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8 octobre 2016 6 08 /10 /octobre /2016 20:43

 

Date de sortie 28 septembre 2016

 

Aquarius


Réalisé par Kleber Mendonça Filho


Avec Sonia Braga,

 

Maeve Jinkings, Irandhir Santos, Humberto Carrão, Zoraide Coleto, Buda Lira


Genres Drame


Productions Brésilienne, Française

 

Synopsis

 

Clara (Sonia Braga), la soixantaine, ancienne critique musicale, est née dans un milieu bourgeois de Recife, au Brésil.

Elle vit dans un immeuble singulier, l'Aquarius construit dans les années 40, sur la très huppée Avenida Boa Viagem qui longe l’océan.

Un important promoteur a racheté tous les appartements mais elle, se refuse à vendre le sien.

Elle va rentrer en guerre froide avec la société immobilière qui la harcèle.

Très perturbée par cette tension, elle repense à sa vie, son passé, ceux qu’elle aime.

 

Aquarius - Sonia Braga

 

Sonia Braga

Né en 1968, Kleber Mendonça Filho vit actuellement à Recife au Nord-Est du Brésil où il a passé son enfance.

Après ses études, Kleber a été engagé par le Jornal do Commercio. Au cours de sa carrière de journaliste, il écrit occasionnellement pour la Folha de S. Paulo et d’autres publications.

Dans les années 1990, Mendonça réalise principalement des documentaires en vidéo et des courts-métrages expérimentaux.


Ses films sont produits par CinemaScópio, sa propre société de production.

 

En 2012, il réalise Les bruits de Récife, son premier long-métrage de fiction.

Entretien avec Kleber Mendonça Filho

Propos recueillis par Tatiana Monassa et relevés dans le dossier de presse.

 

Comment est né ce projet ? Quel était l’élément déclencheur de l’histoire ?


Au départ, je voulais faire un film sur des archives, et Aquarius est peut-être un premier pas vers un autre film sur le goût de conserver des objets et sur la divergence entre les documents et les souvenirs. Il m’a semblé intéressant d’avoir comme protagonistes une personne et un immeuble ayant tous les deux à peu près le même âge et se trouvant d’une certaine manière menacés. Le film est né d’une série d’évènements, dont un assez banal : un flot d’appels téléphoniques reçus chez moi. Des appels publicitaires voulant vendre toutes sortes de souscriptions : cartes de crédit, mutuelles, abonnements télé ou presse. Je l’ai ressenti comme une attaque du marché, pour forcer les gens à acheter ce qu’ils ne désirent pas.

 

À partir de cette idée d’une attaque du marché, le film commente de manière directe, quoique assez subtile, la vague de spéculation immobilière qui s’est emparée de Recife ces dernières années. Mais au lieu d’aborder le problème de façon ouvertement politique, vous préférez vous concentrer sur les effets psychologiques chez le citoyen ordinaire.


En effet, le type de poursuite que je viens de décrire est particulièrement agressif dans le cadre du marché immobilier, et avant que la crise économique ne touche le Brésil, ils se comportaient comme des bêtes affamées. Le ballet de tracteurs et pelleteuses que j’ai pu voir à Recife était triste, mais fascinant aussi. Je me souviens d’avoir assisté au devenir d’une maison et de ses propriétaires. J’avais assisté à leur déménagement, ensuite j’ai remarqué un panneau qui annonçait un nouveau bâtiment ; quelques mois plus tard, j’ai vu un tracteur qui achevait de raser le terrain où cette maison avait existé pendant des décennies, et que quelques heures avaient suffi pour détruire.

 

Aquarius.

Dans mes films, j’applique cette logique, celle de témoigner des changements en fixant un point de vue lié au cadre de la vie personnelle. Ainsi, dans Aquarius, Clara comprend petit à petit ce que subissent son espace et son environnement personnel.

 

 

 

Cet affrontement se révèle être aussi un conflit de valeurs entre des styles de vie différents : d’un côté l’ultra-contemporain, modelé par la consommation haut de gamme et l’aseptisation généralisée, et de l’autre celui d’une génération antérieure, reposant plutôt sur un "savoir-vivre" et le goût de la communauté. S’agit-il d’un conflit qui vous touche ?


De fait, il s’agit d’une tension intéressante dans le film mais, dans ma vie, je vis ce conflit avec sérénité et irritation. Comment peut-on démolir aussi librement autant de maisons et d’immeubles qui ont une histoire, qui sont des références pour beaucoup de monde ?
À Recife, la ville a été totalement remodelée dans son modus operandi par les exigences du marché, et rien n’a été fait pour protéger la ville des intérêts commerciaux. J’entends toujours que le Brésil est un jeune pays, qui n’a pas le même attachement à l’Histoire comme l’on peut voir en Europe. C’est absurde, car une ville comme Recife, qui a environ cinq cents ans, a une longue histoire. Et la spéculation immobilière semble avoir réussi à détruire une partie importante de grandes capitales brésiliennes pour offrir des nouvelles constructions qui obéissent à un certain design et promouvoir une idée du renouveau, en effaçant le "vieux".
Finalement, avec Aquarius, on revient à l’idée d’un film sur les archives, qu’elles soient matérielles ou affectives.

 

Dans votre film précédent, Les bruits de Récife, on retrouvait déjà cette attention à la construction d’un microcosme complexe, avec les différentes relations d’affect et de pouvoir qui l’habitent. Est-ce pour vous une manière privilégiée d’aborder les questions politiques, sociales et historiques propres au Brésil ?


Je pense qu’on ne peut pas représenter la vie et les actions quotidiennes sans mettre en lumière leurs contradictions, qui peuvent être intéressantes, drolatiques ou sinistres. En fait, dans l’écriture de mes films, il m’est difficile d’ignorer ces aspects de la société, et notamment de la société brésilienne. Aussi, ai-je toujours été frappé par les contradictions idéologiques des Brésiliens issus des classes sociales aisées : ils peuvent avoir une posture aristocratique et en même temps soutenir l’abolitionnisme et des valeurs de gauche… En somme, mon défi est de chercher à représenter cette société dans sa complexité.

Les méthodes agressives du management contemporain, fondées sur la manipulation émotionnelle et pouvant aller jusqu’au harcèlement moral, sont mises en oeuvre de manière presque métaphorique dans le film, avec ces différents types d’offensives indirectes qui frôlent l’absurdité. Petit à petit, il s’opère un décollement de la réalité, et on va jusqu’à se demander si ce cauchemar n’est pas un délire de Clara.


Le cauchemar de Clara est tout d’abord réel. Il s’agit de se voir seule dans une situation très inconfortable, où elle subit une forte pression pour le simple fait d’être chez elle, là où elle a toujours habité. Elle a le sentiment que quelqu’un a subitement décidé que son espace n’a plus aucune valeur, qu’il est démodé et qu’on doit s’en débarrasser. Confrontée à des opinions contraires aux siennes, y compris au sein de sa propre famille, Clara craint, par moments, de perdre la raison. Son état d’esprit est fragilisé, ce qui ouvre la porte à des sentiments déstabilisants. J’aime l’idée que cela nous mène vers le mystère et le doute, comme un cauchemar lucide.

 

Votre flirt avec le fantastique et le cinéma de genre s’insinue par moments, avec des scènes qui suggèrent un fort sentiment de peur, bien qu’on ne puisse pas en préciser l’origine ou la raison.


D’une certaine manière, Aquarius évoque le genre du  "siege movie" (films autour d’un état de siège), mais sans tirs, ni arcs et flèches, ni cocktails Molotov – du moins pas littéralement. L’immeuble Aquarius et l’appartement de Clara lui-même sont des aires définies (les portes, les murs, la cour), et se trouvent face au risque d’une invasion externe. Le bâtiment est constamment violé et l’appartement, la partie plus intime de cet univers, subit des menaces. Les fenêtres ouvertes dégagent aussi ce sentiment-là, car il s’agit d’un élément classique à mes yeux, celui de l’extérieur/intérieur. Et il y aussi le fait malheureux qu’au Brésil les fenêtres ouvertes nous rappellent cette pratique sociale établie qui consiste à mettre des clôtures sur toutes les fenêtres, à n’importe quel étage, pour éviter toutes sortes d’effractions.

 

Aquarius

.

Je pense donc que tous les éléments du film sont ordinaires, courants, mais il y a sans doute quelque chose dans le cadrage et dans le découpage qui renforce ce ton fantastique apparent.

Clara, interprétée par Sonia Braga, a-t-elle toujours été l’axe principal de l’histoire ?


L’idée a toujours été celle-ci : une femme, la soixantaine, veuve, propriétaire d’un très beau et simple appartement dans un vieil immeuble. Et je n’ai jamais voulu créer une structure en montage alterné, qui nous montrerait les bureaux de l’entreprise immobilière, ou alors Diego, le jeune entrepreneur, dans sa vie personnelle, ou bien participant à une réunion avec ses collaborateurs. Dès le début de l’écriture du scénario, le film était consacré à Clara, on devait être avec elle, et le point de vue du cadre est, la plupart du temps, le sien. Le contact qu’on peut avoir avec les autres se produit par son intermédiaire, par le fait qu’ils viennent frapper à sa porte ou lui parler, ou encore parce qu’elle dirige la parole à quelqu’un. Être collé au personnage de Clara est ce qui permet de générer une sensation d’instabilité ou d’insécurité.

 

Comment en êtes-vous arrivé à Sonia Braga pour le rôle de Clara ? Pensiez-vous déjà à elle en écrivant le scénario ?


Non. En écrivant le scénario, j’envisageais de découvrir une femme inconnue qui puisse jouer Clara. Nous étions prêts à nous lancer dans la production quand Pedro Sotero (co-directeur de la photographie d’Aquarius) a suggéré Sonia Braga. Alors Marcelo Caetano, notre directeur de casting, a envoyé le scénario à Sonia aux États-Unis. Elle a répondu sous 48 heures en signalant qu’elle voulait faire le film. Je suis allé à New York faire sa connaissance, et je l’ai adorée. L’une des plus belles choses dans tout ça, c’est que Sonia faisait déjà partie de ma vie, comme c’est souvent le cas avec les grands artistes, et elle est devenue une collaboratrice, puis une amie aussi.

