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1 janvier 2016 5 01 /01 /janvier /2016 00:00

 

Mes coups de coeur (1)coeur (1)coeur (1)coeur (1)coeur (1)de l'année.

 

..Mon Fils - Eran Riklis..Gente de Bien.La Maison au toit rouge.La Tête Haute.Une Femme Iranienne "Aynehaye Rooberoo". Facing Mirrors.Une seconde mère "Que Horas Ela Volta ?".Mustang.La Belle saison.Aferim !.La dernière leçon.Les chansons que mes frères m'ont apprises.Fatima..Mia Madre.El Club.

 

Un clic sur l'affiche pour lire l'article ...

 

Janvier

 

...Chic ! - Affiche..Les nouveaux sauvages - Le ciné d'Alain..Discount---Affiche..

 

Février

 

.Kingsman : Services secrets. le ciné d'Alain..Mon Fils - Eran Riklis..

.

Mars

 

..L'Art de la Fugue.....Gente de Bien.À trois on y va.L'Hommed es foules.Voyage en Chine.

 

 

Avril

 

Journal d'une femme de chambre - Affiche.Indian Palace - Suite Royale.Les Châteaux de sable - Affiche..Stille Alice.En Équilibre - Affiche.Entre Amis.Jamais de la vie.Caprice.La Maison au toit rouge.

 

 

Mai

 

.Les Jardins du roi.My old lady.Les Optimistes.La tête haute.La loi du marché.

 

Juin

 

L'ombre des femmes.Une Femme Iranienne "Aynehaye Rooberoo".Une belle fin "Still Life".Loin de la foule déchaînée "Far from the Madding Crowd".Comme un avion.Une seconde mère

 

Juillet

 

Mustang.Victoria.Masaan.Daddy cool.La Isla mínima.Woman in Gold..La rage au ventre..

 

 

Août

 

.Floride.Coup de chaud.La belle saison.Dheepan.La Niña de fuego (Magical Girl)

 

Septembre

 

Aferim !.Les nuits blanches du facteur.Difret.Marguerite.Youth "La Giovinezza".Premiers crus.Boomerang.La dernière leçon.Les deux amis.Ni le ciel ni la terre

 

Octobre

 

Lamb.L'Odeur de la mandarine.Je suis à vous tout de suite.Much loved.Les chansons que mes frères m'on apprises.Belles Familles .Une enfance..Fatima.Mon Roi.

 

Novembre

 

.Notre petite soeur..Une Histoire de Fou.Macbeth.L'Hermine.Je suis un soldat.21 nuits avec Pattie.

 

Décembre

 

 

.Mia Madre.El Club.L'Étage du dessous.La vie très privée de Monsieur Sim.Béliers.Ai-delà des montagnes.Les Sufragettes.

 

28 décembre 2015 1 28 /12 /décembre /2015 09:21

 

Date de sortie 18 novembre 2015

 

Les Sufragettes


Réalisé par Sarah Gavron


Avec Carey Mulligan, Helena Bonham Carter, Anne-Marie Duff,

Romola Garai, Brendan Gleeson, Ben Whishaw,

Meryl Streep,


Genre Historique


Production Britannique

 

Un peu oubliées des manuels scolaires et du cinéma, les Suffragettes britanniques parvinrent pourtant à faire évoluer la société patriarcale qui les muselait. Avant la première Guerre Mondiale, Emmeline Pankhurst et ses consoeurs du Women’s Social and Political Union (WSPU) se démenèrent pour faire entendre leurs voix mais leurs tentatives pacifiques et raisonnées pour obtenir le droit de vote n’eurent aucun succès auprès de la classe dirigeante paternaliste. Ces manifestations pacifiques laissèrent place à une violence croissante opposant militantes et forces de l’ordre, le terrorisme répondant aux arrestations arbitraires et le gavage aux grèves de la faim.

Il fallut une martyre piétinée par un cheval royal, Emily Davison au derby d’Epsom en 1913, et une Guerre Mondiale pour que les femmes britanniques voient leur valeur reconnue et que leur soient accordés, du moins dans la sphère citoyenne, les mêmes droits qu’aux hommes.


Dans son film Les Suffragettes, la réalisatrice anglaise Sarah Gavron met en scène les féministes de la classe ouvrière, opprimées par leurs maris et leurs patrons, vouées à travailler sans relâche à l’usine comme à la maison sans ne jamais pouvoir formuler une opinion personnelle ni obtenir ne serait-ce que le droit de garde de leurs enfants.

 

A travers le personnage poignant de Maud, elle dresse le portrait de ces femmes qui acceptèrent de tout sacrifier pour que leurs filles puissent connaître une vie meilleure. À l’heure où le mouvement féminisme semble s’étioler et peut paraître poussiéreux à nos élèves, il est utile de rappeler les combats menés par les générations précédentes pour que toutes les femmes puissent voter. Le film offre ainsi une riche réflexion sur le féminisme d’hier à aujourd’hui, mais permet également de poser la question de l’héroïsme et du terrorisme comme mode d’action politique. Sous ses airs de films en costume, il pose ainsi des questions on ne peut plus actuelles qu’il est nécessaire d’aborder en classe pour y réfléchir ensemble, plutôt que chacun dans sa communauté.

 

Real Suffragettes.

Synopsis

 

Au début du siècle dernier, en Angleterre, des femmes de toutes conditions décident de se battre pour obtenir le droit de vote.

Face à leurs revendications, les réactions du gouvernement sont de plus en plus brutales et les obligent à entrer dans la clandestinité pour une lutte de plus en plus radicale. Puisque les manifestations pacifiques n’ont rien donné, celles que l’on appelle les suffragettes finissent par avoir recours à la violence pour se faire entendre.

Dans ce combat pour l’égalité, elles sont prêtes à tout risquer: leur travail, leur maison, leurs enfants, et même leur vie.

Maud Watts (Carey Mulligan) est l’une de ces femmes. Jeune, mariée, mère, elle va se jeter dans le tourbillon d’une histoire que plus rien n’arrêtera…

 

Les Sufragettes - Carey Mulligan

Enseignante chercheuse, Myriam Boussahba-Bravard est spécialiste du XIXème siècle anglais (1815-1914) et notamment du suffrage anglais. Elle a été conseillère historique sur le film documentaire Les Suffragettes, ni paillassons ni prostituées réalisé par Dominique Dominici pour Arte et diffusé en 2011.

 

Elle a visionné le film Les Suffragettes de Sarah Gavron et accepté de répondre aux questions de Zérodeconduite.net.

 

Entretien avec Myriam Boussahba-Bravard relevé dans le dossier de presse.

 

Quel regard portez-vous sur le film de Sarah Gavron ?


Les Suffragettes - Carey MulliganLe film Les Suffragettes met en scène un moment de la longue campagne pour le droit de vote des femmes en Angleterre, qui bascule dans la contestation violente à partir de 1912. Il montre de beaux personnages de femmes, à commencer par l’héroïne Maud (Carey Mulligan), une jeune ouvrière, qui comprend soudainement qu’elle peut voire doit faire des choix.

 

 

Chaque élément qui sert la fiction est fondé historiquement. Les questions de maternité, de sexualité, d’argent et de travail qui apparaissent en filigrane permettent de comprendre les conditions sociales dans lesquelles vivaient les femmes au début du XXème siècle. Les violences qu’elles subissaient sont bien rendues et les dialogues reflètent clairement les différentes classes sociales.

 

Le film montre la diversité sociale du mouvement des suffragettes.


La campagne suffragiste rassemblait en effet des femmes issues de différentes classes. Cela ne signifie pas pour autant que les différences sociales étaient abolies, mais les militantes se rassemblaient autour de revendications communes. L’héroïne, Maud est blanchisseuse, avec un niveau d’éducation élémentaire (depuis 1870, les enfants des ouvriers, garçons et filles, ont accès à l’éducation). Dans le film, on la voit donner sa modique paye à son mari, qui gère l’argent du foyer. Alice Haughton (Romola Garai) est la femme d’un député. Il paye la caution de deux livres pour lui éviter la prison, mais refuse de payer celle des cinq autres suffragettes, alors qu’il s’agit pourtant de son argent à elle, comme elle le lui rappelle. On voit que les mêmes problématiques se posent, d’un bout à l’autre de l’échelle sociale : dans la plupart des couples le mari règne en seul maître, il n’y a pas de discussion possible, sur des questions pourtant aussi essentielles que l’éducation des enfants ou la gestion du budget du ménage. Ces scènes révèlent également le décalage entre les lois (depuis 1884, les femmes ont le droit de gérer leur argent), et la réalité des pratiques.

