Date de sortie 28 mai 2014
Réalisé par Daniele Luchetti
Avec Kim Rossi Stuart, Micaela Ramazzotti, Martina Friederike Gedeck,
Samuel Garofalo, Niccolò Calvagna, Angelique Cavallari
Titre orignal Anni Felici
Coproduction Italo-Française
Après Mon frère est fils unique et La nostra Vita, Daniele Luchetti affronte pour la troisième fois une histoire de famille. Dans le premier, il avait décrit la famille de quelqu’un d’autre, dans le deuxième, celle d’un de ses contemporains, mais ce n’est qu’avec ce troisième film que le réalisateur s'est rapproché progressivement de la nécessité de raconter ma propre histoire.
Synopsis
1974, Rome.
Guido (Kim Rossi Stuart) est un jeune créateur qui a grandi dans l’idée qu’un artiste devait impérativement être transgressif, dérangeant, provocateur. Mais il n’y parvient pas. Il se sent à l’étroit dans le cocon bourgeois, mais en même temps, il lui permet de vivre en paix. Guido est un artiste sans nécessité, il aime l’art, mais il n’a aucune obsession, aucun style personnel, il veut seulement participer à l’élan artistique de son époque qui lui parvient feutré, lointain, étranger. Vivant dans une famille de la classe moyenne, dans un quartier de la classe moyenne, il ne peut qu’en être exclu. Guido est un père assez infantile et égocentrique. Il aime sa famille, mais il a tendance à se renfermer sur lui-même, à se concentrer sur ses propres intérêts et besoins.
Sa famille est sa limite ou son alibi ? Elle est la cause de sa médiocrité en tant qu’artiste ou la justification de son insuccès ? À force de désirer être anticonformiste, n’en devient-il pas conformiste ?
Sa femme Serena (Micaela Ramazzotti), est son point d’ancrage, son alibi et le corps auquel il appartient. Il l’aime sans le savoir, il a besoin d’elle sans réussir à l’accepter. Serena est issue de la petite bourgeoisie romaine, pour laquelle l’affection et le contrôle permanent des enfants sont considérés comme une chose normale. Sa famille n’est pas une famille unie, c’est une famille "collante". Serena considère qu’il est normal qu’elle soit le plus proche possible de Guido. Mais plus elle lui est proche, plus il se sent prisonnier de son affection. Serena n’aime pas particulièrement l’art, mais elle aime passionnément l’artiste. Elle a du mal à accepter son art et surtout son intérêt pour ses modèles...
Et puis il y a les enfants, Dario (Samuel Garofalo) et Paolo (Niccolò Calvagna), âges de 10 et 5 ans. Comme c’était le cas dans les années 70, ils sont toujours avec leurs parents et assistent à tout : aux trahisons, aux confessions, aux disputes.
Ils sont les spectateurs muets d’enjeux trop grands pour eux. La caméra super 8 de Guido est un moyen de les regarder sans trop s’investir, un filtre entre lui-même et la vie.
Note d'intention de Daniele Luchetti
"Qu’y a-t-il de vrai et qu’y a-t-il d’inventé ? Les faits sont en partie le fruit de mon imagination, les sentiments, en revanche, sont authentiques. J’ai dû inventer beaucoup de mensonges pour parvenir à me rapprocher de ce que je définirais, avec humilité, la vérité. Cela a été difficile d’être à la fois affectueux et cruel envers ces personnages imaginaires bien qu’inspirés en partie de mes parents. Être le père de ces personnages tout en étant en même temps leur fils m’a mis dans une situation psychologique particulière. À la fin des journées de tournage, je devais faire un effort pour me rappeler les scènes que j’avais filmées car j’avais l’impression que le film se tournait tout seul. Comme si c’était les personnages qui décidaient ce qu’il fallait raconter. Qui parlait de qui ? Qui filmait qui ? Dans ce film, cela a été le père et le fils en même temps. J’ai filmé un autre moi-même qui filmait mes parents. J’ai réinventé ma famille, mais j’ai eu l’impression que les personnages, par vengeance, tournaient le film comme bon leur semblait.
