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11 juillet 2015 6 11 /07 /juillet /2015 10:00


Date de sortie 24 juin 2015

 

Masaan


Réalisé par Neeraj Ghaywan


Avec Richa Chadda, Vicky Kaushal, Sanjay Mishra,

Shweta Tripath, Nikhil Sahni, Pankaj Tripathy, Bhagwan Tiwari


Genre Drame


Production Indienne, Française

 

Dans la section Un Certain Regard au Festival de Cannes 2015

- Masaan reçoit, entre autres, le Prix special du Jury

ex-eaquo avec le film Iranien Nahid de Ida Pananandeh

 

Synopsis

 

Bénarès, la cité sainte au bord du Gange, punit cruellement ceux qui jouent avec les traditions morales.

 

Deepak Chaudhary (Vicky Kaushal), un jeune homme issu des quartiers pauvres, tombe éperdument amoureux d'une jeune fille qui n’est pas de la même caste que lui.

 

Devi Pathak (Richa Chadda), une étudiante à la dérive, vit torturée par un sentiment de culpabilité suite à la disparition de son premier amant.

 

Pathak (Sanjay Mishra),le  père de Devi, victime de la corruption policière, perd son sens moral pour de l’argent, et Jhonta (Nikhil Sahni), un jeune garçon, cherche une famille.

 

Des personnages en quête d'un avenir meilleur, écartelés entre le tourbillon de la modernité et la fidélité aux traditions, dont les parcours vont bientôt se croiser...

 

Masaan

Entretien avec le réalisateur Neeraj Ghaywan

 

Comment ce projet est-il né ?


Tout a commencé à l’époque où je travaillais en entreprise. Un ami m’a parlé des ghats de crémation à Bénarès, où les corps sont brûlés près de l’eau, selon la tradition. Il m’a expliqué que ceux qui brûlent les corps sont dépourvus d’émotions. J’ai immédiatement été fasciné par son récit et je lui ai demandé : "Que se passerait-il si un garçon qui travaille sur le ghat tombait amoureux d’une fille ? Et s’il était issu de la caste la plus basse de la société et qu’elle appartenait à la bourgeoisie, si bien qu’il était incapable de lui dire qu’il l’aime ?" Un jour, il découvre son cadavre parmi d’autres et il est dévasté. Il ne sait pas comment réagir. Toute sa vie, ces cadavres lui sont apparus comme des robots, comme des objets, et il n’a jamais ressenti la moindre émotion. Mais tout à coup, il se retrouve nez à nez avec le cadavre de celle qu’il aime le plus au monde. Je voulais explorer les sentiments éprouvés lorsqu’il doit brûler le cadavre d’un être qui lui est cher. Il y avait là une ironie qui m’intéressait.


Avez-vous aussitôt commencé à développer le scénario ?


Pas tout à fait. Il faut bien voir que j’ai fait des études difficiles pour obtenir mon MBA dans l’une des meilleures écoles de commerce du pays. Après coup, j’ai décroché un boulot très bien payé, ce qui a rendu mes parents très fiers de moi. Comme j’avais aussi envie de travailler dans le cinéma, j’ai intégré une maison de production, mais j’étais toujours frustré car j’avais l’impression que je gâchais ma vie : j’étais tellemen en souffrance que je passais mon temps à pleurer ! Dans le même temps, l’histoire de ce garçon travaillant sur le ghat me revenait sans cesse en tête. J’ai eu l’occasion de faire la connaissance du réalisateur Anurag Kashyap qui appréciait mes articles sur le cinéma étranger, et je lui ai raconté que je ne supportais plus ma vie. Il m’a dit que je ne pouvais pas tout avoir et, comme il préparait son nouveau film, il m’a proposé de devenir son assistant. Je me suis senti flatté, mais je ne pensais pas être à la hauteur. C’est alors qu’il m’a dit : "Tu n’as qu’à faire un essai pour en être sûr". Je suis rentré à mon bureau et j’ai donné ma démission. J’ai appelé mes parents et leur ai dit : "Je viens de démissionner et je ne vais plus me marier". Ils ont refusé de me parler pendant six mois, considérant que j’abandonnais tout pour devenir un simple assistant !

 

Masaan

 

Que s’est-il passé par la suite ?


Ma vie a totalement changé du jour au lendemain. Dès que j’ai pris cette décision, je me suis mis à écrire des scénarios, qui étaient tous très mauvais ! Et puis, j’ai été assistant pendant deux ans et demi sur Gangs of Wasseypur d’Anurag Kashyap, et j’ai même fini par réaliser le making-of du film. C’est devenu ma formation cinématographique. Chemin faisant, l’histoire du garçon sur le ghat ne cessait de me hanter, comme si elle me demandait de la raconter. Finalement, j’ai décidé de m’y consacrer et j’ai proposé à Varun Grover, un ami originaire de Bénarès, d’écrire le scénario avec moi. Nous avons travaillé sur la première mouture pendant un an environ, mais je n’étais pas totalement satisfait. Il faut dire que j’ai une approche documentaire, qui s’inspire de Haneke et des frères Dardenne, et que je trouve essentiel de faire des recherches approfondies sur le sujet qu’on souhaite aborder. Du coup, nous sommes allés à Bénarès pour rencontrer plusieurs personnes proches de nos personnages, avant de retoucher le scénario qui nous semblait comporter beaucoup de lacunes. En réalité, même les Indiens ne connaissent pas vraiment l’existence de ceux qui sont chargés de brûler les cadavres. Je me suis dit qu’on devait être très précis. Après notre phase de recherche, l’histoire a changé en profondeur.

 

À travers les deux personnages principaux, vous brossez un certain portrait de la jeunesse indienne. Pensez-vous qu’elle ait encore un avenir ?


Tout d’abord, nous souhaitions situer l’intrigue dans une petite ville et y apporter un nouvel éclairage. La plupart du temps, le cinéma indien ne retient des petites villes que la pauvreté et la beauté des paysages.

 

Masaan

 

Nous avons eu envie de filmer dans une ville d’aujourd’hui, en pleine mutation, où les jeunes parlent de leur ambition de devenir ingénieur ou de Facebook, tout en se sentant pris dans un étau socio-économique. D’ailleurs, chacun des protagonistes du film cherche à fuir. Devi tout d’abord veut fuir cet environnement où elle est constamment persécutée.

 

 

Mais ce que j’aime chez elle, c’est qu’elle ne s’excuse pas de ce qu’elle a fait – elle regrette seulement ce qui est arrivé à son petit ami.

Car dans une société aussi conservatrice que la nôtre, avoir des relations sexuelles hors mariage est encore tabou. Devi refuse de s’y plier et, à cet égard, c’est une féministe. On rencontre très peu de femmes libérées sexuellement dans le cinéma indien, mais je n’ai pas cherché à brosser le portrait de l’une d’entre elles parce que c’était "tendance". Au cours de nos recherches, Varun et moi avons réuni une vingtaine de filles et nous leur avons posé des questions telles que : "Est-ce que vous voyez souvent votre petit copain ? Avez-vous des relations sexuelles avec lui ?" Et toutes ont admis qu’elles aimaient regarder des films pornos ! On était stupéfaits ! Ce sont ces éléments qui nous ont inspirés le personnage de Devi.

 

MasaanEn ce qui concerne Deepak, nous l’avons aussi écrit à partir d’un garçon que nous avons rencontré, et nous avons choisi de l’observer d’un point de vue social : c’est un excellent étudiant et il est le seul de sa famille à fréquenter l’université. Pourtant, en fin de compte, ces personnages ne sont pas si rebelles que ça, mais sont profondément humbles et droits. Devi estime qu’elle doit payer pour le tort causé à son père.

 

Deepak est confronté à un dilemme : il pourrait revendre la bague et aider sa famille financièrement, mais il perdrait alors à tout jamais tout souvenir de la fille qu’il aime. Du coup, ils sont tous les deux pris au piège dans leur propre environnement – et Deepak s’interroge sur le sens de la vie et se demande pourquoi la souffrance liée au deuil ne s’amenuise pas…

 

Vous semblez suggérer qu’un gouffre sépare les classes sociales. Une histoire d’amour entre un garçon comme Deepak et Shaalu est-elle encore inenvisageable à l’heure actuelle ?


En menant nos recherches, nous nous sommes rendus compte qu’il est dégradant de toucher à un cadavre et que seule la caste tout en bas de l’échelle sociale s’en acquitte. Sur le plan culturel, il y a de toute évidence un grand écart social entre le milieu de Deepak et celui de Shaalu, mais le gouffre est davantage lié à leurs castes respectives. Jeune fille à l’esprit progressiste, Shaalu trouve ridicule ce genre de préjugés, mais elle est consciente que ses parents n’apprécieront pas Deepak et, s’il le faut, elle est prête à s’enfuir avec lui. Par ailleurs, Shaalu est également passionnée de poésie, ce qui en dit long sur son niveau d’études et de culture. À cet égard, j’avais vraiment envie de citer de grands poètes hindis.

Devi souffre constamment d’être prise pour cible. Est-ce à dire que les femmes sont victimes de violences dans l’Inde d’aujourd’hui ?


Pour être honnête, je n’aime pas le fait que le cinéma indien s’intéresse soit à la pauvreté, soit à des personnages d’allure exotique, ou encore qu’il doive systématiquement aborder une "problématique" sociale, politique ou démographique. Pourquoi un film ne pourrait-il pas se contenter de raconter une histoire ? Si je souhaitais montrer la réalité telle qu’elle est, je ferais un documentaire. Ce sont les rapports entre êtres humains qui m’intéressent avant tout. Cependant, il est indéniable qu’il y a des allusions au fait qu’une femme cultivée est jugée par la société. À un moment donné, le type qui travaille avec Devi lui demande brutalement de coucher avec lui, en affichant son mépris. La société indienne est très patriarcale, et les femmes n’ont pas le droit de sortir sans être accompagnées. Les hommes indiens sont très misogynes, et ils sont mal à l’aise en présence d’une femme. Si une femme est progressiste, ils ont le sentiment qu’elle cherche à se hisser au-dessus d’eux et elle est alors digne de mépris à leurs yeux. Avec mon scénariste,
nous sommes vraiment en faveur de l’égalité des sexes.

 

Masaan

 

Vous sous-entendez également que certains policiers sont corrompus.


Nous avons d’ailleurs interrogé un policier sur ces flics corrompus, et il nous a confirmé que certains d’entre eux se comportent tel qu’on le voit dans le film. En menaçant quelqu’un de rejeter la honte sur lui, on peut lui extorquer de l’argent. Le policier n’a aucune raison de se rendre chez Devi, et c’est pour cela qu’il y va en tenue civile.

 

Le professeur est-il l’incarnation des traditions dans une société en rapide évolution ?


En réalité, s’il s’agit d’un prêtre classique, il aurait été très conservateur. Idéalement, il aurait marié Devi rapidement pour s’épargner la honte. Mais nous ne voulions pas d’un prêtre aussi conventionnel. Du coup, nous avons décidé d’en faire un prof, qui a tourné le dos au système éducatif depuis longtemps et qui mène à présent une vie tranquille. Comme on le voit dans le film, il est cultivé et progressiste. Il finit peu à peu par accepter ce qu’a fait sa fille, même si c’est difficile pour lui. Lorsqu’il se met à pleurer, la tête sur ses genoux, il montre qu’il ne la condamne
pas et qu’il comprend ce qu’elle endure. Les rôles sont inversés et Devi est cette fois la figure maternelle.

 

La mort plane sur tous les personnages. Est-ce un thème important à vos yeux ?