 

Elle est souvent associée à une image de "sex symbol", grâce à une série de rôles de femmes très libérées sexuellement. Est-ce que son image publique a joué un rôle dans la construction du personnage ?


Je n’ai pas vraiment songé à la Sonia "sex symbol", car pour moi Sonia est avant tout un visage puissant de la culture brésilienne et aussi elle a une image d’une beauté inoubliable. Ça m’intéressait donc de ramener cette star à une situation dramatique réaliste, où sa beauté est d’ailleurs convoquée et participe d’une certaine manière au récit.

 

Aquarius - Sonia Braga

 

Sonia Braga commence sa carrière d’actrice en 1968, dans le film O Bandido da Luz Vermelha mais ce sont les télénovélas qui vont lui permettre de se faire connaître du grand public.

En 1976, Dona Flor et ses deux maris de Bruno Barreto la fait connaître du public international. Dans les années 1980, Sonia Braga entame une carrière à Hollywood et tournera pour Robert Redford ou encore Clint Easwood.

On la verra aussi à la télévision américaine, notamment dans Sex and the city.

Après avoir présenté Milagro en 1988 à Cannes, elle revient 28 ans plus tard avec Aquarius, le second long-métrage de fiction de Kleber Mendonça Filho.

 

Toute sa filmographie, cliquez ici.
 

Sonia BragaPour fêter dignement ses 65 ans, l’actrice a posté en juin 2015 sur Facebook "les choses ne font que commencer". Je n’imaginais pas qu’effectivement, grâce à Kleber, c’était le début d’une nouvelle vie", explique-t-elle, extatique, en anglais. Selon elle et on ne la contredira pas, les femmes dans la vie comme à l’écran sont souvent dédaignées après une date de péremption supposée. "Alors que les hommes se bonifient, comme le vin", déplore-t-elle en riant. Il y a aussi la ménopause, qu’elle mentionne au détour d’une phrase, très enthousiaste : "I love it ! C’est un tabou. Vous devriez essayer !" On lui répond qu’on a hâte. Intarissable sur le crudivorisme, elle tentera de nous convertir à ce "bonheur corporel". Lors de la projection cannoise, l’équipe du film arborait sur le tapis rouge des pancartes dénonçant la destitution de la présidente Dilma Rousseff comme un coup d’État.

 

 

Sonia Braga a levé le poing à l’unisson. Aquarius, tourné il y a un an, agit comme une chambre d’échos annonciatrice de l’actualité : "Le Brésil n’a jamais été aussi divisé socialement, c’est choquant. Je viens des sixties - elle se reprend - enfin des fifties", en partant dans un éclat de rire...

 

Pour lire la suite de l'article de Clémentine Gallot

relevé sur next.liberation.fr, cliquez ici.

 

Le film consacre un rôle important à la musique, qui module les différents états d’esprit de Clara et finit par constituer un personnage à part entière. Comment avez-vous pensé ce rapport dynamique entre la narration et les différents styles de musique convoqués ?


J’aime le fait que Clara ait des vinyles chez elle – peut-être parce que, pendant 40 ans, elle les a achetés, ou alors reçus grâce à son travail de journaliste. J’aime également l’idée que, même si elle possède ces disques, elle ne renonce pas à écouter des morceaux sur son portable. Il était donc naturel que, du fait qu’elle écoute de la musique, cette musique remplisse la scène. La musique nous informe aussi sur ses goûts et ses états d’âme.

 

Le titre du film est le nom de l’immeuble, ce qui renforce l’idée que le lieu de l’action est le point d’ancrage du récit. Comment définiriez-vous votre rapport à l’esace en tant que cinéaste ?


Pour moi la question de l’espace est liée à la quantité d’information qu’on transmet, ou qu’on veut transmettre, au moyen du découpage et du choix du cadre. L’immeuble a toujours été un personnage dans le film, et mon défi était de le présenter subtilement comme ayant une certaine dignité : un immeuble un peu plus ancien, mais déjà condamné. Il était important qu’il n’ait pas l’air décadent ou précaire, c’est-à-dire qu’il soit un accusé innocent, et que ce soit clair dans le film que ses problèmes venaient du dehors et non pas de l’intérieur, de sa structure. Aussi, dans une sorte de jeu avec le spectateur, fallait-il montrer l’appartement de Clara d’une façon suffisamment précise pour qu’en voyant le film on soit capable de dessiner le plan de l’appartement sur un bout de papier, l’utilisation d’un vrai appartement pour le tournage m’a beaucoup fait réfléchir à l’espace lui-même et à ses contraintes. Car les besoins d’un film, comme les angles de prise de vue et l’emploi des fenêtres et des portes, ouvrent une série de difficultés concrètes qui nous révèle des idées nouvelles sur l’espace réel et sur l’espace cinématographique.

 

Le film s’achève sur un effet de choc pour le spectateur. Pourriez-vous commenter ce choix ?


J’avais écrit deux autres fins, mais je ne les ai pas filmées. Elles étaient intéressantes, mais le style était plus proche de quelque chose comme "la fin de la petite histoire" : les conflits se trouvaient plus ou moins résolus, on comprenait assez bien ce qui s’était passé ou pas passé. Parfois, on est captivé par un film et par sa personnalité artistique et la fin nous donne ce sentiment d’avoir atteint la conclusion de la petite histoire et rien d’autre. Cela m’ennuie. Ce n’est rien de dramatique, puisque bon nombre de ces fins fonctionnent, il s’agit juste d’une déception personnelle. Mais il y a un autre type de fins de films, plus difficile à expliquer ou encore à soutenir, où certaines questions n’ont pas de réponses, où il survient quelque chose de rude et le film se termine. Je me souviens toujours de la fin de Massacre à la tronçonneuse (Tobe Hooper, 1974), où ce grand homme masqué fait un ballet dément, atterrant, en accélérant sa tronçonneuse hyper bruyante, avec un lever de soleil orangé derrière lui. Cette fin laisse beaucoup de questions sans réponses : on ne part pas avec la fille qui a pu se sauver, la police n’arrive pas sur les lieux, on ne voit pas d’ambulances, la tronçonneuse ne vient pas à manquer d’essence… Mais c’est une fin qui fonctionne très bien avec le passage au noir ensuite. Dans le cas d’Aquarius, c’était une décision prise au montage, car on a estimé que la dernière scène représentait un saut dramatique assez important pour Clara dans l’histoire. Par ailleurs, j’aime les trois derniers plans et leur rapport aux premières images du film.

 

 Aquarius -  Sona Braga

Mon opinion

 

Une grande chance d'avoir pu voir ce film de plus de deux heures.

 

Comme pour son premier long-métrage, le metteur en scène et scénariste, Kleber Mendonça Filho, choisit Recife, sa ville natale, comme décor.

 

Son scénario parfaitement écrit et délicat est d'une belle élégance. Attendrissant, aussi, sans jamais, être larmoyant. Les nombreux thèmes brassés dans le récit, trouvent tous leur juste place, dans une réalisation impeccable. "Il m’a semblé intéressant d’avoir comme protagonistes une personne et un immeuble ayant tous les deux à peu près le même âge et se trouvant d’une certaine manière menacés." A déclaré le réalisateur.

 

La mise en scène, allie finesse et dextérité. L'ensemble est fascinant et magnifique. Les dialogues, la photographie et la bande son viennent compléter cette belle réussite.

 

Avec un grand plus, Sonia Braga dans le rôle principal. "Visage puissant de la culture brésilienne et d'une beauté inoubliable", pour reprendre les mots du réalisateur. Une femme digne interprétée par cette prodigieuse actrice. Tour à tour belliqueuse, nostalgique voire arrogante quand il s'agit de défendre sa cause, elle reste ancrée dans sa vie de femme, son époque et marque les esprits.

 

Un grand coup de cœur pour ce film.

4 octobre 2016 2 04 /10 /octobre /2016 20:58

 

Date de sortie 28 septembre 2016

 

La Danseuse


Réalisé par Stéphanie Di Giusto


Avec Soko, Gaspard Ulliel, Mélanie Thierry, Lily-Rose Depp,

François Damiens, Louis-Do de Lencquesaing, Denis Ménochet, Amanda Plummer


Genres Drame, Biopic

 

Production Française

 

Synopsis

 

Loïe Fuller (Soko) est née dans le grand ouest américain.

 

Rien ne destine cette fille de ferme à devenir la gloire des cabarets parisiens de la Belle Epoque et encore moins à danser à l’Opéra de Paris. Cachée sous des mètres de soie, les bras prolongés de longues baguettes en bois, Loïe réinvente son corps sur scène et émerveille chaque soir un peu plus.

 

Même si les efforts physiques doivent lui briser le dos, même si la puissance des éclairages doit lui brûler les yeux, elle ne cessera de perfectionner sa danse.

 

Mais sa rencontre avec Isadora Duncan (Lily-Rose Depp), jeune prodige avide de gloire, va précipiter la chute de cette icône du début du 20ème siècle.

 

La Danseuse

 

Soko

 

César 2017

- Meilleurs costumes Anaïs Romand

Entretien avec Stéphanie Di Giusto relevé dans le dossier de presse.

 

Racontez-nous la genèse du film.


Tout est parti d’une photo noir et blanc représentant une danseuse cachée dans un tourbillon de voile, en lévitation au-dessus du sol, avec une légende, au bas du cliché : "Loïe Fuller : l’icône de la Belle Epoque". J’ai voulu savoir quelle femme se cachait derrière ces métrages de tissu et son histoire m’a bouleversée. J’aimais l’idée qu’elle soit devenue célèbre en se dissimulant ; son côté précurseur. Avec sa "Danse Serpentine", Loïe Fuller a littéralement révolutionné les arts scéniques à la fin du XIXème siècle. Et pourtant, personne ou presque ne se souvient d’elle.

 

Pourquoi, soudain, avoir eu le désir de vous jeter dans l’aventure d’un premier long métrage ?


