Date de sortie 12 juin 2013
Réalisé par Alain Guiraudie
Avec Pierre Deladonchamps, Christophe Paou, Patrick d'Assumçao,
Jérôme Chappatte, Mathieu Vervisch, Gilbert Traina
Genre Drame
Production Française
L'Inconnu du lac est présenté au Festival de Cannes 2013,
dans le cadre de la section Un Certain Regard.
Le jury, présidé cette année par le réalisateur danois
Thomas Vinterberg remet
- Le prix de la mise en scène à Alain Guiraudie pour L'Inconnu du lac.
César 2014
- Meilleur espoir masculin Pierre Deladonchamps
Au hasard des critiques :
Télérama par Frédéric Strauss.
"On aurait voulu voir ce film dans la compétition. Parce qu'y triomphent la mise en scène, l'amour du cadre et tout ce qui fait le cinéma dans sa belle noblesse."
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Première par Stéphane Lamôme
"Ce qu’il y a de bien chez Guiraudie, c’est ça : il y a peut-être un monstre tapi quelque part, mais en attendant, on bronze et on jouit."
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Hollywood Reporter par Jordan Mintzer
"Se déroulant entièrement dans un lieu estival, cette histoire à part (…) à la fois lumineuse et glauque, passionnée et dépouillée, offre malgré quelques longueurs, une puissante critique des dangers de l’isolement social et de la vie insouciante."
Cinechronicle.com par Hélène Sécher
"L'Inconnu du lac offre une grande et belle démonstration, tout en distillant un regard qui, avec relativement peu de mots et d’images, en dit également beaucoup sur l’ennui et la solitude tels qu’il existent aujourd’hui."
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L'Inconnu du lac marque le retour d'Alain Guiraudie au Festival de Cannes.
Déjà en 2001, le cinéaste a participé à la Quinzaine des Réalisateurs en présentant son moyen métrage Ce vieux rêve qui bouge. Puis s'en suivit deux longs métrage. En 2003 Pas de repos pour les braves et en 2009 Le Roi de l'évasion.
Synopsis
Quelque part en France en période estivale, sur les rives d'un lac jouxtant un sous-bois, des homosexuels de tous âges, conditions et gabarits se retrouvent chaque jour dans ce lieu de drague pour célébrer discrètement les plaisirs réunis de la nature et du sexe.
Franck (Pierre Deladonchamps), jeune éphèbe en mal de sensations vient chaque jour poser sa serviette sur le bord du lac, en quête d'aventure et d'échange.
Une alternative s'offre rapidement à lui.
L'amitié ambiguë d'Henri (Patrick d'Assumçao), bouddha triste et bedonnant récemment quitté par sa femme, qui vient s'oublier parmi les beaux garçons, offrant à Franck son expérience de la vie en même temps qu'une oreille compatissante.
Ou alors la passion ravageuse de Michel (Christophe Paou bel homme puissant, corps svelte et musclé, moustache conquérante, visage racé, nageant comme un squale, qui promet à Franck d'enivrants et dangereux apaisements.
Qui est Michel ? Frank et le sectateur, après avoir vu Michel noyer un ancien compagnon trop ennuyeux, devinent en lui un serial killer homosexuel.
La question de la sexualité est primordiale dans le travail d'Alain Guiraudie. Pour L'Inconnu du lac, le cinéaste s'est rendu compte que le sujet avait de nombreux points communs avec la pensée de l'écrivain Georges Bataille : "La fameuse phrase
"l’érotisme est l’approbation de la vie jusque dans la mort"
m’avait énormément frappé quand je l’avais lue il y a longtemps. Je l’avais oubliée, et puis on en a reparlé en préparant le tournage et je me suis dit que ça avait travaillé souterrainement. Et je me suis aperçu qu’il y avait d’autres aspects de la pensée de Bataille qui recroisaient mes préoccupations: la manière de superposer les questions de l’érotique, du politique et de l’économie au sens large, vital."
L'Inconnu du lac se concentre sur trois personnages principaux.
Trois personnages qui selon le réalisateur pourraient former la personnalité d'une seule et même personne :
"Le frivole cool (Frank), le dragueur puissant (Michel), dès qu’il ne désire plus, il se débarrasse de sa proie… Et l’homme qui en a un peu marre de tout ça (Henri). L’autre question, c’est : jusqu’où je vais pour vivre mon désir ?", détaille Alain Guiraudie.
Un concept récurrent chez le cinéaste.
Si L'Inconnu du lac traite de la communauté homosexuelle, Alain Guiraudie a voulu éviter tout clivage : "Il y a eu beaucoup de films hétéros qui sont devenus des métaphores homos, et bien disons que là j’avais envie de faire l’inverse, qu’un film au contenu au départ teinté par l’homosexualité devienne une métaphore de la société, du désir, de l’humain en général."
Chargé d'un suspense réel sur l'avenir de Franck sur cette Terre, L’Inconnu du Lac est aussi une évocation frontale et crue de certaines mœurs homosexuelles, où la consommation renouvelée et insatiable du désir est ipso facto une mise à mort de l'amour.
