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17 septembre 2016 6 17 /09 /septembre /2016 09:19

 

Date de sortie 14 septembre 2016

 

Victoria


Réalisé par Justine Triet


Avec Virginie Efira, Vincent Lacoste, Melvil Poupaud,

Laurent Poitrenaux, Laure Calamy, Emmanuelle Lanfray


Genre Comédie dramatique


Production Française

 

Synopsis

 

Victoria Spick (Virginie Efira), avocate pénaliste en plein néant sentimental, débarque à un mariage où elle y retrouve son ami Vincent (Melvil Poupaud) et Sam (Vincent Lacoste), un ex-dealer qu’elle a sorti d’affaire. Le lendemain, Vincent est accusé de tentative de meurtre par sa compagne. Seul témoin de la scène, le chien de la victime.


Victoria accepte à contrecœur de défendre Vincent tandis qu'elle embauche Sam comme jeune homme au pair. Le début d’une série de cataclysmes pour Victoria.

 

Victoria

 

Vincent Lacoste, Melvil Poupaud et Virginie Efira

Justine Triet est diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris.


Elle a réalisé depuis différents films qui s’interrogent sur la place de l’individu au sein du groupe. Sur place réalisé en 2007, tourné pendant les manifestations étudiantes, Solférino en 2008, un documentaire réalisé lors des élections présidentielles. En 2009, elle réalise Des ombres dans la maison dans un township de Saõ Paulo. Vilaine fille, mauvais garçon son premier moyen métrage de fiction, remporte de nombreux prix dans des festivals en France et à l’étranger (Prix EFA du Film Européen à la Berlinale 2012, Grand Prix du Festival Premiers Plans d’Angers, Grand Prix du Festival de Belfort, présélection aux César du court-métrage 2013). Son premier long-métrage La bataille de Solférino est sélectionné à l’ACID à Cannes en 2013 et nommé aux César 2014 dans la catégorie meilleur premier film.


Victoria est son second long-métrage.

Entretien avec la réalisatrice, Justine Triet, relevé dans le dossier de presse.


Est-ce que Victoria est un film joyeux sur la dépression ?


Je dirais plutôt que c’est une comédie "désespérée" sur la vie chaotique d’une femme contemporaine.


Pourquoi une comédie ?


Je crois que ça me permet de parler de manière plus gracieuse de mes obsessions : la difficulté des relations hommes/femmes, la solitude, les enfants, la justice, l’argent, le sexe. Le genre me permet de regarder ça avec une plus grande distance. J’avais envie de faire le portrait d’une femme qu’on découvrirait progressivement, par différentes strates, et dont les problèmes sexuels seraient engloutis par d’autres choses : le procès de son ami, le harcèlement de son ex. Les personnages se chargent graduellement comme dans La bataille de Solférino. Ce n’est pas une pauvre petite oie blanche ou l’histoire de sa chronique amoureuse. C’est le récit d’une femme complexe prise dans une spirale émotionnelle que sa situation professionnelle fait imploser. La contamination de l’intime par le travail traverse le film. L’ambition c’était de raconter tout ça : ce qui la fait chuter, ce qui la fait renaître.

 

Quelles ont été tes références ? On pense beaucoup à la comédie américaine en voyant Victoria.


Oui, carrément. Howard Hawks, Billy Wilder ou Blake Edwards mais aussi Sacha Guitry, m’ont beaucoup inspirée. Désiré, de Guitry, en particulier, avec ce mélange de rapport social violent et de séduction entre le domestique et sa patronne. Et puis Woody Allen aussi, évidemment. Mais il y a aussi les films de James L. Brooks que j’adore et que j’ai découverts assez tard, comme Comment savoir ou Spanglish. Mon goût pour la comédie s’est développé avec le temps. J’ai aussi une passion pour certaines séries comiques telles que Silicon Valley. Ou quelque chose de moins avouable comme la sitcom Mom, qui pour moi mêle de façon inégalée le drame et la comédie. Elle m’a fait réaliser qu’on pouvait aller très loin et raconter des choses sombres ou trash avec humour. Il y a un ressort comique dans le film qui tient à la superposition des rendezvous où Victoria cherche conseil : amie, psys, voyante, acupuncteur… Oui, le film se vit dans l’action autant que par la parole réflexive de Victoria. Un des principes d’écriture a en effet été la répétition de confidences de Victoria aux mauvaises personnes, aux mauvais endroits. Elle parle de ses angoisses professionnelles aux hommes avec lesquels elle devrait coucher, de son ex à une cliente qu’elle devrait défendre, de son deuxième psy à son premier. Il y a souvent un décalage entre le rôle social que les gens sont censés représenter et ce qu’ils font. J’ai cherché à tirer le film du drame vers la comédie et à créer un effet jubilatoire alimenté par ce genre de contradiction.

 

Victoria

 

Virginie Efira et Vincent Lacoste

 

Plus précisément Victoria semble jouer avec les codes de la comédie romantique ?


Oui mais ce qu’ils se disent est parfois bien plus cruel. Les rapports sociaux aussi. La dernière séquence révèle l’ambivalence du film. On est entre romantisme et cynisme lorsque Victoria vient déclarer son amour à Sam alors qu’elle ne possède plus rien et que celui-ci de son côté se met à marchander avec elle.

 

Tu empruntes aussi les codes d’un autre genre, celui du film de procès.


Oui, il y a d’ailleurs plusieurs clins d’oeil à Autopsie d'un meurtre de Preminger dans le film : le petit chien à la barre, mais aussi la petite culotte. Mais je me suis éloignée de façon assez évidente du film de procès ultra réaliste grâce aux animaux. Je suis partie d’un fait-divers : celui d’une femme qui a été retrouvée pendue et de tests pratiqués sur son dalmatien pour évaluer comment il réagissait à l’odeur de ses proches accusés. Cette histoire m’a aidée à éloigner Victoria de toute affaire de moeurs un peu glauque. Et lorsqu’on la voit en pleine plaidoirie, dans un état second, proche de l’évanouissement, en train de décrédibiliser la parole d’un chien… le rire surgit de l’absurde qui côtoie le réel. J’aimais également l’idée que Victoria ne soit pas qu’une victime. Son ambition d’avocate m’a permis de distiller chez elle une forme de cynisme propre à la profession que j’ai approchée pendant l’écriture du scénario en glanant de nombreux témoignages auprès d’avocats.

Le film parle aussi pas mal en creux de sexualité.


Il en parle beaucoup sans presque rien en montrer. L’idée du sexe envahit tout, même si on n’en voit rien. Le film développe une satire du couple et des relations sexuelles. Il y a Vincent qui a des problèmes sexuels avec sa copine qui l’accuse, David qui révèle dans son blog la vie sexuelle passée de Victoria, Victoria qui consulte une voyante et des médecins qui l’encouragent à renouer avec le sexe. Et lorsqu’elle essaie, chacune de ses rencontres est à chaque fois plus désolante. Ça entraîne des scènes de comédie pure où plane une très grande solitude des corps. Finalement, ce qui reste étrange, mystérieux et désirable, c’est ce qui est encore caché, prudent et presque vierge : Sam.

 

Peux-tu nous parler du personnage de Sam ?


Entre "l’infirmière" et l’ange gardien, c’est le personnage le plus énigmatique du film. C’est l’employé de Victoria, il a accès à toute son intimité sans réciproque. Il va grandir à ses côtés en s’emparant de tout ce qu’il peut par imprégnation. Elle le regarde à peine alors qu’il s’impose lentement comme un pilier de son équilibre fragile. Leur complicité va grandir en même temps qu’il se met à l’aider dans ses affaires, jusqu’à l’amour, mais avec un certain cynisme lié à l’argent.

 

Victoria est manifestement un film qui a coûté plus cher que La bataille de Solférino. Comment le passage à une autre économie s’est-il passé ?
Quelles ont été les différences dans ta façon de travailler ?


La bataille, c’étaient 24 jours de tournage ; Victoria, deux fois plus. J’ai surtout pu faire ce que je voulais au niveau de l’image en étant moins tributaire des conditions de tournage. Avec moins de moyens, j’aurais peut-être été contrainte de tourner caméra à l’épaule pour aller plus vite. Là, je voulais vraiment poser ma caméra sur pied. Je préfère que l’émotion vienne de la scène et non pas des mouvements de caméra. Et puis, sur La bataille de Solférino, les acteurs étaient tous des proches. Sur Victoria, je ne les connaissais pas, j’ai découvert des gens qui se sont donnés à fond. On a aussi travaillé en studio et j’ai adoré ça. Pour autant, j’ai persisté dans des prises de risque que j’affectionne : tourner avec les enfants, avec un singe ou un dalmatien. Continuer aussi avec des acteurs non professionnels. Ça tend le plateau dans la concentration. Mais la vraie différence, elle est en amont. Victoria est un film avec un scénario beaucoup plus écrit que celui de La bataille de Solférino. Pour ce film, j’ai quand même beaucoup tourné mais j’ai contrôlé la durée des prises. J’étais obsédée par le rythme de chaque scène en pensant au montage.

 

Victoria

Pourquoi avoir choisi Virginie Efira ?


Pour incarner Victoria, je cherchais une femme brillante, drôle et mélancolique. Je l’avais vue dans 20 ans d'écart je l’avais trouvée déjà géniale. Mais je dois avouer que c’est dans l’émission Rendez-vous en terre inconnue que j’ai eu le coup de foudre. On s’est rencontrées, je l’ai trouvée intense, intelligente et hilarante. Dans son jeu, Virginie ne pousse jamais l’intention, elle est jubilatoire parce qu’elle est dans l’économie.

 

Et Vincent Lacoste ?


