Date de sortie 18 décembre 2013
Réalisé par Ariel Zeitoun
Avec Nora Arnezeder, Gérard Lanvin, Tomer Sisley,
David Kross, Simon Abkarian, Matthieu Boujena,
Florence Coste, Michel Carliez, Mathieu Kassovitz
Genre Historique, Aventure
Production Française
Nora Arnezeder
Entretien avec Anne Golon
Extrait du dossier de presse.
Quelle a été votre réaction lorsque Ariel Zeitoun vous a fait part de son désir d’adapter Angélique ?
"Je le connaissais de réputation. Je savais qu’il était apprécié dans le milieu - j’avais d’ailleurs vu certains de ses longs métrages et aimé ses choix : c’est un producteur et un metteur en scène qui ne se complaît pas dans la facilité. Je sentais qu’il avait aimé mes livres et qu’il avait son idée sur le film qu’il voulait en tirer. J’ai eu assez vite envie de lui faire confiance."
Comment se déroulaient vos entrevues ?
"Ariel venait me voir à Versailles. Il arrivait en moto. Entre lui et moi, cela a souvent été de longs silences. C’est quelqu’un de secret et, de toute façon, personne n’est jamais bavard dans ce genre d’histoire : l’auteur veut tester l’envie du metteur en scène, sa sincérité. Le metteur en scène a ses propres idées à défendre. Il faut réussir à s’entendre sur l’opportunité de faire ou non le projet. Chacun se dit : "Pourvu qu’il (ou elle) me comprenne !" - bien qu’on sache très bien que c’est seulement le temps qui donnera la réponse. Au fond, le passage entre écriture et adaptation cinématographique reste mystérieux."
Vous ne vous êtes jamais cachée de ne pas avoir aimé les adaptations que Bernard Borderie avait tiré de vos films dans les années soixante. Vous sentiez-vous échaudée ?
"Pas échaudée, non, mais circonspecte. De façon générale, le cinéma éprouve une très grande méfiance envers les auteurs. C’est dommage mais c’est ainsi. Donc, a priori, on est un peu sur ses gardes. Cela dit, il est vrai que Bernard Borderie et moi, ou plutôt ses scénaristes et moi, ne nous sommes pas entendus. J’entends encore Daniel Boulanger me parler d’Angélique : "C’est une petite putain qui veut se farcir tous les hommes"... À ces mots, je me suis levée et j’ai quitté la pièce. Il y a vraiment eu rupture entre nous et j’ai compris, dès ce moment, que le film ne serait pas fidèle aux livres. Je n’ai évidemment pas assisté à la première, je n’y étais d’ailleurs pas conviée mais j’ai quand même été relativement satisfaite par la suite de voir que Bernard Borderie avait modifié son point de vue – Michelle Mercier est finalement assez innocente. Le public avait été content et en gardait de bons souvenirs. D’une certaine manière, et même si je n’approuvais pas, Angélique poursuivait sa vie."
Gérard Lanvin
Les aventures d’Angélique ont été vendues à plus de 150 millions d’exemplaires dans le monde...
"C’est, en effet, le chiffre qui circule. Et sans doute est-il encore en dessous de la réalité. Ce qui ne signifie pas pour autant que je sois devenue riche. Durant des années, j’ai été victime d’éditeurs peu scrupuleux. Quand je réclamais des comptes, on me traitait de folle. Ce n’est qu’au terme de douze longues années de procédure que j’ai pu récupérer mes droits. Mais pas l’argent qui m’était dû. Quelque chose me disait que le projet d’Ariel ne me trahirait pas et qu’avant mes 100 ans, j’en ai 91 aujourd’hui, j’aurais la chance de voir une version cinématographique d’Angélique correspondant enfin à mes attentes. Voilà qui est fait : grâce au film, j’ai le sentiment d’une nouvelle vie qui commence."
Ariel Zeitoun a modifié l’âge de Joffrey de Peyrac. Il a la quarantaine dans votre livre. Lui en a fait un presque sexagénaire. Aviez-vous discuté de cela ensemble ?