Le cinéma me passionne depuis longtemps mais il me semblait impossible d’atteindre le niveau des réalisateurs que j’admirais. Ma rencontre avec Loïe m’a, en quelque sorte, désinhibée. Le combat de cette fille de fermiers du Grand Ouest américain pour s’imposer comme artiste m’en a donné le courage.

 

Qu’est ce qui vous touchait particulièrement chez elle ?


La Danseuse - SokoElle ne possède aucun des canons de beauté en vogue à l’époque. Son physique est ingrat, elle a la robustesse et la puissance d’une fille de ferme et se sent prisonnière d’un corps qu’elle a déjà envie d’oublier. Mais d’instinct, elle s’invente un geste et va traverser le monde grâce à lui. La beauté naturelle qu’elle n’a pas, elle va la fabriquer à travers son spectacle, et, ainsi, se libérer grâce à l’art.

 

Elle va réinventer son corps sur la scène. C’est une notion qui m’importe énormément. Il y a des gens qui trouvent les mots pour communiquer, elle, elle a trouvé son geste et elle empoigne son destin. Elle a fait de son inhibition un geste, de son mal être une énergie, une explosion de vie, un défi rageur. C’est aussi l’émotion de ce combat que je voulais capter. C’est un étrange mélange de force, de volonté et de fragilité.

Dès le début du film, vous la montrez en train de déclamer des textes classiques en pleine nature, de dessiner...


C’est une artiste avant d’être une actrice. L’art est, pour elle, une manière de s’échapper. Loïe ne s’aime pas mais aime le beau autour d’elle et ne veut finalement devenir comédienne que par passion des beaux textes. Il n’y a, chez elle, aucun désir de se montrer.

 

Ironie du destin, le premier rôle qu’elle décroche est muet.


Et, à partir de là, elle choisit de se taire et d’agir. Elle ne s’exprime plus que par ce mouvement qu’elle a créé avec sa danse et qu’elle ne va plus cesser de chercher à magnifier. Elle s’envole littéralement, empoigne son destin et se laisse porter par sa foi en la beauté et sa singularité. Sa passion ne connaît plus aucun frein ; c’est comme une sorte course à la montre qui va la mener jusqu’à l’Opéra de Paris. Il est incroyable que Loïe Fuller ait réussi à y imposer ses ballets ; cela montre à quel point l’époque était ouverte à la création.

 

La danse qu’elle met au point fait appel à un nombre infini de disciplines scientifiques : mathématiques, scéniques, et même chimiques…


La Danseuse - Soko.

 

 

La confection de sa robe de scène, qui nécessite 350 mètres de soie, est déjà un énorme défi : je n’ai rien inventé en montrant la formule mathématique qui préside à sa création.

 

 

 

 

 

Dès la première représentation de sa "Danse Serpentine" aux États-Unis, dans sa pauvre robe de coton, Loïe a conscience qu’il lui faut se donner les moyens de l’alléger et de lui donner de l’ampleur, et sait aussi que les simples effets de lumière ne lui suffisent pas.


Loïe Fuller s’est nourrie de tous les ouvrages qu’elle trouvait et de tous les gens qu’elle rencontrait, Edison, Flammarion l’astronome… Elle a étudié l’éclairage, maitrise parfaitement tous les dispositifs scéniques – d’où son exigence de faire appel à 25 techniciens - et a même inventé les sels phosphorescents qu’elle appliquait sur ses costumes en montant son propre laboratoire de chimie. Elle est vraiment à la base de l’abstraction et du spectacle multimédias. Lorsqu’elle se produit aux Folies Bergères, elle est quasiment devenue une chef d’entreprise.

 

À peine a-t-elle trouvé son geste qu’elle songe déjà à le faire breveter…


C’est là où elle est également avant-gardiste : lorsqu’elle découvre que le droit d’auteur ne couvre pas ce domaine en Amérique, son premier réflexe est de se rendre en France où, pense-t-elle, on pourra reconnaître son art et on le protégera. Elle a réussi à déposer dix brevets à son nom.

 

La Danseuse - Lily-Rose Depp

 

Lily-Rose Depp

 

Paris, puis le monde entier, reconnaissent son talent mais elle est supplantée par Isadora Duncan.


Isadora Duncan incarne tout ce qu’elle ne peut pas être : la jeunesse, le génie et la grâce. C’est elle la danseuse. Il lui suffit d’apparaître quand Loïe doit s’entraîner durant des heures et user de mille artifices. Cette forme d’injustice m’intéressait : on est tous confrontés à ses limites un jour ou l’autre.

 

Comment avez-vous abordé l’écriture du film ?


Au début, j’ai travaillé comme pour un documentaire - en lisant énormément de livres sur elle et en rencontrant beaucoup de gens, dont Jody Sperling, la danseuse qui danse actuellement le mieux Loïe Fuller et dont l’aide a été déterminante. Et puis, je me suis emparée d’elle pour exprimer ce qui résonnait en moi chez elle. Je voulais être au plus près de mon héroïne ; filmer son corps, en essayant de rendre l’élan et l’énergie hors normes du mouvement qui l’animait, de sa foi ; tenter un récit différent qui passe par le geste davantage que par la parole. Cela a été un énorme travail d’épure qui m’a pris trois ans.
Chaque geste est écrit. Sarah Thibau m’a aidée à finaliser un premier jet puis, Thomas Bidegain est venu m’épauler à son tour : il a contribué à accentuer encore le côté épuré du scénario tout en lui insufflant de l’énergie.

 

Avez-vous pris des libertés avec le personnage ?


Oui. Je me sentais intimement liée au personnage, il n’était pas question d’écrire un biopic. Ma première trahison a été de lui inventer un père français. Sachant, dès le début, que je voulais Soko pour interpréter Loïe, je trouvais ridicule qu’elle ait à prendre un accent américain. J’ai donc fait du père un fortyniner, un de ces pionniers français venus au Nevada pour trouver de l’or. J’aimais aussi l’idée que Loïe doive échapper à quelque chose de violent en quittant les Etats-Unis : j’ai rendu le rapport qu’elle entretient avec sa mère beaucoup plus dur qu’il ne l’était en réalité en faisant de la mère un membre des Mothers, un mouvement anti-alcool qui est également le premier mouvement féministe américain.
Et j’ai également pris la liberté d’inventer le personnage de Louis Dorsay, qu’interprète Gaspard Ulliel. J’avais besoin d’une présence masculine dans ce film peuplé de femmes. Loïe Fuller était homosexuelle et il était important pour moi de ne pas en faire le sujet du film. Louis Dorsay me touche beaucoup : c’est l’homme sacrifié du film.

 

La Danseuse - Gaspard Ulliel

 

Gaspard Ulliel

 

Et c’est aussi un personnage très ambigu …


On pense qu’il va lui faire du mal alors qu’il ne lui fait que du bien. C’est un amateur d’art : il est tout de suite fasciné par l’artiste qu’il découvre sur scène. Loïe et lui partagent la même quête de spiritualité et entretiennent une relation qui n’est ni de l’amitié, ni de l’amour. Il n’y a pas de sexualité entre eux ; et pourtant leurs rapports sont d’une très grande sensualité. J’ai beaucoup aimé flirter avec l’idée, tabou au cinéma, de l’impuissance masculine ; une impuissance que j’avais envie de rendre sexy.

Toute la beauté du geste de Loïe passe par son regard et par celui de Gabrielle, qu’interprète Mélanie Thierry.


Sans eux, Loïe n’existe pas parce qu’on n’a pas le temps de s’appesantir sur elle. Je voulais qu’elle avance tout le temps.

 

Aucune des performances de Loïe Fuller n’a jamais été filmée… Comment avez-vous réussi à recréer son spectacle ?


C’était le défi, très excitant, du film. Malgré son insistance, Loïe Fuller a toujours refusé à Thomas Edison, qui était pourtant son ami, d’immortaliser sa danse sur de la pellicule. "Il est hors de question qu’on m’enferme dans une boite", lui disait-elle. Et les images qui circulent sur Youtube ne sont que de pales captations d’imitatrices. Jody Sperling, que je citais plus haut, m’a beaucoup aidée pour la chorégraphie. Faute de moyens, elle n’a jamais pu reconstituer exactement les performances de Loïe Fuller sur une scène et était très émue qu’un film le fasse, en utilisant scrupuleusement les mêmes accessoires et le même nombre de techniciens.

 

La Danseuse - SokoMais, tout en tenant à respecter l’époque, le chef décorateur Carlos Conti et moi savions qu’il nous faudrait utiliser les facilités d’aujourd’hui, et avons trouvé les artistes avec lesquels elle aurait sans doute travaillé si elle était encore vivante - dont Alexandre Le Brun, un véritable artiste des lumières qui m’avait bluffée lors des derniers défilés Saint Laurent.

 

 

À partir de là, nous avons scrupuleusement suivi la méthode de travail de Loïe Fuller. Cela représente beaucoup de temps passé en répétitions. Et un entraînement physique intensif de la part de Soko.

 

Comment s’est-elle entraînée ?


Je voulais qu’elle ait des muscles et un corps robuste. Soko a travaillé 6 heures par jour durant 1 mois avec Jody Sperling. Le plus difficile pour elle était de tenir en équilibre et de danser à 2, 50 mètres du sol, tout cela dans le noir. Soko est quelqu’un qui se donne à 100% : elle a un formidable appétit d’apprendre et s’est totalement investie dans cette préparation. Au bout des 4 semaines, elle était prête. Le challenge, ensuite, consistait à lui faire oublier la danse que lui avait apprise Jody Sperling. Elle devait pouvoir en donner sa propre interprétation. C’était impensable pour moi d’utiliser une doublure, il fallait aller jusqu’au bout.

 

Dans le film, on comprend que chaque spectacle est une véritable gageure physique…


Il fait appel à un énorme travail de coordination des gestes dans l’apesanteur. Ce ne sont pas seulement les bras qui travaillent, c’est tout le corps. Du reste, Loïe Fuller s’écroulait presque à chaque fin de spectacle, comme dans cette scène, aux Folies Bergères, où on voit l’héroïne partir sur un brancard. Loïe ne dansait que tous les trois jours : elle avait besoin de récupérer entre chaque prestation.

