Date de sortie cinéma : 21 décembre 2011
Réalisé par Jafar Panahi
Avec Mina Mohammad Khani, Aida Mohammadkhani,
Kazem Mojdehi, Naser Omuni,
M. Shirzad, T. Samadpour
Genre Drame
Production Iranienne de 1997
Titre original Ayneh
La condamnation de Jafar Panahi confirmée en appel.
Selon lemonde.fr avec AFP - 15 octobre 2011
Une cour iranienne aurait confirmé la condamnation du cinéaste.
Peut-être pour l’obliger à fuir.
Par Jean-Pierre Perrin - 17 octobre 2011
Signez la pétition de soutien à Jafar Panahi en ligne :
http://www.ipetitions.com/petition/solidarite-jafar-panahi/
Bonne nouvelle, la sentence n'a pas été exécutée. Jafar Panahi n'est pas en prison, il a même réalisé, en complicité avec son vieil ami Kamboziya Partovi (le scénariste du Cercle), un nouveau film, Closed Curtain, en compétition à Berlin. Le film a reçu lors de la 63ème Berlinale le Prix du scénario.
Mauvaise nouvelle : s'il a réussi à faire sortir son film du territoire, le cinéaste n'en est pas sorti lui-même.
Jeudi 7 février, lors de la cérémonie d'ouverture du festival, Bernd Neumann, le ministre de la culture allemand, avait pourtant lancé un appel aux autorités iraniennes, leur demandant de lever la sanction et de l'autoriser à venir présenter son film au public de la Berlinale.
En vain.
Mina Mohammad Khani et Jafar Panahi
Synopsis
Mina est une petite fille ordinaire, qui attend comme chaque jour sa mère à la sortie de l’école. Mais aujourd’hui elle ne la voit pas devant les grilles. Elle attend, s’inquiète, cherche désespérément de l’aide auprès d’adultes qui semblent indifférents à son sort, et après une première tentative d’accompagnement infructueuse, elle décide finalement de rentrer chez elle par ses propres moyens. Dans une ville bouillonnante, encombrée par une circulation dangereuse et remplie de nombreux hommes peu disponibles et souvent autoritaires, Mina est rapidement perdue. Elle ne connaît pas son adresse. Elle demande sans arrêt son chemin mais n’arrive pas à se faire comprendre des adultes car les repères qu’elle leur donne ne leur disent rien…
Tout d’un coup, dans un retournement de situation inattendu, la petite fille décide d’interrompre le film. Elle est fatiguée de jouer la comédie, elle veut tout arrêter. Elle demande à descendre du bus dans lequel la scène était en train d’être tournée et s’enfuit avec l’idée de rentrer seule chez elle. Et voilà que tout recommence… Elle passe d’une rue à l’autre, de bus en bus et de taxi en taxi, tandis que l’équipe du film la suit à distance, la perdant parfois de vue à cause de la circulation si dense. Durant ce long parcours plein d’embûches, la tension et l’angoisse sont permanentes. On ne cesse d’avoir peur pour elle. Peur de l’abandon, de l’accident, de la disparition, de l’enlèvement… Pourtant, malgré sa vulnérabilité, Mina ne baissera jamais les bras. Livrée à elle-même dans une ville agressive et hostile, elle se battra pour regagner sa maison, tenant tête à tous les adultes croisés en chemin.
En 1997, Le Miroir obtient le Léopard d’Or à Locarno. Alors que la presse et le public des festivals s’enthousiasment et que Jafar Panahi vient d’obtenir un beau succès avec Le Ballon blanc, Le Miroir va rester curieusement inédit en France.
Pourtant, cette oeuvre personnelle aux qualités plus qu’indéniables aborde avec sensibilité les thèmes chers à Jafar Panahi : la situation des adultes par un regard sur les enfants, le sort des femmes, une sévère critique du pouvoir islamique iranien, les inégalités sociales, la ville… Devant ces évidentes qualités cinématographiques et la force du propos, nous avons choisi de réparer cette injustice et de faire découvrir ce film au public. À cette occasion, c’est une version nouvellement restaurée que nous présentons.
L’enfant, comme le prince du cinéma iranien :
Dans le nouveau cinéma iranien, de l’après révolution de 1979, et particulièrement dans celui du cinéma d’auteur, l’enfant est placé au centre des sujets, comme dans Le coureur d’Amir Naderi, Bashu, le petit étranger de Bahram Beyzai, Où est la maison de mon ami d’Abbas Kiarostami, La clé et La jarre de Ebrahim Forozesh, La botte rouge de Mohamad Ali. Talebi… Les enfants sont toujours crédités de plus d’innocence que les adultes et peuvent être autorisés à afficher un plus large éventail d’émotions. Sans doute, ces cinéastes ont-ils compris qu’en prenant les enfants comme les personnages principaux, ils se heurtent beaucoup moins à la censure exercée par le pouvoir islamique que s’ils y mettaient les adultes au centre de leurs sujets !
