’oppression ressentie par le spectateur...


Oui, le sentiment d’être au bout du monde est exacerbé par le décor. C’était d’abord un choix esthétique, avec ses paysages qu’on croirait tout droit sortis d’un conte, ses rubans de route en bord de mer et ses forêts un peu inquiétantes.

La région était difficile d’accès. Quelques mois avant mon premier passage, il n’y avait pas d’aéroport. Et aucun film n’avait été tourné là-bas. J’y ressentais réellement le sentiment d’être sous cloche. Dans les villages plus reculés, non seulement les nouvelles n’arrivent que par les canaux officiels, mais il y a en plus dans chaque maison des sacs de charbon, cadeaux de l’époque du Premier Ministre, aujourd’hui Président. Les gens ont un sentiment de proximité, presque familial avec le pouvoir qui leur chuchote littéralement à l’oreille via les médias. Il y avait peu d’endroits sans une télé allumée avec les plus grands dignitaires du pays en train de parler. Depuis le tournage, un aéroport s’est ouvert à 90 km des lieux où l’on a tourné, avec un vol par jour. J’avais l’impression qu’une brèche s’était ouverte. Il y avait un peu d’air frais qui rentrait.

 

Mustang

Vous avez réalisé ce film enceinte. Le tournage a été rocambolesque ?


C’était une opération commando. J’étais pile à la moitié de ma grossesse lorsqu’on a fini et on tournait 12 heures par jour, 6 jours par semaine.... Ça me mettait dans la même position de fragilité que les filles, ce qui n’était pas plus mal car on était tous dans le même bateau.


À trois semaines du premier clap, la productrice initiale s’est retirée du projet alors que tout était prêt. C’est comme si le pilote de l’avion s’était débiné en plein vol. Le film était planté. L’équipe a commencé à se détricoter. Tout ce que j’avais mis en place passait à travers le feu. Puis on a rattrapé les commandes avec un nouveau producteur…
Mais le fait d’avoir été à deux doigts de tout perdre n’a fait qu’exacerber notre désir. Ce qu’il s’est passé à ce moment là était tellement dramatique, que ça a donné à tout le monde l’envie de se dépasser pour sauver le film.

 

Chaque plan est devenu une question de vie ou de mort et les enjeux étaient cruciaux. Les gens prennent des postures exceptionnelles en temps de crise. On fabriquait littéralement ce qu’on allait tourner le jour même : les éléments de décor, les trucages, les cascades. C’était une aventure extrêmement intense où tout se jouait au cheveu près. Une sorte de miracle permanent.

 

Mustang

 

Pourquoi avoir produit le film en France ?


En terme de cinéma, ma famille est française… Peut-être parce que j’ai étudié à la Fémis et y ai fait des rencontres déterminantes. Avec Olivier Assayas par exemple, qui était président du jury l’année où j’y suis entrée et qui, de loin en loin, a toujours été là, extrêmement bienveillant envers moi. Pareil avec David Chizallet, mon chef opérateur qui était cadreur sur mon film de fin d’études Une goutte d’eau.

David a un très beau regard, une espèce d’appétit et de fougue dans sa manière d’accompagner les acteurs. Il a autour d’eux une présence de chat. Il a aussi une surexcitation et une énergie folle à faire des films. Il en a d’ailleurs trois cette année à Cannes et c’est extrêmement mérité.


Alice Winocour a aussi fait la Fémis mais pas en même temps que moi. Nous nous sommes rencontrées en 2011 à l’atelier de la Cinéfondation du Festival. On était les deux seules filles de la sélection et on avait en commun un projet de premier long-métrage un peu trop mastodonte pour un premier long. Elle, Augustine, qu’elle a finalement réalisé et moi Kings que j’ai pour l’instant mis de côté. J’étais en train de jeter l’éponge lorsqu’Alice m’a conseillé de commencer par un film plus petit, qui ne fasse peur à personne.

Je lui ai fait lire un premier traitement de Mustang et on a commencé à écrire le scénario ensemble. Elle m’a portée comme un coach de boxe.

 

Pour la musique, vous avez fait appel à Warren Ellis, membre de Nick Cave and the Bad Seeds...


