Réalisé par Fritz Lang
Avec Henry Fonda, Gene Tierney, Jackie Cooper,
Henry Hull, John Carradine, J. Edward Bromberg, Charles Tannen
Donald Meek, Eddie Collins, George Barbier, Russell Hicks, Ernest Whitman
Titre original The Return of Frank James
Genre Western
Production Américaine - 1940
The Return of Frank James est l'un des rares westerns de Fritz Lang, d’une maîtrise impressionnante. En revanche, The Return of Frank James ne figure pas au panthéon des classiques du cinéaste allemand. Il s’agit pourtant d’un film génial, la démonstration que Fritz Lang, rapidement tombé de son piédestal en arrivant aux États-Unis, est parvenu à ciseler une série de films parfaits à Hollywood malgré les contraintes des studios et des petits budgets, transformant des films de genre très populaires en réflexions personnelles.
En 1939, Le Brigand bien-aimé d’Henry King, biographie romancée de Jesse James, remporte un immense succès. Un an plus tard, la Fox décide d’en produire la suite, dans laquelle Henry Fonda, qui jouait déjà Frank dans le film d’Henry King, part à la poursuite des frères Ford, lâches assassins de son frère Jesse.
Il ne faudra aux spectateurs patienter qu’à peine un an et demi avant de pouvoir découvrir comment Frank James allait se venger des deux assassins de son frère. Chose assez inhabituelle, le western de Fritz Lang débute par la reprise de la séquence finale du film précédent, à savoir celle du meurtre de Jesse. Il est intéressant de voir d’une année sur l’autre deux cinéastes, aussi talentueux que différents par leur style et leur sensibilité, poursuivre la même histoire avec huit des acteurs du premier film.
Cette entreprise est purement mercantile, et ignorante de la vérité historique. Frank James ne fut en rien responsable de la mort des frères Ford. La Fox entend profiter de la popularité du film d’Henry King et d’Henry Fonda. Fritz Lang, qui a déjà signé trois films à Hollywood, accepte la commande avec humilité. C’est l’occasion pour lui, qui a soif d’intégration, de se confronter au western, le genre américain par excellence, qu’il compare aux mythes et aux sagas germaniques qu’il avait illustrés dans ses films muets.
Henry Fonda
Synopsis
Ayant appris que Bob (John Carradine) et Charles Ford (Charles Tannen) avaient été acquittés par la justice, Clem (Jackie Cooper), fils d'un comparse décédé et élevé par Frank James (Henry Fonda) a pris sous son aile, pousse ce dernier à aller rendre justice lui-même. Réticent au départ, il finit pourtant par se lancer à la recherche des frères Ford.
Jackie Cooper
Frank James va dévaliser une gare pour s'assurer le "financement" de ce projet. Le chef de gare va périr dans la bagarre, d'une balle émanant des hommes qui cherchent à mettre la main sur Frank.
Pour avoir les mains plus libres, ils font croire à la mort de Frank, Clem racontant y avoir assisté.
Cette légende est reprise dans le principal journal de Denver suite à l’article d’une jeune reporter, la charmante et émancipée Eleanor Stone (Gene Tierney) qui tombe amoureuse de son présumé défunt !
Gene Tierney
Ce dernier est bien décidé à aller jusqu’au bout de sa vengeance mais, dans le même temps, il apprend que Pinky (Ernest Whitman), l’homme noir travaillant à sa ferme, est arrêté et accusé à tort d'être complice de la mort du chef de gare. Il se trouve condamné à mort.
Sur les conseils d’une Eleanor agacée par les priorités vengeresses de l’homme qu’elle aime, Frank rebrousse alors chemin pour aller défendre celui que l’on accuse à tort… Il finira Frank par se rendre, sera jugé, et sortira blanchi.
Frank retrouve Bob et Charles dans un théâtre où ils interprètent eux-mêmes leur exploit qui consiste à abattre héroïquement "les vils frères James". Une poursuite s’ensuit dans les montagnes escarpées. Charles fait une chute mortelle dans un torrent mais Bob parvient à s’enfuir. Désormais tout le monde est au courant que Frank James est encore en vie.
Henry Fonda et Gene Tierney
Comme écrit plus haut, Frank James n’est jamais parti à la recherche de ses ex-complices. Il s’était volontairement rendu à la justice en déclarant à la presse : "Je suis fatigué de cette vie de hors-la-loi… Je désire vivre comme les autres hommes, avoir un foyer, une épouse et des enfants." Il fut acquitté en 1883 lors d’un long procès. Un destin trop peu enthousiasmant et héroïque pour les spectateurs qui demandaient à ce qu’il y ait une vengeance en bonne et due forme. Une idée peu originale mais, en sachant qu’il s’agissait d’un des thèmes de prédilection du grand Fritz Lang, son choix en tant que réalisateur s’avérait assez judicieux même s’il n’était aux U.S.A. que depuis cinq ans et qu’il n’avait auparavant encore jamais tourné de western.
