Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d'autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. Jean Luc Godard
Date de sortie 7 novembre 2012

Réalisé par Jean-Claude Schlim
Avec Layke Anderson, Benn Northover, Udo Kier
Michael N. Kuehl, Gintare Parulyte, Sascha Ley,
Eleanor David, Steven Webb, Oliver Hoare, Joanna Scanlan
Genre Drame
Coproduction Luxembourgeoise, Allemande - 2009
Jean-Claude Schlim, habituellement producteur exécutif, a décidé de passer derrière la caméra pour réaliser "le film de sa vie". House of boys s’inspire en effet de son vécu et est dédié à son ancien compagnon, mort du Sida.
Considérant que trop peu de films parlaient de cette maladie qui touche aujourd’hui des dizaines de millions de victimes, il souhaitait apporter sa vision, son expérience. Ce premier long-métrage commence tel un film générationnel : tubes des années 80, jolies couleurs, personnages en quête d’absolu, qui s’assument. On découvre avec euphorie le monde de la nuit à Amsterdam avec Frank. Tous les personnages sont extrêmement bien posés, on s’attache à tout le monde. Un peu académique dans la forme, mais réservant son lot de très beaux plans, House of boys tend à raconter une histoire universelle au plus large public possible.
Et il le fait bien.
Jean-Claude Schlim a dédié son film à toutes les personnes séropositives et à tous ceux qui luttent tous les jours contre la sérophobie dans la société.
À l’heure où beaucoup crie victoire sur le sida, avec des progrès signifiants dans la lutte contre la maladie, force est d’admettre que le virus sévit toujours, précarisant ses malades occidentaux qui, certes ont la vie plus longue, mais dans des conditions peu enviables, et ravageant toujours autant le continent africain.
Poignant, puissamment désespéré, House of Boys est un film hommage aux années noires d’une maladie qui vient d’entrer dans sa troisième décennie avec plus de 30 millions de morts et quelque 40 millions de personnes infectées à travers le monde. Un film immense et primordial.
House of Boys a eu droit à une critique dans le New York Times qui le qualifie de "tragédie douce-amère, qui transmet une honnêteté émotionnelle" et souligné que "la nostalgie douce-amère du réalisateur devrait prendre le dessus du spectateur le plus critique“.
Une belle reconnaissance pour ce film sur le SIDA.
Synopsis
Amsterdam 1984.
Frank (Layke Anderson) vit au Luxembourg et assume pleinement son homosexualité même si cela n’est pas pour plaire à ses camarades de lycée. Ayant soif de liberté et d’aventures, il fugue avec sa meilleure amie, Emma (Eleanor David), vers Amsterdam. Frank, héros blondinet a l’insolence de l’âge, celle qui lui permet de s’affranchir des moqueries, la bonne copine avec qui il partage tout, le goût pour les clubs et les drogues de synthèse, et surtout l’envie d’une émancipation parentale qu’il va prendre à bras le corps.
Layke Anderson
L’amitié se fragilise puisque Frank passe ses nuits à boire et coucher et que sa copine a construit une relation sérieuse. Alors que cette dernière le laisse tomber, Frank se retrouve sans logement. Son refuge sera le House of boys, bar et cabaret gay, tenu par un vieux transformiste sans pitié qui se fait appeler, Madame (Udo Kier).
Udo Kier et Layke Anderson
Le jeune homme se sent tout de suite dans son élément et goûte au plaisir de la vie en communauté. Les colocataires sont hauts en couleurs et attachants : un punk faussement introverti, un jeune homme qui économise pour devenir enfin la femme qu’il rêve d’être depuis longtemps. Mais il y a surout Jake (Benn Northover), un américain, beau gosse et hétéro qui danse pour le House of Boys sans hésiter à se prostituer à l'occasion, espérant ainsi pouvoir un jour vivre une vie tranquille avec sa petite amie.
Benn Northover
Très vite, Frank tombe amoureux de Jake. Commençant comme simple barman, notre jeune gay exilé va finir par s’imposer sur la scène et même parvenir à entamer un début de relation avec l’objet de son affection.
Mais alors que tout semble aller, Jake se retrouve à l’hôpital. Il serait atteint d’une étrange maladie, un virus, qu’on appelle Sida.
Frank continuera de l’aimer malgré tout et l’accompagnera jusqu’au bout
Benn Northover et Layke Anderson
"Je suis homosexuel et je connais bien le milieu homosexuel et la culture homosexuelle, alors, je ne vois pas comment des gens qui ne sont pas homosexuels et qui n'ont probablement pas ces connaissances peuvent décréter que la présentation que je fais de la communauté homosexuelle est caricaturale. J'ai montré ces années 80 comme je les ai connues, avec ce brin de folie positive qui s'est arrêté net entre 83 et 84 avec l'arrivée du sida" précise Jean-Claude Schlim.
À travers ce film, Jean-Claude Schlim a voulu participer à une lutte universelle : "Pour moi, en tant qu'artiste, House of Boys est devenu le point central de mon travail de création, afin de garder les combats, mais aussi d'éveiller une conscience urgente de la jeune génération", explique-t-il. Les jeunes d’aujourd’hui seraient moins adeptes des rapports protégés...
L'une des images les plus frappantes du film pour le réalisateur s'inspire du moment où il a vu son petit ami mourir du sida à l'âge de 27 ans, en 1995.