Quand ma vraie mère ou mon frère venaient me voir sur le tournage, le trouble les gagnait rapidement et il était fréquent qu’ils s’adressent aux acteurs en leur donnant le nom des personnages réels. Ma mère s’adressait au garçon qui interprétait Dario en l’appelant " Daniele", et elle s’adressait à l’actrice qui l’incarnait avec l’air interrogatif de quelqu’un qui a peur de se tromper de nom.
Kim Rossi Stuart et Micaela Ramazzotti
Ceci étant, je crois que le spectateur pourra voir le film sans s’interroger sur ce que j’y ai mis de personnel et j’espère vraiment qu’il en sera ainsi. J’espère qu’il aura la possibilité de suivre les aventures de cette petite famille comme si c’était une fiction inventée de toutes pièces...
Pour raconter les motivations de ces personnages, il m’est apparu nécessaire de remonter à la génération précédente : aux grands-mères maternelles et paternelles, à leur chaleur humaine, à leurs rigidités, aux schémas comportementaux qui ont généré cette chaîne de sentiments apparemment incompatibles. Une famille chaleureuse et une famille rigide, une famille "je- sais-tout" et une famille qui ne sait rien mais qui sait aimer. Même trop.
C’est sans doute l’un des derniers films qu’il me sera possible de tourner sur pellicule. C’est pour cela que j’ai voulu utiliser le 35 mm, le 16 et le super 8. En tournant avec la caméra super 8 que mes parents m’avaient offert quand j’étais enfant, j’ai retrouvé la magie de travailler avec un négatif et un positif. La sensibilité, la profondeur des couleurs et le charme de la pellicule seront inévitablement perdus quand on n’aura plus le choix et qu’on sera obligé de tourner en numérique, un support qui, avec tous ses avantages et désavantages, est tout simplement "autre".
Ce film est, en filigrane, un hommage à la pellicule et à son parfum. Je me souviens de l’émotion que j’éprouvais quand j’ouvrais les pochettes des petits films super 8 Kodak et de leur odeur. J’ai pu la retrouver en glissant mon nez dans le chargeur de la cassette de la caméra Canon d’il y a quarante ans, quand je l’ai dépoussiérée pour l’essayer. J’ai humé encore une fois le parfum de ces années qui furent heureuses à notre insu."
Sans être autobiographique, le film se veut être un renvoi à son passé et à ses premières expériences filmées.
Ton absence marque les retrouvailles du duo principal, à savoir les acteurs Kim Rossi Stuart et Micaela Ramazzotti. Ils avaient déjà collaboré ensemble en 2010 sur Question de coeur de Francesca Archibugi.
Kim Rossi Stuart, qui interprète Guido, s'est intéressé à l’art et aux artistes des années 70, notamment les mouvements libertaires et transgressifs, comme Marina Abramovic, une artiste à qui l'ont doit des performances extrêmes. L'acteur reconnait : "J'estime beaucoup Daniele Luchetti. Ses films m’ont toujours beaucoup intéressé et je pensais depuis longtemps qu’il serait très stimulant de travailler avec lui. Quand il m’a contacté pour m’offrir le rôle de Guido, il m’a parlé de l’histoire qu’il voulait raconter et j’ai compris tout de suite qu’il s’agissait d’un film très personnel qui évoquait des faits qui lui tenaient à cœur.". Avant de rajouter : "Pendant le tournage, Daniele a eu une approche très empirique. Il était ouvert aux changements. Étant attentif à la vérité des acteurs, il n’a pas eu peur de modifier le scénario en cours de route afin de nous donner la possibilité d’improviser et d’enrichir les scènes, ce qui a permis une confrontation dialectique stimulante et fructueuse. J’aime l’idée que le réalisateur, une fois en salle de montage, ait plusieurs solutions à portée de main. Ce film a été pour Daniele une expérience particulièrement dense et complexe. Le travail créatif d’un réalisateur conditionne toujours ceux qui l’entourent et quand il s’agit de l’œuvre d’un véritable auteur, tout le monde concentre ses efforts dans une même direction : permettre au réalisateur d’exprimer le mieux possible toutes ses idées et ses pensées."
Concernant Micaela Ramazzotti, l'acteur avoue que dès leur première collaboration : "Elle s’était révélée très différente de certaines actrices imbues d’elles-mêmes, c’est une merveilleuse compagne de voyage capable d’impulser un généreux échange d’énergie. Il y a en elle quelque chose d’inné, un instinct cinématographique plus fort que tout. Dans ce film, Daniele Luchetti l’a dirigée et photographiée d’une manière nouvelle et positive, il lui a donné l’occasion de sortir d’un certain type de rôle qu’elle avait déjà interprété plus d’une fois."
