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3 avril 2016 7 03 /04 /avril /2016 11:22

 

Date de sortie 30 mars 2016

 

Suand on a 17 ans


Réalisé par André Téchiné


Avec Sandrine Kiberlain, Kacey Mottet Klein, Corentin Fila,

Alexis Loret, Mama Prassinos, Jean Fornerod, Jean Corso


Genre Drame


Production Française

 


"… Mais la caractéristique de l’âge ridicule que je traversais- âge nullement ingrat, très fécond- est qu’on n’y consulte pas l’intelligence et que les moindres attributs des êtres semblent faire partie indivisible de leur personnalité. Tout entouré de monstres et de dieux, on ne connaît guère le calme. Il n’y a presque pas un des gestes qu’on a faits alors, qu’on ne voudrait plus tard pouvoir abolir. Mais ce qu’on devrait regretter au contraire, c’est de ne plus posséder la spontanéité qui nous les faisait accomplir. Plus tard, on voit les choses d’une façon plus pratique, en pleine conformité avec le reste de la société, mais l’adolescence est le seul temps où l’on ait appris quelque chose. " Marcel Proust

 

Synopsis

 

Damien (Kacey Mottet Klein), 17 ans, fils de militaire, élève parfait amoureux de Rimbaud, vit dans une caserne du sud-ouest de la France, avec Marianne (Sandrine Kiberlain), sa mère médecin, pendant que son père est en mission en Centrafrique.

 

Au lycée, il est malmené par un garçon, Thomas (Corentin Fila) qui vit avec ses parents adoptifs dans une ferme isolée au coeur des montagnes qu’il traverse au quotidien pour se rendre au lycée.

 

La mère de Thomas est malade.  Marianne est appelée en urgence pour la soigner.

 

La répulsion et la violence dont ils font preuve l'un envers l'autre va se troubler lorsque la mère de Damien décide de recueillir Thomas sous leur toit.

 

Quand on a 17 ans -  Corentin Fila et Kacey Mottet Klein

 

Kacey Mottet Klein et Corentin Fila

Entretien croisé de Marie-Elisabeth Rouchy entre le réalisateur, André Téchiné et Céline Sciamma, coscénariste du film relevé dans le dossier de presse.


Pourquoi avoir souhaité travailler ensemble ?


André Téchiné. Je savais que le film traiterait de deux adolescents et le choix de Céline s’est imposé d’emblée. Avec Naissance des pieuvres, Tomboy et  Bande de filles, elle est la seule en France à avoir apporté un vrai regard neuf sur l’adolescence.
Céline Sciamma. Après Bande de filles, je pensais ne plus jamais tourner de film sur ce thème. Mais j’ai toujours envie d’en parler. La proposition d’André était l’opportunité de poursuivre un dialogue autour sans pour autant m’inscrire à nouveau dans une continuité. En tant que scénariste, c’était aussi un vrai challenge de me confronter à un cinéaste aussi ambitieux que lui en termes de récits. J’ai découvert ses films très tôt, ils ont véritablement marqué ma rencontre avec le cinéma d’auteur.

 

Quel était le point de départ du scénario ?


André Téchiné. Nous sommes partis de l’idée d’une relation triangulaire entre une mère, dont on voulait faire un personnage important, et deux adolescents qui découvrent et vont repérer leurs désirs au cours des trois trimestres composant une année scolaire. Une seule chose nous guidait : le corps à corps. Ecrire un film le plus physique possible, où chaque scène soit un moment d’action; où les personnages soient constamment aux aguets et réagissent sans comprendre ce qui leur arrive et comment y répondre, ni surtout comment le verbaliser. Il était impensable que Tom et Damien expriment leurs émotions comme le feraient des adultes.
Céline Sciamma. Dans Naissance des pieuvres, il y avait déjà le souhait de ne pas traiter de personnages qui savent qui ils sont et l’énoncent au monde, mais de capter ce moment où le désir passe du ventre au coeur et affleure la conscience. André et moi nous sommes vraiment trouvés autour de cette ligne. Nous avions la même envie d’un film très physique.

 

Tom et Damien sont deux garçons solitaires. On est loin des caractéristiques du film d’ados…


André Téchiné. Nous ne les imaginions pas appartenir à un groupe ; nous voulions qu’ils fassent un peu bande à part : assez vite, on voit qu’ils font chacun partie d’une équipe lorsqu’ils jouent au basket au lycée, mais on sent qu’on a tendance à les oublier –ils sont un peu effacés et dans une forme de solitude qui n’est d’ailleurs pas forcément mélancolique. Simplement un peu à l’écart.