C’est le cas des deux premiers longs métrages de Jafar Panahi, Le ballon Blanc et Le miroir. Ce dernier commence d’une façon similaire à d’autres films axés sur l’enfant. Mais il est sensiblement différent et innovant. Le film propose aussi une allégorie sur le cinéma grâce à une mise en abyme inattendue. La petite fille finira par interrompre le déroulement du film, fatiguée de jouer la comédie et d’obéir aux directives du metteur en scène, interprété par Jafar Panahi lui-même.
Entretien avec Jafar Panahi :
Quelles sont les expériences qui ont influencé le début de votre carrière ?
Lorsque j’étais à l’école supérieure du cinéma et de la télévision, j’avais accès aux archives des films et j’ai pu visionner beaucoup de films dont ceux de Hitchcock. J’ai aimé le rythme, le montage, et le découpage de ce cinéaste. Quand j’ai tourné mon premier long-métrage, dont Kiarostami a écrit le scénario, le rythme est devenu différent par rapport à mes court-métrages. Là, le néo-réalisme se mêlait à la façon de faire d’Hitchcock. La mise en scène simple, et le travail avec les comédiens non-professionnels, est le fruit de ce que j’ai appris sur le tournage de Au travers des oliviers de Kiarostami. Le succès international du ballon blanc était totalement inattendu, et je me suis demandé quels sont les éléments qui ont permis à ce film de garder une si bonne impression ! Je me suis dit « il ne faut pas que je me répète. Il faut trouver une autre chose ». Et j’ai tenté une nouvelle expérience dans mon second film. C’est pour ça que dans Le miroir, tout en travaillant de nouveau avec les enfants, j’ai cherché une forme différente, une autre orientation…
On peut dire que ce film est une étape intermédiaire entre Le ballon blanc, et Le cercle ?
Oui. Tout d’un coup, au milieu du film, tout change ; la petite comédienne ne veut plus continuer et arrête de jouer ! Le film prend alors un tournant : je voulais montrer que chacun a deux caractères. Par exemple lorsqu’on entre dans un bureau administratif, les gens font semblant et ne sont pas les mêmes que lorsqu’ils sont chez eux ! J’ai essayé de montrer cet aspect-là des individus, ce qu’ils cachent. Je le montre de manière visuelle, plus évidente, c’est pourquoi le film semble être en deux parties : le film qu’on est en train de faire, et celui que cette petite fille est en train de vivre en dehors de notre film. Ces individus à deux caractères, à deux facettes, vivent à l’intérieur de cette société. Dans Le ballon blanc, l’histoire est racontée d’une manière classique mais ici, j’ai cassé la règle.
Dans les films suivants, vous abandonnez les enfants et vous parlez de celui des adultes, quelle différence voyez-vous entre ces deux mondes ?
Dans les films d’enfants, il y a automatiquement un monde doux, le regard est innocent, et tu dois rester proche de cette ambiance même si tu veux parler des choses amères et dures. Le monde des adultes est forcément plus cruel. J’ai vécu dans les quartiers difficiles dont la situation économique et sociale est rude ; je les ai touchés et cela a influencé mes premiers films.
Mina Mohammad Khani
Jafar Panahi évoque souvent dans ses films le rapport à la ville au sens de l’agglomération urbaine dont il capte et cadre de manière presque documentaire les ambiances, les beautés et les horreurs. Ses personnages errent également dans la ville et vivent des aventures imprévisibles mais utiles et fortes, comme dans Le Miroir avec cette petite fille qui ne sait pas rentrer chez elle.
Dans Le Miroir, l'aspect documentaire prend le pas sur la fiction et alterne entre les instants joués par la jeune actrice perdue et ceux, plus nombreux, où elle refuse de jouer son rôle, plaçant l’équipe technique dans le chaos de ce que l'on appelle un "cinéma-vérité". Expérience originale et mise en abyme, on peut affirmer que Le Miroir possède le même charme que Le Ballon blanc, premier film de Jafar Panahi.
Alors que les œuvres de Jafar Panahi sont systématiquement primées dans les grands festivals internationaux, elles sont aujourd'hui interdites dans son propre pays, même si elles sont distribuées sous forme de DVD, vendus en secret au marché noir. Il inspire toute une nouvelle génération de cinéastes iraniens. Tournant ses films en secret, il a inventé la technique de la double équipe de tournage. La première est un leurre qui prend en cas de danger la place de la deuxième, la vraie, qui tourne en secret.
Sources :
http://www.cinemovies.fr
http://toutelaculture.com/
http://www.allocine.fr