 

Plus elle danse et plus elle se consume : en plus de l’effort physique, ses yeux sont agressés par la violence des projecteurs ; elle doit constamment remuscler ses bras en s’entraînant sur une machine…


Chaque fois que Loïe rentre sur scène, c’est comme si elle livrait un combat. Je me suis beaucoup inspirée de la boxe en la filmant. Je n’ai pas filmé une danseuse, j’ai filmé une boxeuse. Même la manière dont elle s’écroule sur son siège à la fin d’une représentation vient de la boxe.

 

Cela rend le parallèle avec Isadora Duncan d’autant plus cruel…


Isadora est douée et préfère aller boire des cocktails avec les journalistes plutôt que de travailler des heures à la barre. Sa conception de la danse est radicalement opposée à celle de Loïe Fuller : ne pas s’entraîner, rêver, respirer, regarder des images sur la Grèce pour s’inspirer.

 

La Danseuse - Lily Rose-Depp .

 

Lorsque Loïe la rencontre et en tombe amoureuse, elle tombe d’abord amoureuse d’une projection d’elle même, de ce qu’elle aurait aimé être et surtout de ce qu’elle ne pourra jamais être.

On sent une forme d’autodestruction et de désamour chez elle…


Oui. Elle ne se regarde pas, ne s’aime pas, donc, elle ne se ménage pas. En ce sens, La Danseuse est aussi un film sur l’estime de soi. Le clivage entre l’icône de la féminité qu’elle représente en dansant et la fille banale qu’elle redevient dans la vie et qu’elle déteste me passionnait. Loïe Fuller se rend parfaitement compte que, sans son costume, elle n’est plus rien, et elle ne veut surtout pas briser le rêve qu’elle apporte au public comme aux critiques. Elle a peur de décevoir et elle a raison : Mallarmé, qui a écrit des choses sublimes sur son compte, a été très déçu lorsqu’il l’a rencontrée.

Et puis, la notoriété ne l’intéresse pas. Elle n’est finalement heureuse qu’entourée des gens avec lesquels elle travaille ou lorsqu’elle fait des bras de fer avec ses techniciens.

 

Dans le film, elle n’ose affronter les spectateurs qu’une seule fois, à l’Opéra, alors qu’ils l’ont pourtant vue tomber…


À ce moment-là, elle a accompli une partie du chemin. Grâce à Louis Dorsay, qui l’a amenée à devenir une femme, et grâce à Isadora Duncan, qui la provoque en lui envoyant ce télégramme et la pousse à braver la scène de l’opéra seule, elle s’aime peut-être enfin. Isadora est quand même celle qui va la déshabiller et lui faire assumer sa féminité.

 

On a du mal, aujourd’hui, à mesurer sa renommée.


Loïe Fuller était l’une des danseuses les mieux payées au monde. Mais, bien qu’elle soit parvenue à réunir autour d’elle intellectuels et public populaire, beaucoup d’universitaires ne la considèrent pas comme une danseuse parce qu’elle n’a pas transmis son savoir. Connaissant le côté inhumain et quasi destructeur de sa danse, elle a appris à exprimer autre chose aux jeunes filles auxquelles elle enseignait. J’ai eu l’occasion de voir un film qu’elle a réalisé où l’on voit ses danseuses : on est en 1900, elles sont à moitié nues et d’une liberté inouïe qui faisait d’ailleurs scandale. Mais c’est précisément la liberté que Loïe Fuller voulait leur enseigner. Dernière facétie de la vie : elle est enterrée au Père Lachaise à 100 mètres d’Isadora Duncan. Sa tombe est enfouie dans la végétation quand celle d’Isadora est magnifiquement entretenue. L’injustice perdure.

 

Il y a des scènes très picturales dans le film : la mort du père avec le sang qui s’écoule de la baignoire, la séance photo, où Loïe fait l’amour la première fois avec une armure...


Pour chaque scène, j’ai essayé de trouver une idée qui exprime un geste. Et, chaque fois, je me posais la question : l’a-t-on déjà vue ? Benoît Debie, le chef opérateur, a beaucoup contribué à donner son caractère pictural au film. Il est le seul à avoir cette approche. Je savais, pour avoir vu son travail sur Love, de Gaspard Noé, que c’était lui qu’il me fallait. Chance formidable, il a adoré le scénario et a accepté de s’engager sur le film. Je suis comme Loïe Fuller avec ses 25 techniciens : sans lui, sans Alain Attal, mon producteur, sans Anaïs Romand, la chef costumière, sans Carlos Conti, le chef décorateur et sans tous les gens qui m’ont entourée, La Danseuse n’existerait pas.

Parlez-nous de la préparation.


Dès l’écriture, j’ai fait parallèlement un travail de repérage : j’avais besoin de trouver mes décors pour faire vivre mes personnages : cette ruine, dans le parc, pour le dîner d’anniversaire de Gabrielle, la rotonde du château, dans laquelle elle danse… l’église, où vivent les Mothers, dénichée dans le IXème, le théâtre où elle se produit, jusqu’aux scènes dans le Far West, qui ont été tournées dans le Vercors. Dans le scénario, il y avait des détails qui prenaient en compte les lieux que j’avais déjà choisis, j’avais besoin de ça pour y croire.


Avez-vous vraiment tourné la dernière danse,

La Danse des Miroirs à l’Opéra de Paris ?


Oui. Je n’avais qu’une nuit de 2 heures à 8 heures du matin. Mais c’était déjà extraordinaire.


Bien qu’elle ait déjà tourné dans quelques films, Lily-Rose Depp, qui interprète Isadora Duncan, tient son premier grand rôle dans La Danseuse.


Je ne la connaissais pas et suis allée aux Etats-Unis pour la rencontrer et lui faire passer des essais. Dès la première scène, j’ai compris que j’avais affaire à une star. Elle m’a bluffée. Lily-Rose, qui n’a que 16 ans, n’a peur de rien, et est incroyablement à l’aise dans son corps. Alors que Soko a dû s’entrainer durant des semaines, elle, a tout de suite collé au personnage. Toujours cette histoire d’injustice…


Comment dirige-t-on des acteurs aussi chevronnés que Soko, Mélanie Thierry,

Gaspard Ulliel ou François Damiens, qui joue Marchand, le directeur des Folies Bergère ?


J’étais comme Loïe Fuller : j’avais une mission. Ce n’était pas Soko ou Gaspard Ulliel que je voyais franchir une porte, c’était Loïe Fuller et Louis Dorsay. J’étais tellement imprégnée par mon sujet, je ne parlais pas aux acteurs mais aux personnages. Ils étaient tous différents : Soko, généreuse et très investie, elle a une énergie qu’il fallait canaliser ; Gaspard, un maître de précision ; Mélanie, douée et instinctive... C’était dur pour Mélanie Thierry de jouer cette femme de l’ombre. Face à l’énergie débordante de Loïe, il me fallait quelqu’un d’aussi puissant mais tout en retenue. Le silence, c’est ce qu’il y a de plus compliqué à jouer. C’est une performance différente de celle de Soko, mais tout autant difficile. Ils m’ont tous beaucoup impressionnée.

 

La Danseuse -  Mélanie Thierry et Soko

 

Soko et Mélanie Thierry

 

Je faisais peu de prises et les comédiens s’en sont parfois inquiétés. Tout en respectant l’époque, ma manière de filmer devait coller au rythme et à la liberté de mon héroïne ; à sa modernité. J’aime filmer les corps en mouvement ; c’est un parti pris que j’ai encore accentué au montage. J’ai cette étrange impression que tous étaient venus pour défendre mon film coûte que coûte, autant que moi. Ils ont tous pris des risques, ça reste un premier film, c’est l’inconnu pour eux. Leur investissement m’a beaucoup touchée.


Un mot sur la musique…


L’interprétation très contemporaine de Vivaldi par Max Richter s’est tout de suite imposée à moi pour les chorégraphies. Loïe Fuller n’était pas très mélomane et dansait à peu près sur n’importe quoi. Pour coexister avec Vivaldi, j’ai choisi le travail de Warren Ellis et Nick Cave que je trouve très émouvant.

 

On ne peut pas s’empêcher d’établir un lien entre le combat que mène Loïe Fuller à chaque représentation et celui qu’un metteur en scène doit livrer pour tourner son premier film…


Tous les metteurs en scène sont des Loïe Fuller. C’est aussi, dans un sens, un film sur la naissance du cinéma, à travers le mouvement et la mise en scène. Loïe Fuller incarne cet art à la fois élitiste et populaire. Elle voit grand et beau. Tous les arts sont une façon de rester libre. Mon film parle de cette liberté essentielle.

Mon opinion

 

Réalisatrice et scénariste, Stéphanie Di Giusto, déclare au sujet de Loïe Fuller : "C’est une artiste avant d’être une actrice. L’art est, pour elle, une manière de s’échapper. Loïe ne s’aime pas mais aime le beau autour d’elle et ne veut finalement devenir comédienne que par passion des beaux textes. Il n’y a, chez elle, aucun désir de se montrer."

 

Loïe Fuller, une femme hors du commun, qui ira jusqu'au bout de ses limites physiques, pour imposer son art.

 

Dans le film, la photographie, la recherche pour une reconstitution parfaite de l'époque et le raffinement des costumes constituent une belle réussite. Tout est beau. Presque étouffant.

 

La réalisation se perd dans ce côté visuel trop esthétisant. Le scénario ne trouve pas toujours la juste voie et reste dans le flou quand il est question des sentiments.

 

Le personnage de Louis Dorsay, tenu avec élégance par Gaspard Ulliel, n'apporte rien. D'autres, en revanche, sont particulièrement bien étudiés comme celui de Gabrielle qui veille avec attention, discrétion et dévotion sur celle qui brillera sous les feux de la rampe. Dans cette femme de l'ombre, Mélanie Thierry est parfaite de justesse et de retenue.

 

Dans le rôle principal, Soko est non seulement attachante, mais également remarquable de bout en bout.

