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23 novembre 2015 1 23 /11 /novembre /2015 18:36

 

Date de sortie 18 novembre 2015

 

Je suis un soldat


Réalisé par Laurent Larivière


Avec Louise Bourgoin, Jean-Hugues Anglade, Anne Benoit,

Laurent Capelluto, Nina Meurisse, Nathanaël Maïni


Genre Drame


Production Française, Belge

 

Réalisateur et scénariste, Laurent Larivière a réalisé six courts-métrages, sélectionnés et primés en festivals (Belfort, Pantin, Villeurbanne, FID Marseille, Hors-Pistes Beaubourg, Rotterdam…). Il crée également des images pour le théâtre et la danse.

Présenté dans la catégorie Un Certain Regard au Festival de Cannes 2015 Je suis un soldat est son premier long-métrage.

 

Le réalisateur s'est déjà fait un nom avec ses courts et moyens-métrages, dont les plus connus J’ai pris la foudre en 2006, et Les larmes en 2010 ont été très remarqués. "N'ayant pas fait d'école de cinéma, les court-métrages ont été le lieu de mon apprentissage. Dans chacun d’eux, il est question d’une libération : il s’agit toujours pour le personnage principal de résoudre une énigme intime qui lui permette d’accéder à une conscience nouvelle. Mais dans Je suis un soldat l’héroïne affronte pour la première fois le monde réel. Je progresse." déclare Laurent larivière.

 

Synopsis

 

Sandrine (Louise Bourgoin), trente ans, est obligée de retourner vivre chez sa mère (Anne Benoit), vendeuse dans une grande surface à Roubaix.

Sans emploi, elle accepte de travailler pour son oncle (Jean-Hugues Anglade) dans un chenil qui s’avère être la plaque tournante d’un trafic de chiens venus des pays de l’est.

Elle acquiert rapidement autorité et respect dans ce milieu d’hommes et gagne l’argent qui manque à sa liberté.

Mais parfois les bons soldats cessent d’obéir.

 

Je suis un soldat - Louise Bourgoin et Jean-Hugues Anglade

 

Louise Bourgoin et Jean-Hugues Anglade

Extraits de l'entretien relevé dans le dossier de presse avec le réalisateur Laurent Larivière.

 

Je suis un soldat traite d’un sujet très contemporain.


J’avais envie de parler de la honte sociale et de ce sentiment d’échec qui pousse quelqu’un à revenir dans le giron familial après avoir tenté, sans succès, de se construire un avenir meilleur ailleurs. Dans le film, loin du refuge escompté, la famille devient paradoxalement le lieu d’un affrontement et d’une déperdition.


La famille de Sandrine est elle-même porteuse de la honte que vous évoquiez : Martine, la mère, vendeuse dans un supermarché, est victime du harcèlement de sa très jeune supérieure, qui la tutoie et la rudoie. Audrey, la soeur, est une modeste employée de mairie et son mari, multiplie les CDD sans espoir d’embauche.


Tous sont victimes du déterminisme social auquel la jeune femme a tenté d’échapper et son retour parmi eux rompt l’équilibre qu’ils ont fondé autour du fantasme de sa réussite. Absente, elle manquait - comme tous ceux qui partent, elle était "l’enfant préféré" - revenue, elle attise les frustrations.

 

Dès la première scène, lorsque Sandrine rend les clés de la chambre de bonne qu’elle occupait en essuyant les réflexions humiliantes de l’agent immobilier, on sent la violence intérieure qui anime la jeune femme ; une violence encore aggravée par l’accueil que lui réserve sa mère : elle est heureuse de revoir sa fille mais n’a ni temps ni place pour elle.


Sa mère part travailler et sa chambre de jeune fille est occupée par sa soeur et son beau-frère. Elle l’accepte et se résigne à dormir sur le canapé. Mais toute cette tension rentrée, cette solitude extrême dans laquelle se trouve le personnage est en permanence contrebalancée par l’amour, réel, qui circule dans cette famille. Aucun de ses membres n’est d’une seule pièce.


Cette ambivalence est presque la source du malaise grandissant de l’héroïne…


Durant la majeure partie du film, Sandrine répond aux désirs des autres. Il n’y a pas de place pour elle ? Elle l’assume. Lui fait-on comprendre qu’elle doit trouver du travail ? Elle en cherche. Son oncle lui propose-t-il une place dans son chenil ? Elle s’en accommode. Et se trouve embringuée dans un trafic d’animaux. Elle suit son oncle : en cherchant à satisfaire ses proches et à se reconstruire en leur sein, elle s’autodétruit peu à peu.

 

À aucun moment, Sandrine ne se pose des questions face à la façon dont sont traités les chiots exportés illégalement de Slovénie et de Pologne via la frontière belge.


Sandrine ne se préoccupe pas de morale. Par exemple, elle ne considère jamais ou presque la violence faite aux animaux : comme s’il s’agissait de l’ordre des choses, d’un mal nécessaire. Pour elle comme pour beaucoup d’autres, nécessité fait parfois loi.

 

Peu de gens connaissent ces trafics qui font le bonheur des animaleries.


Je les ai moi-même découverts un peu par hasard. Avec François Decodts, mon coscénariste, nous ne voulions pas que ce soit le sujet du film mais un cadre qui nous permette de suivre au plus près la trajectoire de nos personnages en faisant écho à leur propre violence. Cependant c'est une réalité très cruelle et très prolifique. J'ai lu un article dans le journal Libération où, selon WWF, le trafic d'animaux domestiques ou sauvages se situe au 3ème rang mondial des trafics après celui de la drogue et des armes. Il représenterait 15 milliards d'euros.

 

Je suis un soldat

 

;

Et la France est le pays d'Europe qui compte le plus grand nombre d'animaux domestiques avec notamment 8 millions de chiens... Et seuls 150 000 chiens des 600 000 vendus chaque année en France proviendraient d'un élevage français déclaré. Ça laisse de la marge pour les importations des pays de l'Est où il existe de véritables usines à chiots.

 

 

 

Au-delà de cette réalité, le trafic est devenu pour nous une sorte d'allégorie de la cruauté contemporaine.

En s’imposant peu à peu dans le monde exclusivement masculin et marginal que fréquente Henri, son oncle, Sandrine finit par ressembler à ces hommes et se met à organiser parallèlement son propre trafic.


L’aurait-elle fait si Henri ne s’était pas montré si violent après qu’elle a acheté des chiots en mauvaise santé qu’il lui demande de rembourser ? Sans doute pas. En faisant cela, Sandrine pense gagner sa liberté. Mais elle fait le mauvais choix. Ce qu’elle prend pour son salut n’est qu’un pas de plus vers l’autodestruction. Sandrine se bat sur tous les fronts – contre ses origines, contre les circonstances et contre la réalité du monde- mais elle ne dispose que d’armes fragiles. Seuls, son instinct et sa force intérieure finiront par triompher de la confusion dans lequel elle se débat à ce moment précis. Comme si pour elle, le monde était doté d'une hostilité de principe.

 

Elle pourrait saisir la main que lui tend Pierre, le vétérinaire. Il est amoureux d’elle, est le seul à la regarder vraiment et à percevoir son mal-être.


Mais elle ne le fait pas. Elle ne peut ni recevoir son désir, ni entendre ce qu’il lui dit : sa solitude l’enferme dans une spirale implacable. Elle ne peut que retourner la violence contre ellemême. Elle l'accumule, par strates : c’est le ratage à Paris et le retour, moins léger que prévu, puis la violence des affaires auxquelles elle est mêlée et l’horreur de ces animaux morts que son oncle lui demande de brûler. À cela s’ajoute encore, la brutalité de l’intervention des douanes sur l’autoroute, et le fait que son oncle manque de l’étrangler. Elle pourrait tout arrêter, elle n’en a pas la force. Ce n’est que parvenue à un point de non retour, et alors qu’elle a perdu tout espoir, qu’elle peut enfin espérer se trouver... et se sauver. Oui, c’est comme un rite de passage. En frôlant la mort, elle comprend que la reconnaissance de son existence ne peut passer que par elle et non par sa famille : les liens sont également des entraves. Cette idée illustre aussi - qu'il faut parfois mourir à soi - même pour commencer à exister et à dire "Je ".

 

Le film est entièrement construit autour de ce paradoxe.


Je suis un soldat - Jean-Hugues AngladeTous les personnages de cette famille, y compris celui d’Henri, ont une épaisseur, une densité et une complexité à laquelle je tenais beaucoup. Malgré leurs difficultés et malgré leur ambiguïté, ils sont capables d’amour et de solidarité. Une simple partie de cartes entre la mère et ses filles devient tout à coup un moment de joie qui permet d’affronter la perspective du lendemain.

 

Ce ne sont pas des miséreux, ils se battent, ils sont vivants et ils ont des désirs.


Ils peuvent également être enclins à de violents accès de désespoir, comme dans cette scène magnifique où le beau frère de Sandrine se met à démolir les murs de la maison qu’il ne parvient pas à terminer.


"Comment font les autres ?", hurle-t-il. Sandrine parvient à le calmer en entamant à son tour les fondations de la construction. Elle lui sert d’effet miroir. Et vice-versa. Car c'est une délicate question posée à Sandrine qui s'en sort dorénavant en trafiquant. D'où une seconde interrogation qui en découle : "Jusqu'où est-on prêt à aller pour trouver une place dans la société ?". Leurs situations se font écho, chacun y apportant des réponses différentes.

Martine, la mère, interprétée par Anne Benoit, incarne très bien les contradictions des protagonistes : elle est aimante et droite, résignée à son sort tout en s’accommodant des petits arrangements de son frère et en fermant plus ou moins consciemment les yeux sur ce qui arrive à sa fille…


Martine balance perpétuellement d’un mouvement à l’autre. Elle est affectée par le manque de confiance de Sandrine qui lui a caché ses difficultés et profondément bouleversée par ce qu’elle apprend sur son frère. Mais elle ne peut jamais se résoudre à trancher complètement. Elle reste toujours dans une certaine ambiguïté. Anne Benoit lui confère une sensibilité, une fragilité et une porosité inouïes.


Sa présence apporte beaucoup de douceur et de contraste au film.


Quoique tendu, assez noir et âpre, je ne voulais pas qu’il soit d’une seule couleur. Il fallait ménager des respirations, introduire de brefs moments de répit. La violence qui court tout du long n’empêchait pas certains moments de grâce.

 

Henri, qui se conduit comme une sorte de « parrain » dans cette famille, est un formidable personnage de film noir.


Il est plein de zones d’ombres : à la fois rude, égocentrique et manipulateur, mais aussi attachant et réellement lié à sa famille ; un lien assez brutal – il la "tient" en glissant des billets aux uns et aux autres. Henri est finalement le seul à ramener concrètement Sandrine à la réalité de son échec. "Pourquoi partir ? Tu vois bien ! Tu es revenue !", lui répond-t-il lorsqu’elle lui demande s’il n'a jamais songé à tout quitter. Il n’a aucune empathie, aucune capacité à voir l’autre. Il utilise sa nièce comme un soldat : c’est elle qui frotte, c’est elle qui porte les sacs, et c’est elle qu’il envoie au front pour faire fructifier son trafic.


Il entretient des rapports presque incestueux avec sa soeur et sa nièce.


Dès l’écriture du scénario, il était clair pour moi qu’Henri et Martine avaient une relation un peu trouble. Mais je ne voulais rien appuyer, c'est à peine si j'en ai parlé aux acteurs. Il fallait que ça transpire, que ça passe par les corps. Celle qui se construit avec Sandrine s’est insinuée au fur et à mesure du tournage, comme une violence supplémentaire faite à la jeune femme ; une menace sourde qui constituerait un obstacle de plus à sa quête de liberté. Après la nuit passée sur l’autoroute et quoiqu’elle ait appelé Pierre à l’aide, c’est au secours d’Henri qu’elle vole quand les deux hommes se sautent à la gorge. Il transpire quelque chose de volontairement sensuel dans la scène où elle le soigne : elle lui passe la main dans les cheveux, il lui caresse délicatement la sienne… Dans la scène suivante, il la couche sur le bureau en menaçant de l’étrangler. On est en droit d'y voir des images suggestives !