Le duo avec Vincent s’est imposé assez vite. Il a une candeur, une grâce. C’était le seul à pouvoir interpréter le rôle. Je voulais le rendre sexuel pour la seconde partie du film. Lui donner une double image. D’abord celle du mecun peu largué, puis plus virile. Même si je n’ai pas forcément pensé à la différence d’âge, ça m’intéressait que le type vers lequel Victoria se retourne soit un jeune homme candide.

 

Tu as aussi pris beaucoup de soin dans le choix de tes seconds rôles...


Melvil, il a quelque chose de l’innocent à la Cary Grant, mais qui pourrait cacher une forme de perversion. C’est l’accusé parfait. Laurent Poitrenaux, malgré son rôle d’ex terrifiant, avec son côté barré intello/geek amène une fantaisie tout comme Laure Calamy, l’exaltée du barreau.

 

Quelle est ta méthode avec les acteurs ? Il y a toujours une grande justesse dans tes films.


Je crois que je dirige les acteurs à l’oreille, c’est à dire que je les écoute plus que je ne les regarde. Mais bon, ça se joue beaucoup au casting puis ensuite sur l’atmosphère en plateau. Je n’ai pas de recette. J’essaie de maintenir une tension pour que les gens ne s’endorment pas. Et je tente des choses différentes au moment des prises pour casser la routine. Mais j’ai été très aidée par Cynthia Arra, très présente sur la direction d’acteurs. Elle ne les lâche jamais.


Est-ce que tu penses persévérer dans la comédie ?


Je rêve de faire un mélodrame.

 

Victoria

Mon opinion

 

Le sourire est présent, les éclats de rire absents. Le meilleur est dans la bande-annonce.

 

Rien à voir avec une comédie pure et dure. La réalisatrice a déclaré au sujet de Victoria : "Je dirais plutôt que c’est une comédie "désespérée" sur la vie chaotique d’une femme contemporaine." 

 

L'ensemble reste très sage et manque cruellement de folie. Les références de Justine Triet, Howard Hawks, Billy Wilder, Blake Edwards ou encore Sacha Guitry, ne trouvent dans ce long-métrage que de pâles reflets.

 

Quelques scènes sont toutefois amusantes, voire burlesques, tels le "témoignage" d'un Dalmatien au cours d'un procès, en référence à Otto Preminger pour son film Autopsie d'un meurtre. Ou encore les échanges de sms entre un accusé et sa prétendue victime.

 

La plus grande réussite du film tient à la prestation de Virginie Efira, La comédienne est de toutes les scènes. Tour à tour drôle, émouvante, déterminée ou dépressive, combattive et perdue, elle reste crédible de bout en bout.

13 septembre 2016 2 13 /09 /septembre /2016 10:54

 

Date de sortie 7 septembre 2016

 

Frantz


Réalisé par François Ozon


Avec Paula Beer, Pierre Niney, Ernst Stötzner,

Marie Gruber, Johann von Bülow, Anton von Lucke,

Cyrielle Clair, Alice de Lencquesaing


Genre Drame


Production Française, Allemande

 

 

Frantz est sélectionné en compétition officielle à la 73ème Mostra de Venise.
 (31 août au 10 septembre 2016).

Également présenté en avant-première au Festival de Toronto.

(8 au 18 septembre prochain 2016).

 

Synopsis

 

Au lendemain de la guerre 14-18, dans une petite ville allemande, Anna (Paula Beer) se rend tous les jours sur la tombe de son fiancé, Frantz (Anton von Lucke), mort sur le front en France. Mais ce jour-là, un jeune Français, Adrien (Pierre Niney), est venu se recueillir sur la tombe de son ami allemand. Cette présence à la suite de la défaite allemande va provoquer des réactions passionnelles dans la ville.

 

Frantz

Mostra de Venise 2016

- Prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir pour Paula Beer

 

César 2017

-Meilleure photo Pascal Marti

 

Entretien avec François Ozon relevé dans le dossier de presse.

 

D’où est venu le désir de réaliser Frantz ?


Dans une époque obsédée par la vérité et la transparence, je cherchais depuis longtemps à faire un film sur le mensonge. En tant qu’élève et admirateur d’Eric Rohmer, j’ai toujours trouvé les mensonges très excitants à raconter et à filmer. Je réfléchissais donc autour de cette thématique quand un ami m’a parlé d’une pièce de théâtre de Maurice Rostand, écrite juste après la Première Guerre mondiale. En me renseignant un peu plus sur cette pièce, j’apprends qu’elle a été adaptée au cinéma en 1931 par Lubitsch sous le titre Broken Lullaby. Ma première réaction a été de laisser tomber. Comment passer après Lubitsch ? !

 

Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?


La vision du film de Lubitsch m’a rassuré, car il est très proche de la pièce et adopte le même point de vue, celui du jeune Français. Mon désir au contraire était d’être du point de vue de la jeune fille, qui comme le spectateur ne sait pas pourquoi ce Français vient sur la tombe de son fiancé. Dans la pièce et le film, nous savons dès le début son secret, après une longue scène de confession auprès d’un prêtre. Finalement ce qui m’intéressait, c’était plus le mensonge que la culpabilité. Le film de Lubitsch est magnifique, à revoir dans le contexte pacifiste et idéaliste de l’après-guerre. J’ai d’ailleurs gardé certaines scènes qu’il a créées en adaptant la pièce. C’est son film le plus méconnu, son unique film dramatique – et aussi son plus gros échec. Sa mise en scène est comme d’habitude admirable et pleine d’inventivité mais en même temps, c’est le film d’un cinéaste américain, d’origine allemande, qui ne sait pas qu’une Seconde Guerre mondiale se profile et qui veut faire un film optimiste de réconciliation. La guerre de 14-18 avait été un tel massacre que beaucoup de voix politiques et artistiques, aussi bien en France qu’en Allemagne s’étaient élevées pour défendre un idéal pacifiste : "Plus jamais ça".

Mon point de vue en tant que Français, n’ayant connu aucune des deux guerres, allait forcément être différent.

 

Vous avez donc rajouté toute une seconde partie à l’histoire originale.


Dans la pièce et le film de Lubitsch, le mensonge n’est pas révélé aux parents, le Français est accepté dans la famille, il prend la place du mort, il joue du violon pour eux et tout se termine bien. Dans mon film, Adrien essaye aussi de s’intégrer à la famille mais à un moment, le mensonge et la culpabilité sont trop forts et il révèle tout à Anna. Et contrairement au film de Lubitsch, Anna ne peut l’accepter qu’à la suite d’un long parcours initiatique. D’où cette seconde partie, qui s’ouvre sur le départ d’Adrien et la dépression d’Anna.

 

Contrairement aux mélos classiques, Adrien ne tombe pas amoureux d’Anna. En tout cas, il n’est pas prêt à l’assumer…


Anna et Adrien partagent la mort de Frantz, mais peuvent-ils pour autant partager des sentiments amoureux ? Elle le pense dans un premier temps, puis face à la vérité, cela lui semble impossible. Finalement, elle finit par y croire à nouveau, jusqu’à ce qu’elle se retrouve face une autre réalité en France.

 

Frantz - Paula Beer & Pierre Niney.

 

Ce qui est beau chez Anna, c’est son aveuglement, elle sait ce qu’a fait Adrien, mais sa vraie souffrance est de ne pas assumer son désir pour lui – et finalement elle part le rejoindre, veut croire à leur amour malgré tout. Adrien en revanche ne sait pas où est son désir.

 

 

 

J’avais envie de jouer sur des thématiques classiques du mélodrame comme l’idée de la culpabilité et du pardon pour ensuite bifurquer sur une désynchronisation des sentiments.

À force de s’inventer une amitié avec lui, on se dit qu’Adrien apprivoise une forme de désir pour Frantz…


Comme Anna le dit à la mère d’Adrien : "Ce n’est pas moi qui tourmente votre fils, madame, c’est Frantz." Frantz, en tant que soldat allemand, mais aussi en tant que double de lui-même, en tant qu’ami ou amant potentiel…

 

"N’ayez pas peur de nous rendre heureux",

dit la mère à Adrien avant qu’il ne commence à jouer du violon…


Les parents ont un tel désir d’accueillir Adrien, de croire à cette fiction d’amitié franco-allemande, à la possibilité qu’il puisse prendre la place de leur fils disparu, qu’ils acceptent inconsciemment le mensonge. Tout se joue sur un malentendu auquel Adrien s’abandonne. Et c’est une manière pour lui d’apprendre à connaître Frantz, de leur faire du bien à eux et à lui-même. Un mensonge réparateur. Ce qui est fréquent dans toutes les histoires du deuil : on prend du plaisir et on a besoin de reparler de la personne disparue tout en l’idéalisant. Pour Adrien, leur procurer ce plaisir est une manière aussi de calmer pour un instant sa propre culpabilité.

 

Frantz

 

Adrien est un personnage complexe…


Adrien est un jeune homme très tourmenté et perdu. Perdu dans ses désirs, dans sa culpabilité, dans sa famille. Au début, on en sait peu sur lui, il est assez mystérieux. Et plus le film avance, plus il se révèle décevant aux yeux d’Anna. Le traumatisme de la guerre l’a laissé dans une forme d’impuissance, il manque de courage et se morfond dans une névrose qu’il ne peut dépasser. Son obsession ou son amour pour Frantz sont devenus mortifères et il ne souhaite pas s’en extraire.

 

D’une certaine manière, c’est quand Adrien part d’Allemagne qu’Anna commence vraiment à faire son deuil de Frantz : elle dépose un portrait de lui sur sa sépulture, tombe en dépression…


Jusque-là, Anna a tenu pour les parents de Frantz. Le père lui dit à un moment : "Merci de nous avoir soutenus, maintenant c’est à nous de t’aider." Mais avec le mensonge et le départ d’Adrien, c’est comme si toute la douleur remontait, elle revit l’abandon de manière encore plus cruelle. Peut-être aussi parce qu’il s’est incarné de manière plus érotique avec Adrien.