30 septembre 2016 5 30 /09 /septembre /2016 18:35

 

Date de sortie 21 septembre 2016

 

Brooklyn Village (Little Men)


Réalisé par Ira Sachs


Avec Theo Taplitz, Michael Barbieri, Greg Kinnear,

Paulina García, Jennifer Ehle, Alfred Molina, Talia Balsam, Clare Foley

 

Genre Drame

 

Totre original Little Men


Production Américaine

 

Au 42ème Festival du Film Américain de Deauville, (2 au 11 septembre 2016)

- Brooklyn Village remporte le Grand Prix

 

"Je me sens très bien ici, c'est familier", explique Ira Sachs. Et pour cause : avec Brooklyn Village, il signe sa quatrième venue sur les planches depuis 2005. Deux ans après la présentation de Love is Strange en Compétition, le revoici donc dans la même section. "Et j'ai grandi donc je peux repenser aux changements dans ma vie depuis chacune des mes venues ici", précise-t-il.

 

De changement, il en est justement question dès le début de Brooklyn Village, qui s'ouvre avec un enterrement là où Love is Strange commençait avec mariage : coïncidence ? Continuation ? "Mes films commencent à chaque fois dans un large espace, pour inviter le public dans un monde", nous dit-il. "Ces cérémonies, qu'il s'agisse d'un mariage, d'un enterrement ou d'une fête, servent d'introduction au sein d'une communauté. Forty Shades of Blue, qui était à Deauville en 2005, commençait d'ailleurs avec une grosse fête. Je débute généralement de façon large pour davantage resserrer le point de vue au fil du récit, afin que vous fassiez intimement connaissance avec les personnages."

 

Plus d'infomations, cliquez ici.

 

Brooklyn Village (Littke men)

 

Synopsis

 

Une famille de Manhattan hérite d'une maison à Brooklyn, dont le rez-de-chaussée est occupé par la boutique de Leonor (Paulina García), une couturière latino-américaine.

Les relations sont d'abord très cordiales, notamment grâce à l'insouciante amitié qui se noue entre Tony Calvelli (Michael Barbieri) et  Jake Jardine (Theo Taplitz) , les enfants des deux foyers.

Mais le loyer de la boutique s'avère bien inférieur aux besoins des nouveaux arrivants. Les discussions d’adultes vont bientôt perturber la complicité entre voisins.

 

Ira Sachs voit la genèse de ce projet comme à mettre en parallèle avec le fait qu'il s'intéresse, tout comme son co-scénariste Mauricio Zacharias, aux questions de générations.

 

Le cinéaste est lui-même père de deux enfants de quatre ans. Il explique :


"Je réfléchis beaucoup à notre relation, à ce qu’ils sont, à ce que ça signifie d’être père. Je voulais faire un film sur l’enfance, mais depuis la perspective d’un adulte. En tant que dramaturge, je crois en ces petits moments qui peuvent tout changer. Les décisions ordinaires et les défis occasionnels qu’apporte la vie peuvent avoir des échos très forts non seulement pour nous, mais également pour ceux que l’on aime. Les parents se retrouvent parfois dans des circonstances où il est difficile de rester fidèle aux valeurs que l’on souhaite inculquer à ses enfants. C’est dans cette banalité du quotidien que l’on est véritablement testé. On a tous nos croyances et nos principes, et puis la réalité s’en mêle. Comment prend-on des décisions dans ces situations ?"

 

Après Love is Strange et Keep the Lights On, le metteur en scène Ira Sachs collabore pour la troisième fois avec le scénariste Mauricio Zacharias. Comme ils en ont l'habitude, avec Brooklyn Village les deux hommes ont commencé par regarder des films pour trouver de l'inspiration dans leur processus d'écriture : Et pourtant nous sommes nés réalisé en 1932 et Bonjour, son remake, en 1959. Deux longs métrages de Yasujirô Ozu

 

Le comédien Greg Kinnear se confie sur son personnage

"Brian vient de perdre son père en lui laissant une situation délicate, et il essaye tant bien que mal d’être un bon père, un exemple pour son fils. Ça peut arriver à tout un chacun : essayer de faire les choses pour le mieux, et se retrouver confronter à ses propres principes de vie. Ira a ce talent unique de faire résonner ces histoires banales en chacun d’entre nous."

 

Sources www.allocine.fr

 

Brooklyn Village - Greg Kinnear & Theo Taplitz

 

Greg Kinnear et Theo Taplitz

Interview du réalisateur par Loris Dru Lumbroso relevéé sur cinephilia.fr

 

Il y a dans Brooklyn Village, l’idée est déjà présente dans Love is Strange, une certaine crainte de la perte d’identité de New-York avec ces augmentations de loyers et la disparition lente mais certaine de tout à un tas de petits boutiques qui faisaient le charme de la ville. Est-ce que vous avez peur de la gentrification ?

 

C’est assez ironique car quand j’ai écrit le scénario j’étais au courant de cette gentrification mais je n’en avait pas peur. Ce n’est que maintenant, après avoir terminé le film, que je prends pleinement conscience de la disparition de choses que j’aime et cela provoque chez moi une certaine colère mais surtout de la tristesse. Dans tous les cas je considère que la vie, les villes et même le cinéma sont traversés par le changement. C’est l’objectif de mon travail que d’être attentif à ce changement et de raconter des histoires autour de ces gens, de ces quartiers. C’est un changement naturel mais je crois que d’une certaine façon on peut conserver ce mode de vie.

 

Vous êtes un grand fan de John Cassavettes et ça se voit d’ailleurs dans vos thèmes communs et la manière dont vous analysez les relations familiales, amicales, entre collègues etc… Or votre mise en scène est à l’exact opposée de son style.

 

Quand j’étais plus jeune je n’ai pas fait d’école de cinéma, j’ai appris à être un réalisateur en lisant des livres, en voyant des films et en vivant tout simplement. Je pense que Cassavettes m’a donné la permission de rechercher une intimité dans mes films. Son travail m’a certainement sur-influencé par le passé puis j’ai découvert le trépied dans les films de Ken Loach. Le trépied est devenu très important car je pense qu’en tant que personne je suis très différent de Cassavettes, plus observateur, moins théâtral donc j’essaie de trouver le moyen de coller au plus près de ma relation au monde.

Je ne regarde plus de Cassavettes pour savoir comment tourner un film, je me tourne plutôt systématiquement depuis vingt ans vers Pialat car a chez lui une grande rigueur visuelle mais toujours sans limites. Pialat est en quelques sortes le Cassavettes français en terme d’influence dans le cinéma de la deuxième moitié du XXème siècle.

 

Toujours sur vos influences, on sait à quel point Yasujiro Ozu et Douglas Sirk sont importants pour vous. Cela semble complètement logique tant vous semblez partager avec Ozu une grande tendresse pour vos personnages et avec Sirk une certaine manière de montrer la société et ses préjugés.

 

Tout à fait, le cinéma de Sirk est axé sur la différence et celui d’Ozu sur le foyer notamment la fragilité des liens familiaux dans ce foyer. C’est la fragilité qui m’inspire le plus chez ces deux cinéastes, ils comprennent la fragilité humaine.

 

Comment parvenez-vous à garder cet équilibre entre les problèmes financiers des adultes et l’innocence des enfants pour montrer l’influence d’un monde sur l’autre ? Cela vient directement du scénario ou plutôt d’impressions sur le tournage et au montage ?

 

Cela commence avec le scénario et je pense qu’il suit l’histoire. Donc dans un sens, en étant attentif à l’histoire on peut se permettre des digressions tout en restant fidèle à une simple construction en trois actes et cela me permet une certaine rigueur vis à vis de mon matériau et de ne pas pointer les choses. Je ne sais pas si c’est réussi mais dès que j’ai conscience de pointer quelque chose dans mon scénario, j’essaie de le masquer cela ou de le rendre plus évocateur.

C’est deux éléments fonctionnent en tandem et la juxtaposition se fait par le montage et comment on passe d’une scène à une autre, le mouvement entre les scènes est ce qui rend le film vivant. 90% du film est déjà écrit et les 10% restants sont des scènes très précises où il me semble que l’improvisation est plus à même d’approcher ce que je cherche car ces scènes tiennent plus d’une vision du monde que d’un ressort scénaristique. Par exemple pour les cours de théâtre, il n’est pas important de savoir ce qu’ils disent mais plutôt de comprendre le talent de ce garçon. Pour bâtir ce monde avec autant d’authenticité que possible tous les enfants viennent d’une classe d’improvisation de Brooklyn et j’y intègre mes acteurs pour qu’on sente qu’ils font parti de quelque chose.

 

Brooklyn Village (Little men)

Les deux garçons du film (Théo Taplitz et Micharl Barbieri) sont d’ailleurs excellents, ça demande une grande attention de diriger des enfants ?

 

Je les ai dirigés comme n’importe quel autre comédien. Je ne sais pas si ils avaient besoin de quelque chose de différent mais comme tout acteur ils ont besoin de comprendre ce dont le réalisateur a besoin. Chaque acteur a des besoins particuliers, pour ces deux garçons c’était une forme d’intelligence, d’acuité émotionnelle et ça a son importance dans leur interprétation mais ce sont des acteurs nés. Ils ont compris ce qu’ils avaient besoin de comprendre et surtout ils me faisaient confiance. Je ne fais que très peu répéter mes acteurs donc l’essentiel est de connaître ses répliques et d’être présent physiquement et émotionnellement pour être réceptif et authentique dans leur écoute et leurs réponses car ce sont les deux piliers du jeu d’acteur. Si cette réciprocité entre l’écoute et la réponse est honnête elle mène justement à l’intimité recherchée. Le fait de tourner un film est en soi une répétition puisqu’on réalise plusieurs prises mais je préfère que l’acteur prenne aussi peu de décision que possible jusqu’au moment où nous tournons.

 

On en appelle à Ira Sachs le cinéphile, quels sont vos films préférés sur l’enfance ?