La musique de Warren Ellis a une force narrative évidente. Quand Warren joue du violon, on a le sentiment d’entendre une voix qui raconte une histoire. Et ses orchestrations sont bouleversantes. Il y avait une évidence esthétique dans cette rencontre, une cohérence entre les décors du film - la grande maison en bois, les paysages de la Mer Noire… - et le choix de ses instruments.
Avant même de le rencontrer, j’avais posé ses musiques sur les images et cette évidence était déjà là. Notre première rencontre a été très forte mais il n’était pas disponible. Il a fallu que je l’attrape, que je lui tourne autour. J’apprécie d’autant plus notre alliance et notre curiosité l’un pour l’autre, qu’elle crée un carrefour entre nos deux cultures et nos deux pays qui sont aussi éloignés que l’Australie et la Turquie.

 

Mustang

Où avez-vous trouvé vos cinq héroïnes ?


On a massivement diffusé une annonce et vu des centaines d'adolescentes en l'espace de 9 mois. En Turquie, mais aussi en France. Vu le sujet du film, c'était important que ce soient elles qui viennent à nous. Il y a eu deux exceptions. Elit İşcan (Ece) était la seule à avoir une expérience d'actrice. Enfant, elle avait porté sur ses épaules deux long-métrages réalisés par Reha Erdem : Des temps et des vents réalisé en 2008 et My only sunshine en 2009. C'était comme une muse, j'ai écrit en pensant à elle et j'avais très peur qu'elle grandisse trop vite par rapport à l'âge de son personnage. J'ai remarqué Tuğba Sunguroğlu (Selma) dans un avion sur un vol Istanbul-Paris alors que j'étais encore au stade de l'écriture. Au delà de son air de mustang, j'ai pressenti chez elle un tempérament... Elle est repassée plusieurs fois devant moi et j'ai fini par la rattraper et parler à sa famille. Je l’ai auditionnée à de nombreuses reprises. C'était émouvant parce qu'elle était très jeune et n'avait jamais joué. D'ailleurs, la première fois, j'ai cru qu'elle allait avoir une crise cardiaque tant elle était intimidée. Puis elle s’est plongée dans le jeu. Güneş Şensoy, Doga Doğuşlu et Ilayda Akdoğan se sont présentées aux auditions. Et c’était trois rares coups de foudre. Elles ont toutes du haut de leur jeune âge, cultivé des vraies qualités d’actrices. Ce qui importait était de caster une distribution plutôt que cinq filles distinctes. Il y avait un écheveau de relations croisées à faire vivre. Par exemple, à l’intérieur de certaines paires, l'une est le side-kick de l'autre. Il fallait que la fratrie soit très organique, que les filles se ressemblent, puissent se répondre, se compléter, se comprendre... J'ai essayé de nombreuses combinaisons et une fois qu'on a eu les cinq, ça a fait clic. Très vite, les filles complotaient entre elles, bougeaient comme un seul corps. Il y en a une (pas toujours la même) qui entraînait le reste du groupe dans une nouvelle direction, parfois dans la fronde, parfois encore ailleurs.

 

Ont-elles manifesté des réticences à jouer certaines situations ?


Non. On y est allé pas à pas, détail par détail. La scène d'amour de Ece notamment affolait l'équipe mais pas l'actrice. Elit (Ece) était majeure et avait une expérience de jeu. Avec les parents de Güneş (Lale) par exemple, j'avais fait une longue liste de tout ce que leur fille devrait faire ou aborder en faisant ce film. Cela comprenait des points comme celui "elle sera filmée, en maillot de bain, en soutien-gorge… " ou comme "elle va être confrontée – du moins dans le jeu - à la mort d’un proche"… Certains passages du script comprenaient un langage plus cru qu'à l'arrivée.

 

Mustangs

 

Et il y avait aussi dans le scénario une séquence où les filles se coupaient complètement les cheveux ce qui, pour elles, était très difficile. Naturellement, on a compris jusqu'où on pouvait aller et on a dû freiner un peu. Mais elles m'auraient suivi absolument partout, je pense. Elles étaient très en confiance et pouvaient aller très loin. Il y avait une absence totale d'inhibition. Mais par rapport à la destinée de leurs personnages, ce n'était pas la peine d'aller beaucoup plus loin. Il y avait par exemple cette scène des chewing-gums ou je leur proposais d’arracher leurs fameuses robes couleur de merde. Au début, elles n'étaient pas très partantes mais les costumes étaient tellement infâmes que c'était impossible de rester dedans et c'est finalement devenu un moment extrêmement jubilatoire et libérateur pour elles.