La violence qui les anime est, au début du moins, le seul langage qui passe entre eux. Comment expliquer cette animosité ?

 

André Téchiné. Ils ne savent pas d’où ça vient. Peut-être de leur différence de milieu. Tom qui marche une heure dans la neige pour arriver au ramassage scolaire, Damien dans les jupes de sa maman, qui se fait déposer en voiture. La distance entre ce qu’ils vivent quotidiennement les éloigne, les sépare. Damien frime en récitant Rimbaud. Tom connaît mieux que lui la sensation de nature évoquée par le poème. Ils vivent une expérience de l’incompatible. C’est ce qui donne à l’histoire son côté film d’action. Lorsque la mère demande aux deux garçons de se serrer la main après la convocation du proviseur, il est évident que ni l’un ni l’autre n’ont envie de faire la paix. Ils veulent continuer sans savoir où ils vont. Ils se conduisent comme des explorateurs, des aventuriers.

 

Quand on a 17 ans

 

Kacey Mottet Klein et Corentin Fila

Les premières bagarres semblent se déclarer à leur insu. Puis, peu à peu, on a le sentiment que s’installe entre eux une sorte de rituel presque chevaleresque.


André Téchiné. Je ne voulais pas que ces scènes soient répétitives. Elles devaient à chaque fois surgir différemment et de façon inopinée. Mais elles induisaient forcément un rapport de revanche et le seul moment où, finalement, il y a un pacte établi, c’est le duel dans la montagne. Là, ils sont en pleine nature et à l’abri du monde et vont jusqu’au bout de leur violence.
Céline Sciamma. La violence avance entre eux jusqu’à former un récit. Plus elle grandit, plus elle s’épanouit et puis la dramaturgie de la relation de Tom et de Damien évolue et se sophistique. Elle n’est pas figée, c’est un dialogue. Elle leur permet d’appréhender peu à peu ce qui les agite et qui les change.


Alors que Damien, à terre, est prêt à continuer le combat, Tom refuse et propose une trêve.


André Téchiné. C’est une première étape. Ils fument un joint dans la grotte sans dire un mot. C’est un moment suspendu et sensuel. Et puis il y a le plongeon de Tom dans l’eau glacée du lac. Pour Damien, c’est sans doute là que se fait la capture d’image, le choc érotique, le flash sur Tom.

 

Le désir de Tom arrive beaucoup plus tard.


André Téchiné. Il est surtout plus indéterminé. Il doit lutter contre sa frayeur du contact avec Damien. Dès qu’il sent l’attirance qu’il exerce sur Damien, il veut absolument maintenir la distance, il a une résistance très forte et très violente à ce désir. Ça va jusqu’au coup de boule. Il y a une part d’homophobie en lui qu’il n’arrive pas à vaincre. Il est engagé dans un combat douteux. Les préjugés ne sont pas des abstractions, ils sont chevillés au corps.

 

Tom, c’est un peu l’enfant sauvage…


André Téchiné. À part ses parents, le lien avec le monde humain est très lointain. Son territoire, c’est la montagne. Il entretient une relation instinctive et puissante avec elle. Il en connaît l’intérieur, les moindres grottes. Il essaie au fil du film de transmettre ce savoir à Damien puis à la mère de Damien. La montagne agit de façon bénéfique. Elle véhicule une mythologie "de monstres et de dieux" qui me semble reliée à l’enfance. Or, il m’importait justement que mes personnages n’en soient pas sortis, qu’ils vivent des aventures, comme les héros d’un roman d’apprentissage. J’avais en tête la référence de Heathcliff, lui aussi métissé et adopté, dans  Les Hauts de Hurlevent, d’Emily Brontë, qui est le roman d’adolescence par excellence. Tom est hanté par la montagne comme Heathcliff l’est par la lande.

Céline Sciamma. La montagne n’est pas seulement un décor. Elle est l’incarnation généreuse des caractérisations et des relations des deux personnages. J’insiste sur l’adjectif généreux parce qu’elle renvoie quelque chose de spectaculaire. Il y a quelque chose de très impressionnant dans ces paysages dont on peut penser qu’ils reflètent l’âme des personnages. On est au cinéma, quoi !
André Téchiné. J’ai filmé ces trajets qu’effectue Tom dans la neige exactement comme des scènes de combat. Ce sont des scènes d’action où il doit se battre pas à pas contre la nature.