Non dénué d’extravagance grâce au décor principal du film, un cabaret gay où les garçons dansent et se prostituent à l’occasion, le projet séduit entre sentiments, petits drames du quotidien et vrais passages de comédie queer. À noter également de très jolis passages avec des numéros transformistes. Découpé en trois actes, avec un prologue et un épilogue, House of Boys dévoile petit à petit sa profondeur et sa tristesse.
Une première partie pleine de belles références à la culture homosexuelle et d'une grande qualité artistique dont le seul but n'est pas de divertir. Comme l'ensemble du film, elles sont là pour porter une cause, celle embrassée par le réalisateur, à savoir réveiller une nouvelle fois les consciences pour la lutte contre le sida.
Refuge pour Frank, le cabaret va aussi s’avérer être impitoyable. Madame gère son business d’une main de fer et ne fait pas dans la compassion. Ainsi, quand le beau Jake se découvrira séropo, il sera mis à la porte sans égards.
Une cause clairement identifiée dans la seconde moitié du film. Là, la fête est finie. Jake est malade du sida et Frank refuse de le laisser tomber. Tels Adam et Ève, ils sont exclus de leur paradis, représenté par ce House of boys.
Benn Northover
Rapidement, la condition physique de Jake se dégrade. Et là, finies les couleurs vives et gaies, on est désormais dans le monde blanc immaculé de l'hôpital. Et les seuls "médicaments" que les médecins peuvent donner aux malades, c'est un peu d'écoute et de tendresse.
Des réalités de l'époque traitées par le réalisateur avec une grande exactitude médicale jusque dans les moindres détails, sans tomber dans le film médical, ni dans le voyeurisme malsain.
Benn Northover
La dernière partie du film joue sans complexe la carte du grand mélo, plongeant le spectateur dans l’enfer du quotidien d’un malade du Sida. C’est très dur, on ne peut plus se défiler : on nous montre de façon assez frontale la douleur de Jake.
Dans ces années là, chez les populations affolées, une appellation irrationnelle s’installe dans l’inconscient collectif, s’immisçant même dans la rhétorique de certains médecins, certains parlent alors de cancer gay, expression reprise dans le film qui, avec le recul, montre bien le caractère homophobe ou l’ignorance de la société de l’époque.
Je me souviens de la presse de l'époque qui étalait dans ses unes que ce virus ne touchait essentiellement que les populations homosexuelles et toxicomanes. Des minorités en tout cas. C'était donner, en quelque sorte, une intelligence à ce virus qui épargnerait les hétérosexuels. Beaucoup y ont cru et se sont brulés les ailes plus tard. On a également parlé de malédiction divine. Autant de foutaises scandaleuses, écrites et relayées dans tous les médias et aussi dangereuses que le virus lui même, pour celles et ceux qui ont été confronté à ce fléau.
Mais peu importe, loin des débats de société qui animaient la télévision, le réalisateur s’intéresse ici à l’apparition du virus en Europe au travers d’une histoire d’amour, celle de Frank et de son amant, qu’il va explorer dans toute sa détresse, avec une humanité réellement émouvante. Au plus près des sentiments des deux protagonistes, de leur impuissance et de leur souffrance, physique pour l’un, psychologique pour les deux, Jean-Claude Schlim parvient à élever des stéréotypes en les transformant en symboles valeureux d’une époque meurtrière, il les rend attachants, voire à un certain moment bouleversants.
Œuvre profondément personnelle, House of Boys n’hésite alors plus à jouer la carte de la démonstration.
Face à pareille détresse la retenue, la subtilité, n’ont plus lieu d’être.
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On pourra comprendre ou être dérangés par ce choix.
À la fois tendre et grave, ce long-métrage ne manquera pas de parler à beaucoup de spectateurs. Pour les cinéphiles plus exigeants, l’interprétation sans faille, l’élégance certaine et la plongée dans les nuits extravagantes d’Amsterdam devraient également faire mouche.
Udo Kier campe le personnage de Madame dans House of Boys. Il y a du Priscilla folle du désert dans le personnage de Madame. Ce comédien d'origine allemande, natif de Cologne, est une figure incontournable du paysage cinématographique mondial. En effet, on a pu le voir dans un nombre incalculable de films. L'acteur est également un habitué des blockbusters. Enfin, Udo Kier est aussi l'un des acteurs attitrés du cinéaste Lars von Trier, avec qui il a tourné plusieurs fois.
La composition de la musique du film a été confiée au jazzman luxembourgeois Gast Waltzing. Le réalisateur a réuni dans la bande originale de House of Boys des morceaux classiques et de la musique électronique moderne, avec notamment des chansons qui ont été choisies pour rendre hommage aux musiciens qui sont morts du sida, tels que Klaus Nomi.
Benn Northover et Layke Anderson
House of Boys a été programmé dans plusieurs festivals de cinéma, dont les festivals Gay et Lesbien de Paris, Amsterdam, Chicago et Sydney.
En 2009, l'année de sa sortie, le film a décroché le Prix du meilleur film luxembourgeois, avant d'être récompensé en 2011 aux Festivals Gay et Lesbien de Durban et de Belgique.
En mai 2012, le film a également été programmé à Nice à l'occasion de la 4ème édition des rencontres cinématographiques In&Out.
Sources :
http://movies.nytimes.com
http://www.fugues.com - Nicolas Lavallée
http://www.imdb.com
http://www.zelink.com
http://www.avoir-alire.com
http://www.popandfilms.com
http://www.allocine.fr