Vis-à-vis de son précédent film, Le Roi de l'évasion, Alain Guiraudie a décidé de changer ou plutôt de faire évoluer son rapport à la sexualité dans L’Inconnu du Lac : "En terme de sexualité, j’ai toujours tourné autour du pot. Je ne me suis jamais vraiment confronté à la représentation de ma propre sexualité. Les premières scènes de sexe, de corps à corps, d’étreintes amoureuses et de baisers que j’ai filmées, dans Le roi de l’évasion, ont lieu entre un homme et une adolescente. Il était peut-être temps pour moi d’en venir aux choses sérieuses. De représenter les choses de l’amour… Pas l’amour pour rigoler, l’amour-amitié comme je l’ai souvent fait… Mais l’amour-passion. Dans L’Inconnu du Lac, je voulais me coltiner vraiment à ce que c’est que d’avoir quelqu’un dans la peau : jusqu’où ça peut aller ? Du coup, je suis parti d’un monde que je connais très bien, pour en tirer tous les fils qui m’intéressent : le soleil, l’eau, la forêt, des éléments érotiques forts et lyriques en quelque sorte. Et puis l’amour, la passion, c’est la grandeur des sentiments mais c’est surtout le sexe. Je voulais m’y confronter réellement, d’une manière différente, en faisant se côtoyer, au sein de mêmes séquences, à la fois l’émotion amoureuse et l’obscénité du sexe, sans opposer, comme on le fait souvent, la noblesse des sentiments d’un côté, et le fonctionnement trivial des organes del’autre. Ça demandait aussi une plus forte implication des comédiens et la question s’est vite posée de savoir jusqu’où ils iraient… Mais aussi jusqu’où je désirais vraiment les emmener.
Dans des propos recueillis par Frédéric Strauss, pour telerama.fr Alain Guiraudie déclare : "Faire un film avec des hommes et seulement des hommes, ça ne passe pas inaperçu quand vous faites lire le scénario pour trouver des financements. Ça peut être vu comme un film à usage interne, un film de pédé pour les pédés. Ce qui m'intéresse, c'est plutôt de cultiver ma singularité pour aller vers l'universel. On a vu pas mal de cinéastes homosexuels qui ont contourné leur sexualité et l'ont transposée dans des relations hommes-femmes.
Chéreau a fait ça dans Intimité, Douglas Sirk dans presque tous ses films. Je trouve qu'il est temps de faire l'inverse : un film clairement homosexuel, qui, à travers des relations entre hommes, peut aussi parler de relations sexuelles et amoureuses en général. Je fais du cinéma avec mes désirs. Aujourd'hui, je ne crois pas que ça puisse gêner. Mais de toute façon, pour moi, ça ne peut pas être autrement. C'est comme mon accent du Sud-Ouest : si on me demandait de le perdre pour faire je ne sais quel boulot, je refuserais. C'est peut-être une forme de militantisme."
Entretien avc les deux acteurs principaux Pierre Deladonchamps et Christophe Paou.
Certaines scènes de sexe très crues ont été coupées au montage, même si des doubleurs avaient été engagés pour les plans "non simulés" : "Au montage nous n’avons gardé que ce qui était nécessaire. Même si nous avions une heure d’incroyables couchers de soleil, nous n’allions pas tous les utiliser pour autant ! C’est pareil pour le sexe. Je voulais qu’il soit présent sans ostentation", commente Alain Guiraudie. Son but n'était pas de faire de la pornographie mais d'inscrire le sexe dans une démarche d'amour.
"Dans un monde où des enfants de 10 ans ont presque tous regardés par hasard ou volontairement des images pornographiques sur internet avant même d’avoir commencé à vivre une sexualité active, il me semble urgent de redécouvrir du sexe inscrit dans des rapports de dialogue, de séduction, d’amour." déclare le réalisateur.
Sylvie Pialat, productrice déclare : "J'ai rampé pour avoir 30 000 euros !". Pour lire l'interview dans son intégralité, cliquez ICI !
Dans L'Inconnu du lac, les personnages attendent la tombée de la nuit, moment chargé d'émotion dans le film mais qui a nécessité quelques arrangements dans l'écriture du scénario : "Dès l’écriture, j’ai commencé à être obsédé par des indications du type "fin d’après-midi ", "début de crépuscule", "milieu de crépuscule", "fin de crépuscule", qui sont de vrais jalons et de sacrés casse-têtes en terme de plan de travail", explique Alain Guiraudie. Mais le casse-tête ne s'est pas arrêté là puisque le cinéaste souhaitait une lumière naturelle. Il fallait donc capter et tourner au bon moment : "il nous semblait fondamental de n’avoir recours qu’à la lumière naturelle. On a tout mis en oeuvre pour faire exister ces durées et ces lumières fugitives dans le film. On attendait parfois plus d’une heure, sans rien pouvoir faire, le moment propice pour tourner. Quand nous avions besoin d’ombre, il faisait plein soleil et puis c’était le contraire. Mais Claire Mathon en profitait pour saisir ces instants où le lac se transforme et qui ont beaucoup nourri le montage. Le crépuscule produit chez certains un vrai état d’inquiétude. À une époque, je suis presque devenu alcoolique par amour de l’apéro, cette grande tradition qui nous permet de combattre la terreur de la fin du jour, de l’arrivée de la nuit et du marchand de sable qui va passer, avec l’obligation de dormir. On retrouve cette terreur du marchand", avoue Alain Guiraudie .
La présence du monde extérieur était essentielle pour indiquer que ce lieu de drague idyllique n’était qu’un ilot au milieu d’une réalité plus vaste. Cette présence passe quasi entièrement par le son. La prise de son direct étant extrêmement riche, nous n’avons utilisé que des sons enregistrés sur place. Sans chercher à éviter ceux que l’on considère souvent comme des nuisances sonores, c’est à dire les voitures ou les avions. La question de la musique s’est posée au tout début, mais nous l’avons vite évacuée. Ce sont tous les sons ambiants (les avions, le vent, les insectes…) qui constituent une sorte de symphonie et portent le film. Quand le jour décline, il y a des transformations fascinantes, l’heure bleue où tous les oiseaux se mettent à chanter…
Sources :
http://www.unifrance.org
http://www.dailymotion.com
http://www.lemonde.fr
http://www.allocine.fr