Elle est aussi présente dans l’un de mes courts métrages. Quand quelqu’un de très proche disparaît, au cinéma on montre en général une grande tristesse et de la souffrance. Mais ce qu’on ne comprend pas, c’est qu’on peut en retirer aussi une profonde sagesse. De même, lorsqu’on vit une première rupture, on est effondré, mais la deuxième rupture est moins douloureuse. La souffrance est source d’enseignements, et elle rend le plus souvent beaucoup plus sage. Pour moi, le film est un récit initiatique, dans lequel la douleur peut s’avérer positive et n’est pas forcément synonyme de détresse absolue. D’ailleurs, Bénarès est connue comme la "ville de la mort", et on raconte que si l’on meurt à Bénarès, on trouvera le salut. C’est pourquoi c’était d’autant plus important d’y situer l’intrigue.


Aucun des deux protagonistes n’est très bavard : ils sont plutôt dans l’introspection et l’observation.


Ils sont socialement déchirés. Devi, au fond d’elle-même, a toujours pensé que son père était responsable de la mort de sa mère. Quant à Deepak, il est pleinement conscient d’appartenir à la caste la moins favorisée et comme ses amis viennent de différents milieux, il se dit qu’ils n’ont peut-être pas d’estime pour lui. C’est pour cette raison qu’il s’énerve lorsque sa petite amie lui demande où il habite – il s’est senti rabaissé toute sa vie.

 

Masaan

 

En dépit d’une approche documentaire, le film est très stylisé. Comment avez-vous travaillé la lumière et les couleurs ?


Anurag Kashyap est adepte d’une mise en scène très sobre et, par exemple, il n’utilise pas de grue, ce qui est très inhabituel dans le cinéma indien. Tout comme lui, je souhaitais surtout raconter une histoire et rester au plus près de mes personnages. Je ne voulais pas tourner en Scope, car cela a tendance à isoler les personnages dans le plan, d’autant plus qu’il s’agit d’un film très chargé émotionnellement. En outre, je ne voulais pas tomber dans les clichés sur Bénarès. En général, quand on tourne dans cette ville, on filme des prêtres, des figures de la divinité, des célébrations religieuses et des motifs hindouistes. On ne voulait rien de tout cela, mais plutôt montrer la réalité du monde dans lequel vivent les personnages, sans l’enjoliver. D’où le fait que nous ayons tourné l’intégralité du film en décors naturels. Nous nous sommes même rendus sur le ghat, mais nous n’avons pas filmé la crémation pour des raisons éthiques. Les décors devaient donc être aussi réalistes que possible. Par exemple, étant donné que le bleu est censé être la couleur du diable, nous avons utilisé cette couleur. Je voulais que mes collaborateurs soient aussi habités par le film que moi. Par conséquent, la plupart de mes chefs de poste ont fait leurs débuts sur ce film, à l’image de l’ingénieur du son, du chef-décorateur, du chef-opérateur et du scénariste. Tous étaient passionnés par ce projet.

Comment s’est déroulé le casting ? Les comédiens sont-ils connus du public indien, ou s’agit-il de débutants ?


Je tenais absolument à ce que mes acteurs aient un accent ou une démarche authentique. Si on fait appel à des comédiens très célèbres et qu’on les emmène en décors réels, ils attirent d’innombrables badauds qu’il faut ensuite gérer. La fille qui joue Devi est très connue, tout comme l’acteur qui campe son père. Quant à Deepak, j’étais sur le point d’engager un comédien célèbre, mais ses disponibilités ne coïncidaient pas avec le tournage. J’ai fini par choisir un type qui a été 1er assistant et avec qui j’ai sympathisé. D’abord j’ai hésité à le prendre, car je ne voulais pas être influencé par notre amitié. Mais j’ai été emballé par son audition et je n’aurais pas trouvé un acteur plus convaincant que lui. Dès qu’on a atterri à Bénarès, je lui ai dit, "si tu ne fais qu’une chose pour te préparer, va sur le ghat", et il y a passé l’essentiel de son temps. Il est "devenu" le personnage. Pendant des jours et des jours, il est resté là-bas pour observer les crémations, ce qui peut être extrêmement effrayant une fois la nuit tombée.

 

Masaan

 

Le film se démarque nettement du Bollywood. Pensez-vous qu’il y ait en Inde un espace pour d’autres genres et notamment pour le cinéma d’auteur ?


Je ne regarde pas beaucoup de films de Bollywood. Ils sont destinés à un public bien spécifique et ils ne me plaisent pas. Mais il y a une nouvelle vague de réalisateurs à l’heure actuelle qui émergent. Les gens sont de plus en plus attirés par des films qui abordent de vrais sujets et qui s’appuient sur de bons scénarios – ils commencent à se lasser des chants et des danses ! Du coup, on ne voulait aucune scène de chant ou de danse dans notre film. Je crois vraiment qu’un film est fait pour émouvoir et présenter des situations réalistes – mais réaliste ne veut pas dire ennuyeux.


Pourquoi avez-vous cherché des producteurs en France ?


J’ai d’abord fait une recherche en Inde, mais je n’ai pas trouvé de producteur. C’est d’ailleurs très difficile de trouver des gens prêts à investir de l’argent sur un film comme celui-ci. Du coup, je suis allé au festival de Sundance et le film a immédiatement suscité de l’intérêt sur le marché international. Guneet Monga, qui avait produit The Lunchbox, m’a recommandé d’opter pour une coproduction. Elle a envoyé le scénario à Mélita Toscan du Plantier, alors qu’elle était en Inde. À son retour et après avoir créé sa maison de production (Macassar Productions) avec Marie-Jeanne Pascal, elles ont toutes les deux lu le scénario et l’ont adoré. Elles ont donc conclu un accord avec Arte et Pathé. On a donc eu beaucoup de chance au bout du compte.

 

Sources :

http://www.unifrance.org

 

Masaan.Masaan

Mon opinion

 

"Pourquoi un film ne pourrait-il pas se contenter de raconter une histoire ?" a déclaré le réalisateur. Pour son premier long-métrage Neeraj Ghaywan a longuement travaillé son scénario, coécrit avec Varum Grover. Celui-ci met en évidence les contrastes saisissants de son pays en pleine mutation. Pour appuyer le propos, plusieurs destins vont se croiser.

 

Rien n'est laissé au hasard. L'ensemble est fouillé d'une façon quasi documentaire.

 

Le scénario s'appuie, entre autres, sur la triste condition féminine. Un sujet difficile, dur et douloureux. Membres du Jury de la Section un Certain Regard au Festival de Cannes 2015, Nadine Labaki, fameuse réalisatrice libanaise, et la courageuse Haifaa Al-Mansour dont on se souvient du sublime Wadjda, n'ont pas dû rester insensibles devant pareille iniquité.

 

Il est également question de la corruption policière, qui semble fonctionner comme une véritable institution.

 

De cette division entre personnes de castes différentes, tristement d'actualité, aujourd'hui encore.

 

Tout ceci pourrait paraître trop pour un seul film. Pour ma part, il n'en a rien été.

 

D'emblée la sublime photographie d'Avinash Arun Dhaware et la musique composée par Bruno Coulais et Indian Ocean m'ont transportées.

 

L'émotion est venue s'imposer, plus profonde encore, grâce à l'impeccable jeu des comédiens, professionnels ou pas. De ses vies, de survie pour certains, en quête d'un avenir meilleur et qui se trouvent tiraillés entre une certaine modernité qui s'impose et les traditions qui perdurent.

 

Ce magnifique pays et à la fois riche de son Histoire, de ses coutumes, de ses villes mythiques, de ses sites et couleurs admirables, de ses poètes, aussi, dévoile devant la caméra de Neeraj Ghaywa une part importante de la vie dans la ville sainte de Bénares. Du Gange. La vie d'aujourd'hui d'un côté, les rites ancestraux de l'autre.

 

Masaan est un film captivant. Sans être un chef d'œuvre, l'émotion qui s'en dégage reste bien prégnante. C'est bien là l'essentiel.

 

 

L’Inde, la plus grande démocratie du monde à être tournée vers l’innovation, est aussi l’un des plus anciens foyers de civilisation, ainsi que le berceau de plusieurs religions dont l’hindouisme (pratiqué par plus de 80% de la population), le jainisme, le sikhisme et le bouddhisme. La place de la religion dans la vie quotidienne est centrale.

 

 

Elle régit, de la naissance à la mort, chaque étape cruciale de l’existence (par exemple le mariage) par le biais de codes, rites, rituels, cérémoniaux, basés sur un calendrier lunaire selon lequel l’astrologie détermine chaque activité. Le système sociétal est donc extrêmement complexe.


La hiérarchie rigoureuse, endogame, injuste puisque héréditaire, du système des castes (division de la population en classes) impose des lois intransigeantes qui déterminent la destinée professionnelle d’un individu dès sa naissance. La société hindoue se compose principalement de 4 castes associées à des catégories socio-professionnelles :


-  la caste la plus élevée des Brahmanes, constituée de prêtres et d’enseignants
-  Kshatriya, dont dépendent des princes, rois et guerriers
-  Vaishyas, celle des commerçants et agriculteurs
-  les Shudras, ou caste des serviteurs


Enfin, 25 % de la population indienne fait partie d’une cinquième caste, celle des intouchables ou dalits (opprimés). Gandhi les surnommait Harijan, "les enfants du dieu Vishnu".


La société a longtemps pénalisé les plus défavorisés en les cantonnant aux tâches les plus ingrates, telles que balayer les rues, nettoyer les sanitaires, laver du linge ou s’occuper des crémations. De quoi argumenter la lutte menée par la population concernée pour retrouver une dignité humaine. En légiférant sur l’abolition de cette stigmatisation, la constitution a pu apporter des éléments de réponse à cette injustice.


La hiérarchisation de la population est intimement liée au cycle de la vie et de la mort, ainsi qu’à la notion de réincarnation, qui fait partie des croyances fondamentales de l’hindouisme. Selon ces croyances, l’âme, après la mort d’un homme, prend la forme d’un autre être vivant. La réincarnation (sous forme animale, végétale ou humaine dans une caste plus privilégiée) est prédéterminée en fonction des actes menés par la personne au cours de sa vie antérieure, c’est-à-dire de son Karma. La délivrance ultime de ce cycle perpétuel est conditionnée par les diverses actions conduites durant la vie, et ne peut être accordée que par le tout puissant dieu Brahman qui lui seul a le pouvoir de briser le cycle des réincarnations.
 

Vârânasî la ville sainte, le Gange fleuve sacré et le ghat : Mark Twain, célèbre auteur américain et indophile, disait de la ville sainte Vârânasî (renommée Bénarès par les britanniques)

"Bénarès est plus vieille que l’histoire,

plus vieille que la tradition,

plus vieille même que la légende,

et elle a l’air d’être plus vieille que les trois réunies".


Vârânasî, centre d’études théologiques, l’un des 7 hauts lieux de pèlerinage pour la communauté hindoue, est citée dans les textes sacrés des épopées mythologiques Mahâbhârata et Ramayana, écrits plusieurs siècles avant l’ère chrétienne.


La scène du Mahabharata de la présentation par Ganga de son fils Devavrata (l'avenir Bhisma) à son père, Shantanu.

 

Selon la mythologie, le fleuve sacré Gange aurait pris sa source dans la chevelure d’un des principaux dieux hindous, Shiva, dieu de la destruction, de la création du nouveau monde, et seigneur des lieux de crémation. Il était alors normal que Vârânasî soit sous la protection du dieu Shiva. Pour tout croyant, le Gange symbolise le moyen d’accéder de son vivant à l’ablution, par le biais du bain sacré, puis un moyen de se purifier par la prière et enfin, sous réserve d’avoir mené une vie vertueuse, de se réincarner dans une caste supérieure grâce au rite de passage que constitue la crémation.

 

 


Le terme "ghat" désigne les escaliers aménagés qui mènent aux berges du fleuve sacré où ont lieu les baignades, les prières ainsi que les nombreuses crémations quotidiennes. Vârânasî compte environ une centaine de ghats aux noms différents; on estime à environ 30 000 le nombre de crémations qui s’y déroulent par an. Un certain nombre de ghats sont la propriété privée de familles fortunées et de Maharadjas depuis plusieurs générations. Ces derniers les ont aménagés en construisant de somptueux édifices ainsi que des temples aux styles architecturaux variés. Autour de ces pratiques religieuses s’est créée une véritable industrie qui a ses propres codes. La crémation, acte considéré comme impur, est une tâche exclusivement allouée à la caste des intouchables ou dalits.