Une histoire somme toute très conventionnelle, mais dans laquelle on trouve quelques ambigüités au sein même du personnage joué merveilleusement par un Henry Fonda magistral. Avec sa manière toute personnelle de chiquer son tabac, son regard bleu acier perdu dans une espèce de perpétuelle mélancolie, sa démarche particulière, il est tout bonnement parfait d’autant que son personnage n’est pas exempt d’aspects antipathiques. Dès le début on le sent assez condescendant envers son "nègre" qui ne s’en laisse pourtant pas compter.
Le rôle de Pinky est d’ailleurs plus étoffé que dans le film d'Henry King, Ernest Whitman maniant ici une ironie assez bienvenue pour l’époque. Il a des idées assez réactionnaires sur le rôle des femmes dans la société, ne comprenant pas comment l’une d’elle peut prétendre à être journaliste alors que sa place devrait être devant les fourneaux.
Frank est également un personnage indécis et peu enclin à aller de l'avant de sa propre initiative. Pour rendre le tout encore un peu moins ordinaire que l’on aurait pu l’imaginer, Sam Hellman et Fritz Lang iront à l’encontre de l’héroïsme du personnage interprété par Tyrone Power dans le fil d'Henry King. Frank ne sera à l’origine d’aucune des deux morts. Dommage que les autres personnages principaux soient plus convenus, que ce soit Jackie Cooper ou même l’adorable Gene Tierney.
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Pour sa première apparition à l’écran, Gene Tierney ne s’avére pas encore comme la grande actrice, qu'elle deviendra, mais en tout cas une femme à la formidable photogénie. Fritz Lang l’avait visiblement remarqué et George Barnes la photographie divinement comme tout le reste du film d’ailleurs.
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Il y a toujours quelque chose d’intimidant, parce que supérieur, dans la maîtrise du cinéma de Fritz Lang. Le Retour de Frank James ne déroge pas à la règle, avec son utilisation impressionnante de la couleur, pour la première fois dans la filmographie du cinéaste , sa gestion de l’espace et le déroulement implacable de son récit.
Plastiquement, on sent grandement l’influence de Fritz Lang avec ses clairs-obscurs, sa profondeur de champ, son travail sur les ombres, et certaines séquences semblent encore devoir beaucoup à l’expressionisme allemand comme celle du hold-up. Rarement encore dans un western nous avions vu un travail aussi recherché au niveau de la photographie, d’autant que George Barnes manie aussi le Technicolor de la Fox avec génie. Quant aux extérieurs, ils sont splendidement filmés et photographiés, témoin l’une des rares séquences mouvementées, celle de la poursuite à cheval des frères Ford qui, malgré quelques transparences embarrassantes, est tout simplement parfaite. Fritz Lang est tellement confiant en la force et la beauté de ses images et de son montage qu’il n’a même pas voulu y inclure de musique. Et cela fonctionne à la perfection.
La partition musicale est d’ailleurs très réussie de la part de David Buttolph, dont le leitmotiv inquiétant n’est pas sans préfigurer certains des futurs thèmes de Bernard Herrmann.
Une suite toute à fait honorable au très beau film d’Henry King, moins romantique, moins mouvementée, peut-être moins captivante, moins émouvante, moins bucolique et pourtant presque tout aussi réussie du fait justement de ces différences de tonalité et de style.
Henry Hull et Henry Fonda
Un accent plus noir sans pour autant se départir d’un humour jamais gênant et au contraire bienvenu dans un western aussi austère. Le procès final au cours duquel on juge Frank James, pour le meurtre d’un employé lors du hold-up qui ouvre le film, voit Henry Hull se déchainer en tant qu’avocat de la défense. Il s'acharne à faire comprendre aux jurés la collusion très forte existant entre l’accusation et la compagnie de chemin de fer, à l’origine de tant de spéculations et de spoliations qui ont causé tant de malheurs aux petits fermiers du Sud des États-Unis dont la plupart des jurés font partie.
Fritz Lang, également obsédé par le thème de la vengeance, tant individuelle que collective, prend donc ce western très au sérieux. La vengeance et son impossibilité ontologique continueront de passionner le réalisateur, qui leur consacrera deux autres chefs-d’œuvre dans les années 50. L’Ange des maudits et Règlement de comptes.
Une séquence qui finit de rendre ce film un poil trop bavard, mais qui se révèle très intéressante par la mise en présence des deux conceptions opposés du rôle des frères James à l’époque de leurs méfaits, des thèses historiquement réelles cette fois et qui divisèrent l’opinion publique à la fin du 19ème siècle.
S’ensuit un final digne des grandes précédentes réussites du cinéaste allemand, celle se déroulant dans une grange à peine éclairée entre Frank James et Bob Ford.
Un superbe travail une fois encore sur les ombres et lumières pour terminer ce beau western.
Le retour de Franck James par Bertrand Tavernier
Sources :
http://encinematheque.net
http://www.notrecinema.com
http://www.imdb.com
http://www.dvdclassik.com - Erick Maurel
http://www.lesinrocks.com
http://www.allocine.fr