 

Malgré leurs différences, Tom et Damien ont des points communs. Ils vivent tous les deux dans une famille chaleureuse et ont une relation très forte avec leur mère.


Quand on a 17 ans.

Céline Sciamma. Nous avions l’idée d’un duo mère-fils avant même de bâtir l’intrigue du film ; un duo très contemporain qui ne raconte pas le récit de l’ascendant d’un adulte sur son enfant ou d’un quelconque désaccord vis-à-vis du désir qui précède à son envol.

 

 


André Téchiné. Peut-être est-ce une réaction aux mères souvent conflictuelles avec des rapports possessifs. Notre personnage devait être un modèle unique, un prototype d’amour maternel calme, total et sans emprise.

 

Damien entretient avec la sienne des rapports à la fois très mûrs et très ludiques.


André Téchiné. Ils ont une grande complicité. Elle ne manque pas de fantaisie, propose des bras de fers et apprécie la cuisine de son fils. Nous voulions les montrer heureux. Les moments de bonheur, c’est une expérimentation délicate au cinéma pour ne pas tomber dans la mièvrerie.

 

Sans le vouloir, la mère induit les relations à venir des deux garçons.


André Téchiné. Ce n’est pas Damien qui remarque la beauté de Tom, c’est elle qui lui en parle. Et c’est également elle qui parle à Tom des sentiments que Damien éprouve pour lui.
Céline Sciamma. Elle n’a pas la volonté de créer ce duo et n’occasionne ce lien que parce qu’elle a une relation avec chacun d’eux. Elle les regarde l’un et l’autre. Elle est au milieu. Elle n’est pas dans le contrôle de la situation. Elle aussi vit l’aventure.
André Téchiné. Elle est même complètement dépassée par les événements quand, tout à coup, elle constate que les deux garçons ont continué à se battre. Et décide simplement de renvoyer Tom chez ses parents. Elle ne se rend absolument pas compte de ce qui se joue sous son toit.

 

Elle est très accueillante – comme la famille de Tom d’ailleurs. Elle prend soin d’elle et de son entourage…


André Téchiné. Prendre soin, c’est le coeur du sujet. Il y a famille quand l’un prend soin de l’autre et quand ce soin est la condition de développement d’une vie. Dans le troisième et dernier trimestre, c’est Tom qui prend soin de Damien et de sa mère en deuil. Il n’est plus objet de curiosité, de désir ou de compassion, il devient sujet. Ça le fait grandir.

C’est à partir de ce deuil que tout bascule pour chacun des personnages.


André Téchiné. C’est la guerre, qui était restée hors champ où neutralisée par le Skype, qui fait irruption dans le film. C’est l’intrusion de l’Histoire dans l’intime. Ça vient redistribuer les cartes. C’est quand les actions des adolescents sont confrontées à la vraie guerre du monde des adultes que le film prend sa vraie dimension.


A ce moment-là, les deux garçons vont vraiment changer.


André Téchiné. Aussi traumatisante qu’elle soit et peut-être pour la conjurer, la mort de son père va donner à Damien la force de déclarer son amour à Tom autrement que par des gestes ou des regards.
Céline Sciamma. C’est là où la construction du film est singulière : on est vraiment dans la temporalité du film d’apprentissage- ni dans la chronique estivale d’un trouble, ni, encore une fois, dans l’anticipation de ce qui va se produire. Les réactions et l’évolution des personnages sont aussi inattendues que les péripéties sont imprévisibles- la guerre, la grossesse tardive de la mère de Tom, le décès de Nathan... Tout reste toujours mystérieux et irrésolu. Durant l’écriture, André et moi, étions hantés par le fait de penser des personnages vivants qui se laisseraient surprendre plutôt que des personnages surprenants.

 

La confession de la mère de Damien à Tom sur la vie et la mort dans la montagne et au milieu du brouillard, est l’une des rares scènes dialoguées du film.

Quand ona 17 ans.

André Téchiné. J’ai failli la retirer au montage. Toujours l’obsession de trop verbaliser.

 

Je l’ai finalement laissée parce que, là, c’est l’enjeu de la scène : est-ce qu’il vaut mieux en parler ou pas ?

