Date de sortie 6 novembre 2013
Réalisé par Martin Provost
Avec Emmanuelle Devos et Sandrine Kiberlain,
et aussi Olivier Gourmet, Catherine Hiegel, Nathalie Richard,
Jacques Bonnaffé, Stanley Weber, Olivier Py
Genre Biopic, Drame
Production Franco-Belge
Alors qu’il était en train de scénariser le film Séraphine, Martin Provost a fait la rencontre de l'écrivain René de Ceccatty. Ce dernier lui a offert une biographie qu’il avait écrite sur Violette Leduc. Le réalisateur, fervent admirateur des femmes visionnaires d’une autre époque, est immédiatement tombé sous le charme de l’écrivain : "Pour moi, Séraphine et Violette sont sœurs. Leurs histoires sont si proches, c’est troublant".
Les deux femmes ont en commun d'être nées pauvres. Violette est une bâtarde. Séraphine fut orpheline à l'âge de sept ans. Toutes deux, étaient autodidactes.
Il a donc proposé à René de Ciccatty de coscénariser ce biopic avec le fidèle Marc Abdelnour.
Violette est une artiste qui a eu le courage de traiter, avec des propos forts, des thèmes comme l’amour et la sexualité à une époque où les mœurs étaient différentes d'aujourd'hui. Fille illégitime d’une famille bourgeoise, cette souffrance, qui ne la quittera jamais, fera d’ailleurs l’objet d’un de ses trop rares succès, La Bâtarde sorti en 1964.
En 1946, elle retranscrit ses souvenirs d’enfance dans L’Asphyxie, son premier roman, qui lui vaudra la reconnaissance de Simone de Beauvoir, Jean Cocteau ou encore Jean Genet.
Les livres de Violette Leduc, L’Affamée, Ravages, Thérèse et Isabelle et La Bâtarde seront réédités à l’occasion de la sortie du film.
Emmanuelle Devos et Sandrine Kiberlain
Synopsis
Le film commence en pleine guerre. Violette Leduc (Emmanuelle Devos) née bâtarde au début du siècle dernier, vit à la campagne avec un auteur, Maurice Sachs (Olivier Py), qui lui conseille de commencer à écrire. Comme par provocation.
Elle rencontre Simone de Beauvoir (Sandrine Kiberlain) dans les années d’après-guerre à St-Germain-des-Prés.
Commence une relation intense entre les deux femmes qui va durer toute leur vie, relation basée sur la quête de la liberté par l’écriture pour Violette et la conviction pour Simone d’avoir entre les mains le destin d’un écrivain hors norme.
La majeure partie des publications de Violette Leduc s’appuie sur des rencontres ou des éléments importants de sa vie.
C’est le cas pour L’Affamée publié peu de temps après sa rencontre avec Simone de Beauvoir, ou Ravages dont le thème central est son avortement.
La bibliographie de l’auteure est ainsi construite selon sa vie.
Pour retranscrire cette idée, le cinéaste Martin Provost a décidé de découper Violette en chapitres, à la manière d’un livre.
Le réalisateur insiste sur la solitude et la détresse de l'auteure en gommant son côté "pas facile" et sulfureux. Il ponctue sa biographie par les rencontres déterminantes qui ont marqué son existence et le rôle qu'a joué sa mère incarnée par Catherine Hiegel. Il s'attarde sur les relations qu'elle entretenait avec Simone de Beauvoir.
Violette s’éloigne des faits et de l’aspect historique des évènements. Il s'agit-là d'une volonté du cinéaste Martin Provost : "J’étais bouleversé par ce qu’il y a de secret en elle, de fragile et de blessé, tandis que le personnage public, surtout célèbre après les années soixante, personnage qui se voulait sulfureux et extravagant, me touchait moins. Il n’était qu’une façade. Je voulais approcher la vraie Violette. Celle qui cherche l’amour et s’enferme dans une grande solitude pour écrire. C’est important de prendre des libertés avec l’histoire parce qu’il s’agit avant tout d’un film, pas d’une biographie."
Martin Provost a décidé de faire appel au même chef décorateur, Thierry François, et à la même chef costumière, Madeline Fontaine, avec lesquels il avait déjà collaboré pour Séraphine, réalisé en 2008, et dont l'histoire se déroule 30 à 50 ans avant Violette.
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Le réalisateur avait écrit le rôle de Violette pour Emmanuelle Devos, mais avant de pousser le projet plus loin, il devait s’assurer que l’actrice accepterait de s’enlaidir volontairement en revêtant un faux nez. Ce qu'elle fit. L’actrice décrit cette Violette Leduc comme une personne "attachiante".
À la question, qui était Violette Leduc ? Emmanuelle Devos, avoue :
"Ce n’est pas un personnage auquel on s’attache au premier abord. Elle a beaucoup fait son miel de sa douleur, de sa bâtardise, de son physique… Pourtant, jeune, elle n’était pas laide du tout. De plus, elle a été très aimée et même admirée pour son caractère. Mais elle s’est servie de sa singularité pour être dans une forme de plainte permanente et obtenir la reconnaissance. Toutefois, avant de comprendre la complexité du personnage, il m’a fallu plonger dans son œuvre. Sa correspondance est très intéressante, moins stylisée que ses romans. À l’époque, les auteurs comme Violette Leduc écrivaient tout le temps, leurs romans, mais aussi 14 lettres par jour ! J’ai dû sentir cette nécessité d’écrire que je n’ai jamais connue."
