Réalisé par Eytan Fox
Avec Lior Ashkenazi, Knut Berger, Caroline Peters,
Gideon Shemer, Hanns Zischler, Carola Regnier,Yousef 'Joe' Sweid
Eyal Rozales, Sivan Sasson, Ernest Lenart
Genre Drame, Policier, Thriller
Titre original Walk On Water
Coproduction Britannique, Israélienne, Allemande
Date de sortie 5 janvier 2005
Lior Ashkenazi
Synopsis
Eyal (Lior Ashkenazi) est un agent du Mossad, les services secrets israéliens, particulièrement reconnu pour son efficacité lorsqu’il s’agit de tuer les ennemis d'Israël et des juifs. De retour d’une mission, il découvre que sa femme s’est suicidée. Dans sa lettre d’adieu, elle lui dit qu’il tue tout ce qui est autour de lui. Eyal ne veut pas se laisser abattre et attend avec impatience une nouvelle mission d’action. L’agence, au contraire, décide qu'il aurait besoin d’un suivi psychologique et d’une mission plus calme : trouver un vieux criminel de guerre nazi caché en Argentine et le tuer avant qu'il ne décède de mort naturelle.
La principale piste pour trouver le vieillard passe par ses deux petits-enfants, Axel (Knut Berger) et Pia (Caroline Peters).
Knut Berger Caroline Peters
Pia a quitté sa famille pour s’installer dans un kibboutz, une communauté israélienne. Son frère Axel vient lui rendre visite, dans le but notamment de la convaincre de rentrer en Allemagne pour les 70 ans de leur père (Hanns Zischler), avec qui elle semble brouillée. Eyal devra se faire passer pour un guide touristique personnel embauché par Axel, afin de gagner des confidences ou épier des conversations entre le frère et la sœur. Eyal n’est absolument pas motivé par cette mission mais doit l’accepter malgré tout, d’autant plus que ses parents étaient nés en Allemagne et qu’il parle parfaitement cette langue.
Eyal passe ses journées à faire visiter le pays à Axel : mer Morte, lac de Tibériade, appelé aussi mer de Galilée, Jérusalem, etc.
Au cours de ces voyages, Eyal est confronté à la personnalité d’Axel : il l’irrite autant qu’il le trouve sympathique. Axel est en effet jovial, ouvert, curieux, intéressant… mais agace le macho qu’est Eyal par certaines positions : volonté de comprendre les Palestiniens, sensibilité, pacifisme, etc.
Lior Ashkenazi et Knut Berger
L’enquête avance peu : les conversations entre le frère et la sœur, surprises grâce à un micro caché, ne révèlent aucun indice.
Un soir, tous les trois sortent en ville, à Tel Aviv. Au restaurant, Axel parle en privé à un serveur d’origine palestinienne, Rafik (Yousef 'Joe' Sweid), pour avoir le nom de la meilleure boîte de nuit en ville … qui se trouve être une boîte gay. Eyal est d’abord surpris, puis gêné, finalement très énervé lorsqu’il aperçoit Axel danser avec Rafik de manière non équivoque.
Knut Berger, Caroline Peters et Lior Ashkenazi
Il part brusquement, laissant Pia un peu déçue. Le lendemain, Eyal vient chercher Axel et Pia à leur hôtel pour une visite de Jérusalem… à laquelle se joint Rafik, qui a passé la nuit avec Axel. C’en est trop pour Eyal ! Son homophobie et sa haine des Palestiniens éclatent au grand jour : pour une broutille, il fait une scène à Axel et Rafik dans le souk de la partie arabe de la ville.
Le retour en voiture se fait dans un silence tendu. Le voyage d’Axel touche à sa fin : celui-ci repart pour Berlin. Eyal le laisse à l’aéroport de manière assez froide.
Eyal s’est plaint régulièrement de cette mission à son supérieur au Mossad, voulant à tout prix l’abandonner. Il refuse même d’écouter l’enregistrement des conversations du dernier soir à l’appartement de Pia. Or, son chef les écoute : Pia y révèle à son frère que, si elle a coupé les ponts avec ses parents, c’est parce qu’elle a découvert un jour qu’ils étaient en contact avec le grand-père nazi (Ernest Lenart) et qu’ils l’aidaient à se cacher. Axel, qui a toujours cru son grand-père mort et enterré, est abasourdi.