 

Pour lire la suite de l'interview cliquez ici.

 

Je suis un soldat - Louise Bourgoin

Louise Bourgoin, qui interprète Sandrine, est, pour beaucoup, à l’origine du film.


Elle était venue voir un de mes spectacles au théâtre et j’ai découvert quelqu’un de très différent de la projection que je m'en étais faite. Nous sommes devenus amis. Elle et moi venons du même milieu social. Mes préoccupations faisaient écho en elle. J’ai vraiment écrit mon scénario en pensant à Louise : je pressentais qu’elle avait une colère à exprimer qu’on ne lui avait encore jamais vue à l’époque au cinéma.


Etait-elle au courant de votre projet ?


Je ne voulais pas qu’elle se sente obligée de quoi que ce soit. Elle m’a demandé d’en lire une version un jour et m’a rappelé, enthousiaste. C’est seulement là que je lui ai avoué avoir écrit le rôle pour elle. "Je n’osais pas l’espérer," m’a-t-elle dit. Je pensais que la comédienne à qui tu donnerais ce rôle aurait beaucoup de chance. C’est moi qui suis chanceux. Louise a un instinct de jeu absolument dingue.

 

Vous êtes très économe de dialogues.


Je ne les utilise qu’en dernier recours. Je travaille beaucoup la structure de mes films : pour moi, le sens et l’émotion doivent naître des images et de la collision d’une scène avec une autre. Quand mes personnages parlent, c’est uniquement pour évoquer des questions concrètes, pas pour étaler leurs états d’âme.

 

Le son et la musique jouent également un rôle très important.


Le son est au diapason de ce que traversent intérieurement les protagonistes : leur tension se matérialise par des stridences, des sons étouffés ou saturés qui viennent court-circuiter les rumeurs de la vie normale. Avec Martin Wheeler, qui a composé la musique du film, nous voulions trouver une mélodie qui adhère étroitement au chemin que se fraye Sandrine pour sortir du chaos où elle se trouve : la clarinette basse, qui est utilisée dans le film, apporte la gravité, le souffle et l’élan qui la caractérise.


Pourquoi avoir souhaité mettre Quand revient la nuit, cette chanson des années soixante de Johnny Hallyday qui inspire le titre du film ?


C’est toujours cette idée d’introduire un moment de légèreté au milieu de l’âpreté des événements. J’avais envie d’une pause musicale et j’ai été séduit par cette mélodie et la voix qu’a Johnny Hallyday à cette époque. Et puis le texte parle de lui-même.

 

Je suis un soldat - Louise Bourgoin

Mon opinion

 

Tout le contraire de ce à quoi je m'attendais.

 

Pour son premier long-métrage, Laurent Larivière saura éviter avec une grande subtilité une cruauté visuelle trop appuyée. Il est bien question de ce monstrueux trafic de chiots, en provenance des pays de l'Est, qui transitent via la Belgique.

 

Les mauvais traitements, les fraudes qui s'en suivent, et l'enrichissement scandaleux pour les trafiquants, seront l'un des points cruciaux du film. Le scénariste réalisateur met tout son talent dans une étude approfondie et soignée des principaux personnages. Deux mondes qui se côtoient. Deux univers opposés dans lesquels se mêlent des situations écœurantes pour certaines, d'honnêteté, voire de candeur pour d'autres.

 

Nous découvrirons tour à tour leurs failles, leurs qualités, leurs peurs, leurs souffrances. L'espoir d'une autre vie, aussi.

 

Sandrine, étonnante Louise Bourgoin se trouvera, d'une part, confrontée au questionnement d'une mère bienveillante et quelque peu crédule. D'autre part elle fera face à un oncle enrichi  à l'insu de toute sa famille, par cet horrible trafic. Un oncle qui tente de racheter sa conduite maffieuse derrière une belle apparence, celle d'un frère et d'un oncle parfait. Un homme qui se voudrait respectable. Il fera preuve de bienveillance, voire d'une belle générosité financière envers sa famille dans le besoin. L'urgence dans laquelle celle-ci se trouve la rend peu scrupuleuse devant cette prétendue générosité. Dans ce rôle, Jean-Hugues Anglade est remarquable.

 

Pour ce premier long-métrage, et un casting parfait, Laurent Larivière frappe un grand coup !

20 novembre 2015 5 20 /11 /novembre /2015 11:40

 

Date de sortie 18 novembre 2015

 

L'Hermine


Réalisé par Christian Vincent


Avec Fabrice Luchini, Sidse Babett Knudsen,

Corinne Masiero, Eva Lallier,


Genre Comédie dramatique


Production Française

 

 

Mostra de Venise 2015 L'Hermine doublement récompensée.

 

- Coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine

pour Fabrice Luchini


    - Meilleur scénario pour Christian Vincent

 

 

César 2016.

 

- Meilleure actrice dans un second rôle Sidse Babett Knudsen 
 

 

À la question :

Qu’est-ce qui vous a plu dans le personnage que vous interprétez ?


Fabrice Luchini répond : Qu’il soit désagréable ! ... J’aime les personnages qui ne suscitent a priori pas la compassion, qui ne sont pas dans le compassionnel mécanique. On vit une époque de compassion globale. Tout le monde est censé être merveilleux, sympa… Ceci étant dit, mon personnage est un bon Président de Cour d’Assises. Méchant, mais bon dans son travail. Il incarne l’autorité mais ne cherche jamais à influencer le jury. Et puis il y a l’histoire d’amour, une histoire atypique ! Racine était tombé amoureux d’une anesthésiste qu’il retrouve par hasard dans le jury. Cette femme va l’illuminer, l’élever

 

Synopsis

 

Michel Racine (Fabrice Luchini) est un Président de cour d'assises redouté. Aussi dur avec lui qu'avec les autres, on l'appelle "le Président à deux chiffres". Avec lui, on en prend toujours pour plus de dix ans.

 

Tout bascule le jour où Racine retrouve Ditte Lorensen-Coteret (Sidse Babett Knudsen). Elle fait parti du jury qui va devoir juger un homme accusé d'homicide. Une femme bien dans sa peau. Elle vit seule avec sa fille adolescente. Leur relation fonctionne bien, sa vie est complète.  C’est une femme un peu effacée mais réceptive et curieuse de ce qui se passe dans le tribunal.
 

Six ans auparavant, Racine a aimé cette femme. Presque en secret. Peut-être la seule femme qu'il ait jamais aimée.

 

L'Hermine - Fabrice Luchini

Entretien avec Christian Vincent. Scénariste et réalisateur, relevé dans le dossier de presse

 

Comment est né le projet de L’Hermine ?


D’une envie partagée par mon producteur Matthieu Tarot et moi, de retrouver Fabrice Luchini 25 ans après La Discrète. Restait à trouver un personnage et une histoire. En discutant avec Matthieu – un passionné du monde judiciaire – nous avons imaginé Fabrice en Président de Cour d’Assises. Je pensais qu’il porterait assez bien la robe rouge et le col d’hermine. Comme je ne connaissais rien à l’univers de la justice, j’ai commencé par assister à un procès d’assises. Là, je découvre qu’une salle d’audience, c’est un peu un théâtre, avec son public, ses acteurs, sa dramaturgie et ses coulisses. C’est un ordre réglé qui ne demande qu’à être bousculé. Mais c’est avant tout un lieu de parole, fondé essentiellement sur l’oralité des débats. Un lieu où certains maîtrisent le langage, là ou d’autres, parfois, ne comprennent même pas les questions qu’on leur pose. Il y a tout dans un procès d’assises. Il y a de la détresse humaine, des envolées lyriques, des moments d’ennui, des plongées dans l’intime, des camps qui s’affrontent, des gens qui mentent, des vérités qui s’opposent et beaucoup de questions qui restent sans réponse. Au bout de l’audience, parfois, il arrive que la vérité triomphe. Mais pas toujours. Le plus souvent, on ne sait pas.


Par quel biais avez-vous abordé l’écriture du scénario ?

 

J’ai commencé en me rendant au tribunal de Bobigny. Quatre jeunes hommes étaient accusés de viol en réunion dans un local poubelle. Malgré le huis clos, avec l’accord des parties, j’ai pu assister au procès "côté cour", comme n’importe quel élève magistrat. A chaque suspension de séance, j’accompagnais le Président, Olivier Leurent, ses deux juges assesseurs, sa greffière et les neuf jurés dans ce que l’on peut appeler les coulisses.

J’ai vu les jurés poser des questions aux magistrats, faire connaissance les uns avec les autres, parler entre eux de ce qu’ils avaient entendu. J’ai vu des magistrats attentifs à leurs demandes, répondant à chacune de leurs questions, tout cela pendant cinq jours… Et puis j’ai immédiatement renouvelé l’expérience, à la Cour d’Assises de Paris cette fois-ci. Un jeune homme était accusé d’avoir égorgé son amant. À partir de là, je pouvais commencer à écrire. J’avais les éléments qui me permettaient de le faire. Pour que le film soit juste, il fallait que la partie documentaire le soit.

 

Restait l’histoire…


L’histoire est venue simplement, naturellement, de la personnalité du magistrat. J’imaginais un Président de Cour d’Assises proche de la retraite. Un homme respecté et craint au Palais de Justice, mais méprisé et ignoré à son domicile. Chez lui, à l’exception de son chien, on lui témoigne assez peu d’égards, alors qu’au tribunal on lui donne du Monsieur le Président. J’imaginais donc un homme amer, peu enclin à la jouissance. Un homme qui, une seule fois dans sa vie, était tombé amoureux d’une femme. C’était cinq ou six ans auparavant. Un accident l’avait plongé dans le coma. En se réveillant, un visage de femme était penché sur lui. Ça avait été une illumination. Or, voici que cette femme réapparaît dans sa vie. Elle est jurée d’un procès dont il va diriger les débats. Il va devoir vivre à ses côtés pendant quelques jours… L’histoire était trouvée.
 

Comment avez-vous construit le personnage de Ditte ?


En opposition au personnage de Racine. Racine, c’est la nuit, c’est la part sombre de chacun d’entre nous, alors que Ditte, c’est la lumière. Racine punit quand Ditte ramène à la vie. En écrivant ce personnage, j’avais un personnage de film en tête, celui de Christine – interprété par Nora Gregor – dans La règle du jeu de Jean Renoir. Un aviateur tombe éperdument amoureux d’elle parce qu’elle a simplement été aimable avec lui. "Alors en France, on n’a pas le droit d’être simplement aimable avec un homme ?" demande-t-elle à Octave, interprété par Jean Renoir. "Non, on n’a pas le droit." Répond-t-il. "Alors j’ai tous les torts." conclut-elle.

 

L'Hermine - Fabrice Luchini et Sidse Babett Knudsen

 

Fabrice Luchini et Sidse Babett Knudsen

Pourquoi avoir choisi Sidse Babett Knudsen pour interpréter le rôle de Ditte ?


Pendant que j’écrivais le scénario, je n’avais aucune idée de l’actrice à qui je pourrais confier le rôle. Des noms tournaient dans ma tête, mais aucun ne me convainquait. De qui Michel Racine – Fabrice Luchini – aurait-il pu tomber amoureux quelques années auparavant ? Je séchais. Je ne voyais personne. À l’époque, Arte diffusait la saison 3 de Borgen et je ne manquais aucun des épisodes. J’adorais l’actrice. Je la trouvais à la fois sexy et virile. Elle me faisait penser aux héroïnes des films de John Ford. Et puis un jour de désoeuvrement, je "tape" son nom sur Google. Un lien me renvoie à un entretien qu’elle donne à Arte. Je découvre alors qu’elle parle couramment français. Dans la minute, j’appelle mon producteur pour lui dire que j’ai trouvé l’actrice.