"Je me moque de cette histoire d’âge ! Pas un seul moment je n’y ai pensé. Je vois un homme en pleine force de l’âge, qui réussit son duel, qui réussit son histoire amour... Je vois un acteur qui remplit le rôle de façon remarquable, un type qui est très jeune, à mes yeux, étant donné tout ce qu’il peut faire... C’est sa voix ! C’est son rire ! Je me dis : Voilà Peyrac ! C’est mon Joffrey de Peyrac, et j’en suis contente comme ça."
Nora Arnezeder et Gérard Lanvin
Comment avez-vous réagi en découvrant Nora Arnezeder, l’interprète d’Angélique ?
"J’ai éprouvé le même plaisir : ces deux acteurs sont une espèce de miracle qui me fait dire qu’Ariel Zeitoun est le roi du casting. Nora Arnezeder a le tonus d’Angélique. Elle a sa jeunesse et son courage. Elle semble droit sortie du 17ème siècle et, en même temps, elle a le coté contemporain de mon héroïne."
Une contemporanéité sur laquelle la saga insiste d’ailleurs beaucoup.
"Oui, mon ambition à l’époque était de faire à la fois le portrait d’une femme du 17ème siècle, dans le cadre d’un roman historique, et celui d’une femme de notre temps. C’était valable dans les années cinquante lorsque je l’ai écrit. Et ça l’est curieusement toujours. Angélique devait affronter des problèmes de son siècle et ceux du nôtre. Rappelons-nous que, dans ces années-là, la littérature ne s’intéressait guère aux femmes : les héros étaient masculins ou n’étaient pas."
Angélique serait donc née en réaction à la misogynie de l’époque ?
"Je ne m’en rendais pas compte. J’avais déjà écrit quelques livres et signé quelques scénarios (sous le pseudonyme de Joëlle Danterne). Puis j’ai lu Autant en emporte le vent et j’ai été intéressée par cette héroïne et la façon de raconter la guerre de Sécession. Je me suis dit que la période de la moitié du XVIIème siècle avait été peu exploitée, et même qu’elle semblait ennuyeuse. J’ai décidé de l’explorer tout en posant des problématiques modernes. Épisode après épisode, je n’ai jamais lâché les guides : je suivais parallèlement mon époque."
En France, Angélique a souvent été crédité de votre nom et de celui de votre mari, Serge Golon. Quelle a été sa part dans ces ouvrages ?
"Il faisait de la documentation; un très gros travail, indispensable pour comprendre comment les gens vivaient à cette époque. Il traversait une période de chômage et m’a beaucoup aidée à m’initier à ce siècle. Mais si son nom a été crédité dans l’édition française (le premier livre d’Angélique avait été publié un an auparavant en Allemagne sous le nom d’Anne Golon), c’est parce que notre agence et l’éditeur l’ont imposé, prétendant qu’un nom d’homme ferait « plus sérieux ». Personne paraît-il, n’aurait pu croire qu’une femme seule ait pu écrire tout ça."
Dans un certain sens, on pourrait dire que l’Angélique, que filme Ariel Zeitoun est votre porte-parole : elle prend son destin en mains, ce n’est plus du tout la femme objet de chez Bernard Borderie.
"Oui. Elle est beaucoup plus intéressante. Beaucoup plus fidèle au modèle original. Dès nos premières rencontres, j’avais senti qu’Ariel n’éprouvait aucune misogynie à son égard. Et cela m’avait plu."
Mathieu Kassovitz
Qu’avez-vous pensé des autres acteurs : Simon Abkarian, qui interprète l’avocat Desgrez, et Mathieu Kassovitz qui joue Nicolas / Calembredaine ?
"Même si Jean Rochefort sortait du lot dans le film de Borderie, je trouve l’interprétation de Simon Abkarian plus proche de mon livre. Quant au personnage de Nicolas, il était capital de ne pas le rater. C’est un rôle difficile et important : il justifie qu’Angélique trouve la force de survivre et de continuer de se battre malgré tout ce qu’elle a vécu."