Knut Berger et Lior Ashkenazi
Cette information brûlante impose à Eyal de partir pour Berlin pour y poursuivre ses recherches. Sur place, il retrouve Axel et lui présente ses excuses pour son attitude. Axel lui fait découvrir sa vie, sa culture, sa ville et Eyal s’ouvre petit à petit.
Lior Ashkenazi et Knut Berger
L’anniversaire du père d’Axel et Pia va enfin avoir lieu. Axel propose à Eyal de venir à la fête. Chemin faisant, sur une aire d’autoroute, Eyal voit son chef des services secrets, venu lui intimer l’ordre d’abattre au plus vite le criminel nazi dès qu’il l’aura trouvé. Or, pendant la soirée, le grand-père arrive par surprise comme cadeau d’anniversaire pour son fils.
Axel est écœuré et ne cache pas son mécontentement à sa mère. Eyal, lui, est parti discrètement retrouver son chef, qui lui donne une seringue empoisonnée. Il revient au milieu de la nuit et s’apprête à achever le grand-père mais y renonce au dernier moment.
Axel, qui entre temps a tout compris après avoir regardé dans les affaires d’Eyal, entre dans la chambre du grand-père lorsqu’Eyal se retire. C’est finalement lui qui débranche le respirateur de son propre grand-père. Geste symbolique marquantvla rupture des jeunes Allemands par rapport à leur passé. Dans sa chambre, Eyal s’ouvre complètement à Axel, lui explique le suicide de sa femme et son motif, qu’il ne peut plus tuer. Pour la première fois, il craque et pleure, libérant enfin sa souffrance.
Le film se termine quelques années plus tard. On y découvre Eyal marié en Israël avec Pia. Ils ont un enfant. Eyal écrit un courriel à Axel où l’on comprend que leur relation est très profonde et les a marqués durablement. On comprend également qu’Axel a un fiancé allemand. Jusqu’alors, il disait qu’il ne savait pas pourquoi mais il n’était jamais sorti avec un de ses compatriotes : il a donc "tué le père" et digéré le passé de son pays. Eyal, lui, est devenu plus humain et sensible. La dernière image est celle d’Axel et lui marchant sur l’eau de la Mer de Galilée, selon le rêve qu’a fait Eyal : ils se sentent libres et unis.
La scène finale du rêve, où Eyal et Axel marchent sur l’eau de la Mer de Galilée, de manière un peu maladroite, est éloquente : il reste du travail à faire mais deux êtres, ou deux blocs, que des conditions initiales opposent peuvent, par la tolérance et l’ouverture, les dépasser pour regarder ensemble dans la même direction et aller au-delà de ce que la vie semblait leur réserver.
Avec un tel sujet, on aurait pu s’attendre à un pensum lourd et caricatural. C’est bien tout le contraire que nous offrent ici un scénario et une réalisation intelligents et heureusement délivrés de tous poncifs. Tu marcheras sur l’eau portera certes à débat, mais il sera difficile de nier les qualités d’une œuvre qui se défend d’abord comme un spectacle de cinéma avec sa toile de fond de film d’espionnage, ses scènes d’action, ses traits d’humour et sans absence de pesanteur didactique, avant de nous convier à un voyage qui sonde les âmes autant que les paysages et les populations.
Eytan Fox se sent très concerné par la situation politique en Israël. Il explique: "Je suis persuadé que le fait que les Israéliens soient toujours aussi obsédés par l'Holocauste et leur statut de victimes les empêche de voir qu'ils sont devenus des agresseurs, infligeant larmes et souffrances aux Palestiniens. Je suis persuadé que la première étape pour aider les Israéliens à comprendre à quel point ils sont devenus cruels consiste à ce qu'eux-mêmes arrivent à faire cette paix avec leur passé traumatisant". Et il ajoute : "Comme par ailleurs je m'intéresse à la masculinité, et qu'Israël est une société très masculine, j'ai décidé de raconter une histoire dans laquelle un homme va se confronter à ses sentiments les plus intimes et réussir à changer, en affrontant les événements les plus effroyables du passé. Je sais que c'est assez ambitieux".
Du Golan jusqu'au lac Wannsee de Berlin, non loin de la villa où les hauts dignitaires nazis conçurent la solution finale, des salles de tir aux bars homo, ce road movie broie les antagonismes dans une réconfortante dynamique humaniste. Dur à cuire et macho, mais non dénué d'humour, le personnage d'Eyal donne un visage troublant à l'Israël d'aujourd'hui. Enfermé dans sa virilité musclée, refusant d'approfondir les questions douloureuses, le héros de Tu marcheras sur l'eau voit peu à peu sa cuirasse se fendiller.
