Date de sortie 18 juin 2014
Réalisé par Robert Guédiguian
Avec Ariane Ascaride, Jacques Boudet, Jean-Pierre Darroussin,
Anaïs Demoustier, Gérard Meylan, Adrien Jolivet,
Youssouf Djaoro, Lola Naymar
Judith Magre a prêté sa voix à la tortue
Genre Drame
Production Française
Entre Robert Guédiguian et Ariane Ascaride, c'est de nombreuses années de vie commune et autant de cinéma et d'engagement politique.
S'intéressant très tôt aux questions politiques, Robert Guédiguian entame des études de sociologie à la faculté d'Aix-en-Provence où il rencontre sa future compagne, Ariane Ascaride, qu'il suit à Paris lorsqu'elle s'inscrit au Conservatoire.
En 1980, Robert Guédiguian – ancien militant communiste – fait jouer celle devenue sa femme dans son premier long métrage : Dernier Eté.
Ariane Ascaride sera ensuite à l'affiche de tous ses films, à l'exception du Promeneur du Champ de Mars réalisé en 2005.
Au Fil d'Ariane est une "fantaisie", comme annoncée au générique.
Synopsis
Ariane (Ariane Ascaride), est une mère de famille vivant dans un bel appartement.
Elle confectionne fébrilement un somptueux gâteau qui regorge de crème et de chocolat. Sur le gâteau achevé, elle plante une grosse poignée de bougies : c’est son anniversaire.
Pendant ce temps, les livreurs de fleurs se succèdent, sa fille téléphone pour annoncer qu’elle ne viendra pas, puis son mari pour dire qu’il est retenu ailleurs…
De défection en défection, le petit monde d’Ariane semble s’écrouler.
Ariane se retrouve seule devant cet immense gâteau illuminé de bougies.
Elle se lève, prend son sac à main, son passeport, ses clés de voiture et sort.
Elle part à l’aventure et, comme dans un conte, elle va rencontrer des personnages plus farfelus les uns que les autres.
Ariane Ascaride
Dans sa voiture elle roule devant elle et fonce vers le pont levant de Martigues… et s’y retrouve coincée. Un mal pour un bien. Tous ces jeunes conducteurs qui, au lieu de s’impatienter et de pester stupidement, préfèrent brancher à fond leur autoradio et s’adonner à des danses aux rythmes endiablés et orientaux
Un jeune homme (Adrien Jolivet) lui demande du feu et une discussion éphémère prend tournure, sous la forme d’une invitation dans un petit restaurant pour lequel ils se trouve être un rabatteur. Il la conduit sur sa Vespa jusqu’à une calanque perdue, où un patron truculent (Gérard Meylan) tient un bistro-restaurant de bord de mer, le café L’Olympique. Un café où l'on écoute Jean Ferrat auquel le patron voue une admiration sans bornes.
Adrien Jolivet et Ariane Ascaride
À l'Olympique Ariane retrouve une nouvelle famille peuplée de paumés et loufoques en tous genres.
Il y a Jack (Jacques Boudet), l’éternel philosophe, pique-assiette tchékhovien, qui nous gratifie de son baragouinage américano-marseillais.
Une prostituée au coeur un peu trop grand pour être vrai...
Martial, le Camerounais (Youssouf Djaoro), en proie au mal du pays, et que le patron paye comme gardien, même s’il ne garde rien – et ceci après trente ans passés au Muséum d’histoire naturelle.
Et puis… il y a la tortue qui parle… mais uniquement à Ariane,
Youssouf Djaoro
Le soir venu, elle est obligée de rentrer, mais personne ne peut l’emmener dans le centre ville. Elle appelle un taxi (Jean-Pierre Darroussin). Vieil acariâtre fan de musique et de chats.
Sur place elle s’aperçoit que la fourrière a emportée sa voiture. Au moment de payer le taxi elle n’a pas un centime de monnaie et le chauffeur de taxi ne prend pas la carte, elle va à un distributeur et se fait voler son sac, le taxi lui fait une fleur et la ramène à L’Olympique.
Jean-Pierre Darroussin et Ariane Ascaride
Le lendemain elle explique à Denis ce qui lui est arrivée et se propose de faire le service du repas de midi, pour payer son repas personnel. Denis accepte.