Au sujet de son personnage de Serena, Micaela Ramazzotti confie : "Tout en étant très éloignée de moi et de tous les rôles que j’ai interprétés jusqu’à présent, ce personnage est, à mon avis, le plus authentique que j’ai jamais joué. C’est sans doute la femme dans laquelle je me reconnais le plus parce qu’elle est très humaine. Face à son mari Guido, Serena est colérique et stratégique : elle le quitte de manière à ce qu’il revienne vers elle, elle se dispute avec lui pour se venger ensuite sur ses enfants, elle suscite sa jalousie pour attirer son attention... Je pense que son manque d’assurance et sa fragilité appartiennent à de nombreuses femmes, à des épouses dévouées, animées de sentiments un peu complexes et névrotiques. Fragile et doutant d’elle-même, elle vit l’amour à travers les combats et les disputes, cherchant perpétuellement à être rassurée sur son propre compte pour faire ensuite la paix et refaire l’amour avec passion avec son mari comme si c’était la dernière fois. Il y a une grande attirance érotique entre Guido et Serena. Guido est la raison de vivre de Serena et la source de sa propre estime de soi. Si elle se dispute avec lui, elle est désespérée, tandis que s’il lui fait un compliment, elle devient rayonnante avant de s’enfuir quand elle désire capter son attention." ... "À mon avis, chaque femme pourra se reconnaître facilement dans certaines de ses contradictions et de ses actions : folle mais responsable, bigote mais frivole, naïve mais futée. Sans compter qu’elle a le courage de se démarquer de son rôle rassurant d’épouse petite-bourgeoise. Elle est même prête à accomplir des gestes éclatants, comme quand elle quitte Fregene, le lieu de vacances habituel, pour partir toute seule, sans son mari, dans une espèce de communauté féministe dans laquelle elle va avoir une relation avec une autre femme. C’est une personne qui se déprime facilement, une boudeuse qui fait toujours la tête car elle n’est pas satisfaite de sa propre vie. C’est un événement rare que de la voir sourire. Suspicieuse et méfiante dans sa relation à son mari, elle ne s’ouvre jamais au monde et reste enfermée dans sa mentalité étroite. Mais après le voyage qu’elle va entreprendre, elle va parvenir à découvrir autre chose et ainsi, malgré son comportement infantile et prévisible, elle va se révéler être une femme facile à comprendre."
"Pour ce film, Daniele a voulu que j’aille à l’essentiel, il m’a ôté tout côté maternel, doux, altruiste : un peu tout ce que par le passé j’avais exprimé au cinéma à travers mes personnages et de cela, je le remercierai toujours. C’est une chance qui est rarement offerte à une actrice. D’une certaine manière, j’ai interprété sa mère, même si c’est de façon romancée, et la relation qui s’est instaurée entre nous était semblable à celle qui existe entre une mère et un fils, une relation faite d’un grand amour mais aussi de beaucoup de contradictions. Serena est une femme qui se laisse aller et qui l’instant d’après, fait un pas en arrière. C’est comme si elle était toujours un peu suspicieuse envers le monde et Daniele, en fonction des scènes et de l’état émotif de mon personnage, réagissait en conséquence, me donnant peu de satisfactions et sans jamais lâcher la bride."