 

Plus qu’un travail de deuil et de pardon, c’est la découverte et l’apprentissage de l’amour qui sont davantage en jeu pour Anna…


Le scénario du film est construit comme un Bildungsroman, comme un roman d’apprentissage. Il ne nous emmène pas dans un monde de rêve ou d’évasion mais il suit l’éducation sentimentale d’Anna, ses désillusions par rapport à la réalité, au mensonge, au désir, à la manière d’un conte initiatique. Anna était destinée à Frantz, c’était un amour romantique, de jeunesse, peut-être de convenance, sans doute jamais consommé. Mais cet élan a été brisé. Et un autre prince charmant arrive soudain miraculeusement, plus passionnel. Il n’est toujours pas la bonne personne, mais elle fera grâce à lui un apprentissage des grands événements de toute existence (la mort, l’amour, la haine, l’altérité…).

Le début du film se concentre sur Anna, que l’on regarde déambuler entre la tombe de Frantz et sa maison…


J’aime beaucoup filmer les trajets, c’est une manière concrète d’incarner l’idée du parcours des personnages et de placer le film et les protagonistes dans un lieu géographique. C’était important de montrer cette petite ville allemande, ces trajets de la maison jusqu’au cimetière, puis jusqu’au Gasthaus.

 

Frantz - Pierre Niney & Paula Beer.

Regarder ce trajet, c’est s’interroger sur le personnage, comprendre son cheminement. Au départ, Anna fait un peu du sur place, elle n’arrête pas de tourner en rond dans cette petite ville. Pour ensuite aborder le grand voyage qui l’amène en France et lui fait traverser les apparences…

 

 

 

On retrouve dans Frantz beaucoup de vos thématiques – le deuil de Sous le sable, le plaisir ambigu de raconter des histoires de Dans la maison, l’éducation sentimentale d’une jeune femme comme dans Jeune & Jolie… Mais en même temps, vous explorez beaucoup de nouvelles choses.


Inconsciemment, plusieurs de mes obsessions sont peut-être là. Mais les aborder dans une autre langue, avec d’autres acteurs, dans d’autres lieux que la France, oblige à se renouveler et j’espère qu’elles prennent ainsi une nouvelle force, une nouvelle dimension. Il y avait beaucoup de défis excitants à relever dans ce film, je n’avais jamais filmé la guerre, des combats, une petite ville allemande, Paris en noir et blanc, en allemand…
Une des choses les plus importantes pour moi était de raconter cette histoire du point de vue allemand, du côté des perdants, de ceux qui sont humiliés par le traité de Versailles et raconter que cette Allemagne-là est aussi le terreau d’un nationalisme naissant.

 

Déjà avec Gouttes d'eau sur Pierres brûlantes , adapté de Fassbinder, on sentait votre intérêt pour l’Allemagne…


L’Allemagne est le premier pays étranger que j’ai découvert enfant et j’en ai gardé une certaine fascination, ainsi qu’un intérêt constant pour sa langue, son histoire et sa culture. Depuis longtemps j’avais envie de raconter le côté fraternelde ces deux peuples européens, l’amitié qui peut les lier, et ce film en était la parfaite occasion.
Je me débrouille suffisamment en allemand pour tenir une conversation et diriger une équipe. Ensuite, j’ai fait confiance aux acteurs, je leur ai demandé de l’aide et des conseils pour les dialogues. Ils étaient très coopérants.

 

Comment avez-vous envisagé la reconstitution historique ?


Très différemment de celle d’Angel, où je cherchais à reconstituer le monde de cette jeune fille, tel qu’elle le rêve. Pour Frantz, je n’avais pas cette volonté de stylisation, au contraire il fallait être ancré dans un réalisme fort. Cette période est idéale car nous avons accès à beaucoup de documents photographiques et cinématographiques. Mais très vite, je me suis rendu compte que je n’avais pas le budget nécessaire pour une reconstitution aussi précise que je le souhaitais. En repérages, avec Michel Barthélémy, le chef décorateur, nous trouvions des décors intéressants mais qui nécessitaient des interventions trop onéreuses. Et un jour, j’ai eu l’idée de passer nos photos de repérages en noir et blanc. Miraculeusement tous nos décors fonctionnaient parfaitement et grâce au noir et blanc nous gagnions paradoxalement en réalisme et en véracité, puisque toutes nos références de cette époque étaient en noir et blanc. Ce fut un choix artistique et économique difficile à faire accepter à la production, mais finalement je crois que le film y gagne beaucoup.

 

D’où est venue l’idée d’injecter des touches de couleurs à certains moments ?


Travailler en noir et blanc pour la première fois était un défi excitant, mais en même temps un crève-coeur, car ma pente naturelle m’a toujours fait pencher vers la couleur et le technicolor. Il me semblait donc difficile d’y renoncer pour certains décors et certaines scènes. Notamment pour la scène de promenade dans la nature, qui faisait référence à la peinture romantique allemande de Caspar David Friedrich. J’ai donc décidé d’utiliser la couleur comme un élément de mise en scène et de l’intégrer aux scènes de "flash back", de mensonges ou de bonheur, comme si la vie revenait soudain dans cette période de deuil, et tel le sang qui coule dans les veines, la couleur viendrait irriguer les plans en noir et blanc du film.

Où avez-vous tourné la partie allemande ?


Nous avons tourné en plein centre de l’Allemagne, à environ 200 kilomètres de Berlin, à Quedlinburg et à Wernigerode pour la petite ville - et à Görlitz, à la frontière polonaise, pour le cimetière. En fait, ce sont des lieux de l’ex-RDA qui sont presque restés dans leur jus et n’ont pas été trop détruits ou trop rénovés au contraire des villes de l’Ouest.


Comment avez-vous trouvé Paula Beer ?


J’ai fait un casting en Allemagne, rencontré beaucoup de jeunes comédiennes. Dès que j’ai vu Paula, j’ai trouvé qu’elle avait quelque chose de mutin et en même temps de très mélancolique. Elle était très jeune, 20 ans, mais il y avait une maturité dans son jeu. Elle pouvait à la fois incarner l’innocence d’une jeune fille et la force d’une femme. Sa palette de jeu est très large, elle incarne tout de suite les choses et puis elle a une photogénie incroyable.

 

Frantz - Paula Beer

 

Paula Beer

 

Et le choix de Pierre Niney ?


J’avais remarqué sa vivacité et son charme lunaire dans J’aime regarder les filles. Et je l’avais également apprécié au théâtre, à la Comédie Française, et dans le rôle d’Yves Saint-Laurent. Pierre est un grand acteur de composition, capable de jouer sur plusieurs registres, notamment la comédie dont il a naturellement le rythme, mais il est aussi à l’aise dans un registre plus dramatique et tourmenté, ce qui était important pour incarner Adrien. Il a aussi cette qualité, que peu d’acteurs masculins ont à son âge, de ne pas avoir peur de mettre en avant sa féminité, sa fragilité, ses failles jusque dans sa voix et dans sa manière de bouger.

 

Comment avez vous choisi les parents allemands ?


J’avais repéré Ernst Stötzner, qui joue le père, dans un film d’Hans-Christian Schmid. J’aime beaucoup son visage et l’autorité naturelle qu’il dégage dans sa prestance et sa voix. Avec sa barbe blanche, il représente la loi, la rigueur et la sévérité allemande. En le voyant en noir et blanc, j’avais l’impression parfois d’avoir en face de moi un acteur de Dreyer ou Max von Sydow dans un film de Bergman.
Pour le rôle de la mère il me fallait, pour compenser la droiture et la raideur du père, une actrice aux antipodes, qui puisse dégager une chaleur maternelle, plus humaine, plus latine. Marie Gruber a été une vraie révélation lors du casting, j’aid’abord aimé sa voix, puis son humanité, son tempérament et son regard, qui me faisaient penser à Giulietta Masina.

 

Et Johann von Bülow dans le rôle de Kreutz ?


Il a le rôle ingrat du "méchant" du film. Il représente cette petite bourgeoisie allemande nationaliste qui se sent humiliée et rêve de revanche. En même temps, il est amoureux d’Anna et il souffre de son rejet. Johann était parfait, car il a une grande finesse de jeu et d’ambiguïté pour amener ces deux choses à la fois, sans tomber dans la caricature.

 

Et pour jouer la mère d’Adrien ?


Je voulais une très belle femme pour incarner cette femme aristocratique, qui a un côté araignée et mère castratrice. On sent qu’elle a tissé sa toile, qu’elle manipule son entourage, qu’elle n’est dupe de rien et qu’elle veut garder à tout prix son fils pour elle, l’éloigner de l’"Allemande". Cyrielle Clair était parfaite pour incarner, sous une élégance naturelle et une froideur apparente, l’aspect monstrueux de cette mère incestueuse.

 

Fanny, la fiancée d’Adrien a un petit côté suffragette…


Fanny est un personnage ambigu, on ne sait pas sur quel pied danser avec elle. Sous des apparences de fragilité et d’amabilité, elle sait ce qu’elle veut : garder elle aussi Adrien. Elle a du caractère, elle est habillée, coiffée de façon beaucoup plus moderne, très garçonne. Face à elle, Anna se sent comme une campagnarde, encore plus étrangère, renvoyée à son côté "petite Allemande". Le film s’est construit beaucoup en miroir, il joue sur les contrastes entre Anna et Fanny, la France et l’Allemagne, la maison de Frantz et le château d’Adrien, les chants patriotiques des deux pays, etc…

 

Et la musique de Philippe Rombi ?