25 ans après La Discrète, comment se sont déroulées les retrouvailles avec Fabrice Luchini…


Fabrice savait que j’écrivais en pensant à lui. Une fois que Matthieu Tarot et moi avons estimé qu’on pouvait lui faire lire quelque chose, j’ai pris rendez-vous avec lui. Je me suis rendu dans son appartement du XVIIIéme arrondissement de Paris. J’ai fait la connaissance de Shiba, sa petite chienne de 2 ans. Nous avons bu un café dans sa cuisine. Je me souviens que la discussion a tourné autour du marché de l’immobilier, des taux de crédit en vigueur et du quartier dans lequel il vit et qu’il n’a jamais quitté. Avant de partir, je lui ai remis le scénario de L’Hermine. Le lendemain, il appelait en disant qu’il faisait le film.

 

L'Hermine - Fabrice Lucchini.

Il incarne son rôle de magistrat avec sobriété. L’avez-vous dirigé dans ce sens ?


Ça n’était pas nécessaire.

Fabrice est un acteur aux antipodes de la méthode "actor’s studio" et de toutes les techniques qui prônent l’introspection, la recherche psychologique ou l’identification.

Néanmoins, avant que nous ne commencions à tourner, il a voulu rencontrer le Président de Cour d’Assises qui m’avait accueilli à deux reprises. Un jour, il est donc venu au Palais de Justice de Paris pour assister à une demi-journée de procès.

 

Il a vu la sobriété avec laquelle le Président dirigeait son procès. Pas un mot plus haut que l’autre.
Au bout d’une heure, il avait compris.

 

 

Comment s’est déroulé le tournage entre Fabrice et Sidse…

 

D’une manière atrocement normale, c’est à dire terriblement professionnelle. Ils venaient d’univers complètement différents. Et cela a aidé à leur entente, à leur complicité. Sidse n’avait jamais tourné en France. Elle observait notre manière de travailler avec étonnement, notre rythme de travail, nos pauses déjeuner, notre décontraction, notre apparente improvisation… Tout cela la décontenançait et l’amusait à la fois.

Qu’attendez-vous de vos comédiens ?


Je suis comme tout le monde. J’attends qu’ils arrivent à l’heure et qu’ils connaissent leur texte. (rires). J’écris toujours mes dialogues avec beaucoup de points de suspension… Parfois même, je ne termine pas mes phrases. En vérité, j’attends qu’ils me surprennent et j’essaie de réunir autour d’eux, les conditions de cette attente. La direction d’acteur, c’est un subtil mélange entre deux sentiments contradictoires. Il faut rassurer et déstabiliser à la fois.


Autour d’eux on trouve des seconds rôles au jeu très réaliste. Comment les avez-vous choisis ?


L'Hermine - Corinne Masiero.

J’ai un truc…

Moi qui dans la vie ne suis pas du tout physionomiste - limite agnosique - je choisis les acteurs sur leur physique.

Je veux dire par là que je choisis systématiquement des acteurs ou des actrices qui ne se ressemblent pas.

Ma hantise, c’est que l’on confonde un personnage avec un autre.

 

 

Après ça, je choisis des gens normaux, ou si vous préférez, des acteurs qui ne font pas acteur. À tel point que quand je me promène dans la rue, que je sois en préparation d’un film ou pas, je croise toujours quantité de gens qui me donnent envie de les faire tourner…

 

Comment travaille-t-on les scènes qui confrontent

un comédien confirmé à un amateur ?

 

Je travaille avec les non professionnels comme avec les enfants. Dix minutes avant de tourner, je leur donne des indications sur leur personnage, le contenu de la scène, ce qu’ils devront dire. Mais sans leur donner de texte à apprendre. Rien de pire que la récitation. Parfois le jeu est maladroit. Mais généralement on est récompensé.


Pourquoi avoir tourné les extérieurs dans le Nord ?

 

C’est plus fort que moi. Je reviens toujours dans le Nord. Je m’y sens bien. Je ne sais pas exactement à quoi cela tient. À un goût pour une certaine forme de mélancolie, peut-être… Et en même temps, dans le Nord, il y a une vraie drôlerie, une vraie gaieté qui n’a rien à voir avec l’affreuse bonhomie des gens du Sud.


Que représente ce film pour vous ?

 

Il y a encore assez peu de temps, quand on me demandait pourquoi je faisais des films, je répondais que c’était le métier qui m’offrait le meilleur emploi du temps possible… L’alternance entre les périodes d’écriture solitaire, l’excitation des tournages pendant lesquels il faut entraîner derrière soi une armée de collaborateurs, la remise en cause personnelle du montage… Des moments de doute, des moments d’euphorie. Aujourd’hui, quand on me demande pourquoi je filme, je réponds que c’est pour filmer mon pays, et cela dans la diversité des ses territoires, de ses langues et de ses cultures. Si j’ai décidé de tourner dans un Palais de Justice, c’est pour cette raison là. Un procès d’assises, c’est un des rares endroits de la société où toutes les paroles se croisent, où toutes les cultures cohabitent et où toutes les classes sociales se frottent. Le contraire de l’entre soi.

 

Fabrice Luchini et Sidse Babett Knudsen - L'Hermine

Mon opinion

 

Le film se déroule, pour sa plus grande partie, dans une salle d'audience du tribunal de Saint Omer. Nous assistons au déroulement d'un horrible procès pour infanticide.

 

De la nomination des jurés, au défilé des témoins le sujet peut paraitre rébarbatif. Sans rien connaître de la tenue d'un tel procès, l'intérêt n'en reste pas moindre grâce à Monsieur le Président de la Cour d'Assises. Il tient à son titre. Cet homme n'est autre que Fabrice Luchini, d'une extraordinaire sobriété. Tant dans les paroles que dans ses actes.

 

Concernant son personnage l'acteur a déclaré avoir aimé : "Qu’il soit désagréable ! ... J’aime les personnages qui ne suscitent a priori pas la compassion, qui ne sont pas dans le compassionnel mécanique. On vit une époque de compassion globale. Tout le monde est censé être merveilleux, sympa… Ceci étant dit, mon personnage est un bon Président de Cour d’Assises. Méchant, mais bon dans son travail ..."  

 

Un homme seul, qui vit à l'hôtel, et traîne sa valise comme un poids supplémentaire de sa charge dont il s'acquitte avec une réputation qui lui vaut le surnom de Président à deux chiffres. Sous sa présidence, les accusés sont, en général, condamnés à des peines dépassant les dix ans.

 

Le scénario ne fouille pas le passé des personnages. Ni ceux qui représentent la justice, pas davantage pour celui qui se trouve au ban des accusés. Un détail qui aurait peut-être mérité d'être plus fouillé pour donner à l'ensemble un véritable souffle et un intérêt supplémentaire.

 

N'en demeure pas moins la rencontre fortuite entre ce président et une femme qu'il a connue des années auparavant, incarnée avec élégance par Sidse Babett Knudsen. Reste aussi un passage avec la fille de celle-ci, dont le rôle est tenu, avec un naturel déconcertant, par Eva Lallier. La toujours convaincante Corinne Masiero est également présente au casting.

 

Une autre critique, celle de Dasola en cliquant ici.

19 novembre 2015 4 19 /11 /novembre /2015 11:25

 

Date de sortie 18 novembre 2015

 

Macbeth


Réalisé par Justin Kurzel


Avec Michael Fassbender, Marion Cotillard, David Thewlis,

Paddy Considine, Jack Reynor, Elizabeth Debicki, Sean Harris


Genre Drame


Production Britannique, Française, Américaine

 

Décorateur de théâtre réputé en Australie, Justin Kurzel a toujours été attentif à l’esthétique des spectacles qu’il met en scène. Son film de fin d’études, Blue Tongue, a été sélectionné dans de nombreux festivals, comme la Semaine de la Critique à Cannes, New York et Melbourne, où il a remporté le prix du meilleur court métrage.


Il signe son premier long métrage Les crimes de Snowtown, qui décroche le prix du public au festival d’Adelaïde. Le film est présenté dans une quinzaine de festivals du monde entier, dont Toronto et la Semaine de la Critique.


Justin Kurzel est aussi réalisateur de publicités et de clips. Sa campagne pour The Earth Hour lui a valu le Titanium Award au Cannes Lins, tandis que le spot qu’il a réalisé pour le British Council a remporté le prix de Bronze au Cannes Lions.

 

Synopsis

 

Écosse. XIème siècle.

 

Macbeth (Michael Fassbender), chef des armées, sort victorieux de la guerre qui fait rage dans tout le pays.

 

Sur son chemin, trois sorcières lui prédisent qu’il deviendra roi.

 

Comme envoûtés par la prophétie, Macbeth et son épouse (Marion Cotillard) montent alors un plan machiavélique pour régner sur le trône, jusqu’à en perdre la raison.

 

Macbeth - Marion Cotillard et Michael Fassbender

 

Marion Cotillard et Michael Fassbender

Macbeth est sans doute l’une des oeuvres les plus célèbres de Shakespeare. Depuis sa toute première parution il y a quatre siècles, la pièce a été fréquemment adaptée ou modernisée sur scène, au cinéma ou à la télévision. Le récit tragique de ce général écossais, dévoré par l’ambition et par son destin royal, fascine depuis longtemps comédiens, metteurs en scène et spectateurs. Au cinéma, il a donné lieu à plusieurs adaptations signées notamment Orson Welles en 1948 ou Roman Polanski en 1971.
Face à l’émergence d’une nouvelle génération de grands comédiens anglais de théâtre, de télévision et de cinéma, les producteurs Iain Canning et Emile Sherman, de See-Saw Films, ont estimé que le moment était venu de proposer une nouvelle lecture de la pièce.

 

"Des comédiens comme Tom Hiddleston (Othello) et Jude Law (Hamlet et Henri V au théâtre notamment) campent le premier rôle dans des pièces de Shakespeare", note Iain Canning. "Je trouve intéressant de voir cette nouvelle génération se réapproprier le répertoire shakespearien et redécouvrir sa signification."


Le moment était également opportun sur le plan des thèmes abordés dans la pièce : en effet, l’avidité et ses ravages sont plus que jamais d’actualité.

 

Jack Reynor, qui campe Malcolm, souligne : "L’avidité est un fléau qui peut corrompre des millions de gens et détruire leur vie. Autant dire que l’histoire de  Macbeth  est particulièrement bouleversante quand on a en tête le climat économique de ces dernières années."


Pour les producteurs, la mondialisation actuelle permettait aussi d’accentuer l’envergure de l’intrigue et de donner au film une dimension moderne. "Ce qui m’a semblé très fort dans cette adaptation, c’est l’importance du collectif et l’existence d’un vaste monde dans lequel évoluent nos personnages", souligne Iain Canning. "Nous avons davantage mis en évidence le fait que Macbeth et Lady Macbeth habitent un monde, qu’ils en sont le produit et que leurs décisions peuvent le transformer. Nous avons donc adopté un point de vue beaucoup plus moderne et cinématographique."


En revanche, la production tenait particulièrement à préserver la langue de Shakespeare. "On aurait abouti à un résultat extrêmement différent si on n’avait pas respecté l’usage des vers", reprend le producteur. "Notre défi à consisté à opérer quelques coupes dans la pièce aux endroits les plus pertinents, puis à constituer une équipe capable de faire oublier au spectateur qu’il assiste à une oeuvre classique à la langue archaïque."

"C’était jubilatoire d’observer Justin diriger ses comédiens. J’avais l’impression d’assister à une master-class. Les comédiens se sont presque instantanément adaptés à son rythme, et en très peu de temps, ils ont accepté de lui faire confiance et de répondre à ses demandes. Ensemble, ils ont exploré les recoins les plus sombres de l’âme humaine. À cet égard, Justin est un véritable directeur d’acteurs."affirme Laura Hastings- Smith.

Michael Fassbender - Macbeth.

"Nous avons abordé la pièce avec simplicité", précise Michael Fassbender, interprète du rôle-titre. "Nous n’avons jamais cherché à bousculer le texte en vers, ou à le contourner, mais nous avons privilégié la sobriété et la proximité.

D’entrée de jeu, Justin Kurzel voulait établir un rapport beaucoup plus intime avec le texte que dans les précédentes adaptations, tout en restant fidèle à l’oeuvre. Comme avec n’importe quel scénario, on ne cherche pas à saboter ce texte magnifique, mais à l’utiliser dans le jeu et se l’approprier."