 

Ghat à Bénarès

Bonus Day : Sur le ghat, la personne dont c’est le Bonus Day reçoit tous les gains générés par toutes les crémations du jour. Par exemple : disons que c’est mon jour de bonus et que vous êtes l’un des ouvriers sur le ghat. Si vous facturez 600 dollars pour incinérer un corps, 500 seront pour moi et 100 pour vous. Admettons qu’il y ait 100 corps incinérés ce jour, alors je récolte plus de 50.000 dollars de bonus. Ce jour de Bonus est une sorte de bien intangible, transmis au fil des ans. Ainsi, si j’ai 2 jours de bonus par an et que je prévois d’avoir deux fils, mes deux fils vont hériter d’un jour de bonus par an chacun.Telle est la logique du Bonus Day.

L’amour, l’adultère et les codes de la relation amoureuse au sein de la société hindoue :


Toutes les étapes de la vie d’un hindou sont régies par des règles imposées d’une part par les textes religieux, d’autre part par la société en tant que telle. Les actes de se marier, et même de s’aimer, doivent obéir à ces règles. Le flirt et les relations sexuelles hors mariage ne sont pas autorisés. Le mariage est arrangé par les parents avec un ou une prétendant(e) de caste similaire. S’aimer, avoir des relations sexuelles sont des choses envisageables une fois seulement que les deux personnes sont unies par les liens sacrés du mariage.


Bien que la société soit en pleine mutation, que la femme indienne moderne soit cultivée, ait fait des études, ait un métier et soit de plus en plus souvent financièrement indépendante, la question du mariage reste la même : les traditions ancestrales éclipsent toujours tout le reste, en imposant l’ordre moral.


Il apparaît donc tout à fait normal que les parents choisissent un(e) époux/ épouse à leur enfant, et que le jeune couple, alors parfaitement étranger l’un à l’autre, attende le moment du mariage pour consommer cet amour imposé. Transgresser ces règles conduit irrémédiablement à une sanction extrêmement lourde qui se traduit en premier lieu par la notion du déshonneur vis-à-vis de la société, puis par le rejet de sa propre famille, et enfin par une mise à l’écart, véritable ostracisation qui conduit souvent au suicide, tant l’amour interdit reste associé à la souffrance et à la mort.


Internet, Facebook et autres sites de rencontres sont autant de moyens dont raffole la génération actuelle en quête de soi, dans un pays déchiré entre rêve de modernité possible grâce aux nouvelles technologies et poids de traditions millénaires, entravant l’émancipation des êtres humains en les privant de leur liberté fondamentale, les gardant prisonniers d’un cycle perpétuel et sans espoir d’échappatoire…

 

Sonia Rannou

Propos relevés sur http://www.unifrance.org

5 juillet 2015 7 05 /07 /juillet /2015 20:50


Date de sortie 1er juillet 2015

 

Victoria


Réalisé par Sebastian Schipper


Avec Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski, Burak Yiğit

André Hennicke, Max Mauff, Philipp Kubitza, Ernst Stötzner


Genre Thriller, Drame


Production Allemande

 

- Au Festival international du Film Policier de Beaune 2015

le réalisateur Sebastian Schipper remporte le Grand Prix.

 

- Berlinale 2015, l'Ours d'Argent de la Meilleure contribution artistique

est attribué à Sturla Brandth Grøvlen,

Directeur de la photographie

 

Plus qu'un film, Victoria est devenu un phénomène lors de la dernière cérémonie des German Film Awards, l'équivalent des César en Allemagne.

 

Le long métrage a obtenu, entre autres, les récompenses les plus prestigieuses.

 

Deutscher Filmpreis 2015

- Meilleur film

- Meilleur réalisateur Sebastian Schipper

- Meilleur acteur Frederick Lau

- Meilleure actrice Laia Costa

- Meilleure photographie Sturla Brandth Grøvlen

- Meilleur compositeur Nils Frahm

 

Quatrième film de Sebastian Schipper, Victoria est également le premier film qu'il produit grâce à sa société de production MonkeyBoy qu'il a fondée avec Jan Dressler en 2013. Comme pour ses trois précédents longs-métrages, le cinéaste signe également le scénario de son film.

 

Le tournage de Victoria a ceci de particulier,

il n'a duré en tout et pour tout que... 2h14 !

 

Le réalisateur Sebastian Schipper a en effet tourné l'ensemble du film en un seul plan séquence, en temps réel, un matin à l'aube.

 

Afin que les lieux de tournage soient proches les uns des autres, le décor de la boîte de nuit fut spécialement construit pour les besoins du film.

 

Une grande part des dialogues furent également le résultat de l'improvisation des comédiens.

 

Au final, Victoria se voit comme un objet cinématographique singulier qui a fait dire au réalisateur américain Darren Aronofsky, président du jury de la Berlinale où le film fut présenté, qu'il avait "bouleversé son monde".

 

La gageure d'un film tourné en un seul plan séquence et en temps réel ne supportait pas de refaire les prises. Il fallait, malgré l'aspect pour le moins singulier du projet, laisser supposer une certaine fluidité, comme le déclare le metteur en scène : "Il fallait que je réalise un film maîtrisé, j'ai donc appris à m'exprimer comme un entraîneur."

 

Victoria

 

Synopsis

 

5h42. Berlin.

 

Sortie de boîte de nuit, Victoria (Laia Costa), espagnole fraîchement débarquée, rencontre Sonne (Frederick Lau) et son groupe de potes.

 

Emportée par la fête et l'alcool, elle décide de les suivre dans leur virée nocturne.

 

Elle réalise soudain que la soirée est en train de sérieusement déraper…

L'action du film se déroule à Berlin. La capitale allemande est figurée ici comme un véritable personnage.

 

Pour Sebastian Schipper, le film ne pouvait être tourné nulle part ailleurs : "Pour moi Berlin est la meilleur ville du monde car elle incarne le "ici et maintenant" de cette fureur de vivre."

 

Même si les dialogues du film furent improvisés par les acteurs, Sebastian Schipper avait tout de même un scénario d'une douzaine de pages sur lequel figuraient les scènes, les lieux et les actions des personnages.

 

Victoria - Laia Costa

 

Le personnage principal du film, Victoria, est espagnol. Pour le réalisateur, placer un personnage de cette origine au sein de la jeunesse berlinoise se justifie : "La rencontre d'une jeunesse allemande, élève bien-pensante dans une Europe des inégalités, et d'une jeunesse espagnole moins riche et en proie à de grandes difficultés, m'intéressait. Les deux se retrouvent sur une absence d'avenir programmée. Dans cette inquiétude de la jeunesse, j'aimais cette solidarité du "qui es-tu, d'où viens-tu"? Cette vérité va plus loin que les bonnes intentions."

 

Sebastian Schipper n'a pas souhaité se référer à des films qui existaient déjà car Victoria devait justement ressembler à quelque chose d'inédit.

 

Le réalisateur déclare : "Nous voulions absolument créer de toute pièce une véritable expérience pour le spectateur, pour cela il fallait que c'en soit une pour nous, pour l'équipe technique, pour les acteurs, pour tous ceux qui y participaient. Nous avons envisagé le film comme le résultat de cette expérience, et nous savions que pour réaliser cela nous devions nous éloigner des codes du cinéma, pour créer quelque chose d'unique, de nouveau, avec sa propre saveur, sa propre odeur, sa propre épaisseur."

 

Sources :

http://www.allocine.fr

http://www.deutscher-filmpreis.de

Mon opinion

 

"La rencontre d'une jeunesse allemande, élève bien pensante dans une Europe des inégalités, et d'une jeunesse espagnole moins riche et en proie à de grandes difficultés, m'intéressait." a déclaré le réalisateur.

 

Le temps de tournage de ce long-métrage correspond exactement à la durée du film. Un seul plan séquence, d'un peu plus de deux heures, au petit matin, dans le Berlin d'aujourd'hui.

 

Le scénario est minimal, peut-être trop. Caméra à l'épaule, le réalisateur suit ses acteurs, dans leur périple. Une première partie avec une musique envahissante et cette jeunesse qui veut vivre ou oublier sa solitude et ses peurs avec, semble-t-il, l'alcool et la drogue comme seuls remèdes. Le film vire rapidement au polar.

 

L'exploit technique est bien réel. Le rythme effréné de la mise en scène est parfaitement maîtrisé de bout en bout. La photographie, la musique participent amplement à l'intérêt de ce film novateur et haletant.

 

L'insouciance du début plongera les principaux protagonistes dans un drame irréversible. Les acteurs, tous excellents, n'ont pas le droit à l'erreur. Dans le rôle de Victoria, Laia Costa est remarquable. Une très belle révélation.

 

Un film coup de poing. Je suis sorti assommé mais avec la satisfaction d'avoir vu une œuvre inoubliable et à nulle autre pareille.

Victoria
Victoria
Victoria
4 juillet 2015 6 04 /07 /juillet /2015 16:59


Date de sortie 17 juin 2015

 

Mustang


Réalisé par Deniz Gamze Ergüven


Avec Güneş Nezihe Şensoy, Doğa Zeynep Doğuşlu, Elit İşcan,

Nihal Koldaş, Ayberk Pekcan, Tuğba Sunguroğlu, İlayda Akdoğan


Genre Drame


Nationalité Turque

 

César 2016.

 

-  Meilleur premier film

 

-  Meilleur montage  Mathilde Van de Moortel

 

-  Meilleur scénario  Alice Winocour et Deniz Gamze Ergüven

 

-  Meilleure musique Warren Ellis

 

 

 

Née à Ankara en 1978, Deniz Gamze Ergüven a, dès l’enfance, un parcours cosmopolite marqué par de nombreux aller-retours entre la France, la Turquie puis les États-Unis.


Deniz Gamze ErgüvenCinéphile compulsive, elle intègre le département Réalisation de la Fémis à Paris en 2002 après un diplôme de Lettres et une maitrise d’Histoire africaine à Johannesburg.
Son film de fin d’études, Bir Damla Su  (Une goutte d’eau) réalisé en 2006 est sélectionné à la Cinéfondation du Festival de Cannes et récompensé au Festival International de Locarno (section Léopards de demain).

S’ouvrant sur l’image d’une femme voilée faisant une bulle de chewinggum, le court-métrage raconte la tentative d’émancipation d’une jeune turque (interprétée par Deniz elle-même) en rébellion contre le patriarcat et l’autoritarisme des hommes de sa communauté.

 

À sa sortie de la Fémis, Deniz Gamze Ergüven développe un premier projet de longmétrage situé durant les émeutes du Sud de Los Angeles en 1992. Intitulé Kings, lauréat d’Émergence, de l’Atelier de la Cinéfondation, ainsi que du Sundance Screenwriter’s Lab, le projet est finalement mis de côté au profit de Mustang  co-écrit avec Alice Winocour à l’été 2012.

 

Récit d’une libération, Mustang pose un regard fort et féminin sur la Turquie contemporaine.

 

Grâce à sa sélection à la Quinzaine des Réalisateurs, Mustang va recevoir une exposition mondiale. Quelles réactions espérez-vous ?


C’est un honneur de présenter ce film à Cannes. Quand j’ai fait lire mon scénario à des hommes en Turquie, j’ai parfois été témoin de réactions vives car mon regard féminin sur leur société était très nouveau pour eux. J’imagine que ce sera tout autant exotique pour eux que pour les gens qui vivent à l’autre bout du monde. Je suis très curieuse des retours... J’aimerais que le film soit partagé, qu’il fasse réfléchir, qu’il ouvre des petites portes en Turquie ou ailleurs. L’important pour moi est de créer un sentiment d’empathie envers ces filles. Qu’on leur donne enfin la parole et qu’on écoute leur voix.