 

Le couple de pharmaciens fait figure d’exception.


Les Suffragettes - Helena Bonham Carter, Natalie PressEdith Ellyn (Helena Bonham Carter) appartient à la classe moyenne éduquée, au sein de laquelle, à cette période-là, les femmes veulent accéder au travail. Contrairement aux stéréotypes qui voyaient dans les femmes suffragistes des célibataires ou des vieilles filles aigries et parfois dérangées, la plupart d’entre elles étaient des épouses. Les maris ne s’opposaient pas tous à leur cause.

 

Au moment où se déroule le film nombreux sont les hommes qui soutiennent le mouvement suffragiste, des ligues suffragistes exclusivement masculines se sont formées. La sympathie pour le mouvement suffragiste commence à gagner le pays. Il faut replacer le mouvement dans un contexte de grande agitation sociale (on a parlé de "fièvre ouvrière"), qui voit une multiplication des grèves et des revendications salariales.

Le milieu du travail, à l’instar de la blanchisserie dans laquelle s’épuise Maud, cristallise les injustices faites aux femmes.


Le métier de blanchisseuse est un des derniers métiers, avec le travail domestique, où il n’existe pas de réglementation du travail. Les syndicats sont essentiellement masculins (seuls les salaires masculins permettent de payer l’adhésion), et plutôt hostiles aux femmes, qui sont accusées de faire baisser le salaire moyen (alors que ce n’est pas elle qui demandent à être sous-payées !). Le travail de blanchisseuse était exclusivement féminin, les contremaîtres étant des hommes. Maud rapporte à la commission d’enquête parlementaire les différences de salaire entre hommes et femmes : celles-ci gagnent 13 shillings par semaine en faisant plus d’heures que les hommes, payés eux 19 shillings.

 

Les suffragettes - Carey Mulligan

 

Carey Mulligan

 

Mais à l’époque, les femmes qui ont besoin de travailler peinent à trouver un emploi, car de nombreux métiers sont interdits aux femmes. C’est bien pour cela que le patron de la blanchisserie licencie aussi facilement, en plus d’abuser sexuellement de certaines de ses employées. À la fin des années 1890, une campagne fondée sur le slogan : "à travail égal, salaire égal" est lancée, mais n’aboutira pas, alors qu’elle concerne tous les métiers (un instituteur touche par exemple 30 à 40% de plus qu’une institutrice). Il faut savoir qu’aujourd’hui, au niveau européen, le différentiel entre salaires féminins et masculins est encore de 20% en moyenne.

 

L’audition de Maud au Parlement indique que les politiques avaient conscience de toutes les injustices faites aux femmes.


Ces enquêtes parlementaires sur les questions sociales et économiques sont une pratique habituelle de la démocratie anglaise. La première enquête parlementaire, qui portait sur les questions du travail des enfants, a lieu en 1819. Mais elles ne trouvent pas toujours une traduction législative. Maud s’exprime au Parlement devant le ministre David Lloyd George, acquis depuis toujours à la cause suffragiste. Mais il appartient au gouvernement d’Herbert Henry Asquith, anti-suffragiste notoire, et à ce titre il est tenu par la discipline gouvernementale. Le parlement se saisit de la question, reconnaissant qu’il y a un problème, diligente une enquête parlementaire, recueille des témoignages, mais la traduction législative se fera attendre. La première enquête parlementaire sur les conditions de vie des femmes porte, en 1907, sur les divorces : les ouvrières souhaitent divorcer parce qu’elles ne veulent tout simplement plus avoir de relations sexuelles et tomber enceintes (faute de contraception, il y a 7 ou 8 enfants par famille ouvrière). Les enquêtes sociales révèlent également qu’elles sont mal nourries. Dans un budget restreint, le premier qui mangeait était celui qui rapportait le plus gros salaire donc le mari, suivi des fils puis des filles qui travaillaient, puis les plus jeunes et enfin la femme. Ces femmes étaient souvent anémiées et vieillissaient très vite.

 

Quand et comment sont nées les fédérations suffragistes ?


Dès les années 1890, et grâce à leur instruction, les ouvrières entrent massivement en politique. Les femmes n’ont pas le droit d’être membre d’un parti politique mais elles créent des sections politiques féminines. Elles font le choix, dans leur énorme majorité, du militantisme suffragiste car elles s’aperçoivent au sein du militantisme politique traditionnel ou du militantisme syndicaliste que les femmes ne sont jamais une priorité. Or cette question du vote est pour elles fondamentale. À cette époque là, le suffrage est censitaire. Seuls les citoyens dont le total des impôts directs dépasse un seuil, appelé cens, sont électeurs, ce qui exclut beaucoup d’hommes du suffrage. Aussi le slogan commun à toutes les organisations suffragistes d’hommes et de femmes est : "On the same terms as men." Le suffrage étant censitaire pour les hommes, les suffragistes demandent le suffrage censitaire pour les femmes. Elles revendiquent l’égalité des droits. Si l’on remonte un peu le fil de l’histoire, un premier mouvement a eu lieu fin XVIIIème-début du XIXème siècle pendant la campagne pour l’abolition de l’esclavage dans les territoires britanniques. Des associations de femmes s’étaient créées dans les premières grandes villes industrielles. La filiation politique est très nette entre les lieux où ces associations de femmes existaient et les premiers lieux où les associations de femmes suffragistes sont nées. Parfois même, les parents anti-esclavagistes ont eu des filles suffragistes, qu’on retrouve dès les années 1850. Il y a donc des groupes organisés sur ces questions là dès les années 1850.

C’est la Women’s Social and Political Union (WSPU) qui est mise en scène dans le film, mais différentes organisations suffragistes ont oeuvré, chacune à sa manière, pour le droit de vote des femmes.


De multiples associations voient le jour en Angleterre, en Écosse et en Irlande dans la décennie 1860 si bien qu’on aboutit en 1910, à un maillage extrêmement serré du territoire britannique. En 1912, la fédération suffragiste a énormément d’adhérents. Certains sont employés pour faire des discours partout dans le pays. La National Union of Women’s Suffrage Societies (NUWSS), puissante organisation légaliste fondée en 1897, utilise des méthodes politiques similaires aux partis politiques existants : lettres aux parlementaires et meetings. La présidente de la NUWSS, Millicent Garrett Fawcett est l’une des premières femmes à s’exprimer en public, en 1872.

 

Les Suffragettes - Meryl StreepHabituellement, les militantes suffragistes écrivaient des textes lus par des hommes à la tribune. Une femme respectable ne s’exprimait pas publiquement. La Women’s Social and Political Union (WSPU) est créée en 1903 par Emmeline Pankhurst, personnage qu’incarne Meryl Streep. La devise est : "Deeds not words.", des actes plutôt que des mots.

 

 

Mais cette organisation s’aligne aussi sur le slogan : "On the same terms as men." Le mouvement fondateur de cette organisation a lieu en 1905. Une des filles Pankhurst, Christabel, fait irruption dans une réunion politique du Parti libéral, en pleine campagne électorale et pose la question du vote des femmes. N’obtenant aucune réponse, elle répète encore et encore la même question. Elle finit par se faire exclure par le service d’ordre et commence alors un meeting dans la rue. La police l’arrête pour trouble à l’ordre public, Christabel crache au visage du policier. Arrêtée pour outrage à un agent de la force publique, elle est emmenée au commissariat local ; refusant de payer la caution, elle est emprisonnée. La confrontation avec la police et les autorités publiques n’est désormais plus un tabou. Puisque les lois sont faites sans les femmes, elles n’ont pas de raison d’obéir.

 

Les confrontations physiques sont parfois violentes. Le gavage des prisonnières suffragettes en grève de la faim a suscité un émoi de l’opinion publique.


Ces méthodes (que Margaret Thatcher réutilisera contre les prisonniers de l’IRA) sont insupportables pour l’opinion publique, y compris celle qui n’est pas suffragiste. Des manifestes sont publiés dans la presse, l’opinion internationale fait pression sur le gouvernement libéral de l’Angleterre, les femmes du parti libéral quittent les puissantes sections féminines implantées dans tout le pays pour rejoindre le parti travailliste ou les organisations suffragistes.

 

Les Suffragettes -  Anne-Marie Duff Il y a également des tiraillements au sein du mouvement suffragiste : certaines désapprouvent les méthodes violentes, d’autres refusent de se mettre en danger. Le personnage de Violet (Anne-Marie Duff) illustre ces doutes. Les suffragettes extrémistes sont de plus en plus marginalisées vers 1912-1913. La police s’inquiète de leurs méthodes et la WSPU, interdite fin 1913, entre en clandestinité.