 

 

 

Justin Kurzel souligne : "On a tourné le film en vers, et ce n’est pas la même chose de donner la réplique à un partenaire en face de soi, et de jouer sur scène devant un public. Je crois qu’il se passe quelque chose lorsqu’on a un comédien face à soi et que la caméra s’approche au plus près des acteurs. On ne joue plus pour un large public, mais dans un cadre beaucoup plus intime."

 

"On a le sentiment que Lady Macbeth est un peu distante des autres femmes de cette communauté à laquelle elle appartient, comme si elle avait d’autres priorités qu’elles. Cela donne davantage de densité au rôle, et si on y ajoute la prestation stupéfiante de Marion Cotillard, l’approche du personnage est totalement nouvelle." constate la production.

 

Jack Reynor en convient : "C’est parfaitement logique qu’elle ait gardé son accent d’origine, et cela apporte une dimension nouvelle au projet. Elle est d’une force peu commune et, à certains moments du film, c’est elle qui prend le pouvoir. C’est un honneur d’avoir partagé l’affiche avec elle." Justin Kurzel explique que la comédienne a beaucoup travaillé pour se familiariser à la langue de Shakespeare, malgré la barrière de la langue. "C’était un formidable effort de sa part car la versification anglaise lui était totalement étrangère. Quand je l’ai contactée – et Michael et moi avions vraiment envie qu’elle participe au film, elle ne pensait pas qu’elle aurait un jour une telle opportunité et, du coup, elle n’a pas pu refuser."

Jack Reynor incarne Malcolm. Sans formation théâtrale classique, l'acteur était séduit par l’équipe déjà constituée : "Je connaissais Michael avant le tournage et je m’entendais très bien avec lui. Au départ, j’ai donc sauté sur l’occasion de travailler avec lui. Par la suite, j’ai appris que Justin Kurzel allait réaliser le film, et il se trouve que j’avais vu Les Crimes de Snowtown. Je m’étais dit que c’était une représentation extrêmement sombre, mais captivante, de cette région du monde et de la société australienne. J’étais donc certain que, sur le plan esthétique, il s’en sortirait très bien. " confie-t-il.

 

Macbeth - Jack Reynor

 

Jack Reynor a été intéressé par l’évolution de Malcolm tout au long du film. "C’est un jeune homme qui cherche à devenir un homme et à faire face à ses responsabilités. C’était intéressant de garder en tête l’idée qu’à la mort de son père, il s’effondre et redevient un petit garçon vulnérable, et que dans le même temps, il doit ensuite se ressaisir et s’endurcir pour assumer ses responsabilités."

L'acteur  a particulièrement apprécié de donner la réplique à David Thewlis, qui incarne Duncan. "La toute première fois que je suis allé au cinéma, c’était pour un film avec David. C’était extraordinaire de me trouver sur le même plateau que lui. Il a campé Duncan comme un homme timide et un roi peu sûr de lui. On éprouve de la compassion pour lui, on pleure sur son sort, car son seul crime est de ne pas être aussi fort que l’était son père."
Iain Canning ajoute : "En général, pour Duncan, on a tendance à choisir un acteur beaucoup plus âgé que Macbeth. De notre côté, on voulait trouver un comédien qui représente un défi physique et psychologique à Macbeth, mais qui soit son contemporain. David s’est imposé dans le rôle de Duncan car il lui apporte un mélange de force et de fragilité, donnant au personnage une vraie densité qu’on ne voit pas souvent."

 

Si Lady Macbeth est écossaise, la présence de Marion Cotillard apportait une dimension supplémentaire au film. "C’est ce qui nous a permis d’avoir un personnage central qui possède une part de mystère", constate Ian Canning.

 

"Je ne pouvais pas laisser passer la chance d’interpréter ce personnage en anglais, renchérit la comédienne. Nous avons tous travaillé la langue avec Neil Swain qui, bien plus qu’un répétiteur, est surtout un spécialiste de Shakespeare. Avec lui, nous nous sommes immergés dans l’univers shakespearien, et il ne s’agissait donc pas seulement de trouver le bon accent, le rythme et l’énergie nécessaires."
Marion Cotillard - Macbeth

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"J’étais sûre qu’un jour je jouerais Lady Macbeth, souligne l’actrice qui a une proximité rare avec l’Écosse et la pièce. Mais je pensais que je le ferais en français et sur scène. Quand on m’a proposé ce projet, j’ai été surprise, pour ne pas dire autre chose."

"On a dû faire un gros effort, car Shakespeare peut être difficile à comprendre, même pour des Anglais,"  déclare l'actrice.

 

"Mais cela a suscité une énergie qui nous a galvanisés tout au long du tournage."

 


"Justin instaure une vraie complicité sur le plateau, et chacun a envie de lui faire confiance. Il est époustouflant dans le travail, et je suis convaincu que tous ceux qui ont participé à l’aventure lui font une confiance totale. C’était effrayant. Mais sans ce type de difficulté, cela n’en aurait sans doute pas valu la peine, et j’ai adoré relever ce défi. C’était formidable de pouvoir jouer en vers avec ces partenaires, qui n’avaient pas reçu de formation shakespearienne classique." indique Jack Reynor.


En revanche, le texte en vers met en valeur l’une des grandes forces de Shakespeare : la langue comme outil de manipulation. Et dans Macbeth, la manipulation est permanente : "Quand on voit Michael avec Marion, ou Michael et Paddy Considine, on a le sentiment d’être dans Les Affranchis, car ces personnages cherchent à manipuler leur interlocuteur de manière intelligente et sournoise", explique le réalisateur.

Il y a là un sous-texte qui reste dans le non-dit, et ce qui est captivant dans Macbeth, c’est que la tension souterraine se manifeste sans artifice.


Tandis que les scénaristes s’attelaient à l’adaptation de la pièce, les producteurs ont cherché l’interprète de Macbeth, choix déterminant pour l’ensemble du tournage.

"Après Shame, on avait vraiment envie de retravailler avec Michael Fassbender," indique Iain Canning. "Alors qu’on travaillait sur l’adaptation, on s’est dit qu’on lui enverrait à tout hasard le scénario. Mais plus on y pensait, plus on se rendait compte qu’il était le seul correspondant à nos attentes."


De son côté, Michael Fassbender, qui s’est imposé rapidement comme l’un des comédiens les plus doués de sa génération, a aussitôt décelé le potentiel de cette nouvelle adaptation. "C’était captivant de bout en bout, note-t-il. C’est un texte extraordinaire et ce genre d’occasion ne se présente qu’une fois. Du coup, j’ai tâché de me préparer de mon mieux et de soulever toutes les questions que je pouvais me poser afin de ne rien laisser au hasard"

 

Iain Canning estime que Michael Fassbender donne une véritable humanité au personnage : "Son interprétation n’a rien de théâtral : on cerne parfaitement l’état d’esprit de cet homme. Ce qui est sidérant, c’est qu’on voit sa folie prendre corps. On sait qu’on ne peut rien faire pour lui et qu’on ne peut pas l’aider, si bien qu’on assiste aux événements en train de se dérouler – ce qui peut surprendre dans une pièce que chacun connaît assez bien. Elle recèle encore de surprises et d’émotions."

 

Michael Fassbender - Macbeth


Une fois Michael Fassbender engagé dans l’aventure, il a fallu trouver un réalisateur à la hauteur du comédien et capable d’apporter une dimension nouvelle au texte. La présence de Michael Fassbender au casting a suscité de nombreuses convoitises. "Avec Michael dans la distribution, beaucoup de réalisateurs se sont portés candidats", indique la production.

"Justin Kurzel a réussi à faire exister un monde qui s’appuie sur son expérience du théâtre et qui offre un éclairage authentique sur l’époque médiévale. Mais le film se déroule dans un univers proche du Far West, comme un western. C’est un monde difficile, où les habitants tentent de survivre, et je pense que Macbeth choisit la voie du meurtre pour avoir une vie meilleure dans un monde hostile" déclare Iain Canning.


Justin Kurzel a mis au point cet univers grâce à ses recherches, en se focalisant notamment sur la véritable histoire du monarque. "À quoi ressemblait cette époque ? Était-elle particulièrement violente ? Cela m’a beaucoup fait penser à un western, et l’atmosphère m’a semblé beaucoup plus effrayante que dans les adaptations antérieures de la pièce."s’interroge-t-il. Mais c’est en découvrant Macbeth sous les traits d’un guerrier que le réalisateur a eu envie de participer au projet. "Le spectre de la guerre plane sur les personnages et ce film m’offrait donc l’opportunité de transposer ce climat de manière cinématographique. Comment Macbeth se comporte-t-il en temps de guerre ? Est-il un produit de la guerre ? En quoi cela influence-t-il son ambition de devenir roi ? C’était passionnant de voir un personnage tenter de substituer à son traumatisme, et à sa peine, son obsession pour les liens du sang." note le réalisateur.


La présence de Michael Fassbender a achevé de convaincre Justin Kurzel. "Je ne me serais pas engagé sans Michael. Je l’ai rencontré après avoir terminé mon premier film : c’est l’un des meilleurs acteurs de sa génération, et de très loin, si bien que j’avais envie de travailler avec lui pour ses qualités humaines et artistiques. Dès que j’ai appris qu’il avait donné son accord, je n’ai pas hésité une seconde à m’embarquer dans l’aventure." confie-t-il.

 

D’ailleurs, c’est après la découverte par Michael Fassbender des Crimes de Snowtown – et avant même que l’idée de confier la réalisation du film à Justin Kurzel ne soit évoquée – que l’acteur a demandé à son agent d’organiser un rendez-vous. "J’ai immédiatement eu envie de travailler avec lui. En me fiant à ce que je percevais chez lui sur un plan personnel et à nos conversations, j’ai compris qu’on allait s’entendre. Tout est parti de là, et l’amitié et l’estime que je lui porte, à titre professionnel et personnel, n’ont fait que croître. Sa compréhension subtile du texte et la précision de son regard m’ont guidé à chaque pas " reconnaît Fassbender.

 

Macbeth - Marion Cotillard et Michael Fassbender

 

Marion Cotillard et Michael Fassbender

Le film a été tourné en sept semaines – soit 36 jours pour être précis – et intégralement en décors extérieurs, sauf pendant six jours. "L’authenticité était un objectif prioritaire pour le réalisateur, qui tenait à créer un monde parfaitement crédible et cohérent, et il en parlait d’ailleurs comme d’un univers de western" note Laura Hastings-Smith. L’aridité du monde de Macbeth fait du paysage un personnage à part entière et, du coup, il était essentiel de tourner au coeur de ce paysage. Justin Kurzel souligne : "On a délibérément choisi de tourner le film en extérieurs, et cela nous a posé beaucoup de difficultés, mais a ancré l’histoire dans la réalité et a établi un lien entre le cadre naturel, les dialogues et le jeu des comédiens, et c’est ce qu’on ressent dans le film. Cela donne un côté réaliste et concret à l’ensemble, ce qui est inédit dans un film en vers."

 

Le tournage a présenté de nombreux défis, et notamment parce qu’il a fallu tourner en extérieurs en plein hiver. "À un moment donné, on a eu l’impression d’être jugé par William Shakespeare en personne. Soit il soutenait de temps en temps notre démarche, et il faisait en sorte qu’on ait la météo adéquate pour les scènes de tempête – et il se trouve qu’on tournait ces scènes au moment où la Grande-Bretagne subissait les pires conditions climatiques de son histoire. Soit, il voulait tout simplement qu’on interrompe le tournage !",  plaisante Ian Canning.

 

Selon Laura Hastings-Smith, c’est Michael Fassbender qui, en se plaçant en tête, a aidé ses partenaires et les techniciens à affronter les conditions climatiques difficiles. "Il s’implique tellement dans ce qu’il fait, il est d’une telle force physique et tellement focalisé sur son personnage, qu’il était un vrai chef pour nous tous". On se disait que si Michael y arrivait, on pouvait y arriver nous aussi."dit-elle.