Tout le début du film, il y a une austérité, aussi bien dans la mise en scène que dans l’utilisation de la musique, très peu présente et discrète, jouant sur des tensions dramatiques. Peu à peu, le romanesque arrive, avec l’histoire d’amour qui naît, les espoirs d’Anna, puis ses désillusions. La musique suit son trajet, avec de rares bouffées de romantisme dans l’esprit des compositeurs de l’époque comme Mahler et Debussy.

 

Et le prénom Frantz qui donne son titre au film ?


C’est venu naturellement, tel un écho, qui sonne comme France…
En allemand, le prénom s’écrit sans "t", c’est une faute très française qui amusait et charmait les Allemands, ce qui m’a encouragé à ne pas la corriger. Je me suis raconté que c’était Frantz qui avait rajouté ce "t ", car il est un grand francophile.

 

À la fin du film, Anna perpétue le mensonge pour protéger les parents de Frantz mais elle en a fini avec les faux semblants et accède à cette autre forme de mensonge qu’est l’art en contemplant Le Suicidé de Manet…


Il était important pour moi de terminer sur ce tableau. L’art est aussi un mensonge, un moyen de supporter la souffrance. Mais c’est un mensonge plus noble, virtuel, qui peut nous aider à vivre.
Dans la pièce de Rostand, on parle d’un tableau de Courbet, avec un garçon à la tête renversée en arrière. J’ai cherché dans les peintures de Courbet, mais je n’ai trouvé que des oeuvres trop romantiques, qui n’étaient pas assez violentes à mon goût. Et puis, en faisant des recherches sur des représentations de morts, je suis tombé sur ce tableau très méconnu de Manet, "Le Suicidé", d’une modernité incroyable. Après l’avoir montré en noir et blanc, je tenais à le révéler dans toutes ses couleurs, particulièrement le rouge du sang, qui tache la chemise blanche du suicidé. Brusquement, il prend toute sa force et sa puissance et il permet de se remémorer tout le drame qui s’est joué, de repenser à Frantz et à Adrien.
Et à toute cette époque morbide de l’après-guerre, avec deux millions de morts en France et trois millions en Allemagne, dont les survivants sont rentrés mutilés, traumatisés, tentés par le suicide.
Pour moi, ce poids de l’Histoire était très important, il fallait qu’Anna se retrouve face à ce tableau qui y fait écho – même si, en réalité, ce tableau datant de 1881 évoque un acte passionnel. Enfin les choses sont claires, à distance, projetées devant elle.

 

"Il me donne envie de vivre", dit Anna en le regardant…


J’aime ce paradoxe : face à ce tableau d’un suicidé, elle a enfin traversé le miroir, malgré la guerre, les drames, les morts, les mensonges… Elle a grandi, surmonté des épreuves, parcouru un long trajet et acquis une grande force. À travers Frantz et Adrien, elle a fait le deuil d’un amour perdu et le deuil d’un amour fantasmé. Peut-être sera-t-elle maintenant capable d’aimer et de rencontrer la bonne personne.

 

Pour lire la suite, cliquez ici.

 

Frantz - Paula Beer

Mon opinion

 

François Ozon avait "envie de jouer sur des thématiques classiques du mélodrame comme l’idée de la culpabilité et du pardon pour ensuite bifurquer sur une désynchronisation des sentiments."

 

Son scénario parfaitement écrit est astucieux, inattendu et d'une grande dextérité. La mise en scène est tout aussi parfaite. Il est aisé de se laisser porter par cette histoire qui entraîne le spectateur vers différentes voies, et autant de questionnements jusqu'à la toute fin du film.

 

La réalisation, d'une grande justesse, fait preuve d'une maîtrise absolue.

 

Un autre point fort, un casting remarquable tant au niveau des acteurs allemands que français. Dans une simple participation Cyrielle Clair est parfaite "sous une élégance naturelle et une froideur apparente et l’aspect monstrueux de cette mère incestueuse" tel est son rôle défini par le réalisateur. L'excellent Pierre Niney, incarne son fils, jeune homme tourmenté, étouffé par la culpabilité.

 

Largement mérité le prix Marcello Mastroianni du meilleur jeune espoir pour Paula Beer, à la Mostra 2016. Une magnifique révélation. Avec son incroyable charisme et ce talent certain, elle émeut du tout début à la dernière image.

 

Frantz est un très beau film, fort et émouvant.

12 septembre 2016 1 12 /09 /septembre /2016 22:33

 

Date de sortie 24 août 2016

 

Mimosas, la voie de l’Atlas (Mimosas)


Réalisé par Oliver Laxe


Avec Ahmed Hammoud, Mohamed Shakib Ben Omar, Said Aagli,

Ikram Zelaoui, Hamid Fargad, Abdelatif Hwidar, Younisos


Genre Drame

 

Titre original Mimosas


Production Espagnole, Marocaine, Française, Qatarienne

 

Synopsis

 

Une caravane accompagne un cheik âgé et mourant à travers le Haut Atlas marocain. Sa dernière volonté est d'être enterré à côté de ses proches. Mais la mort n'attend pas.

 

Craignant la montagne, les caravaniers refusent de transporter le corps. Saïd (Said Aagli) et Ahmed (Ahmed Hammoud), deux vauriens voyageant avec la caravane, promettent de porter la dépouille à destination. Mais connaissent-ils le chemin ?


Dans un monde parallèle, Shakib (Mohamed Shakib Ben Omar) est désigné pour partir dans la montagne avec une mission : aider ces caravaniers de fortune.

 

Oliver Laxe habite et travaille au Maroc. Il est l’un des fondateurs de Zeitun Films.


Son premier long métrage, Vous êtes tous des capitaines a été sélectionné à la Quinzaine des
Réalisateurs au Festival de Cannes 2010, où il a reçu le Prix FIPRESCI.


Mimosas, remporte le Grand Prix de la Semaine de la Critique au Festival de Cannes 2016.

 

Entretien avec le réalsateur relevé dans le dossier de presse.

Le premier plan de votre film représente une peinture sur un mur. On voit un fort, un endroit qui semble magique, un eden. Est-ce Sijilmassa ?


Mimosas, la voie de l’Atlas (Mimosas) Sijilmassa représente dans le film une province personnelle, imaginaire. Ce plan introduit l’esprit du film qu’on va voir : il y a l’épique, avec les montagnes, les châteaux, les cascades... mais il y a surtout le passage d’un monde à un autre : le son direct de la rue avec les voitures s’efface peu à peu derrière le son d’un vent qui nous transporte ailleurs, qui nous invite dans le conte.


Comment présentez-vous Sijilmassa à ceux qui n’en ont jamais entendu parler ?


Sijilmassa est une très importante ville commerçante ancienne située aux portes du désert du Maghreb, dont il ne reste aujourd’hui que des ruines. Mais un autre lieu aurait pu fonctionner :  les personnages du film ne se déplacent pas seulement sur un plan géographique, mais aussi métaphysique. Il y a le passage d’un récit épique à un récit mystique, les personnages ne parviennent pas à Sijilmassa même, mais à un Sijilmassa intérieur.


Votre film, à la fois épique, réaliste, organique, est aussi mystique.
Le voyez-vous comme un conte ?


Oui, d’un côté il y a un récit épique en extérieur, une caravane qui traverse les dangereuses montagnes de l’Atlas, de l’autre un récit épique intérieur. Ce sont deux épopées qui travaillent en parallèle et se nourrissent entre elles, ce qui demande aux spectateurs qui en ressentent le besoin de porter leur regard au-delà des apparences.

Devant Mimosas, on peut aussi tout simplement goûter au seul plaisir de l’aventure, des embuscades…, il n’est pas nécessaire d’aller trop loin. Mimosas fait aussi partie de la tradition du roman de chevalerie. La quête du graal est un archétype qui symbolise la quête de sens de l’homme dans l’éternité.

 

Qui sont les hommes qu’on voit aux côtés du cheikh, Ahmed et Saïd ?
Qu’est-ce qui les motive, au fond, à faire un voyage si risqué ?


Il fut un temps où existait dans le Haut Atlas un système de transport de caravanes très sophistiqué. Quand on traversait la région d’une tribu, on lui payait une dime pour être protégé et accompagné jusqu’à la région suivante. Les caravanes étaient ainsi formées de gens de différents tissus sociaux, avec des valeurs et des objectifs différents. Ahmed et Saïd sont des survivants, des petits voyous qui font ce qu’ils peuvent pour améliorer leur existence. C’est un archétype très présent au Maroc, et aussi chez moi en Espagne. C’est même une figure importante d’un genre littéraire, la “picaresca”, avec des romans très amusants de l’âge d’or de la littérature espagnole du XVIème  et XVIIème siécle. Les “picaros” sont des personnages qui attirent toujours notre sympathie, il veulent transcender leur condition mais reviennent toujours inexorablement à la case départ. Au début, Saïd et Ahmed cherchent une occasion de voler la famille du Cheikh, mais quand Ahmed entend que les guides s’arrêtent et que la famille a besoin de quelqu’un pour porter le corps du Cheikh vers Sijilmassa, il y voit une chance, même s’il ne connaît pas la route de Sijilmassa.