La Cour des Miracles sur laquelle règne Nicolas résonne elle aussi de façon très actuelle. Ariel Zeitoun ne cache pas qu’en la filmant, il fait référence aux Indignés et aux sans domicile fixe.
"Et en cela, il rejoint là encore mes préoccupations d’auteure. Il y a une autre dimension qui me plaît énormément dans son film : c’est l’importance qu’il accorde à la religion à travers la profession de foi de Peyrac. C’est un aspect d’Angélique qui a été mis à l’Index au moment de la sortie du livre parce que c’était alors extrêmement subversif. Et, à dire vrai, ça l’est resté. Que dit Peyrac ? Que chacun est libre d’avoir sa propre foi en dehors des cadres fixés. Et Ariel a gardé ces dialogues. Ils sont très importants pour moi."
David Kross
Dans quel état se trouve-t-on en découvrant une adaptation de son œuvre ?
"Moins fébrile que ne l’était Ariel : il était mort de peur à l’idée de mes réactions. J’ai retrouvé l’esprit de mon livre, sa rigueur historique, son ambiance, sa noirceur et sa dureté ; son héroïne. Quand je vois Nora Arnezeder dans sa robe d’or faire la révérence au Roi, je suis bouleversée. C’est magnifique, c’est une merveille !"
Avez-vous le sentiment d’une réhabilitation ?
"Oui. Maintenant, je peux mourir parce que j’ai vu mes deux héros incarnés, qu’ils sont à la fois du 17ème siècle et de notre siècle. Comme je les ai toujours imaginés."
Mon opinion :
Selon une interview parue dans le dossier de presse, l'auteure, Anne Golon, avait vu certains longs métrages du réalisateur Ariel Zeitoun, et aimé ses choix. Elle ne précise pas lesquels.
Dès le départ, l'ensemble de cette nouvelle Angélique est assez confus. Tout ce qui pourrait construire une base solide s'émiette au fil des premières minutes. Nul doute, cependant, quant à la motivation du réalisateur. Ne serait-ce que dans celle de vouloir nous donner une autre vision que celle de cette autre Angélique, multi rediffusée et que nous avons tous vue, au moins une fois.
Il fallait oser, pour relever le défi, et creuser pour tenter de créer un nouvel intérêt. La mise en scène reste formelle et se perd dans des détails frisant souvent le grotesque, parfois assortie à des dialogues d'un ridicule confondant. En particulier, la scène qui se voudrait dévoyée, et qui n'a d'autre effet que celui de faire bailler.
Les points forts du film, mais à peine mis en valeur, résident dans quelques passages qui peuvent étrangement faire penser à notre époque. Entre autres, toutes ces ombres qui se cachent derrière un certain pouvoir mais qui, de fait, mènent la danse. Secrets d'État, attention, danger !
Je retiens aussi, les costumes d'Edith Vesperini et Stéphan Rollot. Certains décors de Patrick Durand, mais également la photographie de Peter Zeitlinger.
La très longue scène d'amour, tout au long éclairée de flambeaux, est visuellement assez réussie.
Nora Arnezeder, est sensuelle à souhait, très belle également.
Gérard Lanvin, convaincant, en dépit d'une perruque improbable, incarne ici un Joffrey de Peyrac, d'un humanisme trop appuyé. Réellement défiguré et plus âgé que ne l'était Robert Hossein dans les premières versions, il fait preuve, une nouvelle fois, d'une virilité et d'un naturel, incontestables. Il donne son maximum pour sauver ce qui pourrait l'être. Hélas ce n'est pas assez.
Trop de longueurs, trop de bruit pour rien. Pas assez de colère. Tout ce qui se voudrait novateur se noie dans des effets lourds et sans intérêt. Le reste, qui tente de nous renvoyer à des images du XVIIème siècle, manque cruellement "d'action, de sentiments, de duels, de poisons et de trahisons" comme Ariel Zeitoun le décrivait en parlant de cette époque qu'il semble affectionner.
Sources :
http://www.unifrance.org
http://www.lexpress.fr