 

Entretien avec la réalisatrice Deniz Gamze Ergüven

Relevé sur http://www.unifrance.org

 

 

Synopsis

 

C'est le début de l'été.


Dans un village reculé de Turquie, Lale et ses quatre sœurs rentrent de l’école en jouant avec des garçons et déclenchent un scandale aux conséquences inattendues.


La maison familiale se transforme progressivement en prison, les cours de pratiques ménagères remplacent l’école et les mariages commencent à s’arranger.


Les cinq sœurs, animées par un même désir de liberté, détournent les limites qui leur sont imposées.

 

Entretien avec la réalisatrice Deniz Gamze Ergüven

Relevé sur http://www.unifrance.org

 

Vous êtes née à Ankara mais vous avez surtout vécu en France. Pourquoi avoir tourné en Turquie votre premier film ?


La majeure partie de ma famille réside toujours en Turquie et j’ai passé ma vie à faire des allers-retours entre les deux pays. Je suis d’autant plus préoccupée par les histoires qui se déroulent en Turquie que c’est une région en pleine effervescence, où tout bouge. Depuis quelques temps, le pays a pris une tournure plus conservatrice mais on y ressent toujours une force, une fougue. On a le sentiment d’être au coeur de quelque chose, que tout peut vriller à tout moment, partir dans n’importe quelle direction. C’est aussi un réservoir à fiction incroyable.


Tout comme votre court-métrage de fin d’études, Mustang est le récit d’une émancipation. Quelle est la genèse de cette histoire ?


Je voulais raconter ce que c’est que d’être une fille, une femme dans la Turquie contemporaine. Un pays où la condition féminine est plus que jamais au centre du débat public. Sans doute le fait d’avoir un effet de dezoomage en quittant fréquemment la Turquie pour la France a eu son importance.

 

À chaque fois que je retourne là-bas, je ressens une forme de corsetage qui me surprend. Tout ce qui a trait à la féminité est sans cesse ramené à la sexualité. C’est comme si chaque geste des femmes, et même des jeunes filles, avait une charge sexuelle. Par exemple, il y a ces histoires de directeurs d’écoles qui décident d’interdire aux filles et aux garçons de monter en classe par les mêmes escaliers. Ils vont jusqu’à aller construire des escaliers séparés pour chacun. Ça prête une grande charge érotique aux gestes les plus anodins. Monter les escaliers devient un sacré machin… C’est toute l’absurdité de ce genre de conservatisme: tout est sexuel. On en arrive à parler de sexe sans cesse. Et on voit émerger une idée de société qui positionne les femmes comme des machines à faire des enfants, bonnes à rester à la maison. On est l’une des premières Nations à avoir obtenu le droit de vote dans les années 30 et on se retrouve aujourd’hui à défendre des choses aussi élémentaires que l’avortement.


C’est triste.

 

Pourquoi ce titre à la sonorité anglo-saxonne Mustang ?


Le Mustang est un cheval sauvage qui symbolise parfaitement mes cinq héroïnes, leur tempérament indomptable, fougueux.Et même visuellement, leurs chevelures ressemblent à des crinières, leurs cavales à travers le village ont tout d’une troupe de mustangs... Et l’histoire avance vite, parfois à tambours battants. C’est cette énergie qui est pour moi le coeur du film, à l’image de ce Mustang qui lui a donné son nom.

 

Mustang

 

Qu’y-a-t-il de vous dans le film ?


Le petit scandale que les filles déclenchent en grimpant sur les épaules des garçons avant de se faire violemment réprimander au début du film m’est réellement arrivé à l’adolescence. Sauf que moi, ma réaction à l’époque n’a pas du tout été de répondre aux remontrances qui m’étaient faites. J’ai commencé par baisser les yeux, honteuse. Ça m’a pris des années pour commencer à ne serait-ce que m’indigner un peu. Je tenais à faire de mes personnages des héroïnes. Et il fallait absolument que leur courage paye, qu’elles gagnent à la fin, et ce de la manière la plus jubilatoire possible. Je vois ces cinq filles comme un monstre à cinq têtes qui perdrait des morceaux de lui-même, à chaque fois qu’une des filles sort de l’histoire. Mais le dernier morceau subsisterait et réussirait à s’en sortir. C’est parce que ses aînées sont tombées dans des pièges que Lale, la cadette, n’a pas envie du même destin. Elle est un condensé de tout ce que je rêve d’être.

 

Vous semblez affirmer que la seule issue est l’éducation ?


La déscolarisation des filles et la réaction que cela suscite chez elles a, l’air de rien, un impact déterminant sur l’histoire. Mais je n’approche pas les choses de manière militante. On ne fait pas un film comme un discours politique. Romain Gary disait qu’il n’allait pas manifester car il avait une étagère entière de livres qui le faisaient à sa place. Il y a de ça : le film exprime les choses de manière beaucoup plus sensible et puissante que je ne pourrais le faire. Je l’envisage vraiment comme un conte avec des motifs mythologiques comme celui du Minotaure, du dédale, de l’Hydre de Lerne - le corps à cinq têtes que constituent les filles - et du bal, remplacé ici par un match de foot auquel les filles rêvent d’assister.

 

Une famille avec cinq adolescentes qui suscitent la convoitise des garçons alentours et que l’on essaie de mettre sous cloche. On pourrait penser à Virgin suicides de Sofia Coppola. Quelles ont été vos références cinématographiques ?

 
J’ai vu Virgin suicides  à l’époque de sa sortie et lu le livre de Jeffrey Eugenides. Mais Mustang n’en découle pas. Pas plus qu’il ne trouve ses racines dans Rocco et ses frères. Parmi mes influences bizarres, il y a plutôt  Salò ou les 120 Journées de Sodome pour l’espèce de distance que prend Pasolini pour évoquer à travers un conte un peu sordide une société en prise avec le fascisme. Ce décalage entre forme et fond était ce que je recherchais. Je me souviens qu’il m’arrivait souvent de laisser courir le DVD pendant que j’écrivais mon scénario. J’ai aussi vu beaucoup de films d’évasion comme Un condamné à mort s’est échappé, ou L’évadé d’Alcatraz . Car, si mon histoire se déroule dans le cadre domestique et familier d’une maison, le registre dramaturgique est celui du film de prison.
Avant le tournage, je montrais aux comédiennes un DVD par jour : Monika de Bergman, Fish Tank, Allemagne année zéro, L’enfant des frères Dardenne, beaucoup de choses différentes, pour des raisons très précises à chaque fois... Il y avait aussi des prescriptions sur mesure pour chaque personnage. Par exemple, İlayda Akdoğan qui joue Sonay, l’aînée, a aussi eu droit à Sailor et Lula de Lynch et à plein de titres avec Marilyn Monroe pour cette confusion qu’elle dégageait entre innocence et sexualisation à outrance
.

 

Le choix du village reculé d’Inébolu à 600 kms au nord d’Istanbul, sur la côte de la Mer Noire, n’est pas anodin. Il participe à l’oppression ressentie par le spectateur...


Oui, le sentiment d’être au bout du monde est exacerbé par le décor. C’était d’abord un choix esthétique, avec ses paysages qu’on croirait tout droit sortis d’un conte, ses rubans de route en bord de mer et ses forêts un peu inquiétantes.

La région était difficile d’accès. Quelques mois avant mon premier passage, il n’y avait pas d’aéroport. Et aucun film n’avait été tourné là-bas. J’y ressentais réellement le sentiment d’être sous cloche. Dans les villages plus reculés, non seulement les nouvelles n’arrivent que par les canaux officiels, mais il y a en plus dans chaque maison des sacs de charbon, cadeaux de l’époque du Premier Ministre, aujourd’hui Président. Les gens ont un sentiment de proximité, presque familial avec le pouvoir qui leur chuchote littéralement à l’oreille via les médias. Il y avait peu d’endroits sans une télé allumée avec les plus grands dignitaires du pays en train de parler. Depuis le tournage, un aéroport s’est ouvert à 90 km des lieux où l’on a tourné, avec un vol par jour. J’avais l’impression qu’une brèche s’était ouverte. Il y avait un peu d’air frais qui rentrait.

 

Mustang

Vous avez réalisé ce film enceinte. Le tournage a été rocambolesque ?


C’était une opération commando. J’étais pile à la moitié de ma grossesse lorsqu’on a fini et on tournait 12 heures par jour, 6 jours par semaine.... Ça me mettait dans la même position de fragilité que les filles, ce qui n’était pas plus mal car on était tous dans le même bateau.


À trois semaines du premier clap, la productrice initiale s’est retirée du projet alors que tout était prêt. C’est comme si le pilote de l’avion s’était débiné en plein vol. Le film était planté. L’équipe a commencé à se détricoter. Tout ce que j’avais mis en place passait à travers le feu. Puis on a rattrapé les commandes avec un nouveau producteur…
Mais le fait d’avoir été à deux doigts de tout perdre n’a fait qu’exacerber notre désir. Ce qu’il s’est passé à ce moment là était tellement dramatique, que ça a donné à tout le monde l’envie de se dépasser pour sauver le film.

 

Chaque plan est devenu une question de vie ou de mort et les enjeux étaient cruciaux. Les gens prennent des postures exceptionnelles en temps de crise. On fabriquait littéralement ce qu’on allait tourner le jour même : les éléments de décor, les trucages, les cascades. C’était une aventure extrêmement intense où tout se jouait au cheveu près. Une sorte de miracle permanent.

 

Mustang

 

Pourquoi avoir produit le film en France ?


En terme de cinéma, ma famille est française… Peut-être parce que j’ai étudié à la Fémis et y ai fait des rencontres déterminantes. Avec Olivier Assayas par exemple, qui était président du jury l’année où j’y suis entrée et qui, de loin en loin, a toujours été là, extrêmement bienveillant envers moi. Pareil avec David Chizallet, mon chef opérateur qui était cadreur sur mon film de fin d’études Une goutte d’eau.

David a un très beau regard, une espèce d’appétit et de fougue dans sa manière d’accompagner les acteurs. Il a autour d’eux une présence de chat. Il a aussi une surexcitation et une énergie folle à faire des films. Il en a d’ailleurs trois cette année à Cannes et c’est extrêmement mérité.


Alice Winocour a aussi fait la Fémis mais pas en même temps que moi. Nous nous sommes rencontrées en 2011 à l’atelier de la Cinéfondation du Festival. On était les deux seules filles de la sélection et on avait en commun un projet de premier long-métrage un peu trop mastodonte pour un premier long. Elle, Augustine, qu’elle a finalement réalisé et moi Kings que j’ai pour l’instant mis de côté. J’étais en train de jeter l’éponge lorsqu’Alice m’a conseillé de commencer par un film plus petit, qui ne fasse peur à personne.

Je lui ai fait lire un premier traitement de Mustang et on a commencé à écrire le scénario ensemble. Elle m’a portée comme un coach de boxe.

 

Pour la musique, vous avez fait appel à Warren Ellis, membre de Nick Cave and the Bad Seeds...


La musique de Warren Ellis a une force narrative évidente. Quand Warren joue du violon, on a le sentiment d’entendre une voix qui raconte une histoire. Et ses orchestrations sont bouleversantes. Il y avait une évidence esthétique dans cette rencontre, une cohérence entre les décors du film - la grande maison en bois, les paysages de la Mer Noire… - et le choix de ses instruments.
Avant même de le rencontrer, j’avais posé ses musiques sur les images et cette évidence était déjà là. Notre première rencontre a été très forte mais il n’était pas disponible. Il a fallu que je l’attrape, que je lui tourne autour. J’apprécie d’autant plus notre alliance et notre curiosité l’un pour l’autre, qu’elle crée un carrefour entre nos deux cultures et nos deux pays qui sont aussi éloignés que l’Australie et la Turquie.

 

Mustang

Où avez-vous trouvé vos cinq héroïnes ?