 

Les obsèques d’Emily Wilding Davison en juin 1913 sont un peu l’apothéose de la WSPU.


Le film met en scène le personnage de manière pertinente avant le Derby d’Epsom : elle est repliée sur elle-même, elle vit sa conviction de façon intense. Emily Wilding Davison avait fait plusieurs grèves de la faim. On peut à son propos utiliser le terme de martyr. Ses funérailles restent encore aujourd’hui l’une des plus grandes manifestations qui ne se soit jamais tenue à Londres. Les femmes de la WSPU portent les écharpes, les médailles, les épingles à chapeaux et les ombrelles aux couleurs du mouvement. C’est une immense procession colorée, digne et très organisée. Toutes les organisations sont là, c’est un moment de réconciliation. La WSPU disparaîtra ensuite.

 

C’est finalement la Première Guerre mondiale qui fera avancer la cause suffragiste.

 

En 1916, le gouvernement anglais réfléchit à accorder, en remerciement pour les services rendus à la patrie, le droit de vote à tous les jeunes soldats qui se sont battus pour leur pays : il s’agit de supprimer le cens qui exclut ouvriers et paysans pauvres. Millicent Garrett Fawcett repose alors la question du droit de vote des femmes. C’est ainsi qu’en 1918 le vote des femmes est introduit en Angleterre, mais selon le système censitaire (alors qu’au même moment est introduit le suffrage universel pour les hommes). L’autre restriction est que les femmes ne peuvent voter qu’à partir de 30 ans. Il s’agit clairement de maîtriser le vote féminin, comme s’il était incontrôlable et menaçant.

 

Comment expliquer que le droit de vote des femmes soit arrivé bien plus tard en France ?


En Grande-Bretagne, le droit de vote pour les femmes était une campagne unique. Tout le monde partageait cet objectif et chacun a mobilisé ses forces, même si les intérêts particuliers divergeaient. Ce genre de campagne n’a pas eu lieu en France. Le tissu social et associatif anglais s’est développé bien plus tôt qu’en France car l’Angleterre s’est urbanisée plus tôt et plus rapidement. La ville et le fonctionnement collectif, la bourgeoisie industrielle du début du XIXème siècle irriguée par les Quakers, une petite bourgeoisie ouverte d’esprit, ont favorisé l’émergence de ces luttes pour les droits sociaux. La question morale est très anglaise. La réforme sociale est à l’oeuvre tout au long du XIXème siècle, tout le monde partage cette préoccupation. La société civile anglaise est capable de se mobiliser dès la fin du XVIIIéme siècle, notamment pour l’abolition de l’esclavage. Mais rappelons tout de même que la campagne pour le droit de vote des femmes aura duré plus d’une cinquantaine d’années !

 

Les Suffragettes

 

Anne-Marie Duff, Carey Mulligan et  Helena Bonham Carter

Mon opinion

 

Un film à la gloire de ces femmes, porteuses de justes revendications, qui ont fait preuve d'un courage et d'une détermination remarquables.

 

Selon Myriam Boussahba-Bravard , spécialiste XIXème siècle anglais et notamment du suffrage anglais,  "chaque élément qui sert la fiction est fondé historiquement. Les questions de maternité, de sexualité, d’argent et de travail qui apparaissent en filigrane permettent de comprendre les conditions sociales dans lesquelles vivaient les femmes au début du XXème siècle. Les violences qu’elles subissaient sont bien rendues et les dialogues reflètent clairement les différentes classes sociales."

 

La reconstitution de l'époque, associant costumes et décors, est absolument surprenante. La réalisation linéaire et très sage suit plus particulièrement la vie de l'une de ces femmes, qui de timide et soumise deviendra l'une de ces suffragettes véritables héroïnes du film.

 

Cette femme, Maud Watts, est incarnée par la lumineuse et remarquable Carey Mulligan.

 

Helena Bonham Carter, Anne-Marie Duff,  Romola Garai, Brendan Gleeson, Ben Whishaw, et Meryl Streep dans une courte, mais déterminante apparition, complètent un remarquable casting.

Les Suffragettes  "Suffragette"
Les Suffragettes  "Suffragette"
Les Suffragettes  "Suffragette"
Les Suffragettes  "Suffragette"
25 décembre 2015 5 25 /12 /décembre /2015 10:54

 

Date de sortie 23 décembre 2015

 

Au-delà des montagnes


Réalisé par Jia Zhang-Ke


Avec Tao Zhao, Sylvia Chang,  Ziang Dong,

Yi Zhang, Han Sanming, Jingdong Liang


Genre Comédie dramatique


Production Chinoise, Française, Japonaise

 

Jia Zhang-Ke a reçu le Carrosse d’Or pendant la cérémonie d’Ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs le 14 mai 2015.

 

Depuis 2002, les réalisateurs de la Société des réalisateurs de films rendent hommage à un de leurs pairs en lui remettant un prix, Le Carrosse d’or, pendant le Festival de Cannes. Ce prix est destiné à récompenser un cinéaste choisi pour les qualités novatrices de ses films, pour son audace et son intransigeance dans la mise en scène et la production.


Jia Zhang-Ke est né en 1970 à Fenyang, province de Shanxi. Il est diplômé de la Beijing Film Academy et a réalisé son premier film, Xiao Wu, artisan pickpocket en 1998. Il vit à Pékin et est très impliqué avec la jeune génération de réalisateurs à travers la Chine.

En 2006, son film Still Life remporte le Lion d’Or du 63ème Festival de Venise.

Avec A Touch of Sin, Jia Zhang-Ke remporte la Palme du Scénario lors du 66ème festival de Cannes, en 2013.

Synopsis

 

Chine, fin 1999.

 

Tao (Zhao Tao), une institutrice de Fenyang est courtisée par ses deux amis d’enfance, Zhang Jinsheng (Yi Zhang) et Liangzi (Jingdong Liang).

Zang, heureux propriétaire d'une station-service, se destine à un avenir prometteur tandis que Liangzi travaille dans une mine de charbon.

Le cœur entre les deux hommes, Tao va devoir faire un choix qui scellera le reste de sa vie et de celle de son futur fils, Dollar (Zijang Dong).

Tao choisit d'épouser Jinsheng. En 2014, Liangzi vit dans une autre ville. Toujours employé par une mine de charbon. Il apprend qu'il a un cancer.

Tao a divorcé de Jinsheng. Elle vit seule, tandis que Dollar, est élevé par son père.

Sur un quart de siècle, entre une Chine en profonde mutation et l’Australie comme promesse d’une vie meilleure, les espoirs, les amours et les désillusions de ces personnages face à leur destin.

 

Au-Delà des Montagne - Dong Zijian, Zhao Tao

Entretien avec  Jia Zhang-KeJ
Propos recueillis par Jean Michel Frodon et relevés dans le dossier de presse.

 

Y a-t-il une généalogie pour ce film ?


Il y a eu un temps de maturation très long, Mountains May Depart vient en partie de séquences accumulées durant le tournage des films précédents. Depuis 2001, lorsque j’ai eu ma première caméra numérique, mon chef opérateur Yu Lik-wai et moi avons beaucoup circulé, en filmant un peu au hasard. Nous avons tourné des images qui n’étaient pas exactement des tests, plutôt des notes, sans savoir ce qu’on en ferait. Il y a 4 ans, nous avons fait plus ou moins la même chose avec une nouvelle caméra, beaucoup plus perfectionnée, l’Arriflex Alexa. La mise en relation de ces deux ensembles d’images, à 10 ans d’intervalle, m’a donné l’idée du film. J’ai été frappé à quel point les images de 2001 me semblaient lointaines, comme venues d’un monde disparu. Je me suis demandé comment j’étais moi-même à cette époque, et si j’étais capable de renouer avec celui que j’ai été il y a si longtemps… dix ans qui semblent un gouffre.

 

Vous aussi, vous avez changé durant cette période.


Bien sûr, je suis un homme différent moi aussi, j’ai 45 ans et une expérience de la vie qui faisait défaut alors. J’ai trouvé intéressant, à partir de cette distance parcourue, de poursuivre la trajectoire au-delà du présent, dans le futur. Quand on est jeune on ne pense pas à la vieillesse, quand on se marie on ne pense pas au divorce, quand on a ses parents on n’envisage pas qu’ils vont disparaître, quand on est en bonne santé on ne pense pas à la maladie. Mais à partir d’un certain âge, on entre dans ce processus, qui est celui du présent mais aussi de projections dans l’avenir. Le sujet du film est la relation des sentiments avec le temps : on ne peut comprendre vraiment les sentiments qu’en prenant en compte le passage du temps.