 

C’est le silence et l’écoute de Tom qui va l’inviter à se confier…

 


Avez-vous tout de suite pensé à Sandrine Kiberlain pour interpréter ce personnage ?


André Téchiné. Elle est vive, légère, et passe dans le film par des montagnes russes. C’est pour sa diversité de registre que je l’ai choisie. Elle file, souple et fine avec la force du roseau. Un peu Mary Poppins, au début, avec son duffle-coat vert, son bonnet prune et sa trousse de médecin pour devenir somnambule cinglée dans la scène du cimetière.

 

La scène du cimetière est très inattendue.


André Téchiné. Et très éloignée de ce que l’on connaît d’elle. Là, Sandrine était vraiment en terre inconnue. Je tenais beaucoup à ces cris, plus japonais que français, et c’est d’ailleurs la seule scène que nous avons préparée en amont. Au tournage, c’était un peu surréaliste... Elle sait aussi bien s’engager que s’envoler…

 

Parlez-nous du choix de Corentin Fila.


André Téchiné. Il était important pour moi que Tom, le fils adopté, soit métissé. Dans la mesure où je souhaitais qu’il ait l’accent du Sud-ouest, j’ai commencé par faire des recherches dans la région de Toulouse mais c’est finalement à Paris que j’ai trouvé Corentin Fila. Il avait une beauté immédiate. C’est un acteur très physique. Il est robuste et mystérieux. Un peu martien. Dans les scènes de pleine lune à la montagne, il sait devenir une créature fantastique. Il est aussi capable d’une candeur enfantine pour traduire l’inexpérience des relations humaines du personnage de Tom.


Et Kacey Mottet Klein ?


André Téchiné. Kacey est à l’opposé de Corentin comme Damien est le contraire de Tom. La blondeur, le fils à maman, l’enfant gâté. Kacey est un acteur vibrant. Il s’est imposé dès les premiers essais. Il s’agissait de construire un couple avec un contraste qui crée une dynamique. J’étais très sensible à leur réactivité. Entre eux, la caméra filmait de l’électricité.

 

Comment se sont-ils préparés à leurs rôles ?


André Téchiné. Dès les essais, je les ai fait marcher, bouger, évoluer, puis, très vite, je les ai mis entre les mains d’un cascadeur qui les a entraînés à la lutte. Corentin Fila a parallèlement effectué un stage de trois semaines dans une ferme pour apprendre les gestes quotidiens de ce milieu - lever les bottes de foin, soigner les animaux… Ils se sont complètement appropriés leurs personnages.

 

Quand on a 17 ans

Comment travaille-t-on avec des comédiens aussi peu expérimentés ? Faites-vous des lectures, des répétitions ?

 

André Téchiné. Ni l’un ni l’autre. J’aime laisser un grand espace de liberté aux acteurs, les mettre dans une sorte d’insécurité et de fraîcheur - et d’autant plus dans ce film où il y a peu de dialogues. J’ai toujours envie de capturer l’inattendu. Ensuite, bien sûr, je resserre et ça devient de plus en plus précis. Mais, souvent au montage, je choisis le tâtonnement des premières prises.

 

Les partitions de Tom et Damien peuvent être extrêmement troublantes pour de jeunes comédiens. Comment ont-ils réagi ?

 

André Téchiné. Kacey, qui n’avait même pas dix-sept ans au moment du tournage, a très mal vécu la première partie du film. Il était très travaillé par l’homosexualité de son personnage, très résistant. Je devais constamment le ramener vers les situations et les sentiments qu’il avait à jouer. Je lui répétais : "L’homosexualité, ça ne se joue pas. Concentre-toi sur l’instant de la prise ; ne te soucie pas de l’homosexualité. Personne n’est capable de jouer un homo ou un hétéro ; ce sont des entités qui ne correspondent à rien." Un jour, cela se passait bien et le lendemain, ses questions revenaient, alimentées par le regard des autres, les figurants au lycée qui lui disaient : "Alors, il paraît que c’est une histoire de pédés ?" Et il fallait à nouveau faire une petite réparation…

 

Est-ce une difficulté supplémentaire de diriger des gens sans expérience ?