 

Mimosas, la voie de l’Atlas - Ahmed Hammoud et Mohamed Shakib Ben Omar

 

Mohamed Shakib Ben Omar et Ahmed Hammoud

Il me semble que la question métaphorique du film est posée dès le tout début :
"Faut-il croire la parole du Cheikh, ou faut-il se méfier de la montagne ? "


Oui. Faut-il emprunter le chemin facile de la plaine et tenir des discours faciles pour le spectateur, ou plutôt traverser des montagnes ténébreuses, le monde irrationnel des formes spirituelles ? Le monde spirituel est un monde difficile à comprendre, il ne suit pas les lois de notre logique. L’être humain essaie de le comprendre depuis des siècles mais n’y parvient que partiellement. À ce moment du film, il y a des caravaniers qui ne croient pas trop aux paroles du maître, et il y en a d’autres qui peut-être ne les comprennent pas non plus, mais qui sentent qu’ils doivent le suivre, qui ont foi en lui. C’est ce qui se produit souvent : le maître questionne la logique et invite à lire le monde avec un niveau de connaissance et de perception différent. Le film met le spectateur face à ce problème, en l’invitant à se laisser porter par le zigzag des sentiers.

 

Vous installez assez vite, en parallèle à la caravane qui accompagne le vieux cheikh mourant, un autre lieu, une autre situation : une place publique, des taxis, des hommes qui semblent attendre chaque jour du travail… Si ce sont là deux mondes parallèles, qu’est-ce qui les relie malgré tout ?


Ce sont des images très archétypales, parler des intentions derrière peut revenir à nier le pouvoir de ces images et du cinéma. Tout au long de la création de Mimosas, j’avais un aphorisme de Cioran en tête : "entre l’exigence d’être clair et la tentation d’être obscur, impossible de décider laquelle mérite le plus d’égards". On a la responsabilité d’être clair avec le spectateur, c’est certain, mais parfois cette responsabilité est de l’emmener vers l’obscur et l’étrange, en provoquant une sorte de stupéfaction chez lui. Pour moi ce sont deux mondes parallèles qui se frôlent. Et pour simplifier, disons que l’un est le monde de l’âme. Je pense que c’est une question essentielle que, d’une manière plus ou moins consciente, beaucoup de cinéastes se posent : comment faire pour exprimer ce monde de l’âme au cinéma ? Cela peut se faire, je crois, en créant des paradoxes. Et c’est, je crois, dans la géométrie des images des taxis que se transmet, paradoxalement, la sensation la plus claire possible de ce monde de l’âme. Ils sont plus que des taxis. Je crois que le spectateur ressent à la fin que ces taxis sont d’abord des entités chargées d’une énergie étrange et lointaine.

 

Qui est Shakib pour vous : un innocent, un idiot, un ange, un saint ?


A la fois tous et aucun. Comme personnage de saint, j’aime beaucoup le Ginoprio de “Les 11 Fioretti de François d’Assise”, ce superbe film de Rossellini. Shakib est un peu comme Ginoprio, dans le détachement aussi. Un ange ? Peut-être, mais si c’est un ange, il est très humanisé, car Shakib n’a pas toutes les clefs du voyage, c’est un ange un peu maladroit. Un idiot sage, aussi. Et sa condition "d’idiot" lui confère une légitimité aux yeux des sceptiques, car même si ce qu’il dit ne semble pas sans logique, en réalité ça l’est. "Tu dois avoir la foi", dit-il à Ahmed, quand la caravane traverse les gorges des montagnes de l’Atlas à la recherche d’un passage. "Si les mules ne peuvent pas passer, elles voleront", ajoute-t-il. Pour Shakib, il y a toujours une solution, même si elle est folle ou tient du miracle. L’acceptation positive des problèmes est une forme de foi.

 

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Mais si ses mots nous parlent de la foi, c’est d’abord sa détermination, sa grâce et son innocence qui transmettent l’idée, ou plutôt la sensation, de ce qu’est la foi. En tout cas, c’est son innocence qui ouvre le coeur d’Ahmed et lui rappelle que l’être humain est bon.

Et Ahmed a besoin de ça.

Les personnages de Shakib, Ahmed, Saïd, ou Ikram sont joués par des acteurs qui portent les mêmes prénoms qu’eux. Pourquoi ce choix de comédiens amateurs ?


Je suis accoutumé au travail avec des non-professionnels qui sont presque eux-mêmes à l’écran. En apparence ici, ils sont en représentation, mais en apparence seulement. Si j’ai choisi de travailler avec Shakib Ben Omar, c’est pour l’innocence qu’il a dans la vraie vie, elle est quelque chose que le cinéma ne peut pas inventer. Ahmed Hamoud, lui, a un silence et une cicatrice dans le regard qui en fait un homme déçu par la vie. De Saïd je cherchais l’éthique qui transparaît dans tous ses gestes, dans sa présence, dans le ton de sa voix.

 

Vous avez divisé Mimosas en trois temps : le Ruku, le Qiyam, le Sajdah.
A quoi correspondent ces trois moments ?


Ce sont trois moments de la prière musulmane. Pour moi l’art est très lié au sacré, c’est une sorte de prière. Je sais que ce sont des temps difficiles pour parler de la tradition, alors que paradoxalement l’avant-garde l’a toujours fait. Par réaction, j’ai essayé d’aller à l’essentiel, tant dans la narration que dans la construction des images. Le résultat est, je crois, que Mimosas est un film ouvert, qui peut parler à des publics de différentes cultures et idéologies. C’est un film  "déterritorialisé"», dans un sens positif. Mimosas est un "western religieux", car le sens étymologique du mot “religion” est bien de "relier". Ces trois temps correspondent un peu aux trois actes de la dramaturgie classique : exposition, noeud, dénouement. Sajdah est le moment où Ahmed passe un certain cap. Quand Saïd meurt et après sa dispute avec Shakib, Ahmed touche le fond. On est proche du climax, qui est une sorte de prosternation totale du personnage, ce moment où rien ne dépend plus réellement de lui.

 

Pourquoi ce titre, Mimosas ? Le film s’est-il toujours intitulé ainsi ?


Cet entre-deux-mondes avec les taxis était initialement un café avec de faux guides touristiques, des dealers et des petits voyous de Tanger, qui a pour nom Las Mimosas. Mais pour des questions de production, on n’a pas pu y tourner, mais le nom est quand même resté. Puis l’idée d’avoir un titre qui en apparence n’a pas de sens nous a plu, quand aujourd’hui tout doit avoir du sens.
 

Très vite, le film s’enfonce dans le désert puis dans la montagne.
Cette montagne, c’est la matière du film ?


Oui, la montagne est tout : la voie et les obstacles. Mais j’ai essayé que la confrontation des personnages avec la nature ne soit pas romantique. Ils ne sont pas en quête de sens face à la nature, ni frustrés, ni perdus par un manque de sens. Ils acceptent les obstacles. L’etymologie d’ "Islam” est “abandon”, l’abandon au chemin : tout ce qui est sur le chemin est parfait. Saïd dit clairement à Ahmed à la fin de leur trajet : “on est en train de faire quelque chose d’important”, même s’ils ne sont pas vraiment capables d’identifier quoi.

 

Mimosas la voie de l'Atals (Mimosas)

Où avez-vous tourné ? Dans quelles conditions ? Faire un film dans les montagnes du Haut- Atlas suppose une organisation différente ?


Ce fut une expérience très dure. Avant le tournage, c’était un sujet de débat avec mes producteurs, qui me conseillaient des lieux moins inaccessibles, au moins des lieux auxquels on pouvait accéder autrement qu’à dos de mulets! Par exemple, le deuxième jour on n’a rien pu tourner car les gros camions de la production sont restés bloqués sur un petit pont que la production locale n’avait pas mesuré. On n’avait que 5 semaines de tournage pour un scénario qui en exigeait 7 ou 8... À ce moment-là, nous avons pensé qu’il serait impossible de faire le film, d’autant que d’autres aléas intervenaient. Mais je cherchais plus ou moins consciemment un peu ces problèmes, arriver au point où le film se fait de lui-même, où il me dépasse, car le cinéma est un art de la soumission. S’il n’y a pas de soumission, il n’y a pas de cinéma, je crois. Je pense qu’on calcule tellement tout dans nos films qu’à la fin ils se ressemblent les uns les autres. Il fallait arriver au point où l’on s’abandonne aux éléments. Mais c’est facile à dire maintenant, ou avant le tournage, car pendant c’était vraiment dur. Les déplacements des équipes et du matériel en mulets, les campements dans les montagnes....


Quels dangers recouvre le Sahara aujourd’hui ?


Un désert sans dangers n’est pas un désert. Vivre le désert, c’est le subir.

 

Comment faire en sorte, face à un tel paysage, d’éviter la carte postale ?


Je n’avais pas cette crainte, je cherchais la beauté sans restrictions. On aime les beaux paysages, pourquoi les éviter ? Pour moi le principal danger à éviter était plutôt le romantisme qu’il y a dans les films contemporains où le personnage fait face à une nature indomptable. Je voulais que mes personnages soient dans l’acceptation, sentir le bruit de leurs pas dans les rochers, la neige ou l’eau. Le choix le plus important fut d’assumer, au montage, que la nature n’est dans le film qu’un décor. On a sacrifié des plans de paysages plus spectaculaires, un choix difficile. Alors oui, il y a bien des moments où l’on sent l’effort de l’homme qui se fond dans la nature, en lutte ou en harmonie avec elle, une musique se crée alors avec leurs pas. Mais c’est très ponctuel. La nature est d’abord un paysage, et c’est suffisant comme ça. D’autant qu’à mon sens mes personnages sont à son échelle : naturels et aussi grands que les montagnes.

 

Aviez-vous en tête des modèles de cinéastes : Pasolini ? Herzog ?