L'actrice rajoute : "Elle est connue surtout pour la Bâtarde et Thérèse et Isabelle, qui traitent de l’homosexualité. Je préfère des œuvres comme la Femme au petit renard, où elle parle remarquablement de la solitude. Ou Trésors à prendre, qui est le récit de sa randonnée dans les Cévennes. On y trouve des pages magnifiques, des descriptions d’une grande force d’évocation. Violette Leduc possède une immense sensibilité, elle peut regarder un arbre et en faire un personnage. Quand, au début du livre, elle décrit les passagers de son compartiment, vous voyez tout, vous sentez les odeurs."
Propos recueillis sur : http://www.lavie.fr.
Violette Leduc était une écorchée vive qui éprouvait le besoin d’extérioriser ses souffrances. Obsédée par sa laideur et pourtant désirée par les hommes et les femmes : "Une personnalité comme la sienne ne laissait pas intacts ses partenaires. Violette pouvait être dure, car elle se comportait aussi en petite fille capricieuse et en tyran", confie René de Ceccatty.
Les carrières d’Emmanuelle Devos et Sandrine Kiberlain ont toutes les deux débuté dans On a volé Charlie Spencer ! réalisé en 1986. Les deux actrices se sont ensuite retrouvées dans Les Patriotes réalisé par Éric Rochant en 1994, puis dans Rue Mandar réalisé par Idit Cébula en 2013.
Elles signent avec Violette leur quatrième collaboration !
Comme pour Séraphine, Martin Provost souhaitait faire appel à Michael Galasso pour composer la musique de Violette. Malheureusement, ce dernier est décédé en 2009 :
"Michael nous avait quittés entre temps. J’étais perdu. J’ai cherché, et j’ai trouvé. Arvo Pärt s’est imposé comme une évidence."
Mon opinion
Ce dernier film de Martin Provost, offre un magnifique, et incroyable face à face, entre deux femmes d'exception. Si le film, diminué de quelques minutes aurait gagné en intérêt, la mise en scène, toute en retenue, reste toutefois une belle réussite, et parfaitement nuancée face au sujet traité.
On peut regretter que le scénario relate la seule période, couvrant vingt deux années de la vie de l'auteure, soit entre 1942 et 1964. Il aurait été intéressant d'en découvrir davantage, de cette enfance que l'on sait meurtrie, bien entendu, mais aussi ses ressentis au travers des découvertes faites dans sa jeunesse avec les écrits de Rimbaud, Gide et Proust, entre autres. Martin Provost définit son travail comme "une analyse profonde d'une artiste hors du commun." C'est très bien ainsi.
L'époque d'après-guerre, est particulièrement bien reconstituée, le travail de Thierry François est tout à fait remarquable, et ce, dans les moindres détails sans qu'ils en soient pesants pour autant. Des cendriers "Byrrh", à une affiche de théâtre "La cuisine aux anges" avec Jean Paredes. Qui s'en souvient aujourd'hui ? Les costumes de Madeleine Fontaine sont à l'unisson. Les coiffures d'Aude Fidon particulièrement recherchées et appropriées. La photographie d'Yves Cape participe grandement à cette belle réussite. Tout en étant discrète, la musique d'Arvo Pärt m'a totalement envoûté.
J'aime m'arrêter sur tous ces noms "de l'ombre" qui défilent trop vite au générique de fin quand ils participent à la réussite du film.
Trois femmes. Catherine Hiegel, tout à fait convaincante est excellente, une fois encore. Emmanuelle Devos, est, peut-être trop belle, pour interpréter Violette Leduc. Mais quel talent ! On le savait déjà, certes. Et enfin, Sandrine Kiberlain dans le rôle de Simone de Beauvoir. Elle est exactement "la Simone", ou en tout cas l'image que j'ai d'elle au travers de ce que j'ai pu lire. Au-delà de la troublante ressemblance physique il y a cette aura toute particulière des grandes comédiennes qui savent s'approprier un rôle, pour mieux l'habiter. Absolument magistrale.
Avec la recherche, ou simplement le manque du père.
La non reconnaissance.
L'extrême solitude.
De l'aisance à la pauvreté.
La perpétuelle quête d'amour.
Violette Leduc, une femme hors du commun qui ne s'est pas cachée de ce qu'elle était. Avec ce magnifique appui de Simone de Beauvoir, la reconnaissance viendra très tard. Mais quel destin ! Quel courage aussi !
Un magnifique portrait de femme(s) sur nos écrans grâce à Martin Provost. Merci pour ce très beau moment de cinéma.
Sources :
http://www.unifrance.org
http://www.allocine.fr
http://www.lefigaro.fr
http://www.gallimard.fr
http://www.evene.fr