D’ailleurs, tous les comédiens ont fait face aux difficultés climatiques sans jamais se plaindre : "Marion a dû tourner des scènes hallucinantes, pieds nus dans la lande et sous la grêle. Elle est, elle aussi, une grande professionnelle. Je crois que c’est parce qu’ils croyaient au film, et qu’ils croyaient en Justin – qui ne les a jamais lâchés – qu’on a obtenu ce qu’on voulait."
Marion Cotillard ajoute : "Lorsqu’on est porté par l’énergie d’un grand réalisateur et par la force de l’histoire, on ressent la magie de son dispositif et on trouve l’énergie de faire ce qu’il nous demande, même s’il faut supporter le froid et des conditions parfois difficiles."

"Cela a créé des liens entre nous. Quand on voit son chef-décorateur passer par-dessus la caméra à cause du vent, ou lorsque Marion Cotillard disparaît dans un marécage en marchant, cela rapproche les comédiens et les techniciens." confie le réalisateur.

Michael Fassbender déclare : "Tout ce qu’on distinguait des techniciens, c’étaient leurs orbites qui perçaient la grisaille – des hommes qui travaillent dans ce métier depuis 25 ans et qui affrontent les pires conditions météo qui soient."

On se pince et on se dit, "C’est délirant et dingue", ajoute Kurzel. "Mais je pense qu’on ressentira les efforts fournis par les comédiens et, espérons-le, le rôle déterminant que joue le paysage dans la psychose de Macbeth"

 

Macbeth - Marion Cotillard

 

Marion Cottilard

Mon opinion

 

"La vie n’est qu’une ombre qui passe …"

 

Justin Kurzel livre avec ce Macbeth une réalisation particulièrement noire et angoissante. Si certaines séquences sont trop longues et inutiles, d'autres, au contraire, restent totalement déroutantes, voire envoûtantes. La photographie d'Adam Arkapaw y est pour beaucoup. Elle tout simplement remarquable.

 

Le réalisateur plonge au plus profond de la noirceur et de la dérive sanguinaire de ce couple assoiffé de pouvoir. "Le moment était également opportun sur le plan des thèmes abordés dans la pièce : en effet, l’avidité et ses ravages sont plus que jamais d’actualité." Déclare la production.

 

Le film nous entraîne dans un puits sans fond avec une rage omniprésente, destructrice et d'une violence inouïe.

La direction d'acteurs est remarquable.

 

Les comédiens donnent le maximum. David Thewlis, Jack Reynor, Paddy Considine sont les principaux protagonistes aux côtés desquels Michael Fassbender et Marion Cotillard, habités par leurs personnages, sont véritablement pris au piège des ambitions de ce couple meurtrier qu'ils incarnent à l'écran.

Macbeth
Macbeth
Macbeth
Macbeth
Macbeth
Macbeth
Macbeth
Macbeth
17 novembre 2015 2 17 /11 /novembre /2015 19:00

 

Date de sortie 11 novembre 2015

 

Une histoire de fou


Réalisé par Robert Guédiguian


Avec Simon Abkarian, Ariane Ascaride, Syrus Shahidi,

Grégoire Leprince-Ringuet, Robinson Stévenin,Razane Jammal,


Genre Drame


Production Française

 

Une histoire de fou a été présenté en Séances spéciales, hors compétition, du Festival de Cannes 2015.

 

Robert Guédiguian est un habitué du festival puisqu'il a été récompensé par le prix Un certain regard pour son film culte Marius et Jeannette en 1997.

 

Synopsis

 

Berlin 1921, Talaat Pacha, principal responsable du génocide Arménien est exécuté dans la rue par Soghomon Thelirian (Robinson Stévenin) dont la famille a été entièrement exterminée. Lors de son procès, il témoigne du premier génocide du 20ème siècle tant et si bien que le jury populaire l’acquitte.


Soixante ans plus tard, Aram (Syrus Shahidi), jeune marseillais d’origine arménienne, fait sauter à Paris la voiture de l’ambassadeur de Turquie. Un jeune cycliste qui passait là par hasard, Gilles Tessier (Grégoire Leprince-Ringuet), est gravement blessé.


Aram, en fuite, rejoint l’armée de libération de l’Arménie à Beyrouth, foyer de la révolution internationale dans les années 80. Avec ses camarades, jeunes arméniens du monde entier, il pense qu’il faut recourir à la lutte armée pour que le génocide soit reconnu et que la terre de leurs grands-parents leur soit rendue.


Gilles, qui a perdu l’usage de ses jambes dans l’attentat, voit sa vie brisée. Il ne savait même pas que l’Arménie existait lorsqu’Anouch (Ariane Ascaride), la mère d’Aram, fait irruption dans sa chambre d’hôpital : elle vient demander pardon au nom du peuple arménien et lui avoue que c’est son propre fils qui a posé la bombe.


Pendant que Gilles cherche à comprendre à Paris, Anouch devient folle de douleur à Marseille et Aram entre en dissidence à Beyrouth… jusqu’au jour où il accepte de rencontrer sa victime pour en faire son porte parole.

 

Une histoire de fou - Robinson Stévenin

 

Robinson Stévenin

Entretien avec Robert Guédiguian relevé dans le dossier de presse.

 

Votre film est centré autour du génocide arménien et de ses conséquences. Il aborde des thèmes qui croisent directement vos origines et votre histoire personnelle. Il arrive pourtant tardivement dans votre filmographie. Pourquoi ?


Il y a deux raisons principales. La première, c’est que pendant très longtemps mes préoccupations ont été – comme on disait à l’époque – “internationalistes”. J’étais communiste, internationaliste, et les questions d’identité m’apparaissaient tout à fait secondaires. Importantes mais secondaires. La deuxième raison, liée à la première, c’est qu’à partir des années 90 la thématique de l’identité est devenue extrêmement prégnante. Elle est même passée au premier plan, au point de devenir aujourd’hui le coeur du débat politique en France. Du coup, alors que la gauche ne s’occupait à l’origine pas du tout de cette question, il devenait important que des gens de gauche la prennent à bras le corps. Ce que j’ai fait, à partir de ma propre identité.

Je me sentais obligé, au joli sens très français du terme “Je suis votre obligé”. Car je suis en quelque sorte l’obligé de tous les Arméniens du monde, puisque je m’appelle Guédiguian et que je suis, que je le veuille ou non, ambassadeur de l’Arménie et de cette cause. Avec ce film, j’honore ma responsabilité. J’aurais été Palestinien ou Kurde, j’aurais travaillé la question palestinienne ou kurde. Je suis d’origine arménienne, j’ai travaillé la question arménienne.

 

Une Histoire de fou

 

Pourquoi la mémoire de ces événements nous est-elle si rarement rappelée, quand elle n’est pas purement et simplement niée ?


C’est le plus ancien des génocides, ce qui explique en partie ce phénomène. Rappelons-nous que le mot génocide n’existait pas à l’époque des faits. On parlait alors d’exterminations de masse, avant que la notion de “crime contre l’humanité” n’apparaisse à la fin de la Première Guerre.

Le concept de génocide a été créé par Raphaël Lemkin au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. En tant qu’avocat stagiaire, Lemkin était au procès de Soghomon Tehlirian, meurtrier à Berlin en 1921 de Talaat Pacha, l’un des responsables du génocide, dont on parle dans le film. Et il avait médité cette question, comme d’autres de cette génération, à l’exemple de Jaurès ou de Gramsci.

Cela étant, tous les génocides, et celui-ci en fait partie, ont les mêmes caractéristiques : il faut bien déporter les gens, donc les regrouper, les exiler, les mettre dans des camps de concentration, trouver des manières pour les tuer…
Mais les génocides ont tous, également, une unicité. Celle du génocide arménien, c’est sa négation. Une négation d’État, la Turquie, avec toutes les armes d’un État en termes économiques, médiatiques, diplomatiques, commerciaux, juridiques. Un État qui mobilise des moyens énormes pour faire campagne depuis cent ans pour nier le génocide partout et de manière directe, organisée et financée.

Vous avez choisi de traiter votre sujet sous l’angle de la fiction. Est-ce qu’un documentaire n’aurait pas été plus approprié pour servir votre dessein ?


Il y a déjà eu un certain nombre de documentaires en français et surtout en allemand, car beaucoup d’archives sont conservées en Allemagne, pays allié de l’Empire Ottoman à l’époque. Certains sont très bien faits, très beaux, bien documentés… Mon choix de la fiction tient au fait que, si j’ai produit plusieurs documentaires, je n’en ai jamais réalisé. C’est une manière que je ne maîtrise pas. Mais l’essentiel demeure que la fiction permet d’universaliser le propos et son impact, si elle est réussie, est un million de fois plus fort.

Le documentaire est sans doute plus juste historiquement et sur le plan théorique, ce que ne peut pas se permettre le cinéma de fiction qui doit rester concret. Mais la qualité première d’une fiction c’est l’incarnation : on fait exister des personnages que le spectateur n’oubliera jamais.

 

Comment raconte-t-on un génocide au cinéma ? Comment avez-vous abordé l’écriture du scénario et qu’est-ce qui a guidé vos choix de narration ?


Je me disais depuis longtemps que le centenaire approchait et que je ferai un film sur cette histoire, depuis Le Voyage en Arménie, quasiment dix ans. Mais je ne trouvais pas la manière de l’aborder. Raconter le génocide en soi ne m’intéressait pas plus que ça. Ce que je souhaitais, c’était raconter cent ans d’histoire, c’est à dire le génocide et ce qu’il a produit sur plusieurs générations. Je voulais raconter l’histoire de la mémoire du génocide, et plus encore l’histoire de la mémoire de cette histoire ! Et tout cela de manière incarnée.
Et un beau jour, par hasard, je rencontre José Gurriarán. C’est lors d’un Salon du livre. Je le vois arriver sur scène, marchant difficilement avec ses jambes toutes abimées, ses cannes, ses grosses chaussures. Il vient présenter un livre, La Bombe, qui raconte une histoire époustouflante, la sienne. Celle d’un jeune journaliste espagnol qui, en 1981 à Madrid, a sauté sur une bombe posée par des militants de l’Armée secrète arménienne de libération de l’Arménie, l’ASALA. Il a réchappé de cet attentat à moitié paralysé. Et alors qu’il ne savait absolument rien de la question arménienne, et pour s’en sortir, il va vouloir comprendre. Il se met à travailler sur le génocide et sa négation, il lit, il se renseigne, il se documente… Et au bout de ce processus, convaincu que la cause arménienne est juste, il décide de rencontrer les responsables de l’attentat. Après beaucoup d’échecs, parce que ses différents interlocuteurs ont peur, bien sûr, qu’il soit manipulé par les services secrets turcs ou par Interpol… il reçoit un coup de fil : rendez-vous à Beyrouth tel jour à telle heure. Il s’y rend avec un photographe et passe une journée entière à discuter avec deux dirigeants de l’ASALA,(Armée Secrète Arménienne de Libération de l’Arménie) qui vont ensuite l’emmener dans un camp de la Bekaa où il rencontrera ceux qui ont posé la bombe…

 

Cette expérience a été déterminante. Elle a changé le cours de sa vie…


José Gurriaran a en effet écrit deux livres, La Bombe puis Le Génocide arménien, seul ouvrage sur cette question en Espagne. Il est aujourd’hui le principal militant de la reconnaissance du génocide arménien par l’Espagne, qui continue officiellement de l’ignorer. Chaque année au mois d’avril, il passe beaucoup de temps en conférences sur le génocide. Le principal fondateur de l’ASALA vient d’ailleurs de préfacer la réédition de son livre. C’est une très belle histoire ! Ce n’est pas du tout le syndrome de Stockholm. C’est quelqu’un qui a voulu comprendre avant de juger…
Son histoire m’a donné la clé de mon film, un angle pour entrer dans ces cent ans d’Histoire, en m’apportant en quelque sorte le point de vue du spectateur, de quelqu’un qui, a priori, ne sait rien.