Pasolini bien sûr, même si sa recherche de beauté est plus directe que la mienne; l’attitude d’Herzog, très présente; la foi de Tarkovski comme celle d’Andrei Roublev, le goût du cinéma indépendant des années 70 de Monte Hellman (le personnage de Macadam à deux voies garde le même silence qu’Ahmed); quelques westerns de John Ford comme La patrouille perdue, où l’on ne voit jamais les brigands... Et bien évidemment Bresson : l’arc dramatique d’Ahmed commence avec le refus de s’offrir au spectateur, comme dans les films du maître français, pour finir avec une illumination / rédemption finale, et là je pense à Pickpocket par exemple. Mais le film qui a eu la plus grande influence est “L’île nue” de Kaneto Shindo, film japonais de 1966 où l’on expérimente la douce soumission d’une famille qui vit sur une île inhabitée et sans eau potable. On expérimente les relations d’harmonie et d’antagonisme entre les éléments et eux, comme je le désirais dans Mimosas.

Avec quelle caméra avez-vous tourné ? Comment avez-vous travaillé avec votre chef opérateur Mauro Herce, qui est aussi cinéaste ?


Nous avons tourné en super 16, avec une Arri 416. Mauro et moi avons eu du mal à trouver le même tempo de travail, lui est très calculateur et “control freak”, il est très perfectionniste. Moi je suis plus nerveux et je cherche plus l’accident, plutôt la perte de contrôle, justement. J’aurais presque aimé tenter plus d’imperfections, comme la séquence des taxis, tournée dans un très beau chaos. Et c’est précisement ça qui donne à ces images quelque chose de différent. Elles sont habitées par quelque chose qui n’appartient ni à Mauro ni à moi.

 

Vous avez choisi une fin ouverte : des taxis roulent sous le son d’un morceau de Om : Sinai . Ce morceau, moderne, s’ouvre sur un talbiya, le chant du haji, le pèlerinage à la Mecque, où celui qui le chante fait allégeance à Dieu. Ce choix symbolise-t-il une position qui est la vôtre : dans la modernité tout en vous intéressant de près à la religion ?


Oui, la tradition m’intéresse beaucoup. On n’est pas encore certains de pouvoir vivre sans se projeter dans quelque chose de plus complexe que nous, et il y a une nouvelle génération de créateurs, décomplexée sur le sujet de la religion, qui fait la distinction entre le geste religieux et l’institution religieuse. Donc nous n’avons pas cette crainte de différencier foi, religion et spiritualité. Mais ce sont encore des temps difficiles pour parler de la tradition : bien que des cinéastes parmi les plus importants aient fait des films plus ou moins directement religieux, aujourd’hui de tels films semblent compliqués à produire.


J’essaie de mon côté d’avoir une foi plus forte, de considérer que le monde est bien fait, qu’il a un sens. J’essaie de m’abandonner à ça, avec détachement. Comme Ahmed, j’essaie aussi de me fier à mon intuition, à mon flair, même s’il peut mentir. Je confronte le spectateur à ça : il va devoir s’en remettre à son intuition, se faire confiance à lui-même.

 

Mimosas, la voie de l’Atlas - Ahmed Hammoud et Said Aagli

Mon opinion

 

Le jeune réalisateur, a déclaré "La nature est d’abord un paysage, et c’est suffisant comme ça. D’autant qu’à mon sens mes personnages sont à son échelle : naturels et aussi grands que les montagnes." La photographie magnifie ces paysages de l'Atlas. C'est exact.

 

Pour le reste, l'ennui a été total. À aucun moment je n'ai été intéressé par ce scénario un rien prétentieux, une réalisation chaotique et des comédiens non professionnels. Que le réalisateur soit rassuré. Ce dernier point est très visible et gênant.

 

Je regrette le trajet, le prix de la place et le temps perdu.

10 septembre 2016 6 10 /09 /septembre /2016 10:15

 

Date de sortie 7 septembre 2016

 

Comancheria


Réalisé par David Mackenzie


Avec Chris Pine, Ben Foster

Jeff Bridges, Gil Birmingham, Marin Ireland, Katy Mixon

 

Titre original Hell Or High Water


Genres Western, Thriller, Drame


Production Américaine

 

Synopsis

 

Après la mort de leur mère, deux frères organisent une série de braquages, visant uniquement les agences d’une même banque.

 

Ils n’ont que quelques jours pour éviter la saisie de leur propriété familiale, et comptent rembourser la banque avec son propre argent.

 

À leurs trousses, un ranger bientôt à la retraite et son adjoint, bien décidés à les arrêter.

 

Comancheria - Ben Foster et Chris Pine

 

Ben Foster et Chris Pine

Propos d'interview avec le réalisateur du 16 mai 2016

Relevés sur http://www.festival-cannes.com

 

Le cinéaste écossais David Mackenzie ne boude pas son enthousiasme après s'être lancé dans la réalisation de ce road-movie picaresque, présenté à Cannes 2016 dans la catégorie un Certain Regard.

 

Racontez-nous la genèse de votre film.

 

Lire un scénario que vous sentez vraiment et qui semble coller exactement à ce que vous voulez faire, c'est très rare. Ma réaction a été immédiate quand je suis tombé sur le scénario de Taylor Sheridan. J'étais conquis par la poésie et l'empathie des personnages, l'atmosphère du paysage, la compréhension des gens et des lieux. J'ai adoré la connexion avec les grands films américains du passé et les riches thématiques liées à l'Amérique d'aujourd'hui.

 

L'atmosphère du tournage ? Une anecdote de plateau ?

 

Je crois que dans le film tout se joue quand la caméra tourne. Je pense qu'il faut considérer ces moments de tournage comme des espaces de création uniques. C'est très intuitif, j'aime qu'il y ait un peu de chaos et d'improvisation sur le plateau et je déteste l'inertie des tournages à l'ancienne.

 

C'est le sixième film que je fais avec Giles Nuttgens. (Directeur de la photo). Gilles filme également et il est quasiment surhumain en termes de créativité et d'endurance. La plupart de nos films ont été faits sous le temps changeant de l'Écosse, ce fut donc une joie d'être dans le désert inondé du soleil du Nouveau-Mexique.

 

J'essaie de tourner vite et intuitivement et de monter dans la foulée. Le monteur Jake Roberts a fait mes trois derniers films de cette façon et je pense que c'est une méthode que je vais toujours adopter. Cela donne une grande intensité au processus, encourage tout le monde et montre les problèmes en amont. Je n'ai pas utilisé de clap sur le tournage de mes trois derniers films car ils marquent une frontière trop dure entre "on tourne" et "on ne tourne pas", presque comme un bouton on/off, et je préfère garder les énergies vers le haut.

 

Je n'ai pas de moniteurs sauf un tout petit car je pense que l'on devrait regarder devant soi. Je ne suis pas très à l'aise avec le "village" vidéo" de moniteurs qui semble être devenu la norme. Pour moi, c'est un vrai fléau de l'industrie du film moderne, qui conduit les gens à s'assoir et à trouver refuge derrière les écrans.

 

Comancheria - Chris Pine

Chris Pine

 

Quelques mots sur vos interprètes ?

 

Le tournage s'est divisé en deux parties. Pour la première partie, nous étions avec les hors-la-loi joués par Chris Pine et Ben Foster. Nous avions très  peu de temps pour filmer Chris qui avait un autre tournage et nous avons donc filmé très vite et intensément. Ben et Chris ont complètement habité leur rôle de cowboy.

 

Jeff Bridges et Gil Birmingham sont arrivés un jour avant le départ de Chris et après la brève transition de la scène finale du film entre Chris et Jeff, nous avons mis l'emphase sur les hommes de loi.

 

Vos sources d'inspiration ?

 

Les autres films, mais aussi l'art, la photo et la littérature. J'aime m'immerger dans le monde que j'essaie de décrire. Pour ce projet, c'est une immersion (images, histoires et sons) dans l'ambiance du Midwest des États-Unis. La musique country tourne en boucle dans ma tête depuis un an.

 

Comancheria - Gil Birmingham et Jeff Bridges

 

Gil Birmingham et Jeff Bridges

Mon opinion

 

"La musique country tourne en boucle dans ma tête depuis un an." a déclaré le réalisateur. Résultat une excellente bande-son qui, d'emblée, nous plonge dans ce Midwest des États-Unis.

 

Le scénario de Taylor Sheridan est parfaitement écrit et oscille entre humour et gravité pour ce thriller d'un genre particulier. Il s'appuie sur l'histoire du Texas, celle des  Comanches et le rôle peu reluisant des banques face aux intérêts liés au pétrole au détriment des éleveurs.

 

Plus essentiellement il sera question des rapports entre deux frères, que tout oppose, et la touchante paternité de l'un d'eux. Ce dernier ira jusqu'au bout pour rompre avec un certain passé, et restera farouchement déterminé dans sa lutte, pour assurer un avenir confortable à ses deux fils.

 

Pour la sixième fois, David Mackenzie collabore avec Gilles Nuttgens. La photographie est magnifique.

 

Le casting, une autre belle réussite du film, à la tête duquel Chris Pine et Ben Foster font merveille.

5 septembre 2016 1 05 /09 /septembre /2016 19:48

 

Date de sortie 31 août 2016

 

Divines


Réalisé par Houda Benyamina


Avec Oulaya Amamra, Déborah Lukumuena, Kevin Mischel,

Jisca Kalvanda, Yasin Houicha, Majdouline Idrissi

 

Genre Drame


Production Française

 

Synopsis

 

Dans un ghetto où se côtoient trafics et religion, Dounia (Oulaya Amamra) a soif de pouvoir et de réussite. Soutenue par Maimouna (Déborah Lukumuena), sa meilleure amie, elle décide de suivre les traces de Rebecca (Jisca Kalvanda), une dealeuse respectée. Sa rencontre avec Djigui (Kevin Mischel), un jeune danseur troublant de sensualité, va bouleverser son quotidien.

 

Entretien avec la réalisatrice relevé dans le dossier de presse.