 

Pour cela vous aviez aussi besoin d'aller dans le futur ?


Si on raconte seulement le présent on manque de recul. Se placer du point de vue d’un futur possible est une manière d’observer différemment le présent, de mieux le comprendre. Ayant vécu toute mon existence en Chine, je suis très conscient des mutations foudroyantes qu’a connu le pays, dans le domaine économique bien sûr, mais aussi pour ce qui concerne les individus. Tous nos modes de vie ont été bouleversés, avec l’irruption de l’argent au centre de tout.

Vous avez essayé de représenter le temps lui-même ?


Un des moyens auxquels recourt le film repose sur la comparaison entre les étapes d’une vie et des paysages successifs qui défileraient, d’où l’importance de l’idée de voyage dans le film : la voiture, le train, l’hélicoptère, etc. Il y a ce déplacement permanent, et en même temps il y a ce qui se répète, ce qui est stable dans le quotidien – ne serait-ce, de manière très triviale, que le fait de manger : on a fait des raviolis, on fait des raviolis, on fera des raviolis…

 

Au-delà des Montagnes

 

Le film parcourt en effet de multiples paysages, mais il y a aussi un point fixe, qui est la petite ville de Fenyang, où vit le personnage de Tao.


Fenyang est une petite ville de la province centrale du Shanxi, c’est là que je suis né et que j’ai grandi. J’y ai tourné mes deux premiers films, Xiao Wu et Platform, et une partie de A Touch of Sin . C’est un point d’ancrage affectif, j’y ai mes amis et une partie de ma famille, mais aussi un point d’ancrage esthétique et social : pour moi, Fenyang représente ce que vit le commun des mortels en Chine. Cette région est aussi très attachée à une notion qui est le sujet du film, et qu’on exprime en chinois par les caractères Qing Yi. Cela désigne une notion très forte de la loyauté envers ses proches, qu’il s’agisse de sa famille, de la personne qu’on aime ou de ses amis. Cette idée, qu’on peut comparer à ce qu’on a appelé en Europe au Moyen Âge la "foi jurée", est centrale dans les romans de chevalerie. Elle est incarnée dans la mythologie chinoise par Guan Gong, le dieu de la guerre. Son attribut traditionnel est cette longue hallebarde avec un plumet rouge, cet objet qu’on voit réapparaître dans chaque partie du film. Il est porté par quelqu’un qui semble errer sans but, comme s’il ne savait plus que faire de cette vertu.

 

Vous avez la nostalgie d'un rapport plus profond et plus durable entre les personnes.


Oui, mais pas seulement entre les personnes, cela peut être avec des lieux, et surtout avec des souvenirs. Dans la vie quotidienne des Chinois d’aujourd’hui, je constate une perte profonde de cette relation d’engagement réciproque, et elle affecte aussi les souvenirs. Même si une relation entre des personnes se défait, il ne devrait y avoir aucune raison pour ne pas continuer de respecter ce qui a été partagé. Si on abandonne cela, tout peut se défaire, même "les montagnes peuvent s’en aller".

 

Est-ce aussi le titre en Chinois ?


Littéralement, le titre chinois veut dire "les vieux amis sont comme la montagne et le fleuve", ils sont immuables. La formulation est l’inverse du titre en anglais, mais c’est la même idée, la même interrogation.

 

Le changement de cadre, de plus en plus grand, le passage du 1,33 au 1,85 puis au format scope traduit autant une perte de repères qu'une ouverture.


J’ai suivi les contraintes des techniques successives utilisées quand nous avions filmé, techniques qui correspondent elles-mêmes aux différentes périodes. Les scènes dans la boite de nuit, ou celles avec le camion de charbon enlisé, ont été tournées en 1,33 à l’époque, j’ai tenu à les conserver dans ce format. Avec l’Alexa et le format plus large, c’est tout le rapport à l’espace qui change, pas seulement la taille du cadre. Et puis à nouveau avec les images en scope, pour lesquels on a utilisé des objectifs anamorphiques, donc qui déforment l’espace même si on ne s’en rend pas compte.

 

Pourquoi avoir choisi l'Australie pour la partie future ?


La plupart des Chinois qui émigrent vont aux États-Unis et au Canada, surtout sur la Côte Ouest, mais l’Australie me semblait bien plus lointaine. Le choix de l’Australie tient au fait que c’est dans l’autre hémisphère, quand c’est l’hiver en Chine, là-bas c’est l’été. Quand il fait très chaud en Australie, il neige dans le Shanxi. Le succès international de A Touch of Sin m’a amené à circuler dans de nombreux pays, je m’y suis intéressé à la présence d’immigrés chinois, et notamment du Shanxi. J’étais particulièrement attentif au sort des jeunes, et à leurs rapports avec leurs parents. J’ai découvert dans de nombreux endroits, à Los Angeles, à Vancouver, à Toronto ou à New York, des ruptures dans le langage, avec des conséquences profondes. Dans beaucoup de familles chinoises émigrées, seul un des deux parents parle anglais, l’enfant, lui, ne parle que l’anglais. Il y a donc un des deux parents avec lequel il ne peut pas dialoguer. C’est une rupture majeure.

Pour la troisième partie, vous avez dirigé des séquences entières en Anglais, une langue que vous ne maîtrisez pas entièrement.

 

Ce n’est pas un problème pour moi, je connais le texte que disent les acteurs puisque je l’ai écrit, et ensuite c’est affaire de rythme. Dans ces conditions, je peux diriger des scènes en anglais sans problème.

 

 

Deux chansons jouent un rôle important dans le film. Go West des Pet Shop Boys et une chanson de variétés en Cantonais.


La chanson de Pet Shop Boys a été extrêmement populaire en Chine dans les années 90, quand j’étais à l’université, à une époque où des discothèques ouvraient un peu partout. Dans les boîtes de nuit et dans les soirées, Go West était la chanson qui passait systématiquement à la fin, et qui réunissait tout le monde dans une danse collective. On ne se demandait pas trop ce que désignait l’Ouest, ça pouvait être la Californie (qui pour nous est à l’Est) ou l’Australie comme les personnages du film. Quant à la chanson en cantonais, Take Care, c’est un morceau de la chanteuse Sally Yeh. Elle est une star de la cantopop, mais la chanson elle-même est peu connue. Je l’aime beaucoup, je l’écoute souvent. La musique populaire m’a toujours beaucoup intéressé, ces chansons m’ont aidé à comprendre la vie et elles sont un très bon témoignage de la mentalité collective, elles racontent la société. A nouveau, je suis frappé par la disparition, dans les chansons récentes, des sentiments forts, de l’engagement fidèle envers quelqu’un ou quelque chose qui était si présent auparavant. J’ai d’ailleurs publié un article sur le sujet : on a toujours des chansons d’amour, mais qui s’attachent plus au physique, et à l’instant. Au contraire, Take Care porte sur l’idée qu’une séparation est sans doute en cours mais que ce qui été vécu de fort ne sera pas effacé.

 

Au-delà des Montagnes

 

Zhao Tao est présente dans tous vos films depuis Platform, mais elle a une présence nouvelle dans Mountains May Depart, une autre manière d'être actrice. luis-avez,vousd emandé de jouer différemment ?


Ce n’est pas moi qui lui ai demandé, cela vient d’elle,et elle m’a beaucoup étonné. On se connaît bien puisque nous sommes mariés, et qu’on travaille ensemble depuis longtemps, mais avec ce film j’ai découvert des aspects d’elle que j’ignorais, un monde intérieur qui m’était inconnu. Au début de la préparation, elle m’a demandé si je pouvais lui donner des indications sur le personnage, je lui ai donné seulement deux mots : "explosif" pour la première partie et "océan" pour la deuxième. À partir de là, elle a énormément travaillé de son côté, elle a rempli plusieurs cahiers de notes sur le personnage, sur tout ce que je n’avais pas écrit dans le scénario, qui comme d’habitude est surtout constitué de grands repères, en laissant beaucoup de place à l’initiative durant le tournage. Elle a fait une véritable création littéraire. Elle a par exemple cherché à expliquer, pour elle-même, comment cette femme avait accepté de laisser son fils partir avec son mari. Elle a aussi pris beaucoup d’initiatives, par exemple pour la scène finale, elle porte des habits qui appartiennent à ma mère, c’est son idée. Elle a également beaucoup travaillé le langage corporel, pour chaque époque. Son expérience de danseuse l’aide pour cela.

 

Qui sont les autres acteurs ?