André Téchiné. J’aime beaucoup ça, au contraire. Je trouve que c’est beaucoup plus simple : ils n’ont pas de préjugés, ne se rattachent à aucun savoir-faire. C’est beaucoup plus difficile de travailler avec des acteurs qui mettent leur technique en avant : cela ne produit pas forcément des étincelles. Les grands acteurs savent d’ailleurs très bien oublier leur métier au moment des prises, ils gardent la grâce des débutants, c’est essentiel.


Ne court-on pas le risque de perdre cette spontanéité au bout d’un certain nombre de prises ?


André Téchiné. Je ne sais pas si c’est de la spontanéité. De toute façon, mes prises ne se ressemblent pas. À chacune d’elles, la mise en place, le cadre et les dialogues peuvent changer. Je ne cherche jamais à atteindre une espèce de perfection mécanique. D’une prise à l’autre, j’essaie d’aller vers de nouvelles couleurs. Au montage, il m’arrive d’avoir le choix entre des prises qui ont des humeurs très différentes. Ce n’est plus la réussite ou le ratage de la performance qui est en cause.

 

Avez-vous éprouvé des difficultés pour tourner la scène d’amour ?


André Téchiné. C’était une scène très difficile : il n’était pas évident pour Corentin et Kacey de s’engager aussi physiquement dans cette séquence qui est longue. Ils devaient lever leurs propres inhibitions et jouer à la fois l’inexpérience, la maladresse, mais aussi une forme d’impatience et d’appétit. Je leur en avais tellement parlé durant toute la première partie du tournage qu’ils étaient finalement très disponibles ce jour-là. Ils avaient accepté le principe de la scène et ils ont plongé. Le schéma actif/passif est neutralisé. En termes de postures érotiques, l’un et l’autre font finalement la même chose mais ils le font d’une manière très personnelle, avec des gestes qui sont aux antipodes. Il fallait une grande confiance et une grande complicité entre eux pour y parvenir. C’était finalement moi le plus mal à l’aise.

Céline Sciamma. Il y a longtemps que je n’avais pas vu une si belle scène d’amour. Ça, pour le coup, ça ne s’écrit pas. On note juste: "Ils font l’amour." Soudainement, vous la découvrez à l’écran.

André, comme toujours dans vos films, la nature joue un très grand rôle…


André Téchiné. Là, ça vient du souvenir des Pyrénées mêlé à Emily Brontë qui fait de la lande son personnage principal. Les paysages provoquent des chocs : ils renferment une puissance avec laquelle il est possible d’établir un contact. C’est quelque chose qui existait très fort au dix-neuvième siècle pour les romantiques. Les Américains savent faire ça au cinéma. Je pense par exemple à Gerry, de Gus Van Sant.


Justement, parlons de la mise en scène…


André Téchiné. Je ne sais pas trop ce que ce mot signifie. La mise en scène est une chose très instinctive chez moi. Les montagnes, les corps des acteurs, les trajets de Tom dans la neige, imaginer de quelle manière tout cela va bouger ensemble, ce sont déjà des éléments de mise en scène avant le tournage mais je refuse de les emprisonner dans un découpage pré-établi. Ce que je peux dire, c’est que je n’ai jamais eu le souci de filmer une scène en fonction de ce qui précédait ou de ce qui allait suivre. Je ne me préoccupais que de donner le plus de présence possible à la séquence que je tournais, comme s’il s’agissait d’un court métrage, comme si c’était la première et la dernière fois.

 

Comment écrit-on à quatre mains ?


Céline Sciamma. André et moi avons travaillé ensemble, à la table, sur le séquencier. Je lui ai ensuite livré une première continuité dialoguée – une sorte de réinterprétation de ce que nous avions écrit. Il a repris le texte seul puis nous avons retravaillé ensemble.
André Téchiné. Lorsqu’on écrit avec un scénariste, on aboutit souvent à un premier jet profus qu’il faut unifier. Céline avait, au contraire, en permanence le souci de la concision. La première continuité qu’elle m’a présentée était nerveuse et structurée, presque décharnée. Ce souci de dégager le squelette est sans doute ce qui donne son efficacité dramatique au film. J’ai le sentiment qu’on reste concentré sur ce triangle, qu’on le suit pas à pas, sans brûler les étapes, sans anticiper.
Céline Sciamma. Le film se tournant en deux fois - une partie hiver et une partie été-, nous avons à nouveau dialogué sur le scénario entre les deux tournages. C’était une expérience très riche.
André Téchiné. Et la possibilité d’un deuxième souffle. Très peu de cinéastes peuvent se dire qu’au prochain tournage, ils vont améliorer telle ou telle scène ou en changer carrément la perspective ou même la remplacer par une autre.