 

Houda Benyamina est une réalisatrice engagée et autodidacte. Diplômée de l’ERAC (École Régionale d’Acteurs de Cannes), elle se forme à la réalisation grâce à l’association 1000 Visages, qu’elle a fondé en 2006 pour démocratiser le cinéma. C’est avec cette structure qu’elle réalise son premier court-métrage Ma poubelle géante en 2008, grâce auquel la repère son producteur Marc-Benoit Créancier. Son moyen-métrage Sur la route du paradis réalisé en 2012, a été primé dans de nombreux festivals.


Avec Divines, Houda est lauréate du Groupe Ouest et de la fondation Gan pour le cinéma en 2014.

 

Divines Caméra d'or au Festival de Cannes 2016.

 

Divines - Caméra d'or - Festival de Cannes 2016

 

Houda Benyamina et Willem Dafoe  Photo © Alberto Pizzoli / AFP

Divines César 2017.

 

- Meilleur premier film :  Houda Benyamina

- Meilleur espoir féminin : Oulaya Amamra

- Meilleur second rôle féminin : Déborah Lukumuena

Depuis quand ressens-tu que ce film est en toi ?


Mon besoin de créer vient toujours d’un sentiment d’injustice. À l’origine du film, il y a eu les émeutes de 2005, que j’ai vécue de l’intérieur. J’ai raisonné mes proches, mais j’avais moi aussi envie de sortir et de tout défoncer. Je me suis ensuite demandée pourquoi cette colère n’avait pas abouti à une véritable révolte. Au final, il n’y a pas eu de revendications, les jeunes ont brûlé des voitures en bas de chez eux et ne sont pas sortis du périmètre dans lequel ils étaient cantonnés, faute de la maîtrise du verbe, faute d’intelligentsia. Il y a dans l’histoire les fantômes de Zyed et Bouna, et des humiliés de notre société. Je ne dirais pas pour autant que Divines est un film de révolte. C’est un constat.
Pendant le montage financier du film, on nous a souvent servi "on ne va pas vous aider, il y a déjà trop eu de films de banlieue." Ça ne veut rien dire, "un film de banlieue". On ne dit jamais par exemple "il y a déjà trop eu de films qui se passent à Paris." J’ai tenu, parce que c’est un fait, à ce que la diversité ne soit pas un événement dans mon histoire, et qu’elle soit universelle. Je parle de gens en prise avec leurs émotions et qui font avec les moyens du bord.
J’ai voulu donner chair à cette jeunesse trop souvent stéréotypée et méconnue, dans toute son humanité, belle et laide. Divines est une tragédie, mais l’humour et la vie sont au centre du film, que je voulais lumineux.
Je rêvais aussi d’un film en mouvement. C’était le principal pour moi : explorer ma liberté artistique, obtenir une forme organique. Organique, c’est à dire être dans le
cœur et la vérité, pas dans l’intellect. Je ne cherche pas à être didactique, ça ne m’intéresse pas. La parole peut mentir, pas le corps, et je voulais partir des corps.

 

Dounia, le personnage principal, se réinvente tout le temps dans Divines. Comment as-tu écrit ce personnage ?


Avec Dounia, je voulais créer un monstre, et ce terme n’a rien de péjoratif pour moi : elle est hors norme. Le fait qu’elle soit sans concessions, qu’elle porte en elle des rêves bigger than life, qu’elle ne lâche jamais, en fait quelqu’un d’extraordinaire. Je voulais qu’elle soit un héros, une inspiration. Il y a autant de moi dans Dounia, que de Romain Compingt, mon coscénariste qui a une très forte sensibilité dans son écriture. On s’est d’ailleurs glissé dans la peau de tous les personnages, en essayant de ne pas leur coller des idées et de se laisser guider par eux. Il était important que Dounia ne soit pas simplement une fille qui joue les bonhommes. Comme nous tous, elle est multiple, tour à tour féminine, masculine, fille, mère, amante, caïd, femme fatale, bourreau et victime.
Oulaya Amamra, qui interprète Dounia, est ma petite soeur. Je la forme dans mes ateliers théâtre depuis qu’elle a 12 ans, tout comme Jisca Kalvanda, qui joue Rebecca. J’ai mis très longtemps à considérer Oulaya pour le rôle, même si c’était une évidence dès le début pour Pierre-François Créancier, le directeur de casting. Je trouvais qu’elle ne dégageait pas la dureté du personnage, et qu’elle était trop jeune pour réussir un tel travail de composition. Qui plus est le tournage allait être dur, j’allais demander à l’actrice des choses extrêmement compliquées, et je craignais que cela n’abîme notre relation. Oulaya a bataillé comme une dingue pour me convaincre du contraire, en participant à tous les ateliers d’audition en tant que réplique. Elle s’est même fait virer de son lycée catholique, a arrêté la danse classique pour se mettre à la boxe ! Elle a fini par s’imposer. Il y a eu une telle fusion entre elle et le personnage qu’elle nous a permis de le faire naître totalement dans les dernières versions du scénario – elle n’était jamais très loin quand Romain et moi écrivions… En plus de sa folie et de sa puissance, elle a apporté à Dounia un sens de l’humour et une gentillesse qui étaient embryonnaires dans les précédentes étapes d’écriture.

Dès le début, Dounia dit : "Mes mains sont faites pour l’or" et des élèves chantent "Money, money, money". L’argent est un des thèmes majeurs du film ?


C’est le thème politique du film, en confrontation constante avec le thème du sacré. Dounia est plongée dans la vie d’ici-bas, Djigui, son alter ego masculin, est lui dans la vie "d’ici haut". Leurs aspirations sont universelles : la possession et l’élévation spirituelle. Je ne tiens pas à condamner l’avidité de Dounia.

 

Divines - Oulaya Amamra.

Son véritable objectif, c’est la dignité. Comme Djigui dans son art, la danse, elle est aussi à la recherche du beau. Elle dit : "Mes mains sont faites pour l’or." Pas l’argent, l’or ! On a tous droit à ce qui est inestimable.

 

 

Le film est traversé par les rêves des gens.


Exactement. Tous les personnages du film répondent finalement au même objectif, ils cherchent à s’élever, même l’Imam qui malgré ses discours n’est pas connecté à son réel. Je ne crois ni au bien ni au mal, mais à la nécessité d’apprendre : mes personnages sont en apprentissage.
La plus pure est Maimouna, la figure du sacrifice, qui porte l’amour de l’autre dans toute sa gratuité. Tout ce qu’elle veut c’est être là pour Dounia. Le véritable grand amour de l’histoire, c’est celui de ces deux filles, qui fait d’elles des êtres divins : l’amour avec un grand A, l’amour universel.

 

Comment Déborah Lukumuena (Maimouna) est arrivée jusqu’à toi ?


Nous sommes partis de Laurel et Hardy en pensant le duo de Dounia et Maimouna, dans le paradoxe des corps, avec la petite gringalette qui rêve de puissance et la plus imposante qui n’est que douceur. Pour Maimouna, j’avais envie d’une nana forte avec des formes à l’écran ! Quand j’ai vu les premiers essais de Déborah, j’ai pleuré. Je savais que c’était elle, mais je voulais tester son endurance et son engagement. Je l’ai ainsi préparée pendant neuf mois pour le rôle, sans lui dire qu’elle l’avait. C’était dur, mais elle n’a pas lâché.
J’insiste sur le fait que Déborah, Oulaya et Jisca sont des actrices, je ne me suis pas contentée de les filmer telles qu’elles, en mode reportage. Elles ont été capables de porter des rôles de composition, de jouer des émotions et des situations qu’elles n’ont pas vécues, avec humanité, un point de vue, une intelligence. Je ne saurais filmer des gens bêtes. Le plus important pour moi chez les acteurs est qu’ils soient enseignables. Kévin Mischel, qui joue Djigui, est danseur, et il s’est lancé à corps perdu dans l’art dramatique pour le rôle. Je demande à mes interprètes de me suivre à la vie à la mort, même si je les emmène droit dans le mur. Il faut qu’ils y croient quoi qu’il en coûte. C’est la base.

 

Divines  Kevin Mischel et Oulaya Amamra

 

Kevin Mischel et Oulaya Amamra

 

Dans le film, il y a des échos constants entre nous et le ciel. Pourquoi ce thème du sacré ?


L’Islam est vécu comme le grand méchant loup, l’ennemi public numéro un. Pourtant, c’est une religion de l’amour. Le film cite le Coran : "Guide nous vers le chemin de la rectitude." La rectitude, c’est justement l’aspiration de nous tirer vers le haut. Et l’élévation ne peut passer que par l’amour. Pour moi, c’est essentiel, et c’est pour ça que le film commence dans le rituel, avec cette sensation d’être dans le cosmos.
Maimouna est évidemment le personnage le plus connecté à Dieu. Dounia, elle, est dans une contradiction constante entre sa quête de spiritualité et ses ambitions. Elle n’est pas dans son réel besoin. Je trouve qu’il y a très peu de gens qui savent identifier leurs réels besoins, et qui sont capables d’aimer. C’est pourtant la seule et véritable quête.
Avec le titre, il y a une revendication très affirmée, où le divin est féminin. En vérité, pour moi Dieu est autant homme que femme. À l’origine, le film s’appelait Batarde, parce que c’est le surnom qu’on donne à Dounia, dont elle veut se débarrasser en se lançant dans le deal. Mais nommer le film ainsi aurait été réducteur, en un sens cela aurait donné raison aux détracteurs du personnage. Je veux qu’on dise des filles sur l’affiche, une noire et une arabe, qu’elles sont divines, pas des bâtardes. La thématique principale est plus large qu’une histoire de deal et d’identité, c’est effectivement le sens qu’on donne au sacré.

L’écriture aussi, a été un vrai moment de quête...