 

Mon film préféré sur l’enfance est un des mes fils préférés tout court, il s’agit de Mes Petites Amoureuses (Sachs donne le titre en français) de Jean Eustache en 1974, c’est un film merveilleux tout comme La Maman et la Putain. Il fait ce film sur des enfants dans une petite ville, il me semble, du sud de la France et tout dedans tient du chef d’oeuvre à commencer par la photographie de Nestor Almendros.

Il y a aussi Kes  de Ken Loach -un film qui me parle beaucoup-, L’Enfance Nue (en français dans le texte) qui est le premier film de Pialat. Je pense aussi à The World of Henry Orient (Deux filles, un séducteur en VF) sur deux filles à New-York qui deviennent meilleures amies lors d’un été et toutes deux tombent amoureuses de Peter Sellers. J’ai aussi vu avec mes enfants récemment Meet me at Saint-Louis (Le Chant du Missouri) de Vincent Minelli, un film incroyablement profond sur la famille et les enfants.

 

Que pensez-vous du cinéma indépendant américain actuel ? Il me semble qu’il était plus facile à vos débuts de trouver un producteur et un distributeur décent pour un premier film, est-ce juste un problème économique ?

 

Je pense qu’aujourd’hui il est très difficile de construire une carrière viable et durable. Tout comme la boutique de Brooklyn Village ça ne fonctionne pas sur le plan économique, on trouve beaucoup de réalisateurs qui parviennent à faire un ou deux films mais c’est très rare de pouvoir continuer à créer sur le long terme. Ceux qui sont restés complètement indépendants et qui continuent de créer je peux les compter sur mes dix doigts mais c’est comme ça…

Il y a sept mille problèmes économiques mais les cultures changent et les studios sont dirigés par des assemblées de directeurs qui ne s’intéressent qu’aux bénéfices. Nous sommes dans un système capitaliste et dans un monde de plus en plus mondialisé où la place de l’art est en péril.

Je ne sais pas exactement d’où viennent ces problèmes, personnellement je suis à la tête d’une association, Queer Art, qui supporte les initiatives d’artistes homosexuels à New-York et s’assure de la réussite de leurs projets afin qu’ils puissent en vivre. Je l’ai créée en opposition à ce système économique qui n’aide pas ces oeuvres, ce n’est pas un substitut à ce système mais une alternative.

 

Décrivez-nous plus en détails votre investissement au sein de Queer Art.

 

Je fais Queer Art Film depuis sept ans, cela se passe dans un cinéma à New-York ou j’invite un artiste, peu importe que ce soit un cinéaste, un poète, un peintre, un musicien qui doit choisir un film important pour lui en tant que personne queer et en tant que personne créative. Donc on projette le film et on en discute après mais on revient toujours sur la créativité de la personne qui l’a choisi.

Il y a clairement un problème de représentativité dans le cinéma américain. Récemment j’ai assisté à la projection du dernier film de Téchiné, Quand on a 17 ans, au Festival de Berlin et j’étais impressionné de voir qu’un film sur deux jeunes garçons homosexuels pouvait remplir une salle de 900 personnes un mardi à 9 heures du matin. Alors que dans ma culture ce film n’aurait jamais pu être fait, ni par Téchiné, ni à cette échelle et personne ne l’aurait vu. On en revient encore à l’économie, les voix homosexuelles de ma génération n’ont pas pu poursuivre leur carrière dont ils ont arrêté de faire des films donc ils se sont tournés vers la télévision ou sont revenus à la représentation des films des années 1950 où l’homosexualité est présente comme une métaphore et non dans le texte.

 

Pouvez nous en dire un peu plus sur ce que représente New-York pour vous car vous avez une manière bien particulière de représenter la ville toujours très arty, un milieu intellectuel avec un voisinage sympa etc…

 

C’est tout simplement l’endroit où je vis et que je connais le mieux. Si j’habitais à Paris ou Honolulu j’aurais probablement d’autres histoires à raconter. Je connais la culture de New-York presque comme un anthropologue, pas forcément de toute la ville mais au moins je connais mon New-York. C’est toujours un lieu où les gens emménagent pour mener une vie créative, c’est comme une communauté à laquelle je me sens très lié, c’est ici que j’élève mes enfants, que j’ai rencontré mon mari. La ville me semble toujours merveilleusement vivante même si il y a des pertes tout comme le garçon de Brooklyn Village expérimente la perte d’une amitié et c’est ce que nous comprenons le mieux en tant qu’adultes.

 

Question rituelle pour terminer : plutôt Godard ou Truffaut ?

 

Je m’en remet plus à Godard car j’ai bien plus à apprendre de lui mais je préfère Truffaut dont je me sens plus proche. Mon Truffaut préféré est La Peau Douce (en français dans le texte) qui me touche énormément et mon Godard favori est Masculin/Féminin. Deux films que j’ai vu quand j’étais jeune à Paris en 1986, à la même époque j’ai découvert Murder of a Chinese Bookie (Le Meurtre d’un Bookmaker Chinois de John Cassavettes ndlr) et je suis imbibé de ces films, ils font parti de mon ADN. C’est en parti parce qu’il s’agit de films fabuleux mais aussi car j’étais très réceptif à cette époque.

J’ai vu 197 films en trois mois à Paris où je vivais chez une mère et son fils, avenue Mozart, et comme je n’avais pas d’école ni d’amis ici donc j’allais au cinéma plusieurs fois par jours suivant un planning précis. J’ai découvert à cette époque la quasi-intégralité de l’oeuvre de Vincente Minelli, six Cassavettes, Police de Pialat auquel je n’ai rien compris à cause de la langue et Sans toit ni loi d’Agnès Varda qu’on a projetté récemment pour ma série Queer Art Film et qui est encore meilleur que dans mes souvenirs, un vrai chef-d’oeuvre. Je pense que j’étais très seul et les films m’ont donné quelque chose à faire, un endroit studieux puisque c’était comme y faire mes études mais sans professeur et d’être récompensé en voyant des films de Minelli.

Je conçois toujours mes personnages à la fois en isolation, en couple et dans un groupe et le drame vient de comment on navigue entre ces trois parties de nous-même. J’essaie d’esquisser un cercle entre le personnage dans son monde, dans une relation intime et seul. Or la solitude est très importante surtout au début du film c’est à ce moment que le public y a le plus accès donc le personnage est seul mais accompagné par le public.

Personnellement je demande toujours aux artistes que j’interview pour Queer Art Film si ils ont, ce jour-là, fait face à obstacle ou une avancée signifiante dans leur travail. Qu’avez-vous fait de créatif aujourd’hui ?

 

Brooklyn Village

Mon opinion

 

"Le cinéma de Sirk est axé sur la différence et celui d’Ozu sur le foyer notamment la fragilité des liens familiaux dans ce foyer. C’est la fragilité qui m’inspire le plus chez ces deux cinéastes, ils comprennent la fragilité humaine." A déclaré le réalisateur. Deux grandes références qui ne trouvent que très peu d'écho dans son dernier long-métrage.

 

Le scénario est faiblard, il en va de même pour les dialogues. Quand ceux-ci auraient pu virer dans la cruauté et la rancœur, Ira Sachs choisit la sagesse. L'ensemble manque cruellement de vigueur. Dommage. L'intérêt financier et les relations humaines ont rarement fait bon ménage. Ces deux rapports plus fouillés auraient permis d'apporter plus d'intérêt.

 

Je retiens quelques jolis et rares passages, bien photographiés, quand deux gamins en roller dévalent les rues de Brooklyn.

 

Venant d'un cinéaste, ambassadeur du cinéma indépendant américain, je suis assez déçu.

 

La formidable Pauline Garcia qui explosait dans Gloria, le film Sebastian Lelio, ne trouve ici que très peu de moyens pour exister vraiment. Les deux grands vainqueurs sons les deux jeunes acteurs, Theo Taplitz et Michael Barbieri.

28 septembre 2016 3 28 /09 /septembre /2016 21:41

 

Date de sortie 14 septembre 2016

 

Clash


Réalisé par Mohamed Diab


Avec Nelly Karim, Hani Adel, Tarek Abdel Aziz,

Ahmed Malek, Husni Sheta, Ahmed Dash, Aly Eltayeb, Amr El Kady


Genre Drame

 

Titre original Eshtebak


Productions Français, Égyptienne

 

 

Synopsis

 

Le Caire, été 2013, deux ans après la révolution égyptienne.

 

Au lendemain de la destitution du président islamiste Morsi, un jour de violentes émeutes, des dizaines de manifestants aux convictions politiques et religieuses divergentes sont embarqués dans un fourgon de police. Sauront-ils surmonter leurs différences pour s'en sortir ?

Quelques dates :

 

2011 - La Révolution égyptienne met fin à 30 ans de présidence.


2012 - Le nouveau président élu est un membre du Parti islamiste, les Frères musulmans.

 

2013 - Des millions d’Egyptiens se révoltent contre le nouveau président lors des plus grandes manifestations de l’histoire de l’Egypte.


Les jours qui suivent sont le théâtre de sanglants affrontements entre les Frères musulmans et les partisans de l’armée dans toute l’Egypte.

 

Ce film se passe un jour, durant ces semaines.

 

Clash

Mohamed Diab est un scénariste et réalisateur égyptien aux multiples récompenses.


Son travail met souvent le doigt sur les problèmes de la société égyptienne. Il est connu pour son premier film Les Femmes du bus 678, sorti en Egypte un mois avant la Révolution et qui raconte le combat de trois femmes au Caire contre le machisme et le harcèlement sexuel.


Mohamed Diab a écrit le scénario du blockbuster égyptien El Gezira , considéré comme le plus gros succès du box-office de tous les temps en Egypte et dans le monde arabe. Le film raconte la tyrannie de caïds de la drogue dans une île de la Haute Egypte. El Gezira a représenté l’Egypte aux Oscars en 2007.


Dans son pays, Mohamed Diab est aussi connu pour son implication et ses activités lors de la Révolution égyptienne de 2011 pour laquelle il a été récompensé d’un "Webby Award". Son rôle dans la Révolution a été chroniquée dans le best-seller Rising From Tahrir.