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Ariane Ascaride Gérard Meylan
Au fil d'Ariane.
Propos recueillis par Fabrice Leclerc et Xavier Leherpeur relevés sur http://www.lexpress.fr/culture
Lorsque l'on voit votre nouveau film, on se dit tout au long que c'est une pure déclaration d'amour...
Robert Guédiguian : Tout à fait. Qui est née tout d'abord du désir de faire un film très vite. Ce que j'appelle un film du dimanche, souvent lié au fait que j'en ai un autre derrière en préparation et qui demande beaucoup de boulot. Dans ces cas-là, je me mets à chercher une idée de départ. Celle de l'anniversaire est venue en premier. Qui dit anniversaire dit cadeau. Et j'ai eu envie de faire un cadeau à Ariane...
Ariane Ascaride : Cela ne s'est pas tout à fait passé comme cela.
Robert Guédiguian : Comment ça ?
Ariane Ascaride : Oui, c'est vrai que tu voulais faire un film rapidement, mais il est vrai aussi que je t'ai dit que tu pourrais me faire un cadeau. Que tu me devais un cadeau, en fait !
Que vous devait-il ?
Ariane Ascaride : Tout (rires). Plus sérieusement, j'avais envie d'interpréter un personnage plus léger. Dans les films, je suis souvent une mère type mère courage. Une femme forte. Cela ne me pose aucun souci car je suis comme ça dans la vie. Elles me ressemblent. Mais j'avais le désir de quelque chose de drôle. Voilà. Et oui, je lui ai dit qu'il me le devait.
Au fil d'Ariane repose sur une certaine idée du rêve, de la fable, avec une tortue qui prend la parole.
Robert Guédiguian : C'est lié à l'envie de faire quelque chose de très libre. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai appelé Serge Valletti, qui est un ami et un auteur qui manie volontiers le baroque. Nous avions envie de dégager l'écriture. Du coup, pourquoi pas une tortue qui parle ? Cela fait d'ailleurs référence au corbeau de Pasolini dans Des oiseaux, petits et gros. Mais en moins philosophique. En plus, j'aime glisser à l'écran un décalage qui sème le doute. Il permet de dire aux spectateurs qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Qu'il faut le considérer ainsi...
L'Ariane du film est multiple. Paumée, délaissée, amoureuse, effacée, directive... Il y en a une qui vous a surprise ?
Ariane Ascaride : Non, car je sais un peu qui je suis et qu'elles me ressemblent toutes, d'une manière ou d'une autre. Comme elle, je veux aider le monde entier au point d'en être emmerdante.
Et, toujours comme elle, on peut me faire croire à peu près n'importe quoi.
Robert Guédiguian : C'est vrai...
Ariane Ascaride : Mais ce qui m'a surprise, ou plus exactement touchée, c'est que l'homme avec lequel je vis depuis des années décide enfin de la montrer et de raconter son respect pour elle.
Au fond, c'est peut-être cela qu'il vous devait ?
Ariane Ascaride : Un peu, mon neveu (rires) !
C'est un film où, peut-être pour la première fois ou de façon plus marquée, l'émotion prime parfois sur le récit...
Ariane Ascaride : Je le crois aussi. Je pense que Robert s'adoucit. Il aura toujours la volonté d'avoir un discours dans ses films. Mais il y avait jusque-là quelque chose de, comment dire, non pas de hargneux, parce qu'il ne l'a jamais été... mais parfois l'émotion venait après. Or Robert est un émotif et j'ai l'impression que sur ce film, il s'est laissé aller.
Robert Guédiguian : Je ne sais pas si c'est sur ce film en particulier, mais c'est une évolution que je reconnais. Je crois que l'émotion, au sens strict, au sens étymologique, c'est ce qui met en mouvement. Il ne faut pas l'oublier, mais l'assumer et surtout bien le gérer. Ne pas opposer coeur et raison, car c'est un mauvais réflexe. Que ce soit pour le cinéma, le public ou même pour les idées que l'on défend.
Chez vous, l'émotion naît en général des personnages, du récit, des situations et de votre manière de les filmer. Dans Au fil d'Ariane, elle est le vecteur de votre mise en scène...