 

C’est justement le propos du film : c’est le regard posé sur ces filles qui est perverti, pas elles...


Oui. Quand on a lu ensemble le scénario, on s’est toutes racontées nos histoires, et tous les secrets des unes et des autres y sont passés. J’ai pu constater qu’on avait vécu à peu près les mêmes choses mais que contrairement à moi ou ma génération, elles sont beaucoup plus insouciantes, libérées et maîtresses d’elles-mêmes. Par rapport au conservatisme ambiant, à la situation en Turquie, elles ont une sorte d’affranchissement total. Elles sont aussi surconnectées, savent tout sur tout... C’est surprenant. Elles passent leur temps à se filmer, donc elles ont un rapport à leur image et à leur corps qui est très différent du nôtre, complètement libre.

 

Elles ont vraiment trois trains d’avance sur moi et leurs parents...

 

 

Mon opinion

 

Qui mieux que la jeune Deniz Gamze Ergüven, à la fois scénariste et réalisatrice pour parler de la jeunesse actuelle de son pays natal ? La Turquie. De ses envies, de ses espoirs, mais aussi du poids des traditions qui revient s'imposer, comme pour mieux l'étouffer.

 

"On est l’une des premières Nations à avoir obtenu le droit de vote dans les années 30 et on se retrouve aujourd’hui à défendre des choses aussi élémentaires que l’avortement." précise Deniz Gamze Ergüven.

 

Pour son premier long-métrage, la réalisatrice affiche un réel talent avec une mise en scène élégante, un scénario, subtil et intelligent coécrit avec Alice Winocour. Ces deux seuls points suffiraient à faire de ce film une vraie réussite. Viennent s'ajouter la superbe photographie de David Chizallet associé à Ersin Gök et la bande-son de Warren Ellis qui accompagne magnifiquement l'ensemble. Si certaines scènes peuvent paraître longues ou répétitrices elles n'ont fait que renforcer l'émotion que j'ai ressentie tout au long du film.

 

Que dire des actrices ? Elles sont belles, totalement crédibles, étonnantes de naturel et foncent dans la vie avec l'insouciance de la jeunesse. Obligées de se battre, aussi, pour tenter de vivre une adolescence face au poids archaïque représenté par des traditions moyenâgeuses.

 

"Elles ont vraiment trois trains d’avance sur moi et leurs parents..." précise la réalisatrice.

 

Ces cinq jeunes comédiennes,  participent grandement à la réussite de ce film que j'ai eu, enfin, la grande chance de découvrir.

 

Un grand coup en plein cœur.

 

 

Un grand merci à Dasola dont le billet m'a convaincu d'aller voir ce film.

27 juin 2015 6 27 /06 /juin /2015 22:01

 

Mostra Venise 2015

 

Lorenzo Vigas, Lion d'Or du Meilleur Film à la Mostra de Venise, le Festival du Cinéma de Venise 2015.

 

 

 

Lion d'or à Desde allà du Vénézuélien

Lorenzo Vigas, son premier long-métrage,

 

 

 

 

 

 

Pablo Trapero, Lion d'Argent pour le Meilleur Réalisateur à la Mostra de Venise, le Festival du Cinéma de Venise 2015

 

 

 

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Lion d'argent au réalisateur argentin

Pablo Trapero El Clan,

 

 

 

 

 

 

Le jury a ainsi récompensé un jeune cinéma sud-américain novateur.

 

Pour lire les articles consacrés aux films ci-dessous ...

Cliquez sur l'affiche correspondante  !

 

Drapeau-Argentine.gifArgentine avec ....  

 

Marco Berger

 

Plan B - Affiche 1.1308930563_ausente-844069260-large.jpg

 

 

 

 

 

Pablo Giorgelli 

 

Les Acacias

 

 

 

 

 

 

Santiago Mitre

 

Paulina " La Patota" El Estudiante - Affiche 1.

 

 

 

 

Benjamín Ávila

 

Infancia clandestina - Affiche

 

 

 

 

Lucía Puenzo

 

Le médecin de famille

 

 

 

 

Damian Szifron

 

Les Nouveaux sauvages "Relatos salvajes"

 

 

 

 

 

Pablo Trapero

 

El Clan

 

 

 

 

 

Pablo Agüero

 

Eva no duerme

 

Brésil drapeauBrésil avec ....  