Zhang Yi, qui joue le mari, a souvent joué à la télévision, il est connu en Chine. Je l’ai vu dans Dearest de Peter Chan, qui était à Venise en 2014, et j’ai beaucoup aimé son jeu. Liang Jing-dong, qui joue l’autre homme, était déjà dans Platform, il n’avait pas joué depuis longtemps. Dollar est interprété par Dong Zi-jang, qui vient de l’Académie d’art dramatique. Et Sylvia Chang, bien sûr, est la star de dizaines de films signés Li Hanxiang, Ann Hui, Tsui Hark, Edward Yang, Johnnie To, Mike Newell, Ang Lee, Tian Zhuang-zhuang… Elle est aussi cinéaste, mais surtout il me fallait une très bonne actrice chinoise qui parle parfaitement anglais.

On retrouve comme coproducteur le Studio Shanghai Film Group, malgré les problèmes de A Touch of Sin, toujours par sorti en Chine. Cela n'a pas été difficile de renouer avec eux ?


Non, le Shanghai Film Group a aimé le scénario et était partant pour m’accompagner. Avec ce film, j’espère leur permettre de récupérer l’argent qu’ils ont perdu à cause de l’interdiction de A Touch of Sin : celle-ci s’est fait à la dernière minute, quand ils avaient engagé des frais importants pour la sortie du film. Parmi les coproducteurs, aux côtés de ma société, Xstream, et d’Office Kitano, allié indéfectible depuis 15 ans, nous avons reçu le soutien de MK2, grâce aux récents accords de coproduction franco-chinois.

 

Ce film a l'autorisation de sortir en Chine ?


Oui, en principe il n’y aura pas de problème.


Souvent dans vos films, il y a des plans qui ne font pas partie de l'histoire, qui l'enrichissent de manière indirecte, par exemple ce plan du tigre en cage. D'où vient cette image ?


Oui, ce tigre me faisait pitié, j’éprouvais de la tristesse pour lui, comme pour les humains, les personnages du film. Quand je voyage en Chine, dans les petites villes, je vais fréquemment voir les animaux dans les zoos, les voir m’inspire une forme particulière d’émotion.

 

Au-delà des Montagnes

Mon opinion

 

Dans ce pays, au milieu duquel le modernisme côtoie les traditions ancestrales, le réalisateur déclare avoir utilisé "des séquences accumulées durant le tournage des films précédents". "J’ai trouvé intéressant, à partir de cette distance parcourue, de poursuivre la trajectoire au-delà du présent, dans le futur." a t-il confié.

 

Pendant un quart de siècle qui nous amènera dans un éventuel, et proche futur, il suit le parcours de ses personnages allant d'une jeunesse plus ou moins insouciante à un âge plus avancé. La recherche d'un eldorado pour certains. L'enracinement dans la terre natale pour d'autres.

 

La langue reste un barrage pour la communication. Dès le début du film, et plus exactement à Fenyang dans la province reculée du Shanxi, son héroïne ne comprend pas les paroles d'une chanson populaire cantonaise. La fin du film met en opposition un fils qui a grandi face à son géniteur avec un barrage supplémentaire, celui de la langue.

 

Des heures après avoir ce film, certaines images restent prégnantes, autant de situations, souvent d'une grande tristesse, qui ne s'effacent pas de la mémoire. Un peu comme ses notes de musique, autant de rengaines accrochée à nos souvenirs et qui reviennent sans que l'on sache exactement pourquoi.

 

Après des gestes habituels à la confection de raviolis, dans un décor sans vie, les dernières images de cette mère vieillissante qui retrouve les pas de danse de sa jeunesse sont bouleversantes.

23 décembre 2015 3 23 /12 /décembre /2015 19:20

 

Date de sortie 16 décembre 2015

 

La Vie très privée de Monsieur Sim


Réalisé par Michel Leclerc


Avec Jean-Pierre Bacri,

Mathieu Amalric, Valeria Golino, Isabelle Gélinas,

Linh-Dan Pham, Vimala Pons, Félix Moati, Vincent Lacoste


Genre Comédie dramatique


Production Française

 

Le film est inspiré du roman du même nom de Jonathan Coe.

L'auteur déclare : "Je trouve que Michel a su rester très proche de l’esprit du livre. Pas seulement l’esprit d’ailleurs : il a réalisé une adaptation fidèle, allant jusqu’à transposer les flash-backs et l’histoire parallèle de Donald Crowhurst – autant d’éléments que, à mon avis, il allait devoir écarter. La seule liberté majeure qu’il s’est permise concerne le dernier chapitre controversé du roman, où l’on découvre que Monsieur Sim est le fruit de l’imagination de l’auteur. Mais il m’avait dit depuis le début qu’il ne pouvait pas transposer ce chapitre, et j’en étais d’accord."

Quant à la prestation de Jean-Pierre Bacri, l'auteur confie : "Au départ, j’étais un peu inquiet par la différence d’âge entre le Sim du livre et Jean-Pierre, mais je me suis rendu compte que cela ne se voyait pas à l’écran. De toute évidence, Jean-Pierre Bacri est l’un des plus grands acteurs de cinéma et je n’arrivais pas à croire qu’il s’apprêtait à camper l’un de mes personnages. Sa prestation est tout simplement fascinante."

 

Synopsis

 

Monsieur Sim (Jean-Pierre Bacri) n’a aucun intérêt. C’est du moins ce qu’il pense de lui-même. Sa femme Caroline (Isabelle Gélinas) l’a quitté, son boulot l’a quitté et lorsqu’il part voir son père au fin fond de l’Italie, celui-ci ne prend même pas le temps de déjeuner avec lui.

 

C'est alors qu'il reçoit une proposition inattendue : traverser la France pour vendre des brosses à dents qui vont "révolutionner l'hygiène bucco-dentaire".

 

Il fait ainsi la connaissance de Poppy, (Vimala Pons). Celle-ci lui fera rencontrer son oncle Samuel (Mathieu Amalric), qui d’une certaine manière, contribuera à bouleverser sa vie en lui prêtant le livre qu’il a écrit sur un navigateur "L’étrange voyage de Donald Crowhurst".

 

Il en profite pour revoir les visages de son enfance, son premier amour, Luigia (Valeria Golino) ainsi que sa fille et faire d’étonnantes découvertes qui vont le révéler à lui-même.

 

La Vie très privée de Monsieur Sim - Jean Pierre Bacri

Entretien avec le réalisateur Michel Leclerc, relevé dans le dossier de presse.

 

Comment avez-vous découvert le livre de Jonathan Coe dont s’inspire le film ?


Baya Kasmi, ma compagne et co-scénariste, l’a lu en premier et m’a dit que cela me correspondait et qu’elle y retrouvait beaucoup d’éléments de mon univers et de mes obsessions. Elle m’a encouragé à le lire à mon tour, mais j’ai mis du temps à accéder à sa demande : je traversais moi-même une période très difficile, de deuil, d’intense remise en question et de départ vers d’autres horizons. J’ai fini par lire le livre dans l’avion qui nous emmenait à Florence où nous avions décidé d’aller vivre (où le scénario a d’ailleurs été écrit). Ce livre avait donc un écho très particulier avec ma propre vie, et découvrir cet homme qui avait tout perdu et qui était en plein questionnement, m’a bouleversé : je me suis totalement identifié à lui à ce moment. Puis, j’ai eu la chance de pouvoir rencontrer directement Jonathan Coe et de le convaincre d’accepter cette adaptation.

 

Qu’est-ce qui vous a convaincu d’adapter le roman pour le cinéma ?


Ce qui m’a convaincu, c’est que le protagoniste est certes un dépressif mais il désire ardemment remonter la pente : il ne cherche pas à s’enfermer en lui-même mais à se tourner vers les autres, il a un vrai désir de vie. C’est un genre de dépressif joyeux, ce qui est assez rare. Il y avait là matière à susciter des scènes de comédie dans son rapport aux autres. Sim annonce à qui veut l’entendre qu’il est en pleine dépression avec un grand sourire comme s’il disait "j’ai adoré ce que j’ai mangé ce midi".

 

La vie très privée de Monsieur Sim - Jean-Pierre Bacri et Vimala PonsIl a une candeur, une franchise qui me bouleversent. Par ailleurs, il y a une vraie évolution dans le roman qui commence dans un registre de comédie sociale pour parvenir à une dimension plus métaphysique.

 

C’est un roman sur le désir de fuite, la tentation de Venise. On a tous envie de s’échapper, de quitter la civilisation pour aller vers des contrées désertes, d’être confronté au vide, à la nature, à son destin. On a besoin de métaphysique. Et j’y ai vu bien sûr une possibilité de cinéma.