Robert Guédiguian : C'est vrai pour ce film-là. Le fil d'Ariane est polysémique. Insensé, dans la mesure où c'est un non-sens. Il n'a ni queue ni tête mais il a un corps. Il fallait arriver, du coup, à faire émotion sans arrêt, faire cinéma, spectacle, jubilation... C'est le seul que j'ai revu alors que, quand un film est fini, il est impensable que le regarde à nouveau. Sans doute parce que, dans ce cas, l'émotion est le vecteur principal. Et non pas l'enchaînement des séquences, le récit ou la morale vers laquelle je sais que je veux aller et qui est souvent déterminée bien avant d'avoir commencé à écrire le scénario.
Les acteurs
Robert Guédiguian : J'ai une passion pour les acteurs. Pour ceux avec lesquels je bosse comme pour tous les autres. Ils me fascinent et restent un mystère pour moi. Je suis béat d'admiration, stupéfait, intrigué par leur capacité à incarner une émotion, à se glisser dans la peau d'un autre. À jouer, simplement.
C'est un directeur d'acteurs ?
Ariane Ascaride et Robert Guédiguian : Non, pas du tout !
Robert Guédiguian : Il y a pour moi une incompréhension sur la direction d'acteurs. Bien sûr que l'on parle mais le premier pas, c'est l'acteur ou l'actrice qui le fait. Il ou elle me fait une proposition et après, on danse ensemble. Un peu plus vite, plus lentement, plus à gauche. Cela modifie sa proposition, mais c'est quelque chose qui se fait à deux.
Ariane Ascaride : Plus le temps passe, plus je lis des choses sur cette fameuse direction d'acteurs et moins je comprends ce que cela veut dire. Quand on me demande comment je fais pour trouver un personnage, je réponds presque toujours ce qui, au demeurant, est vrai que je trouve d'abord ses chaussures. Mais après, je ne sais comment je fais. Et je crois que c'est ça le truc. Il faut apprendre à accepter justement de ne pas savoir comment on fait. C'est cela qui prend le plus de temps. Ça ne sert à rien à rien d'aller un mois travailler en usine pour un rôle d'ouvrière, cela ne vous rend pas ouvrière pour autant.
Plus de trente ans de travail sur le mode du collectif. C'est une manière de faire différente, unique...
Ariane Ascaride : Disons que cela est devenu une manière de faire différente. Mais, au départ, ce n'était pas une volonté de notre part. J'insiste là-dessus car nous ne nous sommes jamais dit que nous allions inventer un langage ou une méthode de travail qui ne serait qu'à nous. Cela s'est fait comme ça, puisque nous sommes arrivés dans le cinéma en dehors des codes établis. C'était très dur pour Robert de faire des films.
Robert Guédiguian : Le malentendu repose aussi sur le fait que, dès le début, j'ai refusé de travailler avec des acteurs connus. On m'avait même proposé Depardieu et Dewaere qui sortaient des Valseuses pour mon premier film. Nous étions en 1980, je venais de recevoir l'avance sur recette au premier tour, à l'unanimité... tout allait bien. Et puis je décline toutes les propositions. Je refuse de voir les producteurs. J'étais très arrogant à l'époque. Trop
Ariane Ascaride : Oh mais tu l'es encore un peu quand même (rires) !
Robert Guédiguian : Du coup, on a produit le premier film avec des amis d'enfance. Sans doute sous influence pasolinienne. Plus que des acteurs confirmés, je voulais des gens qui incarnent.
Sans le succès de Marius et Jeannette, pensez-vous que vous auriez continué ?
Robert Guédiguian : Je le crois. Je n'étais pas très cher, on fonctionnait sur l'esprit de groupe...
Ariane Ascaride : Je ne suis pas tout à fait d'accord. Bien sûr que nous aurions continué. Mais il y aurait quelque chose d'extrêmement épuisé. Et puis, quand on fait des choses, il faut être sincère, et même si la critique est élogieuse, il y a un moment où l'on a besoin de la gratification du public.
Vous en ressentiez le besoin ?