Sandra Werneck

 

 Rêves volésSandra Werneck

 

 

 

 

Kleber Mendonça Filho

 

Les bruits de Recife "O Som ao Redor" .Aquarius

 

 

 

 

 

Daniel Ribeiro

 

 Au premier regard - Affiche

 

 

 

 

 

 

Marcelo Gomes, Cao Guimarães

 

 L'Homme des foules "O Homem das Multidões"

 

 

 

 

 

 

Anna Muylaert

 

Une seconde mère "Que Horas Ela Volta ?"

 

 

 

 

 

 

Sérgio Machado

 

Le Professeur de Violon (Tudo que Aprendemos Juntos)

 

Chili drapeauChili avec ....  

Sebastián Silva et Pedro Peirano

 

  Les vieux chats - Affiche

 

 

 

 

Pablo Larraín

 

No---Affiche.El Club

 

 

 

 

 Sebastián Lelio

 

Gloria

 

 

 

 

 

 

Alejandro Fernández Almendras

 

Tout va bien (Aquí no ha pasado nada)

Combie drapeauColombie avec ....  

Franco Lolli

 

 

 

 

 

César Acevedo

 

 La Tierra y la Sombra

Mexique drapeauMexique avec ....

 

Alejandro González Inárritu

 

21 Grammes - Le ciné d'Alain.Biutiful - Le cné d'Alain.Birdman Le ciné d'alain.The Revenant

 

 

 

 

 

 

 

 

.Icíar Bollaín

 

19587371.jpg.

 

 

 

 

 

 

 

Carlos Cuaron

 

Rudo y Cursi - Affiche.

 

 

 

 

Gerardo Naranjo

 

 Miss Bala - Affiche

 

 

 

 

Michel Franco

 

 Despues de Lucia - Affiche 

 

 

 

 

Antonio Méndez Esparza


 Aquí y Allá - Affiche

 

 

 

 

Diego Quemada-Diez

 

 Rêves d'or - Affiche 

 

 

 

 

Claudia Sainte-Luce

 

Les drôles de poissons-chats "Los insólitos peces gato"

Nicaragua drapeauNicaragua avec .... 

Florence Jaugey

 

 Affiche.

 

Pérou drapeau Pérou avec

Javier Fuentes-León

 

 

 

Uruguay drapeauUruguay avec ....

Rodrigo Plá

 

La Demora - Affiche 1

 

Vénézuela drapeauVénézuela avec ....

Lorenzo Vigas  

 

Los Amantes de Caracas

 

Welcome

 

"Le bonheur est la chose la plus simple,

mais beaucoup s'échinent à la transformer

en travaux forcés !"

 
François Truffaut

 

 

 

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Quelques coups de cœur 

 

 

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Bonne visite !

En 2016.

 

Lrs InnocentesEl Clan

 

 

 

 

 

 

TempêteLes Délices de Tokyo (An)

 

....

 

 

 

Rosalie BlumNo land's song

 

 

 

 

 

 

La saison des femmes (Parched)Julieta

 

 

 

 

 

Chala, une enfance cubaine (Conducta)Red Amnesia

 

 

 

 

 

 

Toni ErdmannTruman

 

 

 

 

 

 

Le fils de Jean

Divines

.....

 

 

 

 

 

 

Frantz

 

 

 

 

 

 

Juste la fin du mondeAquarius

 

 

 

 

 

 

 

Une vie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En 2015.

 

..Mon Fils - Eran Riklis..Gente de Bien.La Maison au toit rouge.La Tête Haute.Une Femme Iranienne "Aynehaye Rooberoo". Facing Mirrors.Une seconde mère "Que Horas Ela Volta ?".Mustang.La Belle saison.Aferim !.La dernière leçon.Ni le ciel ni la terre.Les chansons que mes frères m'ont apprises.Fatima...Mia Madre

 

 

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Pandora "Pandora and the Flying Dutchman".Umberto D.La chevauchée des Bannis.Loin du Paradis.Une journée particulière.Le procès de Viviane Amsalem "Gett".Tout ce que le ciel permet.

 

 

Luchon. Reine des Pyrénées. Cliqez ICI.