Reliant la Shoah et le conflit israélo-palestinien, le réalisateur appuie là où ça fait mal, montrant un quotidien rythmé par les attentats palestiniens mais suggérant aussi que ce n'est qu'en affrontant son passé douloureux que son pays parviendra à s'extirper de son rôle d'agresseur.
Le suicide de la femme d’Eyal, symbolisant le côté autodestructeur de la politique israélienne ou, du moins, son rejet de la part d’une partie de la société.
La brève tirade entre Rafik et Eyal, symbolisant la difficulté du dialogue entre Israël et la Palestine.
La première chose qu'Eytan Fox et Gal Uchovsky ont entreprise, lorsqu'il ont décidé de faire le film, a été de faire un long voyage à travers l'Allemagne. Ils ont parcouru le pays d'Heidelberg à Baden-Baden, de Nuremberg à Dresde et Berlin. Par ailleurs, dans le script original, l'action se déroulait dans différentes villes d'Allemagne. Mais pour des raisons financières, toute l'action a été concentrée à Berlin. La villa des parents d'Axel et Pia, les personnages principaux du film, se situe au bord du lac Wannsee dans les quartiers chics de Berlin.
Bien que des acteurs allemands soient présents à l'affiche, aucune société allemande n'a investi dans le film, mais "beaucoup d'amis allemands ont participé à l'écriture et au tournage. En particulier les réalisateurs Andreas Struck et Wieland Speck", qui est aussi le directeur de la section du Panorama du Festival de Berlin. Les acteurs Knut Berger et Caroline Peters ont aussi participé à l'écriture du scénario. Le premier déblocage d'argent pour le scénario est venu du Israeli Film Fund, et du fonds européen Media. Par ailleurs, le producteur Amir Harel de Lama Productions s'est aussi beaucoup impliqué en amont, qui était selon le réalisateur le plus à même de comprendre le scénario. Au final, Eytan Fox, Gal Uchovsky et Amir Harel ont effectué une longue recherche de financements en Allemagne, à New York, Los Angeles et Venise.
Tu marcheras sur l'eau a été tourné en Israël fin 2002, durant l'hiver. Ce dernier s'est révélé être particulièrement rigoureux. Le plus dur fut sans doute de tourner sur la Mer Morte. les acteurs étaient "gelés par le froid, alors qu'il devaient prendre une douche et nager". Le tournage à Berlin a quant à lui démarré en janvier 2003. Mais il a dû être aussitôt arrêté pendant un mois, en raison du décès brutal de la mère de Eytan Fox.
Gideon Shemer, qui incarne le vieil agent du Mossad, est une figure incontournable de la scène en Israël. Il a notamment interprété, pendant plusieurs années, le rôle du père d'Anne Frank, du nom de l'adolescente d'origine hollandaise déportée pendant la Seconde Guerre Mondiale. La pièce resta plus de vingt ans à l'affiche, entre les années 1970 et 1990.
Lior Ashkenazi, Caroline Peters et Knut Berger
Même s'il a rencontré d'autres acteurs israéliens, le réalisateur Eytan Fox a dès le début choisit Lior Ashkenazi pour interpréter le rôle d'Eyal. L'acteur n'a en effet passé aucune audition. Par ailleurs, les acteurs allemands ont été choisis lors d'auditions menées par Eytan Fox à Berlin. Hanns Zischler est le seul acteur dont Eytan Fox connaissait la filmographie, du fait qu'il a beaucoup travaillé avec Wim Wenders.
Eytan Fox met aussi en scène des rencontres lourdes de contentieux : celles de l'Allemand et du juif, de l'Israélien et du Palestinien, du macho et de l'homo. Au-delà de l'explosion attendue, le film explore le trouble généré par ces rapports sur le fil du rasoir : gêne, culpabilité, curiosité, autodérision salvatrice. Formidables de justesse, les acteurs, de même nationalité que celle de leurs personnages, donnent de la densité à ces étonnantes confrontations. Le film repose beaucoup sur le magnétisme de son acteur principal, Lior Ashkenazi, qui manie avec brio la vulnérabilité et le charme du mâle désarmé.
Pour la musique du film, le choix s'est porté sur Ivri Lider, une pop star israélienne, qui avait déjà travaillé sur le précédent film du duo Eytan Fox / Gal Uchovsky, Yossi et Jagger.
Sources :
http://www.allocine.fr
http://www.arte.tv
http://www.tvclassik.com
http://www.imdb.com
http://fr.wikipedia.org