Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d'autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. Jean Luc Godard
Date de sortie 21 octobre 2015

Réalisé par Maïwenn
Avec Vincent Cassel, Emmanuelle Bercot,
Louis Garrel, Isild Le Besco, Patrick Raynal, Paul Hamy
Genre Comédie Dramatique
Production Française
Mon Roi
est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2015
Emmanuelle Bercot
reçoit le Prix d'interprétation féminine.
Maïwenn est une personne entière, qui met tout dans ses films. Parfois, cela peut rebuter. Mon Roi va peut-être plus diviser que Polisse car le film provoque beaucoup de débats entre les hommes et les femmes. Pour moi, c'est une vertu du cinéma...
Maïwenn est quelqu'un qui provoque la passion. Son cinéma lui ressemble.
Et puis en France, surtout à Cannes, on attend au tournant les gens qui rencontrent du succès, parfois les kalachnikovs sont de sortie.
Extrait d'interview d'Emmanuelle Bercot relevé sur parismatch.com.
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Entretien avec
Mon Roi traite d’un amour passionnel et destructeur qui s’étale sur dix ans. C’est une chronique très distanciée sur le couple ; un film très différent de ceux que vous avez réalisés jusqu’ici.
C’est un sujet que je porte depuis des années et dont je repoussais sans cesse la réalisation. Il me faisait peur, je sentais que je n’avais pas la maturité suffisante pour le traiter. J’en avais écrit de nombreuses versions, sans qu’aucune ne me paraisse satisfaisante.
Qu’est-ce qui vous effrayait ?

Les moments heureux qu’ils traversent avant de se déchirer – j’ai réalisé à quel point c’était dur pour moi de montrer des gens heureux au cinéma ; tout ce que j’écrivais était mièvre. Il fallait pourtant qu’on y croie : comment comprendre autrement qu’ils reviennent sans arrêt l’un vers l’autre, décrire leurs névroses et leurs conflits si l’on n’est pas convaincu de leur amour ?
Pourquoi avoir soudain choisi de sauter le pas ?
Je me suis dit : "Tu ne vas tout de même pas procrastiner toute ta vie !"
Vous cosignez le scénario du film avec Étienne Comar.
Mon producteur, Alain Attal, me parlait d’Étienne comme d’un type génial, il m’a donné envie de le rencontrer. On s’est entendus dès le début. C’était un bonheur. Nous étions rigoureux nous travaillions tous les jours de 9h à 13h.
Était-il, dès le départ, évident que vous ne joueriez pas dans le film ?

Oui. J’ai eu envie de tourner avec Emmanuelle Bercot et j’ai aussi eu envie d’un film dans lequel je ne serais pas. Pour voir ce que ça pouvait apporter à ma mise en scène.
Le personnage de Giorgio est d’autant plus complexe qu’il reste empli de zones d’ombres.
J’y tenais : un personnage ne doit jamais être monolithique, ou bien cela devient vite très ennuyeux. La vie n’est jamais d’une pièce, il faut pouvoir la regarder sous différents angles.
On sent tout de suite un décalage entre cet homme et cette femme. Tony n’a pas la beauté des mannequins avec lesquels Giorgio a l’habitude de sortir et porte surtout en elle une blessure folle – absurde – qu’elle lui confie dès leur première nuit d’amour.
Il devait se passer quelque chose de très intime entre eux pour que Giorgio tombe amoureux. De la même façon que Tony le démasque avec l’histoire des glaçons, elle se démasque à son tour en lui avouant une angoisse intime. Ils entrent directement dans une intimité extrême ; une intimité singulière, c’est très souvent comme ça qu’un couple se fait.
Mon Roi aborde des personnages qui ont une quarantaine d’années…
Et cela incline sans doute à lui donner une image de film d’adulte. Mais même les ados peuvent s’y reconnaître. Mon film s’adresse à tous les amoureux qui ont été incompris.
Vous lui donnez une dimension universelle qui tranche avec le ton de Pardonnez-moi, votre premier long métrage.
Je ne me suis jamais reconnue dans l’étiquette de "la réalisatrice qui tourne des films autobiographiques", que l’on m’attribue depuis mes débuts. Polisse n’était pas plus ou moins personnel que I. Ce n’est pas parce que je me suis amusée avec l’image des comédiennes que Le Bal des Actrices était mon histoire. Que je sois ou non partie de tous petits faits réels n’efface en rien le travail que j’ai fourni. C’est blessant et réducteur de se trouver perpétuellement adossée à ces qualificatifs. J’en ai souffert. Le malentendu vient sans doute pour beaucoup du fait que j’ai joué dans ces films.

