Alors que la Grèce traverse un des chapitres les plus douloureux de son histoire, voici que son plus grand cinéaste, Theo Angelopoulos, est mort, dans la soirée du mardi 24 janvier 2012 . Dans l'après-midi le réalisateur tourne le dernier volet de sa trilogie, L'Autre Mer, dans une rue d'une banlieue du Pirée. En la traversant durant le tournage, il est renversé par un motard de la police, pas en service au moment des faits. Le choc provoque de graves blessures crâno-encéphaliques, une hémorragie interne et plusieurs fractures. Il est transporté d'urgence dans un hôpital privé où il succombe à ses blessures.
Né le 27 avril 1935 à Athènes, formé au cinéma en France à l'Idhec, le cinéaste avait mis le cinéma grec sur le devant de la scène internationale. L'histoire tragique de la Grèce et celle de l'Europe, étaient son terreau de prédilection.
Retour sur une grande carrière en quelquelques affiches.
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Figure emblématique du “Nouveau cinéma” grec à partir des années 1970, à la chute du régime des colonels, Théo Angelopoulos a réalisé une quinzaine de films, caractérisés par de longs et silencieux plans sur fond de paysages de son pays et évoquant pour la plupart l’histoire et la société grecques. Son cinéma était pétri de lenteurs et de méditations pour raconter les blessures de la Grèce et de l’humanité. “Peut-être que c’est triste, mais mon ancêtre Aristote disait que la mélancolie est la source de la création”, disait-il en 1999 lors de sa leçon de cinéma au festival de Cannes en 1999.
Réalisé par Théo Angelopoulos
Avec Bruno Ganz, Isabelle Renauld, Fabrizio Bentivoglio,
Despina Bebedelli, Achileas Skevis, Alexandra Ladikou,
Helene Gerasimidou, Iris Chatziantoniou
Genre Drame
Co-Production Grecque, Française, Italienne, Allemande
Titre original Mia aioniotita kai mia mera
L'Eternité et un jour a remporté au Festival de Cannes 1998
- la Palme d'or à l'unanimité du jury présidé par Martin Scorsese
- le Prix du jury œcuménique
Synopsis
Aux frontières de l'éternité qui l'attend bientôt, Alexandre (Bruno Ganz), écrivain, sait qu'il vit son dernier jour de vraie vie : demain il entre à l'hôpital pour ne plus en sortir. Dans la maison du bord de mer dont il ferme une dernière fois les volets, il est rattrapé par deux certitudes : il n'a fait de sa vie qu'un brouillon et n'a pas su rendre à sa femme l'amour qu'elle lui portait...
Avant son départ, il retrouve une lettre de sa femme, Anna (Isabelle Renauld), qui lui parle d'un jour d'été, il y a trente ans. Pour Alexandre commence alors un étrange voyage où passé et présent vont s'entremêler.
L'idée de L'Eternité et un jour remonte au décès de deux personnes importantes dans la vie de Théo Angelopoulos, selon l'aveu même du réalisateur : celui de Mikes Karapiperis, le chef décorateur des premiers films du cinéaste, et de l'acteur italien Gian Maria Volonte, mort en 1994 sur le tournage du Regard d'Ulysse. De ces deux disparitions découle l'envie de savoir ce que ces personnes auraient fait si elles avaient eu un jour de plus à vivre.
Selon Théo Angelopoulos, L'Eternité et un jour clôt une trilogie également composée de Pas suspendu de la cigogne Réalisé en 1991 et de Le Regard d'Ulysse en 1995. Trois films qui évoquent, chacun à sa façon, "la notion de limite ou de frontière dans la communication entre les êtres, dans l'amour, dans le passage de la vie à la mort", comme l'explique Théo Angelopoulos.
Comme dans la plupart des films du réalisateur, nous retrouvons les concepts de frontière et d’itinéraire. En déambulant dans la ville de Salonique, Alexandre parcours le fil de sa vie et franchit au gré de sa pensée un présent devenu illusoire pour retrouver les joies d’un passé lointain. Ces instants se répondent continuellement dans un foisonnement de sensations qui bousculent fortement l’être qu’est Alexandre. Théo Angelopoulos crée une sorte d’écho régulier entre un passé rempli de nostalgie et de joie éphémère et un présent débordant d’amertume et de spleen.
Le temps, dans son déroulement et ses fractures, structure ainsi une narration complexe car polyphonique. Alexandre n’est jamais ici, ni là-bas. Il navigue entre deux rives, juxtapose les deux journées par un vécu « d’arpenteur » et un fantasme de « rêveur ». L’imbrication temporelle, qui est aussi celui des sens et de la réflexion, permet au cinéaste de philosopher sur le temps qui passe, sur l’importance des joies simples (la scène du mariage montre son incapacité à profiter de l’instant) et des regrets qui s’amoncèlent, inexorablement.
Personnage de l’exil entre "douleur et désir", Alexandre est un étranger du monde. Accaparé par l’idée de création, il ne peut vivre ce qu’il décrit avec des mots. Prisonnier d’un passé révolu, il reste comme tétanisé par un monde qui lui échappe, mais qui, au côté de l’enfant, lui ouvrira enfin les portes de ses rêves.
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Comme sur la plupart de ses films, Théo Angelopoulos cumule sur L'Eternité et un jour les fonctions de réalisateur, de scénariste et de producteur.
L'Eternité et un jour permet à Théo Angelopoulos de retrouver une fois de plus ses deux directeurs de la photographie Yorgos Arvanitis et Andreas Sinanos, respectivement fidèles au réalisateur grec depuis ses débuts. Le compositeur Eleni Karaindrou a, pour sa part, écrit la musique de tous les films du cinéaste depuis Voyage a Cythere en 1984.
On retrouve dans L'Eternité et un jour l’univers sophistiqué de Théo Angelopoulos où, plus que de simples histoires à intrigues, il y a des images d'une poésie étourdissante, mettant en scène les hommes dans leur enveloppe terrestre aux prises avec leur environnement. De ces images, L'Eternité et un jour n’est pas dépourvu, bien au contraire, comme le démontre cette scène prise sur la frontière gréco-albanaise où des réfugiés s’accrochent aux barbelés comme les notes sur une partition.
Sources :
http://www.allocine.fr
http://fr.wikipedia.org
http://www.imdb.com
http://www.lemonde.fr
http://www.cinemovies.fr
http://www.iletaitunefoislecinema.com
http://teleobs.nouvelobs.com