 

Vous l’avez fait ?


André Téchiné. Oui. J’ai entièrement retourné en intérieur la scène où Damien vient apporter des médicaments à Tom. Elle était beaucoup plus développée pendant le premier tournage en extérieur. Je me suis rendu compte qu’elle était trop bavarde, cela lui enlevait de la force. J’ai décidé, encore une fois, de ne travailler que sur les regards.


Quel impact ce tournage en deux temps a-t-il eu sur les acteurs ?


André Téchiné. C’était formidable, cela permettait de mesurer l’effet du temps sur leur comportement. À cet âge-là, les comédiens changent à vue d’oeil d’une saison à l’autre. J’exagère sans doute mais c’est comme ça que j’aimais voir les choses.


Vous est-il arrivé d’avoir des différends durant l’écriture ?


Céline Sciamma. Pas de conflits mais des discussions sur des questions de récits – Comment en arrive-t-on là ? Où va-t-on ? Dans la mesure où nous avions le souci que les scènes soient d’action, nous débattions peu de la psychologie des personnages. Nos objections portaient sur des éléments très concrets. Mais cela veut dire qu’on travaillait.

 

Céline, n’y-a-t-il pas une petite frustration pour la réalisatrice que vous êtes de s’arrêter au stade du scénario ?


Céline Sciamma. Pas du tout. Même si j’écris et réalise mes films, je sépare très bien mes deux métiers. J’adore écrire pour les autres - évidemment les questions autour de la mise en scène continuent de nourrir mon écriture. Et j’aime revenir ensuite au montage.


Avez-vous assisté à celui-ci ?


Céline Sciamma. Pas régulièrement, mais j’y suis passée, oui.
André Téchiné. Lors d’une de ses visites, Céline qui, comme moi, n’est pas du genre à faire des compliments, m’a dit, sur le ton de la plaisanterie : "Mais c’est une épopée !". Mine de rien, c’est ce que j’attendais.

Céline Sciamma. Je découvrais une amplitude romanesque qui était évidemment en germe à l’écriture mais que seule la mise en scène peut parvenir à rendre ; la montée en puissance de la guerre hors champ, dans la deuxième partie, les déchirements individuels de chacun et cette espèce d’exaltation – André préfèrerait le mot élévation- à la fin dans les montagnes.

André, il est difficile de ne pas faire un rapprochement entre ce film et  Les Roseaux sauvages


André Téchiné. Bien que la référence semble inévitable, je n’aime pas cette comparaison. Même si les personnages ont le même âge et s’ils préparent le bac, il ne s’agit pas de "faire famille" ou de "faire société" dans Les Roseaux sauvages. La seule symétrie que je vois entre les deux films est la présence de la guerre hors-champ qui parvient dans ces coins perdus de la France rurale, celle d’Algérie dans Les Roseaux sauvages, et les opérations extérieures telles qu’elles se déroulent actuellement dans Quand on a 17 ans. Pour moi, ce film est résolument au présent.
Céline Sciamma. Si je devais les rapprocher, ce serait par leur côté générationnel : vingt ans après, André s’intéresse à nouveau à des adolescents. Mais vingt ans ont passé justement, et la société a changé.

 

André, malgré la guerre et la mort de Nathan, Quand on a 17 ans se place résolument du côté de la vie. Cela n’a pas toujours été le cas de vos films.


Céline Sciamma. Dès l’écriture et durant toutes les étapes, cela a été une des obsessions d’André. Il luttait contre tout ce qui risquait d’alourdir le projet.
André Téchiné. L’élévation vers la montagne à la fin contribue sans doute à donner ce sentiment mais, c’est vrai, la vie l’emporte de plus en plus dans mon cinéma. C’est un cheminement très classique. Plus on avance en âge, moins on est porté vers la noirceur et la mélancolie. On prolonge sa jeunesse par les films et, au contraire, c’est la vie qu’on appelle.

 

Quand on a 17 ans - Sandrine Kiberlain

 

Mon opinion

 

En association avec l'excellente Céline Sciamma pour le scénario, André Téchiné réalise ce nouveau long-métrage avec ce talent, connu et reconnu, dans la représentation cinématographique des amours de l'adolescence.  