 

Une histoire de fou

 

Syrus Shahidi et Razane Jammal

 

L’expérience vécue de José Gurriaran n’est toutefois qu’un point d’entrée. Votre film est aussi, pour raconter le génocide et ses conséquences, une histoire de famille, de diaspora, de culture déracinée… au fil d’un siècle ?


Oui, parce que dès que j’ai eu ce point d’entrée, je me suis dit que ça ne suffisait pas. Il me fallait une idée qui donne à ce qui n’est qu’une chronique, une dimension plus universelle, de l’ordre de la tragédie. J’ai eu l’idée d’une mère qui pousse son fils à la lutte armée. Une mère très arménienne, mais qui devant l’attentat commis par son fils et l’injustice commise vis-à-vis d’un innocent va tout faire pour aider ce garçon et sauver son fils. Jusqu’à penser qu’il doit toucher du doigt les conséquences de son acte et donc rencontrer celui qui a été la victime de son attentat. Et qui va manigancer une rencontre entre eux deux, jusqu’à une fin tragique qui conduira le jeune homme victime de l’attentat à devenir pratiquement le fils decette femme, son nouveau fils. Quand j’ai eu cette idée-là en plus de l’histoire de Gurriaran, il ne restait plus qu’à écrire !

Vous ne pouviez néanmoins pas faire l’impasse sur les faits génocidaires eux-mêmes. Plutôt que de les faire raconter à vos personnages de fiction ou de recourir à des images d’archives, vous avez choisi un prologue assez original ?


Un génocide n’est pas filmable. Je ne vois pas comment on pourrait filmer des éventrations, des décapitations, des gens qui brûlent sans que ça devienne du spectacle. Sauf, bien sûr, à assumer ce paradoxe absolu qui consisterait à filmer des choses afin qu’elles ne soient pas regardables, à l’instar de Pasolini dans Salo. Alors pour parler du génocide d’un point de vue historique, j’ai réalisé un long prologue qui m’a semblé être une belle manière de raconter cet événement, par la parole. J’ai choisi d’ouvrir le film avec le procès à Berlin, tout à fait emblématique, de Soghomon Tehlirian, le meurtrier de Talaat Pacha, finalement acquitté par un jury populaire alors qu’il revendiquait totalement cet assassinat. Je crois que ce jury populaire a offert au génocide, contre toute attente, la plus belle reconnaissance qui soit, en répondant par non à la question du tribunal : “Est-ce que Soghomon Tehlirian est coupable d’avoir assassiné Talaat Pacha ?” Au sens strict du terme, le jury ment. La réponse est oui, bien sûr, puisque Tehlirian a reconnu avoir prémédité et commis cet acte. Il dit même en avoir ressenti un “contentement du coeur”. Je crois que le jury a simplement voulu dire qu’il était coupable mais pas responsable.
Que le responsable de sa propre mort, c’était Talaat Pacha. Et malgré les exhortations du président du tribunal, le jury n’a pas varié. J’ai choisi ce prologue comme clé d’entrée dans le génocide lui-même mais également parce qu’il me permet de poser la problématique de la vengeance.

 

Justement, l’attentat que vous mettez en scène, et qui est le pivot du film, est comme un prolongement de l’assassinat de Talaat Pacha. Car même si les actions menées par l’ASALA en Europe dans les années 80 ne s’en prenaient pas – et pour cause – aux responsables-mêmes du génocide, elles visaient à faire payer ceux qui continuent de le nier. Avec pour objectif, selon leurs auteurs, de réveiller la mémoire des pays occidentaux. Ont-ils, en dépit des victimes qu’ils ont engendrées, servi la cause arménienne ?


Oui, incontestablement oui. On est obligé de constater aujourd’hui, quoi que l’on pense de ces attentats et de leur légitimité, que sans eux on n’en serait pas là. Ils ont réveillé, redynamisé, ressoudé les Arméniens du monde entier qui, probablement – et c’est ce que pensaient les jeunes gens à l’origine des attentats – s’étaient un peu endormis sur les commémorations régulières, sans en faire plus. C’est ce que reproche le fils à son père dans le film : on parle un peu arménien, on mange du pasturma, et le 24 avril bien sûr on va à l’église mais ça en reste là. Ces attentats, au fond, aucun Arménien n’était pour, mais aucun n’était franchement contre. C’était “on n’est pas d’accord, mais…” Une attitude un peu schizophrénique.

 

Tant dans votre film Le Voyage en Arménie, qui abordait déjà le sujet de ce pays, que dans celui-ci, on a l’impression d’un saut de génération en matière de mémoire. En clair, la jeune génération, celle qui nous est contemporaine, semble presque plus préoccupée de se réapproprier l’Histoire de l’Arménie que celles qui l’ont précédée ?


C’est vrai des Arméniens, mais c’est une règle universelle dans toutes les immigrations. Les premiers arrivants ne sont préoccupés que par leur survie. Il faut absolument travailler, apprendre la langue, avoir des enfants et faire surtout en sorte que ceux-ci soient intégrés.
Beaucoup de premières générations d’immigrés vont jusqu’à ne plus parler leur langue, ne pas raconter d’où ils viennent… La deuxième génération en revanche, qui est plus libérée de tout ça, s’interroge et finit par poser des questions. Elle veut savoir d’où elle vient. C’est souvent là que réapparaissent les cadavres, les spectres, les fantômes. C’est souvent eux, ceux de la deuxième ou troisième génération, qui se mettent à revendiquer leur identité première. Et c’est d’autant plus vrai quand c’est une immigration qui est liée à la mort, et ici à une extermination.

 

Même si votre film n’est pas stricto sensu un film à message ou un film militant, vous y posez un certain nombre de questions qui dépassent la seule problématique du génocide et de sa reconnaissance. Quand le héros, Aram, dit à sa victime : “Tu es innocent mais je ne suis pas coupable”, il soulève la question des limites de la lutte armée et de la légitimité de la violence…


Cette phrase résume bien ce que je pense ! Je suis contemporain de l’ASALA et des attentats des années 80. J’ai condamné en leur temps les pratiques de cette organisation, surtout lorsqu’elles étaient aveugles. Je ne pense pas d’ailleurs qu’il y ait un seul Arménien au monde qui soit d’accord avec l’attentat d’Orly en 1983. Mais je n’étais pas non plus d’accord avec les attentats du FLN dans les cafés en Algérie dans les années 60, dont on parlait beaucoup dans les cours d’école à l’époque.
J’avais déjà abordé ce sujet avec L’Armée du crime. J’ai imaginé une scène où, au risque de leur vie, les partisans ne jettent pas une grenade dans un bordel car il y a de jeunes prostituées françaises, et qu’ils ne veulent pas prendre le risque de les tuer.
Ce n’est pas que je sois angélique par rapport à toute forme de lutte armée, car il y a des situations où elle est nécessaire. Surtout quand aucun autre moyen d’expression n’existe, ce qui était le cas pendant l’Occupation. C’est un peu moins vrai dans le cas des attentats de l’ASALA, car leurs victimes n’étaient pas directement des génocidaires, c’étaient leurs pères et leurs grands-pères. Mais ils appartenaient à ce moment-là à un État fasciste, emprisonnant et tuant dans son propre pays…

 

Les lieux de tournage ont toute leur importance. Ils donnent une grande vérité au film. On pense notamment aux scènes à Beyrouth…


J’ai tourné à Marseille, en Arménie et à Beyrouth. Je crois que ça compte de tourner sur les lieux authentiques. L’image n’est pas la même. C’est en effet Beyrouth et ce sont des acteurs et figurants libanais. La reconstitution n’était pas de mise. Je voulais les lieux mais aussi les langues, les accents, les lumières, la morphologie de la ville. Même si, dans un cas comme celui-ci, le piège serait de filmer les décors avant la narration car on a très envie de tout filmer. Mais je me retiens ! Il faut être vigilant et toujours s’en tenir à un principe : mettre le récit au premier plan.

Ce qui m’a également intéressé à Beyrouth, c’est le rapport de l’ASALA aux Kurdes et aux Palestiniens. Dans les années 80, la ville était devenue le foyer principal de la Révolution mondiale. Tout ce qui tenait une arme, à gauche ou à l’extrême-gauche, était réuni à Beyrouth à cette époque. On y trouvait aussi des Italiens, des Allemands, l’Armée rouge japonaise, des Irlandais, des Basques. J’aimais bien l’idée d’évoquer cela aussi.

À la fin du film, vous ne tranchez pas. Comme si les choses restaient en suspens. On demeure partagé entre la grande et la petite histoire…


Le dialogue du début du film, entre deux vieux messieurs, au moment où s’ouvre à Berlin le procès de Soghomon Tehlirian, illustre tout ce que j’ai voulu dire. J’ai mis dans la bouche du premier une phrase de l’écrivain israélien David Grossman :

 

"J’aime penser que les moments les plus importants de l’Histoire ne se produisent pas sur les champs de bataille ou dans les palais, mais dans les cuisines, les chambres à coucher ou les chambres d’enfant."
Et son interlocuteur lui répond :

"C’est peut-être pour cela que les guerres sitôt commencées ne finissent jamais, elles changent seulement de visage. Parce que justement elles restent dans la mémoire de ces gens, ces enfants…". Hélas, je crois que tu as raison",

lui répond le premier. Et à ce moment-là, une jeune mère qui les écoutait s’adresse à son bébé et lui dit : "Ne les écoute pas ces vieux, il n’y aura plus jamais de guerre." Ces quatre phrases résument l’Histoire de l’humanité. Au fond, on a toujours besoin de penser que la guerre qu’on vient de vivre était la dernière, que cette fois c’est fini. Et puis quand la folie des Hommes revient et qu’elle frappe, deux, trois, quatre, dix générations plus tard, le conflit ressort et ça explose à nouveau. C’est toute l’histoire du Moyen-Orient aujourd’hui…
Je voulais donc raconter ces cent ans-là à travers quelques chambres à coucher, quelques salons, avec les personnages qui les habitent… En laissant chacun se faire juge.

 

Vous n’avez pas peur que cette mesure, cet humanisme, ce que certains appelleront peut-être du "fatalisme” vous soit reproché ?


Peut-être, mais ce sera le fait de gens qui ont une vision simpliste de l’Histoire. Et puis, sans nos actions individuelles et collectives, ce serait encore pire…
J’ai montré le film à des amis, y compris à trois anciens de l’ASALA hier poursuivis, condamnés et emprisonnés, et ils l’ont trouvé juste.

Je pense à cette fameuse tirade de Macbeth : “la vie n’est qu’une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien.”
Tout ça pour quoi, au fond ?

Quand on réexamine effectivement cette histoire, on se dit : et s’il n’y avait pas eu la négation du génocide, si Mustafa Kemal avait fait revenir les Arméniens chez eux, peut-être que la Turquie serait un État démocratique et pluri-ethnique aujourd’hui ? Les dirigeants turcs auraient peut-être abandonné ce rêve absurde d’un État chimiquement pur !
Je ne vois pas d’autre moyen d’exprimer tout cela qu’avec cette expression populaire : c’est une histoire de fou !

Les génocides relèvent de la folie. On trouve toujours des raisons objectives ou pseudo-objectives, mais ça reste des folies absolues, avec de folles conséquences.

C’est donc là l’origine du titre ?


Pas seulement. Je pense également à l’Histoire des Arméniens au fil du XXème siècle, à ce qu’il y a d’étonnant, d’admirable et de presque miraculeux dans ce qu’ils sont parvenus à faire. Voilà un peuple qui a disparu de ses terres, a été dispersé en de multiples diasporas, un tout petit peuple qui aurait pu s’éteindre. Mais ces gens ont réussi, comme des fous, à maintenir deux choses qui sont a priori intenables, psychanalytiquement intenables : oublier pour pouvoir survivre, partout où ils étaient ; et rester fidèles à eux-mêmes, pour être. Oublier à 100% et être fidèle à 100% à la mémoire.
Ça paraît humainement impossible et ils l’ont fait ! Partout où ils se sont installés, les Arméniens se sont formidablement bien intégrés. Il n’y a à ma connaissance aucune forme de racisme à leur égard dans aucun des pays où ils vivent. Et pourtant, sans jamais développer de sentiment ou de comportement communautaristes, ils sont restés fidèles à leur Histoire et à leur culture. Car tout Arménien qui se respecte parle un peu sa langue, connaît la musique arménienne, fait de la cuisine arménienne et va à l’église arménienne, même s’il n’est pas croyant, car ce sont des lieux où l’activité est autant religieuse que culturelle.