On a massivement diffusé une annonce et vu des centaines d'adolescentes en l'espace de 9 mois. En Turquie, mais aussi en France. Vu le sujet du film, c'était important que ce soient elles qui viennent à nous. Il y a eu deux exceptions. Elit İşcan (Ece) était la seule à avoir une expérience d'actrice. Enfant, elle avait porté sur ses épaules deux long-métrages réalisés par Reha Erdem : Des temps et des vents réalisé en 2008 et My only sunshine en 2009. C'était comme une muse, j'ai écrit en pensant à elle et j'avais très peur qu'elle grandisse trop vite par rapport à l'âge de son personnage. J'ai remarqué Tuğba Sunguroğlu (Selma) dans un avion sur un vol Istanbul-Paris alors que j'étais encore au stade de l'écriture. Au delà de son air de mustang, j'ai pressenti chez elle un tempérament... Elle est repassée plusieurs fois devant moi et j'ai fini par la rattraper et parler à sa famille. Je l’ai auditionnée à de nombreuses reprises. C'était émouvant parce qu'elle était très jeune et n'avait jamais joué. D'ailleurs, la première fois, j'ai cru qu'elle allait avoir une crise cardiaque tant elle était intimidée. Puis elle s’est plongée dans le jeu. Güneş Şensoy, Doga Doğuşlu et Ilayda Akdoğan se sont présentées aux auditions. Et c’était trois rares coups de foudre. Elles ont toutes du haut de leur jeune âge, cultivé des vraies qualités d’actrices. Ce qui importait était de caster une distribution plutôt que cinq filles distinctes. Il y avait un écheveau de relations croisées à faire vivre. Par exemple, à l’intérieur de certaines paires, l'une est le side-kick de l'autre. Il fallait que la fratrie soit très organique, que les filles se ressemblent, puissent se répondre, se compléter, se comprendre... J'ai essayé de nombreuses combinaisons et une fois qu'on a eu les cinq, ça a fait clic. Très vite, les filles complotaient entre elles, bougeaient comme un seul corps. Il y en a une (pas toujours la même) qui entraînait le reste du groupe dans une nouvelle direction, parfois dans la fronde, parfois encore ailleurs.

 

Ont-elles manifesté des réticences à jouer certaines situations ?


Non. On y est allé pas à pas, détail par détail. La scène d'amour de Ece notamment affolait l'équipe mais pas l'actrice. Elit (Ece) était majeure et avait une expérience de jeu. Avec les parents de Güneş (Lale) par exemple, j'avais fait une longue liste de tout ce que leur fille devrait faire ou aborder en faisant ce film. Cela comprenait des points comme celui "elle sera filmée, en maillot de bain, en soutien-gorge… " ou comme "elle va être confrontée – du moins dans le jeu - à la mort d’un proche"… Certains passages du script comprenaient un langage plus cru qu'à l'arrivée.

 

Mustangs

 

Et il y avait aussi dans le scénario une séquence où les filles se coupaient complètement les cheveux ce qui, pour elles, était très difficile. Naturellement, on a compris jusqu'où on pouvait aller et on a dû freiner un peu. Mais elles m'auraient suivi absolument partout, je pense. Elles étaient très en confiance et pouvaient aller très loin. Il y avait une absence totale d'inhibition. Mais par rapport à la destinée de leurs personnages, ce n'était pas la peine d'aller beaucoup plus loin. Il y avait par exemple cette scène des chewing-gums ou je leur proposais d’arracher leurs fameuses robes couleur de merde. Au début, elles n'étaient pas très partantes mais les costumes étaient tellement infâmes que c'était impossible de rester dedans et c'est finalement devenu un moment extrêmement jubilatoire et libérateur pour elles.

 

C’est justement le propos du film : c’est le regard posé sur ces filles qui est perverti, pas elles...


Oui. Quand on a lu ensemble le scénario, on s’est toutes racontées nos histoires, et tous les secrets des unes et des autres y sont passés. J’ai pu constater qu’on avait vécu à peu près les mêmes choses mais que contrairement à moi ou ma génération, elles sont beaucoup plus insouciantes, libérées et maîtresses d’elles-mêmes. Par rapport au conservatisme ambiant, à la situation en Turquie, elles ont une sorte d’affranchissement total. Elles sont aussi surconnectées, savent tout sur tout... C’est surprenant. Elles passent leur temps à se filmer, donc elles ont un rapport à leur image et à leur corps qui est très différent du nôtre, complètement libre.

 

Elles ont vraiment trois trains d’avance sur moi et leurs parents...

 

 

Mon opinion

 

Qui mieux que la jeune Deniz Gamze Ergüven, à la fois scénariste et réalisatrice pour parler de la jeunesse actuelle de son pays natal ? La Turquie. De ses envies, de ses espoirs, mais aussi du poids des traditions qui revient s'imposer, comme pour mieux l'étouffer.

 

"On est l’une des premières Nations à avoir obtenu le droit de vote dans les années 30 et on se retrouve aujourd’hui à défendre des choses aussi élémentaires que l’avortement." précise Deniz Gamze Ergüven.

 

Pour son premier long-métrage, la réalisatrice affiche un réel talent avec une mise en scène élégante, un scénario, subtil et intelligent coécrit avec Alice Winocour. Ces deux seuls points suffiraient à faire de ce film une vraie réussite. Viennent s'ajouter la superbe photographie de David Chizallet associé à Ersin Gök et la bande-son de Warren Ellis qui accompagne magnifiquement l'ensemble. Si certaines scènes peuvent paraître longues ou répétitrices elles n'ont fait que renforcer l'émotion que j'ai ressentie tout au long du film.

 

Que dire des actrices ? Elles sont belles, totalement crédibles, étonnantes de naturel et foncent dans la vie avec l'insouciance de la jeunesse. Obligées de se battre, aussi, pour tenter de vivre une adolescence face au poids archaïque représenté par des traditions moyenâgeuses.

 

"Elles ont vraiment trois trains d’avance sur moi et leurs parents..." précise la réalisatrice.

 

Ces cinq jeunes comédiennes,  participent grandement à la réussite de ce film que j'ai eu, enfin, la grande chance de découvrir.

 

Un grand coup en plein cœur.

 

 

Un grand merci à Dasola dont le billet m'a convaincu d'aller voir ce film.

27 juin 2015 6 27 /06 /juin /2015 13:52


Date de sortie 24 juin 2015

 

Une seconde mère


Réalisé par Anna Muylaert


Avec Régina Casé, Michel Joelsas, Camila Márdila,

Karine Teles, Lourenço Mutarelli, Helena Al Bergaria


Genre Drame

 

Titre original Que Horas Ela Volta ?


Production Brésilienne

 

Une pluie de récompenses pour Que Horas Ela Volta ? Cliquez ICI !

 

Anna Muylaert

Née en 1964, elle a étudié le cinéma à l’université de Sao Paulo. Elle devient d’abord critique de cinéma avant de rejoindre une émission télévisée en 1988. Elle participe également à la création et au lancement de plusieurs émissions et séries pour les enfants. Elle passe à la réalisation dans les années 90 et rencontre son premier succès avec les courts métrages A Origem dos Bebês Segundo Kiki Cavalcanti puis Rock Paulista.

 

Déclaration de la réalisatrice.

"J’ai commencé à écrire le scénario il y a plus de 20 ans. Je venais d’avoir un bébé et je prenais tout juste conscience de ce que voulait dire "élever un enfant", de ce que représentait cette tâche, de sa noblesse en quelque sorte. Je réalisais alors à quel point cela était déprécié dans la culture brésilienne. Autour de moi, du moins dans le monde dans lequel j’évoluais, les gens préféraient le plus souvent confier leur enfant à une nounou qu’ils installaient chez eux, dans leur maison, plutôt que de s’en occuper eux-mêmes. Or ces nounous avaient elles-mêmes des enfants qu’elles avaient dû confier à quelqu’un d’autre afin de pouvoir s’acquitter de leur travail et s’intégrer dans un tel dispositif. Ce paradoxe social m’est apparu comme l’un des plus frappants au Brésil car ce sont toujours les enfants qui en sont les grands perdants tant du côté des patrons que des nounous. En fait, il y a un problème majeur dans le fondement même de notre société : l’éducation. Celle-ci peut-elle réellement exister sans affection ? Cette affection peut-elle s’acheter ? Et, si oui, à quel prix ?"
 

 

Regina Casé & Michel Joelsas - Que Horas Ela Volta?

 

Regina Casé et Michel Joelsas

 

Synopsis


Depuis plusieurs années, Val (Regina Casé) travaille avec dévouement pour une famille aisée de Sao Paulo, devenant une seconde mère pour le fils,  Fahbino (Michel Joelsas). Une épaule, une confidente, aussi.

 

Pour pouvoir travailler, Val a délaissé Jessica (Camila Márdila), sa propre fille restée dans le Nordeste, sa région d'origine. Bonne élève, Jessica s'apprête à intégrer l'université.

 

Mère et fille vont se retrouver mais un fossé s'est irrémédiablement creusé entre elles. Jessica s'installe chez les employeurs de Val, peu accueillants, surtout Barbara (Karine Teles) la mère de famille.

 

Barbara a beau répéter que Val fait partie de la famille, et éprouver une certaine affection à son égard, elle reste malgré tout une domestique, et se doit d'être corvéable à merci. Pareil pour le père (Lourenço Mutarelli), tout aussi condescendant.

 

Chacun sa caste, chacun sa place, même si personne ne se l'avoue.  

 

Jessica ne comprend pas sa mère, qui l'empêche par exemple de plonger dans la piscine. Jessica juge sa mère trop servile... Son irruption va bouleverser le quotidien tranquille de la maisonnée…

 

Sources :

http://www.art-et-essai.org

 

Régina Casé

 

Au Brésil, tout le monde connaît Regina Casé. C'est une star.

 

L'actrice mène, en parallèle, une carrière au cinéma et à la télé (dans la série La cité des hommes), où elle participe également à des émissions pour enfants.

 

Elle interprète dans ce film le rôle de Val.  

 

La participation de la comédienne Regina Casé au tournage n'a pas été chose facile. Pourtant, elle et la réalisatrice ont parlé du rôle pendant cinq ans avant de passer à l'action. Elles avaient chacune un grand désir de travailler ensemble. Compte tenu de sa grande notoriété et de son emploi du temps très chargé, Regina n'a pu se libérer qu'une semaine avant le tournage. Anna Muylaert a donc décidé de mettre directement les actrices en situation : "Je les ai réunies, elle et Helena Albergaria (qui joue Edna), une après-midi entière pendant trois heures et je leur ai demandé de faire un gâteau, de le cuire et ensuite de nettoyer la cuisine. Je trouvais que c’était le meilleur moyen de préparer leurs rôles et de voir ce qu’elles pouvaient apporter d’elles-mêmes aux personnages."
 

Le tournage a duré un mois. Regina Casé n'avait que très peu de temps disponible. Pourtant, sa présence a donné au film une toute autre dimension, sa célébrité étant susceptible d'attirer un public plus large.

 

Bien que Regina Casé connaisse son texte par coeur, elle a choisi de le jouer en utilisant ses propres mots à chaque fois, ce qui n'a pas dérangé la réalisatrice, bien au contraire : "Elle improvisait tout en restant très proche du scénario."

 

Regina Casé et Camila Mardila ne se connaissaient pas avant le tournage : "Je les ai installées de chaque côté d’un grand drap noir et je leur ai proposé de retracer ensemble les dix ans au cours desquelles Val n’a pas vu sa fille : une sorte de conversation imaginaire qui allait ensuite enrichir leurs personnages. J’avais écrit une trame qui servait de base à l’exercice, ensuite j’allais et venais entre elles deux leur demandant à chaque fois de réagir et de rebondir. À la fin de cette journée, quand j’ai enlevé le drap, elles sont tombées dans les bras l’une de l’autre. Leur complicité se retrouve à l’image", explique Anna Muylaert.

 

Val et Jessica incarnent deux générations différentes au Brésil.