Après la Révolution, Mohamed Diab a souhaité faire un film à ce sujet. Pendant 4 ans, il a développé Clash (Eshtebak), son deuxième film qui devait initialement être un film sur l’essor de la Révolution mais qui a finalement été un film qui en capte l’échec.

 

Clash a été sélectionné en Ouverture de la section Un Certain Regard au Festival de Cannes 2016.

 

Entretien avec le réalisateur relevé dans le dossier de presse.

Comment est née l'ifée de Clash ?


Les Femmes du bus 678 est sorti en Egypte quelques semaines avant la révolution de 2011. J’ai participé au mouvement et j’ai très vite eu envie de lui consacrer un film. Mais pendant ces cinq dernières années, les choses ont évolué si vite qu’elles rendaient chaque idée obsolète avant même qu’on ait commencé à écrire. C’est après les événements de 2013 que mon frère Khaled et moi avons évoqué l’idée de Clash. Nous nous sommes mis au travail en nous renvoyant la balle, avec la certitude que c’était la meilleure histoire pour parler de l’Egypte de 2013 et de celle d’aujourd’hui. Les forces en présence, et en conflit, étaient les mêmes : les révolutionnaires, les Frères musulmans, et l’armée. Ironiquement, le seul sujet qu’on a pu trouver sur la révolution, c’est son échec.

 

Quel a été votre rôle en 2011 pendant la révoltion ?


J’ai utilisé ma notoriété alors toute récente. Les Femmes du bus 678 venait de sortir, on m’avait vu à la télévision, les gens me reconnaissaient. Aujourd’hui en Egypte, on me connaît plus comme activiste que comme cinéaste ! Je n’ai pas été un des idéologues du mouvement, plutôt un de ses promoteurs. J’ai mis de côté mon métier de cinéaste pour me battre, aux côtés du peuple égyptien, pour la démocratie. J’ai senti que c’était mon devoir. J’ai toujours pensé que je reprendrais le cinéma quand les choses seraient stabilisées, et, comme beaucoup, j’ai cru qu’elles l’étaient au moment de l’élection présidentielle de 2012. Mais, hélas, tout a changé depuis.

 

Où étiez-vous au moment où se déroule le film, quelques semaines après le départ du président Mohamed Morsi ?


Au Caire. Et comme chaque Egyptien, j’ai été embarqué dans ce qui s’est passé. Tous ces événements ont eu lieu dans la rue, on y était tous confrontés, voire mêlés dès qu’on traversait la ville pour aller travailler. À l’époque, j’ai manifesté contre Morsi. Bien sûr, il a été élu démocratiquement, mais on aurait eu besoin d’un Mandela, quelqu’un qui soit au-dessus de la mêlée, qui réconcilie les Egyptiens entre eux. Mais dès la fin du premier tour, on a su que ce ne serait pas le cas : les deux candidats du second tour, étaient un pro-islamiste, Mohamed Morsi, et un ancien du régime Moubarak. On était coincé entre deux maux. Ce soir-là, j’ai littéralement pleuré. Après une année sous la présidence de Morsi, une année où il a divisé le pays, a eu lieu la plus grosse manifestation jamais organisée en Egypte, à laquelle j’ai participé, demandant sa démission et une nouvelle élection. Mais ni lui ni les Frères musulmans n’ont bougé. Peut-être était-ce trop tard… De toute manière, il a finalement été renversé par l’armée.


Clash montre ce qui s’est passé après sa destitution, les manifestations qui ont embrasé Le Caire, et les victimes qu’elles ont faites. Mais il faut être très prudent avec les mots, car l’Egypte est aujourd’hui divisée de façon manichéenne. Par exemple, si vous employez le terme de "coup d’Etat" pour décrire la destitution de Morsi, vous serez immédiatement considéré comme un pro-Frères musulmans. De même, si vous vous y référez en termes de "Révolution", ce mot vous propulsera dans le camp des militaires. Je voudrais que l’on voie mon film sans se demander sans cesse dans quel camp je suis. Ce n’est pas un film sur la politique, c’est un film sur l’humain.

Les scènes d'action sont impressionnantes ...


La première a été faite en deux jours, avec 500 figurants, en studio. C’était l’enfer, notamment parce qu’en Egypte on n’a pas de culture de la cascade. Le coordinateur des effets spéciaux me disait : "ça fait vrai, parce que c’est vrai". Les figurants se battaient vraiment entre eux, certains ont été blessés. La scène du pont a été tournée dans la ville : c’est un grand échangeur, l’une des autoroutes les plus encombrées du Caire.

 

Clash.

Le tournage a créé une immense pagaille, parce que les gens pensaient qu’il s’agissait d’une nouvelle manifestation et rebroussaient chemin. Aujourd’hui, dans les rues, dès que les gens voient un rassemblement, ils pensent que c’est une manif et ils ont peur !

 

 

On a tourné douze heures d’affilée, avec une équipe passionnée. Je suppose qu’on a été infiltré par les deux camps, Frères musulmans et police, chaque camp pensant que l’autre nous soutenait. Faire ce film dans une contrainte de temps extrême m’a permis de développer un talent peu ordinaire qui consistait à donner des ordres au micro, au moment pile où les personnages n’avaient pas de dialogues !


Il y a une forte élotion dans le plan du "sniper" qu'on finit par tuer : le sentiment d'un gâchis humain...


Le film cherche à éviter les réponses faciles. Cette scène débute dans l’émotion des soldats qui perdent l’un de leurs collègues puis continue avec le tueur mort, étendu sur le sol. C’est à vous de décider de ce que vous ressentez face à cela. Dans cette scène, on voit comment quelqu’un peut devenir un tueur, et comment un officier de police peut devenir aussi violent. Je suis bien sûr opposé à toute forme de violence, mais je comprends le cercle vicieux de la violence.


Comment faut-il comprendre la fin ?


ClashLe fourgon est pris dans une manifestation chaotique. Ni les personnages, ni les spectateurs ne peuvent dire dans quel camp se situent les manifestants. L’ironie, c’est que les détenus se battent depuis le début pour sortir du fourgon et que là, face à la folie meurtrière, ils se retrouvent à s’entraider pour rester à l’intérieur.

 

Est-ce qu’ils vont mourir ? Je ne sais pas. Le pronostic n’est certes pas très bon, mais c’est assez proche de notre situation en Egypte.

 

Que voulez-vous dire au peuple égyptien ?


Plusieurs choses, mais la plus claire c’est que si l’on continue comme ça, on ne s’en sortira pas… Mais je continue de rêver au jour où quelqu’un issu de la Révolution, qui ne représenterait ni la loi islamiste, ni la loi martiale, pourra gouverner en Egypte.

 

Clash

 

"Nelly Karim est aujourd’hui la plus grande star en Egypte.
Elle m’a fait confiance. Elle a voulu être dans Clash bien que ce soit
un film choral, parce que, comme les autres acteurs,
elle croyait au message du film. Elle a pris des risques
comme tous ceux qui ont participé à ce film. "


a déclaré le réalisateur Mohamed Diab


Née à Alexandrie d’un père égyptien et d’une mère russe, Nelly Karim a commencé par être danseuse classique, formée à l’Académie des arts du Caire, avant de devenir mannequin et comédienne.

 

Elle a joué dans environ vingt-cinq films et séries télé, notamment Alexandrie... New York, l’avant-dernier film de Youssef Chahine réalisé en 2004. Elle a été sacrée meilleure actrice au Festival International du Caire en 2004 pour le film Mon âme soeur, de Khaled Youssef. Elle est l’une des héroïnes Des Femmes du bus 678, et a reçu, avec les co-interprètes du film, Bushra et Hajed El Sebai, le Grand Prix du Jury des Asian Pacific Screen Awards en 2011

Mon opinion

 

Mohamed Diab, réalisateur du très beau film, Les femmes du bus 678, nous entraîne pendant toute la durée de son nouveau long-métrage à l'intérieur d'un fourgon cellulaire en piteux état.

 

Nous ne serons rien des personnages entassés les uns contre les autres, à l'exception de la méfiance des uns, par aux autres. Les dialogues en diront davantage quand, la nuit tombée, les principaux protagonistes prennent la parole pour faire taire les cris.

 

L'ensemble est courageux, d'une grande violence psychique, physique aussi, et baigne dans la fureur.

 

Les seules ouvertures sur l'extérieur, à peine visibles mais répétitives, au travers des barreaux du fourgon augmentent une sensation de chaos profond. D'asphyxie totale.

 

Les dernières images d'une dureté inouïe, semblent trouver un écho dans une déclaration du réalisateur : "Est-ce qu’ils vont mourir ? Je ne sais pas. Le pronostic n’est certes pas très bon, mais c’est assez proche de notre situation en Egypte."

 

Un film important dans son écriture, parfaitement réussi dans sa réalisation.

 

Merci à Dasola. Son avis m'a encouragé pour aller voir ce film. 

(Cliquez ici pour lire sa critique)

21 septembre 2016 3 21 /09 /septembre /2016 22:02

 

Date de sortie 21 septembre 2016

 

Juste la fin du monde


Réalisé par Xavier Dolan


Avec Gaspard Ulliel, Nathalie Baye, Léa Seydoux,

Vincent Cassel, Marion Cotillard


Genre Drame


Production Canadienne, Française

 

Juste la fin du monde est l'adaptation d'une pièce théâtrale éponyme de Jean-Luc Lagarce.

 

Disparu en 1995 à 38 ans seulement, il est aujourd'hui l'auteur le plus joué. Adapter au cinéma Lagarce, connu pour son travail précis des mots, était un vrai défi pour Xavier Dolan, qui a décidé de respecter l'oeuvre originale au maximum : "Je voulais que les mots de Lagarce soient dits tels qu’il les avait écrits. Sans compromis. C’est dans cette langue que repose son patrimoine, et c’est à travers elle que son œuvre a trouvé sa postérité. L’édulcorer aurait été banaliser Lagarce", explique le réalisateur.

 

 

 

 Festival de Cannes 2016

Juste la fin du monde est récompensé par :

 

- Le Grand Prix

- Le Prix du Jury Oecuménique.