 

Avec ce film vous apportez une nouvelle pierre à la reconnaissance du génocide arménien.


Celui-ci reste pourtant contesté, ou ignoré en tant que tel dans beaucoup de pays. Qu’est-ce qui pourrait faire avancer les choses ? Je pense qu’il faut continuer l’encerclement diplomatique ! C’est-à-dire la pression sur tous les pays du monde. Beaucoup ne l’ont pas encore reconnu, les États-Unis par exemple (à l’exception de la Californie). Parallèlement, il faut continuer la démarche de rapprochement avec la société civile turque. Récemment un sondage a montré que plus de 30% des Turcs de moins de trente ans sont pour la reconnaissance du génocide. Je crois que la génération d’aujourd’hui en a marre, elle a envie de démocratie, de vérité. Il y a une pétition en Turquie, non pour la reconnaissance, parce que c’est condamnable devant les tribunaux, mais qui demande pardon, ce qui est une manière de contourner l’interdit.

Je pense que peu à peu, grâce notamment à internet, la vérité peut se répandre. J’ai rencontré des intellectuels turcs de ma génération qui, et cela peut paraître incroyable, n’ont jamais entendu parler du génocide avant d’être adultes !
Je crois aussi que la reconnaissance du génocide arménien ferait énormément de bien à la Turquie parce que c’est la mère de tous les tabous. Beaucoup de ce qui ne va pas en Turquie, me semble-t-il, procède de ce déni originel.

 

Qu’aimeriez-vous que les spectateurs retiennent du film ?


Qu’ils aient de l’émotion ! "Émotion", étymologiquement, c’est “mettre en mouvement”. J’aimerais que, grâce à cette émotion, les spectateurs comprennent mieux cette histoire là et, ambition suprême, plus largement, qu’ils comprennent mieux l’Histoire tout court !
Parce qu’évidemment, cette histoire en recouvre bien d’autres. Au fond c’est simple : je voudrais que le spectateur soit plus ému et plus intelligent en sortant de la projection qu’en y entrant. C’est le voeu de tous les cinéastes, non ?

 

Une histoire de fou

 

Ariane Ascaride

Mon opinion

 

Une Histoire de fou souligne, avec l'honnêteté qui caractérise Robert Guédiguian, les thèmes de la mémoire, de la rédemption, ceux de la fureur, du châtiment, aussi.

 

Dès le début du film, dans un somptueux noir et blanc, le réalisateur nous plonge dans les années 1920 au cœur d'un procès qui sera le déclencheur d'un besoin de vengeance et d'une nécessaire reconnaissance de toute une nouvelle génération qui n'était pas née au moment des faits.

 

Toutes les horreurs meurtrières commises envers le peuple Arménien, tous les tenants et aboutissants du génocide ne sont qu'effleurés. Le réalisateur choisit la fiction pour éviter le documentaire " une manière que je ne maîtrise pas" précise Robert Guédiguian. Son film s'appuie néanmoins sur l'histoire de José Antonio Gurriarán. Un journaliste espagnol blessé accidentellement au cours d'un attentat, commis par l'Armée secrète arménienne de libération de l'Arménie en 1982 à Madrid.

 

"Les morts d'innocents, ne seront pas les derniers" clame un des chefs,  au travers des attentats perpétrés par l'ASALA dans les années 80. Dans notre actualité, et pour d'autres raisons, ces mots prennent aujourd'hui une dimension particulièrement douloureuse.

 

Ce film reste pour moi d'une grande valeur éducative. Le réalisateur précise "La qualité première d’une fiction c’est l’incarnation : on fait exister des personnages que le spectateur n’oubliera jamais." En cela le pari est gagné. Essentiellement grâce à un casting exceptionnel. À la musique originale signée par Alexandre Desplat, aussi.

 

Ariane Ascaride est magnifique dans un rôle d'une profonde humanité. Robinson Stévenin, dans une participation, aussi courte soit-elle, est particulièrement convaincant. À noter aussi une belle découverte avec l'étonnant et charismatique Syrus Shahidi. À leurs côtés, Simon Abkarian et Grégoire Leprince-Ringuet participent grandement à la réussite de l'entreprise.

Une Histoire de Fou
Une Histoire de Fou
Une Histoire de Fou
12 novembre 2015 4 12 /11 /novembre /2015 12:50

 

Date de sortie 4 novembre 2015

 

Le fils de Saul
 

Réalisé par László Nemes


Avec Géza Röhrig, Levente Molnár, Urs Rechn,

Sándor Zsótér, Marcin Czarnik, Todd Charmont

 

Titre original Saul Fia


Genre Drame


Production Hongroise

Festival de Cannes 2015

 

 

 

 

Saul Fia - Le Fils de Saul

- Grand prix du Festival de Cannes 2015.

 

 

 

 

 

- Meilleur film étranger Golden Globes 2016.

 

 

 

 

László Nemes né en 1977 à Budapest est le fils du réalisateur hongrois András Jeles. 

Il rejoint Paris en 1989 jusqu'en 2003. Il y tourne des petits films d'horreur dans sa cave, dès l'âge de treize ans.

 

Après avoir étudié l’Histoire, les Relations Internationales et l’écriture de scénarios à Paris, il a commencé à travailler comme assistant réalisateur sur des courts et des longs métrages, en France et en Hongrie. Pendant deux ans, il a travaillé comme assistant réalisateur de Béla Tarr et a, par la suite, étudié la réalisation de films à New York.

 

Ses courts métrages With A Little Patience, réalisé en 2007, The Counterpart en 2008 et The Gentleman Takes His Leave en 2010 ont été sélectionnés dans plus de 100 festivals internationaux où ils ont reçu de nombreux prix.

 

Le Fils de Saul est son premier long-métrage.

 

 

Synopsis

 

Octobre 1944, Auschwitz-Birkenau.


Saul Ausländer (Géza Röhrig) est membre du Sonderkommando, ce groupe de prisonniers juifs isolé du reste du camp et forcé d’assister les nazis dans leur plan d’extermination.

 

Il travaille dans l’un des crématoriums quand il découvre le cadavre d’un garçon dans les traits duquel il reconnaît son fils.

 

Alors que le Sonderkommando prépare une révolte, Saul Ausländer décide d’accomplir l’impossible : sauver le corps de l’enfant des flammes et lui offrir une véritable sépulture.

 

Le fils de Saul

 

Géza Röhrig

 

 

Contexte historique. Relevé dans le dossier de presse.

 

Dans le système d’extermination nazi, les Sonderkommandos formaient un rouage essentiel, sans doute le plus problématique, de la machine de mort. Leur travail consistait à accompagner les victimes jusqu’aux chambres à gaz en les encadrant et les rassurant, les faire se déshabiller, les faire entrer dans les chambres de mort, puis à récupérer les cheveux, les bijoux et dents en or, débarrasser les cadavres, les entasser, les brûler tout en nettoyant les lieux. Le tout rapidement car d’autres convois de déportés attendaient. Les membres des Sonderkommandos étaient eux-mêmes des déportés, juifs pour la plupart, sélectionnés par les SS à la descente des trains arrivant dans les camps d’extermination. Ils étaient choisis sur des critères physiques (jeunes et en bonne santé) et en fonction des besoins. Ils vivaient séparés des autres prisonniers.

 

À Auschwitz, ils furent d’abord regroupés au block 11 (la prison du camp), puis dans un block séparé, entouré de murs et surveillé (le block 13 du camp de Birkenau), et à la fin ils vivaient directement au crématorium, dans ce complexe de mort comprenant la salle de déshabillage, les chambres à gaz, la salle des fours et les fosses de crémation.


Auschwitz-Birkenau, le principal des camps d’extermination nazis, fonctionne comme une usine à produire des cadavres, puis à les éliminer. Lors de l’été 1944, elle tourne à plein régime : les historiens estiment que 10 à 12 000 juifs y sont assassinés chaque jour. Pour les Sonderkommandos, la tâche est épuisante, et ils sont éliminés régulièrement par les SS, tous les trois ou quatre mois, à la fois parce que leur rendement faiblit et parce qu’il ne doit rester aucune trace de l’extermination. En tout, plus de deux mille personnes ont fait partie des Sonderkommandos d’Auschwitz, dont quelques dizaines seulement ont survécu en s’échappant.

 

C’est avec le développement du camp, à la fin de l’année 1942, que les Sonderkommandos se structurent, notamment en novembre 1942 afin de brûler les cent mille corps de prisonniers juifs, polonais ou soviétiques entassés dans les fosses communes. Immédiatement éliminés, les membres de ce premier Sonderkommando sont remplacés, en mars 1943, par deux cents juifs des ghettos polonais et une centaine provenant du camp de Drancy. La résistance et des tentatives d’évasion s’organisent régulièrement. En février 1944, une première tentative échoue. La répression réduit alors le nombre des Sonderkommandos. Mais la déportation massive des juifs de Hongrie contraint les SS à regonfler les effectifs. En août 1944, les chambres à gaz fonctionnent à un rythme infernal : deux équipes de Sonderkommandos regroupent près de neuf cents prisonniers, se relayant pour travailler 24h sur 24. Le 7 octobre 1944, la principale révolte des Sonderkommandos d’Auschwitz-Birkenau est réprimée dans le sang, les SS exécutant quatre cents membres en quelques heures, tandis que le crématorium IV est incendié et mis hors d’usage.

 

À la fin de l’année 1944, quand les chambres à gaz cessent peu à peu leur activité à Auschwitz, les membres survivants des Sonderkommandos sont affectés au démontage des installations, afin d’effacer les traces de l’extermination, avant d’être, pour la plupart, éliminés une dernière fois. Le 18 janvier 1945, lors de la libération et de l’évacuation du camp par l’armée soviétique, il ne reste qu’une dizaine de membres des Sonderkommandos encore vivants.
 

Extraits de l'entretien avec le réalisateur László Nemes.

Propos recueillis par Antoine de Baecque, relevés dans le dossier de presse.

 

Comment est née en vous l'idée du Fils de Saul ?


Sur le tournage de L'homme de Londres, à Bastia. Lors d’une interruption d’une semaine, j’ai trouvé dans une librairie un livre de témoignages publié par le Mémorial de la Shoah, Des voix sous la cendre, connu également sous le nom des "rouleaux d’Auschwitz". Il s’agit de textes écrits par des membres des Sonderkommandos du camp d’extermination, enterrés et cachés avant la rébellion d’octobre 1944, puis retrouvés des années plus tard. Ils y décrivent leurs tâches quotidiennes, l’organisation du travail, les règles de fonctionnement du camp et de l’extermination des Juifs, mais aussi la mise en place d’une forme de résistance.

 

Avez-vous un lien familial avec la Shoah ?


Une partie de ma famille a été assassinée à Auschwitz. C‘était un sujet de conversation quotidien. "Le mal était fait", avais-je l’impression quand j’étais petit. Cela ressemblait à un trou noir, creusé au milieu de nous; quelque chose s’était brisé et me maintenait à l’écart. Longtemps, je n’ai pas compris. À un moment, il s’est agi pour moi de rétablir un lien avec cette histoire.

 

Pourquoi passer par les témoignages des Sonderkommandos ?


J’ai toujours été frustré par les films sur les camps. Ils tentaient de construire des histoires de survie, d’héroïsme, mais ils reconstituaient surtout, selon moi, une histoire mythique du passé.

 

Le fils de SaulAu contraire, les témoignages des Sonderkommandos sont concrets, présents, matériels; ils décrivent précisément, dans l’ici et maintenant, le fonctionnement "normal" d’une usine de mort, avec son organisation, ses règles, ses cadences, ses équipes, ses dangers, sa productivité maximale. D’ailleurs, les SS utilisaient le mot "Stück" (pièces) pour désigner les corps. Là, on produisait des cadavres. À travers ces témoignages, je pouvais pénétrer chez les damnés du camp d’extermination.