 

La première respecte les traditions anciennes et accepte d'être considérée comme une "citoyenne de seconde classe" comme lui reproche sa fille. Jessica elle, est plus libre, assume ses opinions et revendique son statut de citoyenne plutôt que de le subir.

 

Ces deux femmes sont donc le reflet d'un Brésil en pleine mutation, une personnification assumée et voulue par la réalisatrice.

 

Que Horas Ela Volta ?

 

Regina Casé et Camila Mardila

Anna Muylaert a beaucoup modifié son scénario au fil des années. D'abord concentrée sur la relation employeur/nounou et ce dans un style plutôt imaginaire, elle adopta par la suite un style plus réaliste, sans pour autant tomber dans les clichés. Puis, en écho à la situation politique du pays, alors en pleine mutation, elle choisit de mettre en exergue les changements notables de la société brésilienne.

 

La réalisatrice avance : "En 2013, au moment où le film entrait en production, je me suis finalement rassise à mon bureau et j’ai réécrit le scénario de manière à rendre compte des changements et des débats intervenus dans la société brésilienne. Au lieu d’être seulement gentille et malchanceuse, et donc un peu cliché, la fille de la nounou était dotée désormais d’une personnalité suffisamment forte et noble pour affronter les conventions sociales en vigueur et ainsi tourner le dos à un passé colonial."

 

Avant de tourner, Anna Muylaert a pour habitude d'avoir chaque scène en tête. La cinéaste fait même des maquettes qu'elle appelle "demofilmes" afin de présenter une esquisse de son projet : "Concrètement, avant de démarrer un tournage où je sais que nous serons au moins une soixantaine de personnes chaque jour sur le plateau, je filme en vidéo chaque plan dans les décors même de l’action avec l’aide des comédiens et d’un seul assistant. Cela me prend une journée, c’est un travail rapide et spontané, mais je sais ensuite quelle sera la forme définitive du film."

 

Que Horas Ela Volta ? - Régina Casé

 

Regina Casé

Mon opinion

 

Déjà multi récompensé, Une seconde mère est le quatrième long-métrage de la réalisatrice. Le premier à être diffusé en France.

 

Au travers d'un scénario fouillé, parfaitement écrit, un rien cruel mais sans manquer d'humour, la scénariste et réalisatrice Anna Muylaert offre un magnifique portrait de femme interprétée par une grande Artiste, star en son pays. Je la découvre dans ce film.

 

Incroyable et magnifique Regina Casé. De toutes les scènes son charisme balaie quelques petites longueurs qui n'enlèvent rien à l'intérêt de ce film qui, je le souhaite, sera vu par le plus grand nombre.

 

Tout au long de cette Seconde mère se dégage une belle et profonde émotion.

 

À la fois délicate et dénonciatrice d'un système, toujours d'actualité au Brésil, la mise en scène, impeccable, met en avant la vie de ces femmes obligées d'élever des enfants de familles aisés, pour gagner leur vie et ce, au détriment de leurs propres gamins. Sans les abandonner pour autant.

 

"L'égoïsme est devenu une structure de pouvoir, de corruption" a déclaré la réalisatrice.

 

Quelques scènes, entre la riche propriétaire, fardée à outrance, et la jeune fille de l'employée de maison, resplendissante de naturel, démontrent parfaitement la cruauté de la situation. On peut relever un semblant de bienveillance, d'attachement aussi, mais mêlé de mépris, de la classe privilégiée envers ceux qui travaillent à leur service.

 

Pour combien de temps ?

 

"Comme quoi le pays est vraiment en train de changer" entend-on dans les dialogues.

Une seconde mère "Que Horas Ela Volta ?"
Une seconde mère "Que Horas Ela Volta ?"
Une seconde mère "Que Horas Ela Volta ?"
27 juin 2015 6 27 /06 /juin /2015 13:30


Date de sortie 10 juin 2015

 

Comme un avion


Réalisé par Bruno Podalydès


Avec Bruno Podalydès, Sandrine Kiberlain, Agnès Jaoui, Vimala Pons

Denis Podalydès, Michel Vuillermoz, Jean-Noël Brouté,


Genre Comédie


Production Française

 

Synopsis

 

Michel (Bruno Podalydès), la cinquantaine, est infographiste. Passionné par l'aéropostale, il se rêve en Jean Mermoz quand il prend son scooter. Et pourtant, lui‐même n’a jamais piloté d’avion…

 

Un jour, Michel tombe en arrêt devant des photos de kayak : on dirait le fuselage d’un avion. C'est le coup de foudre. En cachette de sa femme, il achète un kayak à monter soi‐même et tout le matériel qui va avec. Michel pagaie des heures sur son toit, rêve de grandes traversées en solitaire mais ne se décide pas à le mettre à l'eau. Rachelle (Sandrine Kiberlain) découvre tout son attirail et le pousse alors à larguer les amarres.

 

Michel part enfin sur une jolie rivière inconnue. Il fait une première escale et découvre une guinguette installée le long de la rive. C’est ainsi qu’il fait la connaissance de la patronne Laetitia (Agnès Jaoui), de la jeune serveuse Mila (Vimala Pons), et de leurs clients ‐ dont la principale occupation est de bricoler sous les arbres et boire de l’absinthe.

 

Michel sympathise avec tout ce petit monde, installe sa tente pour une nuit près de la buvette et, le lendemain, a finalement beaucoup de mal à quitter les lieux…

Comme un avion - Bruno Podalydès

 

Bruno Podalydès

Mon opinion

 

Peu familier de l'univers du cinéaste, je me suis laissé porter par cette dernière réalisation, comme dans un joli conte. Un univers particulier dans lequel les rencontres offrent quelques joyeux moments de détente grâce à des dialogues soignés, divertissants, sans prétention, parfois attendrissants.

 

Rien n'est réellement défini. Le temps ne semble plus compter et seul ce lâcher prise prend de l'importance.

 

Pour mieux se moquer du principal protagoniste, légèrement fantasque, un rien désabusé, Bruno Podalydès endosse le rôle.

 

Sandrine Kiberlain dans le rôle de l'épouse est parfaite, comme à son habitude.

La savoureuse Agnès Jaoui déploie tous ses talents. Denis Podalydès, Jean-Noël Brouté, Vimala Pons et Michel Vuillermoz, tous parfaitement à l'aise, complètent un beau casting.

 

Un autre point fort, la bande son qui accompagne parfaitement le propos.

 

Comme un avion est une sympathique flânerie flanquée d'une jolie poésie.

Entretien  avec Sandrine Kiberlain


C’est la première fois que vous tournez avec Bruno Podalydès.


Nous sommes nés au même moment ‐ lui avec Versailles Rive-Gauche et moi avec Comment font les gens ?, de Pascale Bailly ‐, et j’ai le sentiment que nos chemins n’ont cessé, depuis, d’évoluer en parallèle. Nous avons tous les deux travaillé avec Alain Resnais, par exemple. Cela a‐t‐il joué dans le fait qu’il me propose son film ? Bruno a tout de même choisi trois actrices qui ont tourné avec lui ! Pour avoir apprécié son travail sur Vous n’avez encore rien vu et aimer son cinéma, je pressentais que cela collerait entre nous.


Vous a–t‐il tout de suite offert le rôle de Rachel ?


Michel et elle forment un couple un peu idéal : même s’ils s’autorisent des parenthèses, ils sont ensemble, complices ; ils se font confiance. On sent qu’ils aiment partager leur vie.


Le film est bourré de moments savoureux, comme cette scène où Rachel accompagne Michel dans cette toute petite voiture surchargée de matériel. D’une certaine façon, elle le met au pied du mur.


Il l’amuse. Elle pourrait le freiner et le laisser pagayer indéfiniment sur le toit de leur immeuble. Elle le pousse au contraire à bouger et le jette littéralement à l’eau.

 

Il y a un côté "Club des Cinq" dans la préparation de ce périple et, pourtant, on ne doute pas une seule fois de la sincérité du personnage.


Parce que l’on n’est pas du tout dans une démarche d’efficacité destinée à faire rire et c’est ce qui est merveilleux. On croit à la folie soudaine de ce type qui se passionne pour le kayak. On ne met pas en doute qu’il se retrouve à pagayer sur un toit dans le squelette d’une embarcation, ni qu’il se suréquipe de cette façon. Je me demande d’ailleurs si Bruno ne s’est pas retrouvé un jour dans cette situation !

 

Comme un avionC’est un peu comme lorsque nous voyons des gens dans notre entourage se passionner pour des choses qui nous sont étrangères. Leur concentration et leur sérieux nous paraissent hallucinants et ça nous égaie. C’est d’autant plus drôle dans le film qu’on sent bien à quel point le couple est motivé par ce voyage : tout est hyper précis dans leur tête mais ‐et c’est que j’aime énormément‐ tout s’effectue aussi de façon très anodine.

 

Il est à peine parti sur la rivière qu’il la rappelle parce qu’il se retrouve coincé par une branche et elle trouve cela parfaitement naturel. Rachel n’est jamais dépassée par les événements, cet homme ne l’agace jamais. Il lui propose de faire une sieste ? Elle accepte. Tout est simple entre eux.


Elle subodore pourtant que l’expédition risque d’être pimentée…


Alors qu’il part sincèrement s’aérer l’esprit et profiter de la nature durant une semaine, elle se doute que le voyage sera à multiples facettes. Il a quand même embarqué son ukulélé… Mais elle n’a pas peur. Ni lui ni elle ne vivent au pays de Oui‐Oui. Ils se baratinent un peu mais qui ne le fait pas ? En même temps, aucun d’eux ne cherche à faire du mal à l’autre. J’adore ce moment où ils se quittent sur la berge et où Michel se dit à lui‐même : " Cette femme est lumineuse". Ce sont des phrases comme celles‐là, d’une vérité aussi forte, qui donnent envie de faire un film.

Derrière son apparente simplicité Comme un avion aborde des thèmes essentiels : le rapport à l’amour, au temps, à la liberté, à la modernité aussi. Quand Michel et Rachel regardent tous les deux la télévision, tout en étant chacun dans sa bulle‐ lui dans son projet de kayak, et elle, plongée dans une série ‐, on est au coeur du couple d’aujourd’hui.


Beaucoup de mes amies, fans de séries, en regardent tous les soirs à côté de leur compagnon. Cela n’empêche pas un couple d’être en harmonie et certainement pas celui qui nous concerne.


J’aime particulièrement la scène de la salle de bains, lorsqu’ils se brossent les dents en évoquant tranquillement leur sexualité : ils ne sont pas dans le même désir qu’au tout début, mais le simple fait de se parler les réunit. Ce sont ces petites touches pleines d’humour et de délicatesse qui donnent au film sa poésie et son ton, si atypique et si personnel. Mais ce qui me frappe le plus ici, c’est le côté aéré du film.

 

Comme un avion - Sandrine Kiberlain & Bruno Podalydès

 

Sandrine Kiberlain et Bruno Podalydès


C’est la première fois que Bruno Podalydès célèbre ainsi la nature.


Oui, c’est comme si l’on prenait la rivière avec lui. On est constamment à l’extérieur, dans le soleil, dans un cadre un peu champêtre, y compris lorsqu’on est à côté de Paris. Très peu decinéastes savent filmer la nature. André Téchiné ‐ avec qui je suis en train de tourner Quand on a 17 ans ‐ sait le faire comme personne. Bruno la montre d’une façon peut‐être un peu plus estivale. J’éprouve, en tous cas, la même bouffée d’oxygène qu’en regardant "Les Roseaux sauvages".


Dans  "Neuf mois ferme", vous donniez déjà la réplique au réalisateur Albert Dupontel….


Et ça a été deux façons de faire très différentes. Lorsqu’il jouait, Albert avait quelqu’un pour surveiller son jeu. Ensuite, il étudiait beaucoup ce qu’il venait de faire. Bruno se lâche complètement : il est très au clair avec ce qu’il veut mais ne s’observe pas. Il est totalement dans le présent. Il fait le cadre et, pof !, il y va.