Kim Rossi Stuart et Micaela Ramazzotti
Au sujet de Kim Rossi Stuart, l'actrice confesse : "C'est un acteur exceptionnel, il a un mystère bien à lui qu’il exprime avec beaucoup de charisme. C’est un grand professionnel, capable de s’investir totalement dans ses personnages. Dans la vie, c’est quelqu’un de réservé et de peu bavard. Nous étions tous les deux très concentrés pour ne pas perdre ce sentiment particulier qui était également porteur de la douleur et de la tension de ces années, et qu’il fallait maintenir constamment durant toute l’histoire. Entre nous, dans la vie, il y a une estime et une affection réciproques, mais sachant que les acteurs vivent souvent pleinement leur personnage, il nous est arrivé, alors que nous tournions des scènes de tension, de rupture ou une dispute entre Guido et Serena, de cesser de nous parler et de rester à distance l’un de l’autre. Si nos personnages se haïssaient, nous étions glacials et tendus nous aussi, sans doute parce que secrètement, nous sentions que cela était juste et normal, que cela pouvait être utile à la scène tournée. Sur le plateau, Daniele a senti cela et l’a utilisé au mieux : je me souviens d’un soir où Kim et moi devions jouer une scène dans laquelle nous nous disputions furieusement. Eh bien, ce jour-là, nous nous sommes disputés également en-dehors du plateau et je suis certaine que cette dispute a été profitable à la scène du film. De la même manière, si on devait jouer une scène dans laquelle nos personnages devaient rire et plaisanter avec leurs enfants, nous devenions tous les deux légers et insouciants. Et c’est ainsi que nous avons vécu pleinement les émotions présentes dans le récit et trouvé la bonne dynamique."
L'actrice Martina Friederike Gedeck qui interprète Helke dans Ton absence, s'est fait connaître dans La Vie des autres de Florian Henckel von Donnersmarck, Oscar et César du meilleur film étranger en 2007 et 2008. Elle y interprétait Christa-Maria Sieland. Elle est également apparue dans Raisons d'Etat de Robert De Niro.
Micaela Ramazzotti confie, au sujet de Martina Gedeck ...
"Nous avons eu une relation différente et particulière, d’une franchise totale. Martina est une grande actrice et une personne de qualité capable de mettre les autres à leur aise, aussi bien humainement que professionnellement : j’ai eu la sensation de retrouver quelqu’un que je connaissais depuis longtemps. Une grande sympathie est née entre Martina et moi, identique à celle qui existe dans le film. Daniele m’avait demandé d’être différente avec chacun des personnages. Tandis que ce qui était en jeu avec Guido, c’était le chantage et la suspicion, avec Helke, le personnage de Martina, c’était un désir réciproque et inconnu jusqu’alors. Nous avons dû jouer plusieurs scènes de baisers et de nus avec Martina. C’était la première fois que je jouais une homosexuelle et j’étais assez tendue. Mais il s’est avéré qu’il était plus facile d’embrasser une femme qu’un homme, et nous l’avons fait avec professionnalisme et délicatesse. J’ai retrouvé une autre moi-même et cela a été très agréable et amusant d’expérimenter cette nouveauté."
À la question : Comment cela s’est passé avec Micaela Ramazzotti ? Martina Gedeck avoue :
"J’ai beaucoup aimé travailler avec Micaela, elle a un instinct incroyable, elle est toujours très intense, sensuelle et en même temps très naturelle. J’ai eu l’impression qu’elle s’était littéralement jetée dans son rôle magnifique et que ce dernier lui avait été confectionné sur mesure. J’ai vraiment apprécié sa passion et son courage en tant qu’actrice."
Tout en rajoutant
"Je pense que le cinéma italien donne le meilleur de lui-même quand il raconte la vie dans son essence, quand il la célèbre sans pour autant éluder les difficultés en montrant à la fois sa profondeur et sa superficialité."
Mon opinion
Daniele Luchetti, réalise avec ce dernier long-métrage un film autobiographique au travers du regard du jeune Dario, qui n'est autre que lui-même, au beau milieu des années 70.
Aucune nostalgie mais un doux regard sur ces années qui se veulent symboles de toutes les libertés pour celles et ceux qui ont eu la chance de le vivre.
Le scénario très démonstratif nous balade dans un propos souvent alambiqué au milieu duquel les souvenirs se bousculent. Le réalisateur, visiblement emporté par la bienveillance accordée à ses personnages met en scène la vie d'un couple. La vie ses parents. Pas de règlements de comptes, d'amertume encore moins. Une certaine authenticité se dégage de l'ensemble
Témoin des aléas de leur vie, le réalisateur a choisi pour les faire vivre à l'écran deux excellents acteurs charismatiques à souhait, sensuels et beaux de surcroît.
Micaela Ramazzotti et Kim Rossi Stuart.
Des cris, de la douceur, de l'incompréhension, de l'amour, de la colère, du désespoir, ils s'imposent dans tous ces registres avec une grande maestria et font oublier les reproches que l'on pourrait être tenté de faire au film.
Ils emportent tout sur leur passage.
Sources :
http://medias.unifrance.org