 

Vous avez de nouveau coécrit avec Baya Kasmi. L’écriture à quatre mains s’est-elle passée de la même façon que d’habitude ?


Pas tout à fait. En général, notre écriture est le fruit de nos ruminations : l’un a une envie qu’il couche sur le papier (comme Baya avec Je suis à vous tout de suite), et puis on développe l’idée en ferraillant ensemble. Pour ce projet, j’ai commencé par effectuer un premier travail d’adaptation consistant simplement à mettre en exergue ce que je voulais garder du roman. Par la suite, on a beaucoup discuté ensemble des éléments qui rendaient le récit plus ou moins cinématographique : Baya a par exemple proposé certaines idées qui ne sont pas dans le livre et que j’ai intégrées au film (comme celle de l’épave du bateau à la fin).

Dès le départ, dans quelle direction souhaitiez-vous emmener l’adaptation ?


J’ai naturellement tendance à orienter la dramaturgie vers la comédie et, donc, je me suis autorisé à orienter certaines séquences du roman vers l’humour, néanmoins déjà très présent dans le texte initial. Dans le livre, le protagoniste est beaucoup plus seul qu’il ne l’est à l’écran : la partie du dialogue avec son GPS y est plus développée et je me suis dit que cela risquait d’être difficile de la transposer telle quelle, car il pouvait y avoir là quelque chose de mécanique. J’avais davantage envie de développer les relations de Sim avec son ex-femme et sa fille : nous avons ajouté des scènes, comme l’escapade avec sa fille, ou la séquence avec le dentiste, qui n’existent pas dans le livre. De même, s’agissant du flash-back sur le père dans les années 50, le film garde le squelette de l’intrigue, le thème de la grande histoire d’amour ratée, mais la narration et le contexte s’en éloignent. Dans le livre l’histoire se passe dans le milieu de la banque à Londres. Pour autant, j’ai voulu préserver la sensibilité du livre, le ton tragi-comique et la construction en puzzle : il s’agit de l’histoire d’un homme qui prend des chemins de traverse et qui finit par retrouver sa route en se perdant. D’où ma volonté, dans la seconde moitié du film de désorienter le spectateur comme le personnage l’est.

 

C’est aussi un parcours initiatique inhabituel pour un personnage de cet âge, qui prend la forme d’un road-movie, dans l’espace et dans le temps…


C’est un roman de la deuxième ou de la troisième chance et j’y suis très sensible. Au bout du compte, comme je le disais, Sim, à force de se perdre, finit par se trouver : on a le sentiment que le film se clôt sur un personnage qui va mieux qu’au début, après être passé par de très sales moments. Il n’est jamais trop tard, semble suggérer le film, et il parvient à se libérer des névroses familiales : Sim a de grandes difficultés de communication avec son père, dont on comprend peu à peu l’origine, et qu’il parvient à dénouer. C’est évidemment la clé de cette histoire qui parle des échos d’une génération à l’autre, des secrets et des non-dits, mais également des erreurs familiales que Sim parvient à ne pas reproduire. Il n’y a donc pas d’âge pour se libérer d’un poids inexplicable qui pèse sur nos épaules. C’est pour cela que l’image de la carte routière est importante dans le film puisqu’il est question de chemins de traverse, d’itinéraire bis : toute l’éducation de Sim lui a dicté de suivre une voie qu’il a scrupuleusement empruntée jusque-là et à un moment donné, parce qu’il est en rupture avec son travail et avec sa femme, il décide de ne pas suivre le GPS de sa vie. En prenant cette décision, il trouve son chemin.

 

L’itinéraire de Donald Crowhurst, qui se laisse dériver, fait bien entendu écho à celui de François.


La Vie très privée de Monsieur Sim - Jean Pierre Bacri.

Je ne connaissais pas cette histoire avant de lire le roman. En finissant le livre, je n’étais pas sûr que ce soit une histoire vraie : j’ai vérifié et je me suis rendu compte qu’elle était assez connue.

 

Une de mes surprises a été de m’apercevoir qu’il existait beaucoup d’images d’archives de ce navigateur et que la BBC lui avait confié une caméra 16 mm pour qu’il se filme à bord. On disposait donc d’un matériau brut extraordinaire qui constituait un parallèle cinématographique inouï avec le parcours de Sim.

 

Vous tournez en dérision beaucoup des outils de communication de la société contemporaine.


Le film parle aussi de l’ultra-moderne solitude, en ce sens là, il a une dimension politique. Sim est au fait des moyens de communication actuels : il parle de ses amis sur Facebook, il dialogue sur Skype, il est constamment connecté. C’est une époque où on a multiplié les moyens de communication et, très paradoxalement cela semble favoriser l’isolement de chacun. Au fond, ce personnage est d’une extrême solitude, ce qui rend le parallèle avec ce navigateur au milieu de l’océan, qui lui était vraiment dépourvu de tous moyens de communication, très fort. On vit tous dans une sorte d’océan de communication et on se retrouve seul face à nos écrans. Et puis l’obsession des marques, on est tous cerné, suivi, envahi par les marques, et nous avons tous un rapport ambivalent à elles. Sim (comme moi d’ailleurs) est d’un côté rassuré de retrouver les mêmes marques où qu’il aille, les mêmes menus dans les mêmes chaînes de restaurants, les mêmes chambres dans les mêmes hôtels… mais d’un autre côté cette uniformité est aussi une source diffuse d’angoisse, l’impression d’être dans une prison à ciel ouvert, quel que soit le nombre de kilomètres parcourus, on a le sentiment d’être au même endroit, entre un Léon de Bruxelles et un Hôtel Ibis. Et le monde finit par ressembler à une gigantesque zone commerciale.


Il croise aussi sur sa route plusieurs personnages qui sont comme autant de "bonnes fées".


Le protagoniste tient un peu du "raseur", et j’ai une vraie tendresse pour les raseurs. Sim est le premier à se persuader qu’il est un type ennuyeux (au point de croire qu’il est capable de tuer quelqu’un en lui parlant). Mais en fait, il est moins ennuyeux qu’il ne le pense, il est curieux, il a un esprit d’observation, il peut se passionner pour des choses dérisoires aux yeux des autres, comme d’une cloche en plastique pour garder les plats chauds. Ses interlocuteurs ont une certaine bienveillance à son égard : Caroline, son ex-femme l’engueule quand il embarque sa fille, mais on sent qu’elle garde une tendresse pour lui, Samuel (Mathieu Amalric) est ému par lui, tout comme Luigia, le personnage de Valeria Golino, qu’il n’a pas revu depuis des décennies. Il rate tout ce qu’il entreprend mais on ne lui en veut pas.

 

La vie très privée de Monsieur Sim - Mathieu Almaric et Jean-Pierre Bacri.

 

On a le sentiment que chacun lui chuchotte à l’oreille : "ça va aller, cherche ta voie" en tâchant de le consoler, comme un enfant perdu qu’on a envie de prendre dans ses bras.

 

 

 

 

À cet égard, le film est vraiment une tragi-comédie, l’humour comme politesse du désespoir : on a constamment peur que le personnage ne fasse les mauvais choix et ne s’en sorte pas et, du coup, on a envie de le sauver.

 

Le personnage de Samuel incarne une lueur d’espoir.


C’est l’un des rares qui perçoit la détresse et l’extrême sensibilité de Sim. Dès le départ, au cours du dîner où ils se rencontrent, il est non seulement bienveillant, mais il sait ce qu’il ressent : il comprend son désespoir et il se dit que l’histoire du navigateur peut l’aider à vivre. Il est lucide sur lui, peut-être plus que Sim lui-même. On peut même penser que le personnage de Poppy (joué par Vimala Pons) est un agent bienfaiteur car c’est elle qui met volontairement Samuel sur le chemin de Sim en pensant que son oncle pourra l’aider.

Comment avez-vous pensé à Jean-Pierre Bacri ?