 

Mais comment raconter une histoire, une fiction, au sein du fonctionnement du camp ?

 

C’était évidemment problématique. Je ne voulais pas héroïser qui que ce soit, pas choisir le point de vue du survivant, mais pas non plus tout montrer, trop montrer de cette usine de mort. Je voulais trouver un angle précis, réduit, et déterminer une histoire aussi simple et archaïque que possible. J’ai choisi un regard, celui d’un homme, Saul Ausländer, Juif hongrois, membre du Sonderkommando, et je m’en tiens rigoureusement à son point de vue : ce qu’il voit je le montre, ni plus ni moins. Mais ce n’est pas un "regard subjectif", car on le voit comme personnage et je ne voulais pas réduire le film à un motif purement cinématographique. Cela aurait été artificiel. Il fallait surtout fuir tout esthétisme, tout exercice de style, toute virtuosité. De plus, de cet homme naît une histoire, unique, obsessionnelle, primitive : il croit reconnaître soudain son fils parmi les victimes et veut dès lors préserver son corps, trouver un rabbin qui dira le kaddish et l’enterrer. Toute son action est déterminée par cette mission qui semble dérisoire dans l’enfer d’un camp. Le film se concentre sur un unique point de vue et une seule action, ce qui lui permet de croiser d’autres regards et d’autres actions, mais le camp est perçu à travers le prisme du trajet de Saul.

 

Cela suppose un gros travail de documentation, un véritable travail d'hstoire ...


Avec ma co-scénariste, Clara Royer, nous avons appris ensemble. Nous avons lu d’autres témoignages, ceux de Shlomo Venezia et Filip Müller, mais aussi celui de Miklós Nyiszli, un médecin juif hongrois affecté aux crématoriums. Bien sûr, Shoah de Claude Lanzmann, notamment les séquences des Sonderkommandos, avec le récit d’Abraham Bomba, reste une référence. Enfin, nous nous sommes également appuyés sur l’aide d’historiens comme Gideon Greif, Philippe Mesnard et Zoltán Vági.

 

le fils de Saul

Vous êtes-vous interdit des choses ?


Je ne voulais pas montrer l’horreur de face, ne surtout pas reconstituer l’épouvante en entrant dans une chambre à gaz tandis que les gens y meurent. Le film suit strictement les déplacements de Saul, donc s’arrête devant la chambre à gaz, puis y entre après l’extermination pour débarrasser les corps, laver, effacer les traces. Ces images manquantes sont des images de mort, on ne peut pas toucher cela, le reconstituer, le manipuler. Parce que je m’en tiens au point de vue de Saul, je ne montre que ce qu’il regarde, ce à quoi il fait attention. Cela fait quatre mois qu’il travaille dans un crématorium : par un mécanisme de protection, il ne fait plus attention à l’horreur, donc je laisse l’horreur floue ou hors-champ. Saul ne regarde que l’objet de sa quête, c’est ce qui rythme visuellement notre film.

 

Comment filmer ?


Avec le chef opérateur, Mátyás Erdély, le décorateur, László Rajk, on s’était donné un code avant le tournage, une sorte de dogme : "le film ne peut pas être beau", "le film ne peut pas être séduisant", "ne pas faire un film d’horreur", "rester avec Saul, ne pas dépasser ses capacités de vision, d’écoute, de présence", "la caméra est sa compagne, elle reste avec lui à travers l’enfer" … Nous avons aussi voulu utiliser la pellicule argentique 35 mm et un processus photochimique à toutes les étapes du film. C’était le seul moyen de préserver une instabilité dans les images et donc de filmer de façon organique ce monde. L’enjeu était de toucher les émotions du spectateur – ce que le numérique ne permet pas. Tout cela impliquait une lumière aussi simple que possible, diffuse, industrielle, nécessitait de filmer avec le même objectif, le 40 mm, un format restreint, et non le scope qui écarte le regard, et toujours à hauteur du personnage, autour de lui.

 

Saul porte une veste avec une grande croix rouge dans le dos ...


Oui, c’est une cible. Les SS utilisaient cela pour mieux éliminer ces hommes s’ils fuyaient, et pour nous ce fut comme un viseur pour la caméra.


Vous aviez d'autres films en tête ?


Requiem pour un massacre d’Elem Klimov (1985) a été une source d’inspiration. Le film suit un garçon sur le front de l’Est en 1943 et reste avec lui à travers l’enfer de ses aventures d’une manière organique. Mais Klimov s’autorise des choses beaucoup plus baroques que nous.

Lors du premier plan du film, le flou est là, puis un visage soudain apparaît, celui de Saul ...


Il sort du néant. Mon premier court métrage, With a little patience, débute comme cela également. Le spectateur, qui le voit surgir, comprend tout de suite qu’il va le suivre tout au long du film. On a beaucoup travaillé les gestes avec les acteurs. Les règles du camp, et la nécessité de la survie, imposent une gestuelle très précise : toujours regarder vers le bas, ne jamais croiser le regard d’un SS, marcher à pas réguliers, petits, rapides, baisser la tête, retirer son bonnet pour saluer, ne pas parler ou répondre clairement, en allemand.

 

On comprend rapidement qu'il existe plusieurs logiques contradictoires dans le camp : le règlement, la soumission aux SS, les solidarités entre membres de des Sonderkommandos, mais aussi des tensions, des rivalités, l'organisation d'une résistance.

 

Bien sûr, plusieurs attitudes existent au sein de l’horreur, du renoncement à la résistance. Et il existe plusieurs façons de résister. Dans le film, nous voyons la tentative de rébellion qui a effectivement eu lieu en 1944, la seule révolte armée dans l’histoire du camp d’Auschwitz. Saul, lui, choisit une autre forme de révolte, qui semble dérisoire. En poursuivant sa quête personnelle, Saul est conduit à naviguer entre ces différentes attitudes : récupérer le corps du garçon le conduit dans les salles d’autopsie, chez les médecins et anatomistes ; trouver un rabbin le rapproche d’autres groupes de Sonderkommandos ou de convois de juifs en route vers la mort, circuler dans le camp lui fait emprunter le chemin des résistants… Il voit tout cela par bribes, et le spectateur doit lui aussi comprendre par fragments. Personne n’a tout, chacun a des éclats et tente de construire une vision avec ça.

 

À un moment, Saul croise les résistants qui cherchent à photographier le processus d'extermianation ...


Ce qui est strictement interdit par les SS, bien sûr. A Birkenau, la résistance polonaise a introduit un ou plusieurs appareils photo chez les Sonderkommandos, pour témoigner de l’extermination. Au prix de risques inouïs, ils ont réussi à photographier, juste avant la fermeture et juste après l’ouverture d’une chambre à gaz, les femmes qui s’approchent nues, puis les cadavres entassés, sortis dehors, qu’on brûle à même le sol.

 

Quatre photographies montrées lors de l'exposition "Mémoire des camps", en 2001, quatre "images malgré tout ...

 

Ces quatre photos m’ont énormément marqué. Elles témoignent de l’extermination, comme des preuves, et posent des questions essentielles. Qu’est-ce que faire une image ? Qu’est-ce que l’on peut représenter ? Quel regard construire devant la mort et face à la barbarie ? Nous avons intégré ce moment au coeur du film, car cela correspond à un bout du trajet de Saul à travers le camp ; il participe soudain, un temps, à la construction du regard sur l’extermination. Mais aussi parce que, comme mis en abyme, le statut de la représentation est interrogé là, et seulement là.

 

Le son joue un rôle important dans le film.


Avec l’ingénieur du son, Tamás Zányi, qui a participé à tous mes films, nous avons décidé de travailler sur un son à la fois très simple, brut, et aussi complexe, multiple. Il faut rendre compte de l’atmosphère sonore de cette usine des enfers, avec de multiples tâches, des ordres, des cris, et tant de langues qui se croisent, entre l’allemand des SS, les langues multiples des prisonniers, dont le yiddish, et celles des victimes qui viennent de toute l’Europe. Le son peut se superposer à l’image, parfois aussi prendre sa place, puisque certaines manquent et doivent manquer. Je comparerais cela à des couches sonores diverses, contradictoires. Mais il faut garder toute cette matière sonore brute, surtout ne pas la refabriquer en la polissant trop.

 

Qui est Saul, qui joue ce personnage ?


Le fils de SaulGéza Röhrig n’est pas un acteur, mais un écrivain, poète hongrois, qui vit à New York, que j’ai rencontré il y a quelques années. À un moment, j’ai pensé à lui. Sans doute car tout est mouvant et mouvement chez lui, sur son visage et son corps : impossible de lui donner un âge, il est à la fois jeune et vieux, mais il est aussi beau et laid, banal et remarquable, profond et impassible, très vif et très lent ; il bouge, remue vite, mais sait également très bien garder le silence et l’immobilité.

 

Ce personnage, et votre film, tentent d'opposer à l'usine de mort une cérémonie de la mort, à la machine des rites, au bruit une prière.


Quand il n’y a plus d’espoir, au fin fond de l’enfer, une voix intérieure dit à Saul : il faut survivre pour accomplir un acte qui a du sens, un sens humain, archaïque, sacré, qui est à l’origine même de la communauté des hommes et des religions, respecter le corps mort
 

Mon opinion

 

Le fils de Saul, premier long-métrage de László Nemes, multiplie les points forts.

 

Géza Röhrig est remarquable de bout en bout. Écrivain et poète hongrois, il est le principal protagoniste de ce film. Pratiquement de toutes les scènes, la caméra implacable filme son visage et son regard. "À la fois jeune et vieux, mais il est aussi beau et laid, banal et remarquable, profond et impassible, très vif et très lent" pour reprendre les dires du jeune réalisateur.

 

Le format de l'image, la pellicule argentique 35 mm, la profondeur de champ minimale, aussi, accentuent une impression d'étouffement. D'écœurement. Le travail de Mátyás Erdély sur la photographie renforce une profonde sensation d'asphyxie.

 

La bande-son est à la fois remarquable et insoutenable. Entre des ordres lancés, tels des aboiements de chiens enragés, les cris douloureux de femmes, d'hommes et quelques pleurs d'enfants, résonnent atrocement dans cette "usine des enfers", pour reprendre les mots du réalisateur.

 

Le scénario coécrit avec Clara Royer est parfaitement documenté. Il s'appuie sur des témoignages bien réels. Des êtres humains, font ici la pire des besognes. Leurs vies restent en sursis. Autant de moments vécus dans l'urgence et dans la terreur.

 

La réalisation est d'une extrême virtuosité. Sans faille aucune. László Nemes ne craint pas les obstacles. Il fait preuve d'un extraordinaire brio et offre au spectateur un très grand film. "Bien sûr, plusieurs attitudes existent au sein de l’horreur, du renoncement à la résistance. Et il existe plusieurs façons de résister." a-t-il déclaré. Il le démontre parfaitement.

 

Le Fils de Saul mérite d'être vu par le plus grand nombre, et restera longtemps dans ma mémoire.

Le Fils de Saul "Saul Fia"

 

Welcome

 

"Le bonheur est la chose la plus simple,

mais beaucoup s'échinent à la transformer

en travaux forcés !"

 
François Truffaut

 

 

 

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Une vie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En 2015.

 

..Mon Fils - Eran Riklis..Gente de Bien.La Maison au toit rouge.La Tête Haute.Une Femme Iranienne "Aynehaye Rooberoo". Facing Mirrors.Une seconde mère "Que Horas Ela Volta ?".Mustang.La Belle saison.Aferim !.La dernière leçon.Ni le ciel ni la terre.Les chansons que mes frères m'ont apprises.Fatima...Mia Madre

 

 

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Voir et revoir..........................................Voir et revoir.........................................Voir et revoir....................

 

Pandora "Pandora and the Flying Dutchman".Umberto D.La chevauchée des Bannis.Loin du Paradis.Une journée particulière.Le procès de Viviane Amsalem "Gett".Tout ce que le ciel permet.

 

 

Luchon. Reine des Pyrénées. Cliqez ICI.