 

César 2017

 

 

Meilleur montage Xavier Dolan

Meilleure réalisation Xavier Dolan

Meilleur acteur Gaspard Ulliel

 

Synopsis

 

Après douze ans d’absence, un écrivain retourne dans son village natal pour annoncer à sa famille sa mort prochaine.


Ce sont les retrouvailles avec le cercle familial où l’on se dit l’amour que l’on se porte à travers les éternelles querelles, et où l’on dit malgré nous les rancoeurs qui parlent au nom du doute et de la solitude.

 

Juste La Fin Du Monde - Gaspard Ulliel

Copyright Shayne Laverdière, courtesy of Sons of Manual

 

Gaspard Ulliel

Mot du réalisateur relevé dans le dossier de presse.


C’était en 2010 ou 2011, je ne me souviens plus. Mais peu de temps après J’ai tué ma mère, j’étais chez Anne Dorval, assis au comptoir de sa cuisine où nous atterrissons tout le temps pour parler, se retrouver, regarder des photos, ou ne rien dire, souvent. Elle me parlait alors d’une pièce extraordinaire qu’elle avait eu le bonheur d’interpréter aux alentours de l’an 2000.


Jamais, me disait-elle, n’avait-elle dit et joué des choses ainsi écrites et pensées, dans une langue si intensément particulière. Elle était convaincue qu’il me fallait absolument lire ce texte, qu’elle avait d’ailleurs conservé dans son bureau, tel qu’elle l’avait annoté dix ans plus tôt ; notes de jeux, positions de scène et autres détails inscrits dans la marge.


Je ramenai chez moi ce document imposant imprimé sur papier grand format. La lecture s’annonçait exigeante. Comme de fait, je n’eus pas le coup de foudre auquel Anne me destinait. Pour être honnête, je ressentis a l’inverse une sorte de désintérêt, et peut-être même d’aversion pour la langue. J’avais à l’égard de l’histoire et des personnages un blocage intellectuel qui m’empêchait d’aimer la pièce tant vantée par mon amie. J’étais sans doute trop pris par l’impatience d’un projet ou l’élaboration de ma prochaine coiffure pour ressentir la profondeur de cette première lecture diagonale. Je mis Juste la fin du monde de côté, et avec Anne, on n’en parla plus vraiment.


Après Mommy, quatre ans plus tard, je repensai au grand texte à la page couverture bleue rangé dans la bibliothèque du salon, sur la tablette la plus haute. Il était si grand qu’il dépassait largement des autres livres et documents entre lesquels il était fourré, la tête haute, comme s’il savait qu’on ne pouvait indéfiniment l’oublier.


Tôt cet été là, je relus - ou lus, vraiment- Juste la fin du monde. Je sus vers la page 6 qu’il s’agirait de mon prochain film.


Mon premier en tant qu’homme. Je comprenais enfin les mots, les émotions, les silences, les hésitations, la nervosité, les imperfections troublantes des personnages de Jean-Luc Lagarce. À la décharge de la pièce, je ne pense pas avoir, à l’époque, essayé de la lire sérieusement. À ma décharge, je pense que, même en essayant, je n’aurais pas pu la comprendre.


Le temps fait bien les choses. Anne, comme toujours ou presque, avait raison.


Xavier Dolan, 2 avril 2016

 

Juste la fin du monde - Nathalie Bayle & Gaspard Ulliel


Lorsque j’ai commencé à dire que Juste la fin du monde serait mon prochain film, le projet fut accueilli par une sorte de scepticisme bienveillant mêlé d’appréhension. Le doute venait de mes amis, surtout. Anne, notamment, Serge Denoncourt, ou Pierre Bernard, qui avaient tous deux été de la pièce lorsqu’elle avait été montée à Montréal, en 2001.

 

Anne m’avait exhorté à lire ce texte conçu sur mesure, disait-elle, pour moi, mais s’interrogeait sur la faisabilité de cette adaptation…
"Comment préserveras-tu la langue de Lagarce ?" me demandait-elle. "C’est ce qui fait de ce texte quelque chose de pertinent et d’unique. En même temps, cette langue n’est pas cinématographique… Et si tu la perds, où est l’intérêt d’adapter Lagarce ?"


Mais je ne voulais pas la perdre. Au contraire, le défi pour moi était de la conserver, et la plus entière possible. Les thèmes abordés par Lagarce, les émotions des personnages, criées ou muselées, leurs imperfections, leur solitude, leurs tourments, leur complexe d’infériorité… tout de Lagarce m’était familier – et le serait sans doute pour la plupart d’entre nous. Mais la langue, elle… m’était étrangère. Et nouvelle.


Tissée de maladresses, de répétitions, d’hésitations, de fautes de grammaire… Là où un auteur contemporain aurait d’office biffer le superfétatoire et la redite, Lagarce les gardait, les célébrait. Les personnages, nerveux et timorés, nageaient dans une mer de mots si agitée que chaque regard, chaque soupir glissés entre les lignes devenaient – ou deviendraient, plutôt – des moments d’accalmie où les acteurs suspendraient le temps.


Je voulais que les mots de Lagarce soient dits tels qu’il les avait écrits. Sans compromis. C’est
dans cette langue que repose son patrimoine, et c’est à travers elle que son oeuvre a trouvé sa postérité. L’édulcorer aurait été banaliser Lagarce. Que l’on "sente" où non le théâtre dans un film m’importe peu. Que le théâtre nourrisse le cinéma... N’ont-ils pas besoin l’un de l’autre de toute façon
?

Retrouver Gabriel Yared


Derrière tout grand compositeur se cache apparemment une eau de toilette attendant son voleur. Nous l’allons montrer tout à l’heure…


À l’époque où il avait composé la musique de Tom à la ferme, Gabriel Yared travaillait depuis Paris, tandis que de l’autre côté de l’océan, je jouais dans un film et entamais l’écriture de Mommy. L’expérience fut déterminante, mais entièrement virtuelle ; jamais je n’eus l’occasion de le rencontrer en personne durant cette collaboration. L’aventure de Juste la fin du monde, nous le savions, devait être plus… physique.


Quelques semaines avant le tournage, j’envoyai à Gabriel une pièce instrumentale en guise de référence, histoire de donner le ton. Il m’envoya en retour une valse bouleversante qui me toucha droit au coeur. Lorsque je l’entendis, je sus tout de suite qu’elle serait destinée à la crise
finale du film ; toute l’incompréhension, toute l’impuissance des gens sans écoute qui ne voient rien venir et s’effondrent lorsque le sol se dérobe sous leurs pieds… J’entendais déjà les
bégaiements confus de la mère : "Mais on prend tout de même le temps de se dire au revoir ?"
En décembre dernier, j’invitai Gabriel à me rejoindre à Los Angeles, où je terminais le montage du film. J’avais besoin de changer d’air. Onze jours pour livrer le film fini, dont il manquait de grands épisodes - la fin, notamment. Gabriel ne vint que six jours. La production trouva une maison charmante où l’on installa la table de montage dans la cuisine, et Gabriel et son assistant David au fond de la maison, dans la chambre d’enfant, avec leur clavier, leurs moniteurs et tout le bataclan. Je faisais la navette entre les deux pièces, découvrant à tour ce que Gabriel venait de composer, et lui livrant la cuvée quotidienne des nouvelles scènes à habiller. Ce fut un des moments les plus extravagants de toute la vie du film.


Nous passions de longues heures à parler, crier, s’émouvoir, s’exciter, ou stagner, bien sûr. Nous mangions toujours les mêmes pâtes bolognaise d’un petit restaurant près de la Paramount, prenions de grandes marches dans Larchmont, jouions au Scrabble dans le salon. Mais nous avions sans le savoir loué la maison de Robert Schwartzman, le chanteur du band Rooney (I’m Shakin’) - mais d’abord et avant tout, dans mon coeur, Michael du Journal d’une princesse. Robert était lui-même, à notre insu, reclus dans la cabane du jardinier, dans la cour arrière de la maison qu’il nous prêtait. Il avait transformé ce grand débarras en studio de montage et de musique luxuriant, alors que nous avions transformé sa maison en studio de postproduction de fortune.


Six jours plus tard, Gabriel repartit avec sous son bras 45 minutes de musique. Mais l’histoire démontre qu’il ne s’agit pas du véritable point culminant de ce séjour.


En effet, Robert et moi n’avions pu nous empêcher de remarquer l’enivrant parfum de Gabriel, et de lui demander de quoi il s’agissait. Égoïste de Chanel, naturellement. Impatient de s’approprier cette odeur, Robert commanda un flacon de 100ml qui arriva incontinent par la poste, dans une boîte blanche impeccablement enrubannée de soie rouge. Il piqua à Gabriel son odeur. Et moi, un soir, tard, saoul avec mon ami, je piquai à Robert Égoïste.


Évidemment, Gabriel ne sait rien de cette histoire.

 

Juste la fin du monde - Nathalie Baye

Mon opinion

 

Incommunicabilité à tous les niveaux.

 

Ce film peut déranger au plus haut point ou séduire au plus profond. Pour ma part, et pour quantités de raisons, je salue cette réalisation impeccable. Implacable aussi, qui d'un gros plan à un autre, nous entraîne là, où, souvent, nous préférons fermer les yeux. Ignorer le plus profond. Tourner le dos à tout ce qui dérange.

 

Le scénario est magnifiquement écrit. Une nouvelle fois chez Xavier Dolan, pas de figure paternelle, mais des femmes et deux frères.

 

Fuir pour exister. Un besoin extrême d'être aimé sans trouver la juste voie, ou plus simplement le courage.

 

La fureur des dialogues, et les silences étourdissants, poussent toujours plus loin dans cette impossibilité de communiquer, d'être soi, d'exister, vraiment.

 

La musique de Gabriel Yared, "physique", selon les termes du réalisateur est parfaite. Elle augmente cette sensation d'isolement et de malaise profond.

 

Le casting, est, tout simplement éblouissant !

 

Juste la fin du onde - Gaspard Ulliel

 

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"Le bonheur est la chose la plus simple,

mais beaucoup s'échinent à la transformer

en travaux forcés !"

 
François Truffaut

 

 

 

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