Pour paraphraser Gabin, le plus important pour moi dans ce travail c’est l’histoire, l’histoire, l’histoire. Et ensuite l’acteur qui arrive pour la porter et la transcender. Seule une écriture béton peut permettre la liberté de créer véritablement sur un tournage. Je voulais une histoire aux enjeux narratifs et thématiques puissants : il a fallu plus de trois ans pour aboutir le scénario. J’ai très vite compris qu’on ne s’improvise pas scénariste, pas plus qu’on ne devient chirurgien du jour au lendemain. Je me considère comme auteure réalisatrice, mais j’ai trop de respect pour la dramaturgie, un art complexe de maîtrise technique et émotionnelle, pour dire que c’est mon métier. Sur les conseils de mon producteur Marc-Benoît Créancier, j’ai rencontré Romain Compingt. J’avais le coeur du projet, il a apporté la science précise pour l’incarner, et je le considère comme le véritable scénariste du film. Il a su s’approprier mes thèmes, les lier à la narration, et travailler l’universalité de mon histoire. Nous n’avons eu de cesse ensuite de questionner les personnages, de déconstruire le scénario pour mieux le consolider. Nous avons formé un binôme "à l’ancienne", une véritable collaboration de réalisateur/scénariste, qui ne s’arrête pas à la mise en production du film, mais l’accompagne jusqu’à la fin. Notre dialogue a été constant, et toujours au service du sens. Pendant le tournage, Romain regardait les rushes tous les soirs, et nous en discutions. On a même statué sur la fin de l’histoire pendant que je tournais, et réécrit jusqu’au montage, au cours duquel il est intervenu ponctuellement.
Je me fous qu’une bonne idée vienne de moi, tant qu’elle est bonne. Romain et moi avons eu la chance de faire partis de la sélection annuelle 2013 de la résidence d’écriture Groupe Ouest ; nous y avons en partie développé le scénario sous la bienveillance des consultants, surtout celle de Marcel Beaulieu (brillant scénariste de Farinelli et tant d’autres), dans le cadre on ne peut plus inspirant du Finistère. Cet isolement nous a permis de nous connaître encore davantage avec Romain, et je crois que cela a bénéficié à l’écriture.

Je revendique un cinéma populaire. Je n’ai pas peur des grands sentiments et des personnages hauts en couleur. Romain croit comme moi que le cinéma est un art généreux, pas seulement réservé à une élite, et que cette optique n’empêche en rien la recherche de la subtilité, au contraire. Par l’émotion et le spectacle, on peut élever les gens et cela commence par l’écriture.

 

Divines.

Moi, je dis toujours : je respecte mes pères, mais je tue mes pères. Je respecte la Nouvelle Vague, mais je tue la Nouvelle Vague. On doit s’inspirer des anciens, leur rendre hommage même, mais il faut s’en détacher et remettre l’écriture au centre de la création en connexion avec notre temps.

 

Le cinéma pour toi, c’est une guerre ou une religion ?


Les deux. Dans le Coran, il y a un hadith que j’adore : le vrai "djihad", la plus dure des guerres, c’est celle qu’on mène contre soi-même. Comme je revendique un cinéma en mouvement, je veux que mes collaborateurs le soient aussi. J’ai été un vrai dragon sur le plateau. J’ai exigé de tous d’être comme moi animé d’un besoin viscéral de porter cette histoire, et d’avoir une exigence indestructible.
Quand tu pries, tu te laves, cela demande une rigueur et une concentration particulière. En ce sens, le cinéma est pour moi une forme de religion. Je dis toujours que je cherche Dieu en faisant mes films.


Tu as l’impression d’avoir trouvé quelque chose ?


J’ai l’impression d’avoir appris ! Si j’avais trouvé, je ne ferais pas d’autres films. Si je trouve, je meurs.

Tu as créé l’association 1000 Visages pour démocratiser le cinéma. Comment relier ton engagement et ta quête artistique ?


Je dois beaucoup à mon association, elle m’a formée aux métiers du cinéma. Je nourris mon artistique de mon engagement et mon engagement de mon artistique. Le mot d’ordre de 1000 Visages est l’entraide. Il s’agit de créer librement avec ce que nous sommes, pas ce que les gens attendent de nous. J’ai fondé l’association car je trouvais le cinéma blanc, bourgeois et misogyne. Même en sortant de grandes écoles, sans réseau c’est compliqué de s’imposer, a fortiori si vous êtes noir, arabe, et une femme pour couronner le tout. 1000 Visages a pour objectif de détecter des talents dans les quartiers, de les faire émerger en leur proposant des formations (écriture, jeu, mise en scène), des outils pour réaliser leurs projets, des préparations aux grandes écoles (le Conservatoire National, la FEMIS…), cela en créant un réseau dont ils font partis, qui favorise des rencontres avec des professionnels. Ces derniers encadrent et partagent leurs parcours. On a réussi à créer une famille qui ne cesse de grandir. Il y a une nouvelle forme artistique venant des quartiers qui est en train de s’imposer.

 

Plus sur 1000 visages, cliquez ici !

 

On voit beaucoup la précarité dans ce film. Dounia et sa mère vivent d’ailleurs dans un camp de Roms. On a l’impression qu’il y a une volonté de revenir à l’origine quand, dans les années 60, les banlieues étaient des bidonvilles.


Je suis une grande fan d’Elia Kazan, et j’adore America, America. Je voulais montrer que l’histoire se rejoue toujours. Tu te rends compte que rien n’a changé depuis les années 60 ? On est censé être un peuple intellectuel et moderne, et on laisse les gens dans une précarité terrible. Ce qu’on ne sait pas forcément, c’est qu’il n’y a pas que des Roms dans ces camps. Il y a des arabes, des noirs, des blancs… Je voulais l’incarner, être témoin de la société actuelle. La France, c’est le VIP Room qu’on voit dans le film, mais c’est aussi les bidonvilles.

 

Le visage de Dounia s’illumine quand elle rencontre Rebecca qui représente l’argent et le pouvoir. Comment est né ce personnage ?


Au début, Rebecca devait être un mec. Pendant mes recherches, j’ai rencontré Habiba, une dealeuse, et j’ai découvert que le caïd était une meuf ! Habiba est quelqu’un d’extraordinaire, d’une autorité fascinante, et je me suis beaucoup inspirée d’elle pour Rebecca.
Pendant l’écriture avec Romain, il y a eu toute la montée de l’extrême droite avec les résultats des Européennes, et nous en avons beaucoup discuté. Comment elle s’était intégrée dans le paysage politique, fait de ses idées des concepts qui ne choquent plus grand monde… Il voulait en parler, le dénoncer. Cela a nourri ma réflexion. Un jour, je l’appelle et je lui dis : c’est Rebecca le personnage politique du film ! Elle cherche le pouvoir, elle revendique le quant à soi, la possession, elle n’incarne pas des valeurs, elle prône l’individualisme et c’est comme ça qu’elle séduit. C’est ça la politique aujourd’hui.

 

Et pour une "bâtarde" comme Dounia, Rebecca devenait son père.


Sa mère de substitution, surtout. Si on me dit qu’il n’y a pas beaucoup d’hommes dans mon film, je dirais à mes confrères réalisateurs qu’il n’y a pas beaucoup de femmes dans les leurs. La recherche de la reconnaissance et du pouvoir n’est pas l’apanage des hommes.


Le thème du féminisme est extrêmement présent.


Non. Je n’ai pas fait un film féministe, j’ai fait un film humaniste.


Qu’est-ce que tu visualises pour Divines aujourd’hui ?


De l’émotion naît la réflexion… Je dis souvent que j’aurais pu poser des bombes, et que j’ai préféré poser des questions. J’espère qu’après avoir ri, pleuré, aimé avec Dounia et Maimouna, le public interrogera notre société, notre place en son sein, et surtout le rôle crucial de l’intime dans tout ça. Je souhaite que chacun questionne la nature et le sens de sa quête personnelle.

 

Divines

Mon opinion

 

Le film est à la mesure de la joie, et de l'explosion verbale, d'Houda Benyamina quand elle a reçu la Caméra d'Or au dernier Festival de Cannes.

 

Déchaîné, électrisant, passionné, pétillant, sincère, généreux et, courageux.

 

"Je rêvais aussi d’un film en mouvement. C’était le principal pour moi : explorer ma liberté artistique, obtenir une forme organique. Organique, c’est à dire être dans le cœur et la vérité, pas dans l’intellect. Je ne cherche pas à être didactique, ça ne m’intéresse pas. La parole peut mentir, pas le corps, et je voulais partir des corps." A déclaré la réalisatrice.

 

Les deux principales héroïnes sont révoltées face à leur quotidien maussade dans un environnement triste et désespérant. Un avenir sans grandes ouvertures. Si le scénario n'est pas exempt de quelques invraisemblances, celles-ci se trouvent vite gommées par une mise en scène lumineuse, inventive, avec des moments magiques. Tel ce passage quand, du plus haut des cintres d'un théâtre, Dounia et Maimouna, scrutent la chorégraphie acrobatique d'un danseur. Ou encore cette "envolée" dans une voiture imaginaire qui les transporte dans un autre univers.

 

Les dialogues sont parfois durs, souvent drôles, toujours savoureux.

 

Tout le casting est excellent avec, à sa tête, Oulaya Amamra, sœur de la réalisatrice. D'un talent absolument enthousiasmant, d'un incroyable naturel, d'une grande sensibilité, je pense aux passages avec sa mère, d'un incroyable charisme et d'une grande beauté, elle enchante du début à la toute fin du film.

 

Divines est inclassable et inoubliable.

 

Welcome

 

"Le bonheur est la chose la plus simple,

mais beaucoup s'échinent à la transformer

en travaux forcés !"

 
François Truffaut

 

 

 

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