Maintenant, quand j’écris un scénario, je m’astreins à ne penser à aucun comédien, car quand on écrit avec quelqu’un en tête, cela peut s’avérer trop déceptif si le comédien refuse le rôle, et faire le chemin à l’envers pour retrouver du désir pour un autre comédien est très difficile. Cela dit, comme tout le monde ou presque, j’adore Jean-Pierre, depuis très longtemps et ce n’est d’ailleurs pas la première fois que je lui propose un rôle dans un de mes films, ce qu’il avait refusé jusque-là. Il a d’un côté cette pudeur et de l’autre cette fragilité, cette part d’enfance qui affleure, et plus il vieillit, plus on lit la moindre émotion sur son visage, son moindre battement de cil parle. Par ailleurs, j’ai le sentiment que ce rôle-là pouvait l’amener vers autre chose : le film commence sur un Bacri plus habituel et évolue vers un personnage courtois, affable avec les autres, et surtout vulnérable. Je crois que dans ce rôle il a livré une vulnérabilité qu’on n’avait pas vraiment vue jusque-là. Certes, il avait déjà joué des dépressifs, mais Sim est un homme sur le fil du rasoir, parfois aux confins de la raison et je sens que Jean-Pierre a du chercher loin pour jouer certaines scènes. Dans le film, Jean-Pierre est présent dans la quasi totalité des plans et il nous fallait un comédien qu’on ne s’ennuie jamais de regarder : pour moi, La vie très privée de Monsieur Sim est une sorte de documentaire sur le visage de Jean-Pierre Bacri. Et j’ai pris un plaisir énorme à le filmer.

 

Quel genre d’acteur est-il ?


Il est évidemment très sensible au texte, et pendant la préparation, j’ai senti que le choix des mots était capital pour lui, à la virgule près. Par exemple, dans le journal de bord de Crowhurst, la dernière phrase était "It is the mercy" et j’avais indiqué dans le scénario "Soyez miséricordieux". Jean-Pierre préférait "Ayez pitié" car pour lui le terme "miséricordieux" était trop connoté religieusement par rapport à son désespoir. Il m’a convaincu. Une fois ce travail de préparation effectué, il est très souple sur le plateau et constamment à l’écoute, notamment de ses partenaires. Je crois qu’il s’est produit un déclic, quand, ensemble, on s’est dit que ce personnage était sans défense, candide comme un enfant qui a envie de se faire aimer : cela a résonné chez lui et à partir de là il a trouvé la ligne du personnage.

 

Il ne s’est sans doute jamais autant mis en danger que pour ce film.


Dès lors qu’il s’est senti en confiance, il était prêt à aller très loin. Par exemple, dans la scène où il chante une chanson de marin, on sent que Sim est aux confins de sa propre raison : je lui avais demandé de chantonner quelque chose et c’est lui qui a eu l’idée de cette chanson de marin. De même, jouer avec un GPS n’était pas évident : donner la réplique à une machine en nous faisant croire qu’il parle à quelqu’un est très complexe. Jean-Pierre est un être pudique et élégant, et tout le travail a consisté à lever ses réserves pour l’amener vers un peu moins de pudeur mais toujours autant d’élégance.

 

Pour lire la suite de l'ensemble des interviews, cliquez ICI.

 

La vie très privée de Monsieur Sim - Jean-Pierre Bacri

Mon opinon

 

De cette adaptation du roman éponyme de Jonathan Coe, Michel Leclerc réalise un film à la fois original, tendre, émouvant et surprenant.

 

Au sujet de l'œuvre qui inspire son scénario, subtil et parfaitement écrit avec Baya Kasmi, le réalisateur déclare : "C’est un roman sur le désir de fuite, la tentation de Venise. On a tous envie de s’échapper, de quitter la civilisation pour aller vers des contrées désertes, d’être confronté au vide, à la nature, à son destin. On a besoin de métaphysique."

 

Tous les virages que s'autorise le scénario apportent un intérêt particulier qui monte crescendo. L'ensemble est accompagné par une bande son particulièrement réussie signée Vincent Delerm.

 

Aussi courtes soient leurs participations, d'Isabelle Gélinas à celle de la belle Valeria Golino, ou encore Vimala Pon et Linh-Dan Pham, les actrices sont toutes excellentes. Le duo, composé par Félix Moati, et Vincent Lacoste pour cette "grande histoire d’amour ratée" est très convaincant. Mathieu Amalric, parfait.

 

Jean-Pierre Bacri, enfin, dans un rôle totalement inattendu est, comme toujours, remarquable.

 

Ce film restera un très bon moment de cinéma.

 

La vie très privée de Monsieur Sim - Jean-Pierre Bacri et Valeria Golina

21 décembre 2015 1 21 /12 /décembre /2015 21:10

 

Date de sortie 9 décembre 2015

 

Béliers - Affiche


Réalisé par Grímur Hákonarson


Avec Sigurdur Sigurjónsson, Theodór Júlíusson,

Charlotte Bøving, Gunnar Jónsson


Genre Comédie Dramatique


Production Islandaise

 

Grímur Hákonarson est islandais. Né en 1977, il est diplômé de la FAMU (Film Academy of performing Arts) de Prague en 2004.

- Son premier court-métrage Slavek the Shit est sélectionné à la Cinéfondation cannoise en 2005 et remporte douze prix, dont le Silver Hugo du Festival de Chicago.

- Son second court-métrage Wrestling  a reçu vingt-cinq prix dans divers festivals.
 

 

Béliers a remporté le grand prix

Catégorie Un Certain Regard au festival de Cannes 2015.

 

Synopsis

 

Dans une vallée isolée d’Islande, deux frères qui ne se parlent plus depuis quarante ans vont devoir s’unir pour sauver ce qu’ils ont de plus précieux : leurs béliers.

 

Béliers

Interview de Grímur Hákonarson relevé dans le dossier de presse.

 

Comment vous est venue l’envie d’écrire et de filmer l’histoire de ces frères brouillés et de leurs béliers ?


Mon film est basé en grande partie sur ma propre expérience du monde rural et sur la culture rurale islandaise. Mes deux parents ont été élevés à la campagne et j’y ai passé la majorité de mes vacances d’été, pour y vivre et y travailler, jusqu’à mes dix-sept ans. De ce fait, j’ai développé un goût pour les récits, les personnages et les paysages ruraux d’Islande. J’ai toujours été attiré par les histoires se déroulant à la campagne et Béliers n’est pas le premier film que je tourne dans cet environnement.

Mon père a travaillé pendant un temps pour le Ministère de l’Agriculture. Ce fut également une source d’inspiration sur le fonctionnement de l’administration dans le domaine de l’agriculture et sur l’évolution du monde agricole au fil du temps. Une des décisions les plus difficiles que mon père ait eu à prendre concernait celle de supprimer ou non un cheptel, dans le cas de l’apparition d’une épidémie.

En Islande du nord, comme dans d’autres régions rurales d’Islande, l’élevage des moutons est autant le moyen de subsistance de la population que le fondement de leur culture, et ce depuis le début du XXème siècle. Dans un sens, les moutons islandais ont été et sont toujours "bénis" pour beaucoup d’habitants : cela représente leur fierté et un mode de vie "à l’ancienne". Les moutons ont joué un rôle central dans la survie en campagne au travers des siècles, ils font partie du paysage islandais et sont profondément emblématiques de l’esprit islandais. Notre pays s’est construit autour de la pêche et de l’élevage, et là où a été tourné Béliers, à Bardardalur, l’élevage est encore le premier secteur d’activité de la population.

 

Béliers

 

Mais au-delà de l’élevage, il y a quelque chose de spécifique avec les moutons, et la plupart desque je connais ont une connexion plus importante avec les moutons qu’avec les autres animaux domestiques. Les fermiers qui possèdent des élevages diversifiés (vaches, moutons et chevaux) ont souvent un intérêt plus grand pour les moutons. Les vaches assurent le pain quotidien mais les moutons sont souvent la principale passion des fermiers. De fait, la relation entre les hommes et les moutons a toujours été forte, et j’ai voulu travailler sur ce phénomène mystérieux et passionnant.
C’était aussi l’univers que j’avais envie de décrire. Des gens qui vivent seuls avec leurs moutons, dans la nature et qui développent une connexion émotionnelle très intense avec leur cheptel. C’est quelque chose qui devient très rare dans notre société moderne, et ces gens, qui ressemblent à mes personnages principaux Gummi et Kiddi, meurent doucement. Je trouve que c’est honteux. J’aime l’excentricité et la bizarrerie et je voudrais que cela subsiste, même à notre époque moderne.

Gummi et Kiddi, vos personnages principaux, sont tous les deux éleveurs de moutons, voisins et frères. Mais ils ne sont pas adressés la parole depuis 40 ans…


En Islande, les querelles de voisinage sont très courantes. Je connais personnellement de nombreux cas où des voisins se sont brouillés et ne se parlent toujours pas des dizaines d’années après. Et d’ailleurs ils ont oublié pourquoi ils ne se parlent plus ! Les Islandais sont butés et farouchement indépendants. Ils veulent ne dépendre de personne et se méfient de tout ce qui vient de l’étranger. Leur indépendance peut devenir obsessionnelle et défier parfois toute logique.