C’était sans doute très lourd ‐ il est de tous les plans et on ne se figure à quel point les scènes en kayak étaient physiques. Il lui fallait, dans le même temps, jongler avec les courants de la rivière qui n’allaient pas forcément dans le sens de mise en scène qu’il souhaitait. La météo ne s’est pas montrée favorable. Mais tout a toujours l’air simple et léger avec Bruno. On sentait qu’il était heureux.


Comment travaille‐t‐on avec lui ?


J’ai d’abord été interloquée : il me donnait l’impression de tourner comme s’il allait faire son marché ; avec une grande nonchalance. En fait, tout est déjà minutieusement préparé.

 

Comme un avionTout est écrit mais on invente ensemble. Certaines scènes ‐ celle de la salle de bains, notamment ‐ se sont carrément chorégraphiées au fur et à mesure qu’on les tournait. Il sublime son scénario. Bruno est très attaché à son équipe, toujours la même de film en film. Il travaille avec elle, au milieu d’elle. C’est très touchant de voir un metteur en scène touché par l’énergie que chacun met pour aller dans son sens.

 

Bruno est aussi quelqu’un de double. Il peut se montrer très adroit dans certains domaines ‐ il fait de la magie, par exemple ‐, mais il a un côté un peu gauche qui rend d’ailleurs ses personnages comiques et il en joue dans sa manière de mettre de scène. Même si elles sont très réfléchies, il aime que les choses n’aient pas l’air d’être contrôlées. On peut très bien penser, par exemple, que lorsque Michel enroule Laetitia dans le drap, c’est le fruit d’une maladresse. Bruno adore ces situations qui se déclenchent parce que rien ne se passe comme cela devrait ; des trucs de la vie.

 

Était‐ce douloureux de quitter le tournage au bout d’un tiers du film ?


Je n’ai jamais la notion du quantitatif quand je tourne : je m’attache d’emblée à l’histoire et à ce que mon personnage peut lui apporter. Le hasard a fait que nous avons travaillé dans l’ordre chronologique : j’ai quitté l’équipe alors qu’elle partait vers la guinguette ; en somme, j’ai laissé Bruno faire son voyage.


Les scènes que nous avions jouées ensemble lui ont donné l’idée d’une autre fin, moins gaguesque que celle qu’il avait d’abord imaginée – le couple que avions formé sur le plateau lui a fait prendre une autre direction : je trouve très émouvant ce long travelling où on les voit avancer tous les deux en parallèle ; lui sur son kayak et elle sur la berge. Ils s’inventeront sans doute d’autres parenthèses, d’autres voyages, mais ne se quitteront pas.


Rachel pourrait être une femme aimante et banale. Elle est au contraire malicieuse et piquante, le quotidien ne l’entame pas. Comment réussissez‐vous à rendre vos personnages aussi décalés ?


Je ne m’arrête pas à ce que je lis. J’essaie de leur donner du relief, Je cherche ce qui va faire d’eux de vraies personnes et à les rendre, précisément, plus déjantés. On n’est jamais seulement une femme compréhensive et lisse dans la vraie vie, on n’est jamais nette. Je voyais Rachel comme ces épouses qui, même lorsqu’elles ne parlent pas, continuent à observer leur mari pour voir ce qui se trame derrière. Je voulais qu’elle soit un peu ironique, comme une mère peut l’être avec un ado. Elle est peu dubitative. Elle n’est pas dupe, quoi ! C’est souvent en observant le metteur en scène qu’on trouve des réponses – ils n’écrivent pas ce qu’ils écrivent par hasard. Sur Les Femmes du 6e étage, j’avais remarqué que Philippe Le Guay sautillait tout le temps. J’ai pensé que sa mère, dont Suzanne, mon personnage s’inspirait, devait le faire aussi : plus j’avançais dans cette direction et plus je le sentais heureux. "C’est incroyable", me disait‐il. J’étais sur la bonne voie.


Avez‐vous discuté de ces sous‐couches avec Bruno Podalydès ?


Beaucoup de choses se dessinent en amont; dès l’étape des costumes. Je souhaitais que cette fille ait de la fantaisie alors que Bruno l’imaginait peut‐être un peu plus stricte. Il n’avait pas donné de métier à Rachel et s’était étonné que je ne lui pose pas la question. Je m’en fichais ! J’avais décidé qu’elle était orthophoniste, très féminine, plutôt coquette ; très saine. Ce n’est pas parce qu’elle a des rendez‐vous ‐ et donc une clientèle ‐ qu’elle devait obligatoirement porter un blazer et trimballer une mallette. Cet aspect réglé, nous avons construit notre Rachel ensemble, dans le plaisir du jeu.

 

Comment qualifieriez‐vous Comme un avion  ? Diriez‐vous que c’est le film de la maturité ?


Oui. Sans gommer l’enfance qui est en lui, Bruno a fait le tour des questions essentielles. Il assume ce qu’il est, avec beaucoup de recul, beaucoup de légèreté, beaucoup de pudeur.

 

Comme un avion - Bruno Podalydès & Sandrine Kiberlain

 

Bruno Podalydès et Sandrine Kiberlain

Entretien  avec Agnès Jaoui

 

Vous retrouvez Bruno Podalydès et Vimala Pons juste après avoir tourné avec eux le premier long métrage de Baya Kasmi


Coïncidence un peu truquée. Bruno et moi ne nous connaissions pas avant de tourner Comme un avion. Nous n’avions aucune scène ensemble sur le film de Baya et je ne me souviens pas l’avoir croisé sur le plateau. En revanche, je soupçonne Vimala et Baya d’avoir fait ma pub. J’ai senti son regard fixé sur moi un soir de fête de fin de tournage. Le lendemain, il m’offrait de tourner avec lui.


Qu’est‐ce qui vous a séduite dans son projet ?


Le rapport au temps : si j’étais philosophe, j’utiliserais ce film pour en parler. Cela me plaît qu’au bout d’une journée de voyage, Michel, le personnage principal, n’ait parcouru que quelques kilomètres. C’est merveilleux de se retrouver tout à coup hors de la frénésie dans laquelle nous vivons. Même le portable devient un objet de transgression. La bienveillance et la tolérance des héros en découlent : ils ne s’étonnent de rien, prennent les choses comme elles viennent, naturellement, sans mièvrerie.


Laetitia, la femme que vous interprétez, est particulièrement philosophe.


Elle n’est pas commune, elle a perdu son mari mais n’est pas spécialement déprimée. Elle vit dans ce lieu qui est, lui aussi, hors du temps. C’est quelqu’un qui a les pieds sur terre, qui est assez maternel, très pragmatique; elle avance. Je la vois comme Bruno l’a écrite, je n’ai pas eu l’impression d’avoir à composer pour aller vers ce personnage. Je me verrais bien, moi aussi, tenir un restaurant sur une petite île en Bourgogne.


Comment décririez‐vous la parenthèse amoureuse qu’elle vit avec Michel ?


"Comment j’ai pu attendre aussi longtemps ?", lui dit‐elle. C’est joli. C’est comme un voyage initiatique. C’est un vrai voyage de découvrir le corps de l’autre, savoir comment on aime être touché, ce qui nous fait plaisir ou pas ; c’est compliqué. J’ai aimé la poésie qui se dégage de ces scènes. On filme souvent si mal l’amour au cinéma, il faut de l’imagination et de la sensualité pour le faire et il me semble qu’il y en a beaucoup dans ce film.

 

De la scène du drap à celle des post‐it, Michel et elle font effectivement preuve de pas mal
d’inventivité.


Bruno, qui trouvait la première trop "cliché", a failli l’enlever. Je l’en ai empêché. Si ça, c’est un cliché, alors vive les clichés ! L’autre est tellement mignonne : c’est une idée toute simple mais qu’on n’a vue nulle part.


La scène de fellation ?


Entre nous, nous l’appelions la scène de la turlute, et j’avoue qu’à la lecture, j’étais un peu dubitative. Bruno, qui est vraiment à l’écoute de ses comédiens, était prêt à l’enlever. Au fil
du tournage, j’ai été tellement séduite par tout ce qui se passait sur le plateau que c’est moi
qui ai fini par insister : "Ah, non, on la fait !".

 

À aucun moment, il n’est question de jalousie ou d’exclusivité entre les femmes du film.


Il n’y a pas de rivalité, ce n’est jamais une femme contre une autre. On n’est pas non plus dans la crise de la quarantaine ou de la cinquantaine. Les choses se passent, point.


Il n’est pas non plus question de tristesse ou de regret. Quand Michel quitte la guinguette pour rejoindre sa femme, la fête continue de battre son plein.


Il reviendra peut‐être ; ce n’est pas si grave. C’est cela qui est agréable dans ce film : les choses ont un sens mais elles ne sont jamais pesantes. Tout est léger et tout tend pourtant vers la spiritualité.

 

Comme un avion

 

Agnès Jaoui


Vous êtes scénariste, comédienne et cinéaste, comme Bruno Podalydès. Comment travaille‐ton avec une sorte d’alter ego ?


C’est un peu comme des vacances très privilégiées. Je suis là pour jouer, je m’en fais une joie, et respecte évidemment les choix du réalisateur ou de la réalisatrice ‐ c’est lui ‐ ou elle ‐ le capitaine. Je suis solidaire.


Je connaissais le cinéma de Bruno et me sentais une complicité artistique avec lui. Elle s’est confirmée sur le plateau. C’était la première fois que je tournais avec un metteur en scène qui joue dans son film comme je le fais moi‐même dans les miens. Comme un avion m’a fait comprendre ce que des comédiens pouvaient ressentir avec moi. J’ai adoré l’expérience qui était d’autant plus particulière que nous avions beaucoup de scènes ensemble.


Racontez.


Ne nous connaissant pas, il a fallu un petit temps d’apprivoisement, puis, très vite, la sensation de compréhension mutuelle que nous éprouvions tous les deux nous a permis de chercher ensemble. Bruno me demandait souvent mon avis : ‐ "J’ai peur de le faire trop comme ci". Je l’encourageais : ‐ " Pourquoi n’essaies‐tu pas ça ?, tu n’auras pas de frustrations." La réalisatrice que je suis sait combien il est important d’avoir du choix au montage. Bruno m’a souvent écoutée. Ce qui ne l’empêchait pas de savoir très exactement ce qu’il voulait. Pour la scène des post‐it que nous évoquions plus haut, j’ai essayé un truc de charme qui ne lui plaisait pas du tout. "Ah non, sois simple !", m’a‐t‐il dit. J’ai très bien compris, c’était clair.


Est‐ce important pour vous qu’un cinéaste connaisse le métier d’acteur de l’intérieur ?


Sans chercher la performance, je pense que c’est instructif de se mettre au moins une fois à la place d’un comédien. Cela change beaucoup la vision qu’on a d’eux. Toutes les fois que je parle avec des jeunes réalisateurs ou que j’interviens dans une école, je leur conseille de jouer, ne serait‐ce qu’un jour, dans un film.


Quel genre de metteur en scène est Bruno Podalydès?


Bruno a un rapport très particulier au temps. C’est comme s’il était imperméable au stress et à la pression particulière d’un tournage. Je sortais du film de Baya Kasmi où l’ambiance était survoltée ‐ premier long métrage, pas beaucoup d’argent, etc.

 

Sur le film de Bruno, j’ai commencé par me sentir perdue, j’avais la sensation de mouliner dans le vide. Je pensais : " Mais ils sont fous ? Ils n’ont pas de pendule ? ". J’étais persuadée qu’on n’y arriverait pas. Et puis, un jour, j’ai décidé de me laisser porter par ce rythme, d’écarter mes peurs et de déposer mes armes. À partir de là, le tournage est devenu merveilleux. Je suis rentrée dans un autre espace‐temps. J’ai eu l’impression de faire l’école buissonnière, il y a longtemps que je n’avais pas autant ri sur un plateau.