 

Le réalisateur a déclaré : "Nous  sommes partis de l’idée d’une relation triangulaire entre une mère, dont on  voulait faire un personnage important, et deux adolescents qui découvrent et vont repérer leurs désirs au cours des trois trimestres composant une année scolaire."

 

Le film déborde de ce cadre et certaines scènes trop attendues n'apportent pas grand chose. Je pense entre autres à la cérémonie militaire. D'autres, paraissent aujourd'hui quelque peu improbables avec la vie dans cette ferme en haute montagne, en particulier.

 

Elles offrent en revanche de somptueuses photographies des Pyrénées Ariégeoises et du Comminges. "Une puissance avec laquelle il est possible d’établir un contact" selon le réalisateur. La montagne est un élément essentiel de l'histoire.

 

Le jeune Kacey Mottet Klein face à Corentin Fila, premier rôle au cinéma, sont remarquables de justesse. Sandrine Kiberlain est tout simplement parfaite. Ce formidable trio d'acteurs emporte tout, efface quelques bémols et convainc.

 

 

La caméra d'André Téchiné s'est installée une première fois sur Luchon pendant plusieurs semaines l'hiver 2015, alors que la ville était blottie dans une neige tombée au meilleur moment pour la production. L'équipe de tournage a profité des vacances de février pour tourner dans les locaux de la cité scolaire.

 

"L'expérience a été vraiment extraordinaire", confie le proviseur, Rémy Garcia. "L'équipe a embauché de nombreux lycéens comme figurants, des professeurs, aussi et même nos CPE, nos conseillers principaux d'éducation. Ils ont aussi accepté sur le tournage les élèves de la section audiovisuelle, qui ont ainsi pu assister à un tournage avec des professionnels et un réalisateur célèbre. L'équipe a vraiment joué le jeu." Un proviseur qui, lui aussi, a été sollicité pour incarner son propre rôle, aux côtés de Sandrine Kiberlain. "André Téchiné a vraiment été très gentil avec nous, confie Romane, 18 ans, lycéenne et figurante d'un jour. Il n'a pas hésité à nous parler, à nous donner quelques consignes, à nous écouter, aussi… C'était vraiment très bien, je ne m'attendais pas à autant de gentillesse et puis, j'ai eu ma première fiche de paie !".

 

Un tournage hivernal qui aura duré trois semaines, avant de se déplacer vers l'Ariège, du côté de Saint-Girons. 

 

"C'est vraiment un plaisir d'avoir accueilli cette équipe chez nous, conclut Rémy Garcia. C'est une belle vitrine pour notre établissement et une expérience vraiment très riche pour tous nos élèves".

 

Propos signés par Véronique Bavencove relevés dans La Dépêche

 

Quand on a 17 ans - L'équipe de tournage dans une maison près du cimetière (© Tian).Quand on a 17 ans

L'équipe de tournage dans une maison près du cimetière (Photos Luchon mag © Tian)

 

commentaires

E
Je pense que je pourrais craquer. Le sujet et surtout les personnages atypiques, la façon d'amener la chose me semble vraiment intéressant, et puis les lieux, certainement aussi!
Répondre
M
Bonsoir Alain. J'ai beaucoup aimé. Certaines scènes avec Sandrine Kiberlain et son fils sont bouleversantes. Quelle leçon ! Les acteurs sont parfaits et le jeune Corentin Fila, étonnant. Bises
Répondre
M
Slt Alain. Un peu long mais du grand Téchiné. Les deux jeunes acteurs sont géniaux et S. Kiberlain égale à elle-même SUPERBE @+
Répondre
A
Vous êtes le premier à me parler de ce film. De plus, tourné dans vos chères et si belles Pyrénées, cela a dû être plaisir pour vous, cher Alain. Bonne journée.
Répondre
J
Bonsoir Alain. Comme toi, j'ai trouvé les deux jeunes acteurs et bien entendu S. Kiberlain, tous trois remarquables. Même si un peu long l'ensemble est réussi. À bientôt
Répondre
J
Pour le Comminges et Luchon, en particulier, nous avons pensé à toi en le voyant, sachant ton attachement pour cette région. Le film nous a plu mais, tu le dis d'ailleurs, certains passages sont inutiles. C'est malgré les bémols, comme tu écris, un bon Téchiné. Les deux jeunes acteurs sont formidables et Sandrine Kiberlain, toujours excellente. Bon courage nous pensons à toi. Bises
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