Ariane Ascaride : Je l'espérais... On m'avait tellement dit, à 20 ans, que ce serait long, que rien ne m'arriverait avant 40 ans... Ok, c'est ce qui s'est passé. Mais il faut tenir. J'aurais continué, évidemment, parce que j'adore ce métier mais, sans jamais le dire parce que je suis très orgueilleuse, il y aurait eu une frustration. On fait ce métier parce que l'on a envie d'être regardée.
Trente-quatre ans que vous travaillez avec les mêmes collaborateurs, comédiens, chef op, monteur...
Robert Guédiguian : Notre façon de travailler a d'abord reposé sur des éléments d'unité très forts. Comme, par exemple, des affinités d'extraction. Nous venions du même milieu ouvrier. Le père de mon chef op était prolo à Sartrouville. Celui de Dada (Darroussin) était étameur. Ce qui nous donnait une unité idéologique au sens le plus strict du mot. C'est-à-dire une idée du monde, de la parole qu'il fallait porter. Savoir qui nous représentions, de qui nous étions les enfants et ce qu'il fallait reproduire. Cela a été notre véritable facteur de cohésion. C'est aussi la raison pour laquelle je dis souvent que notre modèle n'est pas reproductible.
Ariane Ascaride : Je le crois d'autant plus que cela n'a pas été une volonté. C'est le fruit du hasard.
Savoir au nom de qui on parle est toujours le moteur de votre travail ?
Ariane Ascaride : J'en suis persuadée. En vérité, on ne change jamais de monde. On le croit, mais en réalité, c'est faux. Certes, on apprend à aller dans les autres mondes. Mais on est et on reste fait du monde d'où l'on vient. Nos structures mentales, psychologiques et émotionnelles sont faites du monde dont vous venez. Je sais parler avec vous aujourd'hui. Mais tout cela, je l'ai appris. Si j'étais restée dans le monde dont je suis issue, peut-être que nous ne pourrions pas nous parler. Et c'est cela qui me passionne. Toujours trouver les passerelles pour que moi, nous, qui parlons d'un monde qui n'est pas le vôtre, vous puissiez entendre. Et si vous entendez, si vous pouvez aimer les films de Robert c'est que, lorsque nous sommes ensemble, nous retrouvons nos pères et nos grands-pères et que nous sommes sincères.
Et, pour conclure, de vos films réalisés ensemble quel est votre préféré ?
Ariane Ascaride :(Spontanément.) La ville est tranquille.
Mon opinion
Robert Guédiguian et Ariane Ascaride restent complices dans cette "fantaisie" pour offrir aux spectateurs un moment de fraîcheur et de franche bonne humeur, mêlant les grands sentiments et une certaine poésie.
Robert Guédiguian est associé dans l'écriture du scénario avec Serge Valetti, Marseillais lui aussi. Ce dernier avoue dans un entretien avoir toujours voulu faire le pitre.
Le réalisateur suit, s'amuse et se fait plaisir.
Il assume ce côté déjanté, inhabituel dans ses précédentes réalisations. Une pause pour oublier le monde tel qu'il est. Il a bien le droit de vouloir offrir du rêve, aussi. Dommage qu'il ne se soit pas laissé aller plus à fond, qu'il ne nous entraîne pas, avec le talent que l'on lui connaît, jusqu'au bout de la folie. Ça commence bien avec ces jeunes conducteurs qui, au lieu de s’impatienter et de pester stupidement, préfèrent brancher à fond le son de leur autoradio pour s’adonner à des danses sur des rythmes endiablés et orientaux.
Les bons moments l'emportent sur d'autres, beaucoup plus invraisemblables. Tout autant que les dialogues qui du plus haut deviennent parfois simplistes. Mais cela ne dessert en rien le propos du film.
Le seul nom d'Ariane Ascaride à l'affiche suffit pour un plaisir toujours renouvelé. À ses côtés on retrouve les fidèles du réalisateur dont l'excellent Jacques Boudet.
L'accent, les couleurs de Marseille et les thèmes chers au réalisateur restent bien présents. L'amour tout d'abord. L'amitié aussi et cette franche camaraderie qui existe dans tous ses films.
Ce Fil d'Ariane fera débat pour son côté légèrement bâclé, peut-être, mais n'en est pas moins vibrant d'une belle générosité.
Sources :
http://medias.unifrance.org
http://www.radiopluriel.fr
http://www.avoir-alire.com