Les causes des disputes sont nombreuses, mais elles se cristallisent généralement autour des questions d’héritages, de terrains et d’histoires d’amours. C’est une situation tragique que de voir des gens vivant dans des lieux isolés, faisant partie de petites communautés et qui ne parlent même pas à leurs plus proches voisins. Et en même temps, je trouve ce genre de situation véritablement comique. J’ai connaissance de beaucoup de fermiers célibataires qui vivent seuls. Dans les familles de fermiers, les fils ont tendance à reprendre la ferme et les filles à partir. Les fils sont coincés à la ferme et ont très peu de possibilités de rencontrer une femme ou d’avoir une quelconque relation.

Deux frères vivant isolés dans une vallée de l’arrière- pays qui ne s’adressent plus la parole. Ils n’ont personne à qui parler à part leurs animaux mais leur orgueil les pousse à ne pas céder. C’est un bon point de départ pour un film tragi-comique, ou un drame rempli d’humour islandais, et c’est exactement le genre d’histoires qui m’attire.

 

Béliers - Sigurður Sigurjónsson, Theodór Júlíusson

 

Theodór Júlíusson et Sigurdur Sigurjónsson

 

Comment avez-vous entendu parler de la maladie "la tremblante du mouton" ?

Comment avez-vous décidé de l’inclure dans votre film ?


"La tremblante du mouton" ou scrapie est la maladie la plus néfaste à laquelle l’Islande ait eu à faire face. C’est une maladie incurable qui attaque le cerveau et la moelle épinière des moutons et qui est très contagieuse. La maladie s’est d’abord développée en Islande lorsque des élevages britanniques ont été importés à la fin du XIXème siècle. Jusqu’à présent, il a été impossible de l’éradiquer totalement. Je connais bon nombre de fermiers qui ont subi des épidémies de « tremblante du mouton » et j’ai vu les traumatismes psychologiques quand un troupeau entier doit être abattu. 

La tremblante du mouton" a touché le cheptel de ma nièce et ce fut un énorme choc émotionnel pour elle et son mari. J’ai été témoin, aux premières loges, des impacts psychologiques que cela a eu sur eux. Ils ont une grande famille et ils élèvent également des vaches et des chevaux, donc ce n’est pas comme s’ils avaient tout perdu. Mais je me suis demandé ce que serait la réaction d’un fermier, vivant seul, et qui devrait faire abattre tout son troupeau.
Dans Béliers, c’est l’apparition de l’épidémie qui va déclencher le récit. Les frères brouillés découvrent qu’ils ont un intérêt et un but communs : le troupeau ancestral. Ce sont deux êtres humains qui essayent de sauver ce qui est le plus important pour eux. Je pense que c’est une histoire à laquelle beaucoup de gens peuvent adhérer, au-delà des frontières de l’Islande, et je voulais embrasser cette histoire.

 

Comment avez-vous construit votre film, entre humour et humanité, dans un environnement aussi dur ?

 

Béliers- Sigurður Sigurjónsson

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Béliers est dans un certain sens un film typiquement scandinave : un mélange subtil de drame et d’humour noir. Je dois reconnaître que j’ai un humour assez caustique et que cela transparaît dans mes films.

 

 

Je pense que l’on peut comparer Béliers à certains autres films nordiques, comme par exemple « Kitchen stories » de Bent Hamer ou Nói Albínói de Dagur Kari.
 

Mais même si Béliers peut être perçu comme une comédie amère, je voulais raconter une histoire universelle, liée à la nature humaine.

 

Comment avez-vous trouvé et travaillé avec ces deux acteurs mémorables, et avec les nombreux moutons et béliers de votre film ?


Je voulais trouver des acteurs auxquels le public pourrait s’identifier et Sigurdur et Theodór sont parmi les plus grands et les plus respectés des acteurs islandais. Afin de rendre les personnages plus crédibles et pour qu’ils prennent vie à l’écran, j’ai mis beaucoup d’énergie pour leur faire comprendre l’état d’esprit des fermiers. Il y a un certain nombre d’archétypes dans les caractères de Gummi et Kiddi et il était primordial que mes acteurs rencontrent les personnes dont ils étaient inspirés. Sigurdur et Theodór se sont donc familiarisés avec l’élevage à la fois au travers de recherches académiques mais aussi avec une expérience sur le terrain. Je leur ai également fourni un historique de leurs personnages très détaillé pour qu’ils s’en imprègnent et l’intègrent dans leur jeu. Comme les dialogues et les paroles sont très limités dans le film, il était important que ces deux personnages soient forts et intéressants, en tant qu’individus, et que les acteurs qui les incarnent soient capables de délivrer une prestation à la fois physique et intuitive.

 

Béliers.

 

Pour les moutons, nous avons eu une période "répétition générale des moutons" pendant plusieurs jours, où l’on ne répétait que les scènes avec les moutons.

 

 

Nous avons shampouiné et toiletté les moutons. Sigurdur Sigurjónsson avait travaillé dans une ferme quand il était adolescent, ce qui fait qu’il était déjà habitué à la vie de fermier. Theodór Júlíusson avait également eu une petite expérience de vie à la ferme, mais tous deux avaient passé la majorité de leur existence d’adulte en ville, ils ont donc eu besoin d’un entraînement. Le recrutement des moutons a été une aventure incroyable qui a demandé une certaine préparation et pas mal d’anticipation. Les auditions que nous avons organisées pour les moutons font partie des souvenirs les plus forts que je garde de la période de pré-production.

Il s’avère que les tempéraments des moutons varient considérablement d’une ferme à l’autre. Nous avons été dans une ferme où les moutons n’étaient pas du tout dociles, où ils s’enfuyaient dès que nous les approchions. Après beaucoup de recherches, nous avons trouvé la ferme Halldorsstaoir où Begga, la fermière, traite ses moutons avec amour et affection. Les béliers courraient vers nous et nous donnaient des petits coups, comme s’ils voulaient une caresse derrière l’oreille. Cela a été fantastique de travailler avec ces moutons, à vrai dire, cela a même été plus facile que de travailler avec les acteurs ! Magnus Skarphédinsson, un fermier de la région, a été notre "dresseur de moutons" et nous a été d’une grande aide.
Si un jour des récompenses étaient remises à des animaux acteurs, je suis sûr que bon nombre de nos moutons parmi les plus méritants, repartiraient avec quelques statuettes….

Quelle a été la plus grande difficulté lors du tournage ?


On pourrait penser que cela a été les moutons, les béliers. Mais en réalité, cela a été, à mon grand soulagement, très facile. La météo a été la plus grande difficulté. En Islande, la météo change tout le temps et nous avons été contraints de nous adapter. Le planning de tournage a été complètement remis en question quand il s’est mis à pleuvoir abondamment en novembre, que toute la neige a fondu en deux jours et que nous avons dû repousser les six derniers jours de tournage à janvier. Il n’avait pas plu en novembre dans cette région depuis des décennies !


Comment le film a-t-il été accueilli en Islande ?


Le film a été très bien accueilli. Il a suscité beaucoup d’intérêt après avoir remporté le prix Un Certain Regard et nous avons décidé de profiter de cet intérêt et de le sortir immédiatement après Cannes. Il est en salles en Islande depuis presque 3 mois et je pense qu’au final près de 10% de la population islandaise l’aura vu (NdT : sur environ 329 000 habitants).

 

Béliers

Mon opinion

 

"Les moutons ont joué un rôle central dans la survie en campagne au travers des siècles, ils font partie du paysage islandais et sont profondément emblématiques de l’esprit islandais." a déclaré le réalisateur.

 

Pour son premier long-métrage Grímur Hákonarson, à la fois scénariste et réalisateur, choisit de mettre en avant l'histoire de deux frères qui ne se parlent plus. Deux hommes profondément attachants, sans femmes ni enfants et perdus dans une profonde solitude.

 

Leur seul véritable intérêt semble résider dans l'amour de leur cheptel.

 

La morosité de la photographie accentue la violence des saisons, une profonde solitude, une certaine détresse, aussi, quand surgissent des problèmes totalement inattendus et douloureux pour ces passionnés de bovidés.

 

Les paysages sont imposants. Le scénario et les dialogues collent parfaitement au propos.

 

Les deux principaux acteurs, remarquables, tiennent le spectateur en haleine de bout en bout.

 

Justement récompensé au dernier Festival de Cannes, dans la catégorie "Un certain regard" Béliers est un très beau film à découvrir.

 

Une autre critique, celle de Dasola en cliquant ici.

 

Béliers

 

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"Le bonheur est la chose la plus simple,

mais beaucoup s'échinent à la transformer

en travaux forcés !"

 
François Truffaut

 

 

 

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