En ayant recours au flash-back, vous vous autorisez précisément une distance que vous ne preniez pas auparavant.
Cette structure narrative permettait à Tony d’avoir un double regard sur elle et Giorgio en revisitant des moments de leur histoire. Et c’était l’occasion pour elle de se reconstruire. En sortant du centre, elle est dans une sorte de résilience.
Sa reconstruction passe par la réparation du corps : on sent chez vous une certaine fascination à filmer les blessures physiques des patients du centre de rééducation.
J’ai toujours éprouvé de l’attirance pour les gens blessés physiquement ou infirmes. Ils sont un peu coupés de la société et n’éprouvent plus ni les mêmes besoins ni les mêmes envies que les valides. On est peu de chose lorsqu’on marche avec une béquille ou qu’on est cloué dans un fauteuil. Cela permet de relativiser la vie d’avant : la seule chose importante devient soudain de guérir – se raccommoder. C’est grâce à son accident que Tony parvient à éprouver de nouveau de la tendresse pour Giorgio. Remarcher lui paraît soudain le plus beau cadeau que l’existence puisse lui offrir.
Sa rencontre avec les jeunes du centre compte pour beaucoup dans sa guérison.
Ils sont blessés, comme elle : ils lui font du bien. Ce sont des gens différents de ceux qu’elle a connus jusque là. Des gens simples qui sont dans le rire, le partage et la légèreté.
Détruite – physiquement ou moralement – Tony reste une guerrière. Elle se bat.

J’en ai faite une avocate et ce n’est pas un hasard. Même si on la voit jamais au travail et si le film se concentre uniquement sur son histoire d’amour avec Giorgio, j’aimais l’idée qu’elle passe son temps à défendre les autres, salauds ou innocents, et qu’elle défende son homme de la même façon.
Elle a attendu longtemps, elle a rencontré un amour fulgurant, elle fait tout pour le garder et, oui, elle se bat. "Je n’ai pas attendu toutes ces années pour faire un enfant et me casser" , dit-elle à son frère.
Le personnage du frère joue un rôle très important dans le film.

J’adore Louis. Je lui avais déjà proposé . Il a refusé. Je suis revenue à la charge pour Mon Roi. Je me suis quasiment traînée à ses pieds dans un resto pour qu’il accepte d’interpréter Solal. Il avait peur de moi je crois…
D’où vient le titre du film ?
Je n’en trouvais pas – celui que j’avais retenu au départ m’avait très vite lassée. Je me suis amusée à me passer des chansons d’amour dans la tête et, un jour, je me suis mise à fredonner celle d’Elli Medeiros – "Toi toi mon toit… toi mon tout, mon roi…" C’était court et percutant. Et Georgio est vraiment le Roi, dans tous les sens du terme…
Mon opinion
Un scénario à la fois tendre, violent, intelligent, tourmenté et impitoyable pour un film auquel on adhère, qui peut également déranger, mais en aucun cas, laisser indifférent. Quelques situations répétitives peuvent paraître invraisemblables. Elles trouvent, dans leur finalité, toute l'habileté de Maïwenn à les rendre plausibles. Entre autres, cette scène dans laquelle Vincent Cassel s'improvise serveur.
L'écriture, la réalisation et la sincérité de Maïwenn évitent toutes les embûches et nous plongent dans cette histoire avec un intérêt qui ne décroit à aucun moment, de la rencontre à la dernière scène. Un rythme fou, parfois hystérique pour cette histoire magnifique et douloureuse dans laquelle l'humour côtoie la tendresse.
Pour donner vie à son scénario la réalisatrice a su trouver un casting idéal. Louis Garrel, Paul Hamy, Isild Le Besco, entre autres, sont parfaitement justes. Également présente dans une petite participation, une mystérieuse dame en noir, Dani.
Emmanuelle Bercot et Vincent Cassel, sont tous deux excellents. Que ce soit dans la retenue ou le délire, dans l'exaspération due aux actions de l'un, face à la douceur de l'autre ils participent à la belle réussite de ce quatrième long-métrage de la réalisatrice.
"Maïwenn est quelqu'un qui provoque la passion. Son cinéma lui ressemble." A déclaré Emmanuelle Bercot. J'acquiesce complètement.