 

Fait‐il beaucoup de prises ?


Un nombre incalculable, et cela participe à cette sensation de non temps que l’on ressentait. Comme toute l’équipe suit, qu’on est tous dans un grand plaisir, c’est extrêmement agréable. Moi qui ne vais jamais au combo d’habitude, j’y courais avec lui – se dirigeant lui-même, Bruno avait besoin de se voir à l’écran. J’ai retrouvé cette sensation que j’éprouvais sur les films d’Alain Resnais : l’impression de faire le film ensemble, avec un maître à bord incontestable, mais sans jamais se sentir forcé, volé ou abusé. Bruno Podalydès et lui ont beaucoup en commun : cette façon de résister au temps, une bonne éducation ‐ et le très grand non conformisme qui va avec ‐, une indicible gentillesse, comme s’ils n’exprimaient que des énergies positives. Ces deux‐là ont dû s’entendre terriblement.


Alain Resnais est très présent dans le film : Sandrine Kiberlain, Vimala Pons, Bruno Podalydès, vous‐même, avez travaillé avec lui.


Il est la personne qui m’a le plus influencée. La douceur avec laquelle Alain obtenait les choses, cette manière de mettre ses acteurs en confiance m’ont tellement plu que j’essaie tant bien que mal de la reproduire sur mes plateaux. Ce tournage avec Bruno était comme une piqûre de rappel.


Bruno Podalydès partage également ce don qu’avait Alain Resnais de créer de la drôlerie et de la poésie à partir de presque rien : un thermos bourré d’absinthe, des poupées russes auxquelles il donne des traits d’hommes…


… une tente Quechua ou un porte‐clés anti moustiques… Il n’y a pas un objet sur lequel il n’ait pas un regard poétique, pas un détail qui ne soit pensé et qui prenne sens. C’est lié à la justesse d’observation : le rire est souvent déclenché par cette faculté. C’est un humour que j’apprécie particulièrement.


Parlez‐nous de la lumière du film, extraordinairement belle.


Avant et durant le tournage, Bruno a souvent évoqué Le Déjeuner sur l’herbe et Partie de campagne, de Jean Renoir. Il voulait un film lumineux. Claire Mathon, la chef op, a tenu le pari : j’ai trouvé son oeil très précis et d’autant plus remarquable que le numérique peut rendre les films horriblement cliniques. Elle a su garder la magie et la beauté. Sur ce film particulièrement, il était important de rendre la féérie du lieu et de ce voyage. Lorsqu’on tourne en extérieurs, comme c’était le cas, on prie souvent les dieux de la météo mais, quelquefois, ils ne nous exaucent pas. Or, bien qu’il ait plu énormément l’été où nous avons tourné, le soleil est apparu chaque fois qu’on en avait besoin. Nous étions bénis des dieux.

 

Vous avez fait plusieurs parenthèses ces deux dernières années en tournant dans les films des autres. Et maintenant ?


J’écris un nouveau long métrage avec Jean‐Pierre Bacri et les chansons de mon prochain album qui sortira en novembre. Je prépare également des concerts. Ils démarreront le 7 juin au Théâtre de la Ville.

 

Comme un avion - Vimala Pons, Bruno Podalydès,  Agnès Jaoui

 

Vimala Pons, Bruno Podalydès, Agnès Jaoui

Entretien  avec Vimala Pons

 

Bruno Podalydès et vous êtes de vieilles connaissances : c’est la cinquième fois que vous travaillez ensemble.


Nous nous sommes connus en 2011 sur le tournage de J’aurais pu être une pute, de Baya Kasmi (je tombais dans ses bras dans un magasin de bricolage et le suivais jusqu’à chez lui, un sécateur à la main). On a retravaillé ensemble sur Vous n’avez encore rien vu  d’Alain Resnais ‐ j'étais Eurydice dans la pièce mise en scène par Bruno à l'intérieur du film, puis nous nous sommes retrouvés sur Adieu Berthe et avons à nouveau tourné ensemble dans Je suis à vous tout de suite, le premier long de Baya Kasmi qui sortira en septembre.


Mais ma première rencontre avec Bruno remonte à bien plus loin. Vers 18 ans, j’ai passé le concours d’entrée d’une école de comédie. J’avais une scène de cinéma à jouer : en entrant dans une librairie, je suis tombée par hasard sur le scénario de Dieu seul me voit ; je n’avais pas vu le film mais j’ai décidé de choisir un passage où Jeanne Balibar enregistre une annonce sur un répondeur. J’ai décroché le concours. Je ne connaissais rien du cinéma de Bruno, j’en suis devenue une inconditionnelle.


Quelle a été votre première réaction en découvrant le scénario de Comme un avion ?


J’ai aimé l’élan qui pousse le héros à faire une pause et à regarder sa vie de loin. Et j’ai trouvé très beau qu’il s’autorise à vivre ces trois relations différentes à l’amour. Malgré le lien qui  ’attache à sa femme, il ne s’interdit rien. Elle et lui sont compagnons de vie, on sait qu’ils se retrouveront mais tous deux savent qu’il n’y a pas un amour mais des amours, et c’est ce que le film raconte. C’est magnifique de renaître au sentiment amoureux, de sentir un regard neuf sur soi, c’est si ré‐énergisant.


Comme un avion est très singulier par rapport aux précédents longs métrages de Bruno Podalydès.


Il me fait penser au Mouvement de l'été et à Vertiges, ses premiers courts métrages, dans lesquels il se mettait en scène avec Anne‐Françoise Brillot. La simplicité du propos, sa légèreté et, paradoxalement sa densité m’évoquent aussi Les vacances du cinéaste, de Johan van der Keuken, et certains poèmes de Robert Filliou dans lesquels cet écrivain évoque sa femme et sa fille. . . Des oeuvres qui célèbrent la beauté à travers des choses très simples.


Parlez‐nous de Mila, votre personnage ?


Elle me ressemble par plein d’aspects ‐ un peu comme si la vie se mélangeait à la fiction. C’est une fille entourée de mystère, à la fois mélancolique et joyeuse. On pourrait dire qu’elle entretient une relation platonique avec Michel mais ce serait une vision grossière. Leur relation n’est pas étiquetable et cela me plaît. Pour être franche, je n’ai vraiment découverte Mila qu’après avoir vu le film fini. Je ne me pose jamais de questions avant d’aborder un rôle. C’est le montage qui crée un personnage ; pas l’acteur. Quand j’arrive sur le plateau, je fais ce qu’on me demande, je suis dans une totale addiction au présent et je n’essaie surtout pas d’oublier la présence de l’équipe technique. Peut‐être ai‐je une vision un peu particulière de ce métier ? Par exemple, quand Bruno et moi nous nous retrouvons sous la pluie et que mon personnage se met à pleurer ‐ Mila pleure chaque fois qu’il pleut en souvenir de son premier amour ‐, je crois bien davantage à l’émotion qui naît du mouvement de la caméra qui recule qu’à celle qui pourrait naître de mon jeu. C’est le travelling arrière qui fait la scène.

 

Joue‐t‐on autrement lorsque son partenaire

est également le réalisateur et le scénariste du film ?


J’avais déjà vécu ça avec Thomas Salvador sur Vincent n'a pas d'écailles. C’est très particulier et très plaisant parce qu’au lieu d’être regardée de côté, on l’est frontalement. Le metteur en scène étant imprégné du film, fatalement, la mise en jeu coule de source. On peut vraiment s’adonner à ce qui me séduit le plus : jouer avec ce qui ne va pas ‐ ce minuscule interstice qui fait qu’une porte joue, s’y glisser. C’est ce que je préfère.

 

C’est la première fois que Bruno Podalydès se donne un rôle aussi important …


De Liberté Oléron à Adieu Berthe, c’est amusant de regarder l’évolution de ses personnages. Cette fois, à l’image et hors image, il est vraiment la colonne vertébrale du film Mais ce qui me frappe le plus, c’est l’évolution de son jeu : long métrage après long métrage, il se simplifie. Il est à la fois plus léger et plus dense.


Comment dirige‐t‐il les acteurs ?


Sur J’aurais pu être une pute, c’était la première fois que Bruno était comédien sur un autre film que le sien. Certaines choses lui ont plu, d’autres l’ont bloqué et je l’entends encore me dire : "Je comprends maintenant pourquoi certaines indications paraissent incompréhensibles, pourquoi il arrive qu’on puisse se bloquer, il faudra que je m’en souvienne quand je tournerai." C’était déjà un formidable directeur d’acteur, mais le fait qu’il joue de plus en plus chez les autres l’a rendu encore plus attentif : après une prise, il ne dit jamais "C’est bien" ou "Ce n’est pas bien" ou "Fais plutôt ça". Lui, c’est : "OK, cette prise, on l’a ; maintenant que tu as fait ça, on va essayer d’aller dans cette direction." Il n’est jamais question de refaire. Cela peut paraitre anecdotique, mais c’est capital. On ne perd jamais confiance : prise après prise ‐ et il en fait beaucoup ‐, il nous donne le sentiment de construire, sans jamais perdre son but de vue.

 

Comme un avion - Vimala Pons

 

Vimala Pons

 

Vous est‐il arrivé d’improviser ?


Très rarement. D’abord, Bruno est un formidable dialoguiste et, dans la mesure où le film parle de choses très tenues, il était important de respecter sa structure et de s’en tenir au texte. En recevant le scénario, j’avais été surprise par sa simplicité. Il y avait là quelque chose de l’ordre de la ligne droite, d’un dessin très épuré. Ce n’est qu’en jouant que j’ai réalisé combien cette simplicité devenait complexe Sur le papier, par exemple, la scène où Bruno me prend dans ses bras me paraissait assez maigre. Je pensais : "C’est tout ? Ce n’est pas beaucoup !" Oui, sauf que tout est dit. Il y a, je trouve, énormément de sensualité dans ses mouvements de caméra.

 

Votre personnage apporte une bouffée de poésie supplémentaire au film. Une forme de burlesque, aussi, qu’on trouve souvent dans le cinéma muet, mais qui est aussi présente dans vos spectacles de cirque.


J’aime jouer avec mon corps, utiliser la matière et Bruno l’a senti. Mais la poésie du film vient d’abord de cette qualité qu’il a de ne pas craindre le décalage. Il n’a jamais peur d’effectuer de grands détours ; on peut croire qu’il s’éloigne de l’histoire qu’il est en train de raconter. Pas du tout : ces haltes permettent au contraire d’en éclairer son tracé.


Comment réussissez‐vous à concilier le métier d’actrice et celui d’artiste de cirque ?


Au cinéma, je suis une couleur ; au cirque, je suis un auteur. Même si le spectacle vivant reste ma colonne vertébrale, j’ai besoin de l’un et l’autre pour m’aider à vivre. En n’appartenant à aucune des deux disciplines, je m’appartiens à moi.


En 2015, on vous verra également dans L’ombre des femmes, de Philippe Garrel ; vous venez de terminer le tournage de Elle, de Paul Verhoeven. À 29 ans, vous avez une filmographie impressionnante : Jacques Rivette, Christophe Honoré, Benoit Jacquot…


… Alain Resnais, Bruno Podalydès, Antonin Peretjatko, avec lequel je vais bientôt tourner la suite de La fille du 14 juillet… J’ai beaucoup de chance : tous ces cinéastes appartiennent à des générations différentes mais ont le même souci : ils font des films qui posent des questions, ce que j’appelle un cinéma qui n’est pas certain.


D’où vous vient votre cinéphilie ?


Dès la classe de Seconde, j’ai compris qu’il était important de regarder beaucoup de films, d’être curieuse. Puis j’ai étudié l’Histoire de l’Art et j’ai passé un an à la faculté de cinéma de Saint Denis. Je trouve bouleversant de voir un auteur raconter son approche de la vie et essayer de nous la transmettre. On se sent moins seul, cela me donne le sentiment de participer à une fête permanente.

 

 

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