Réalisé par John Huston
Avec Marlon Brando, Elizabeth Taylor, Brian Keith,
Julie Harris, Harvey Keitel, Gordon Mitchell, Zorro David
Robert Forster, Fay Sparks, Irvin Dugan
Titre original Reflections in a Golden Eye
Genre Drame
Production Américaine - 1967
Reflections in a Golden Eye est adapté d'un roman de Carson McCullers écrit en 1941. Grande romancière américaine, trois autres de ses oeuvres furent également adaptées au cinéma : The Member of the wedding réalisé en 1952 par Fred Zinnemann. The Heart Is a Lonely Hunter réalisé par Robert Ellis Miller en 1968 et Ballad of the Sad Cafe réalisé par Simon Callow en 1991.
Mais dans les romans de Carson McCullers, la réalité n'a que l'apparence de la banalité.
Comme Camus, l'écrivaine s'intéresse à ce moment où, tels des pantins, les personnages n'obéissent plus qu'à la ficelle de l'impulsif. Alors surgit le tragique, soudaine et violente irruption du mal, inhérent à la condition humaine
Elizabeth Taylor
Reflections in a Golden Eye aborde aussi le thème, osé pour l’époque, de l’homosexualité, tout en évitant la caricature.
Marlon Brando
Synopsis
Dans un fort de Géorgie, le major Weldon Penderton (Marlon Brando), officier rigide et tourmenté par son homosexualité refoulée ne s'intéresse plus depuis longtemps à sa femme Leonora (Elizabeth Taylor).
Celle-ci a pour amant le colonel Langdon (Morris Langdon). La femme de ce dernier, Alison Langdon (Julie Harris) est fragile psychologiquement. Ne se remettant pas de la perte de son enfant, elle passe son temps en la compagnie étrange et fantasque d'Anacleto (Zorro David), une sorte de serviteur qui lui est totalement dévoué.
Un jeune soldat, L.G. Williams (Robert Forster), va venir perturber un peu plus cet univers trouble.
Robert Forster
Le major va se sentir irrésistiblement attiré par Williams, tandis que celui-ci tentera de séduire Leonora, objet de sa fascination malsaine, qui le poussera à s'introduire chez elle pour la regarder dormir.
Comme dans le roman, le film Reflections in a Golden Eye débute par cet avertissement :
"Il y a un fort dans le Sud où voici quelques années un meurtre fut commis."
La description est vague, liminaire, on sait qu'on va assister à quelque chose de grave, même si, au final, ceci n'est en rien le récit d'un assassinat, ce dernier n'apparaissant que comme une conséquence. Les crimes sont plus métaphoriques.
C'est d'abord celui de Marlon Brando, qui, fou de rage devant les provocations de sa femme menace de la tuer puis s'en prend à son cheval préféré. Ses désirs refoulés envers le soldat Williams créent un conflit intérieur violent; en attestent les scènes où son visage adopte successivement une expression rêveuse, béate, puis soudainement plus fermée et sévère, tout comme ses accès de violence incontrôlés.
Elizabeth Taylor somptueuse, apparaît d'abord frivole, stupide, égoïste et assez vulgaire. Leonora humilie régulièrement Penderton, lui jetant à la figure son absence de virilité, ce à quoi le Major répond de façon ridicule : en regardant ses muscles dans la glace, par exemple, ou encore en tentant de maîtriser son rival symbolique, le cheval Firebird, que Leonora qualifie, sans innocence aucune, d’ "étalon".
Elizabeth Taylor sait incarner ce genre de personnage comme personne, cachant ses blessures sous une attitude résolument provocatrice, tonitruante, comme on le verra plus tard dans Qui a peur de Virginia Woolf ? où elle évolue, encore, au sein d'un couple qui ne peut plus se souffrir. Sa frustration la rend incroyablement sensuelle, comme dans La chatte sur un toit brûlant où elle était négligée par Paul Newman.
Les prestations magnifiques de Marlon Brando et d’Elizabeth Taylor, deux acteurs hors du commun, se livrent ici à un duel cruel et mutuellement destructeur. Un film brillant sur la folie et les déviations où les acteurs forment une ronde perverse. et contribuent à faire de cette œuvre pessimiste et singulière l’une des grandes réussites de John Huston.
Reflets dans un oeil d'or a cet effet dérangeant, et peu importe le nombre de fois où on a pu le voir. Il distille son malaise intact, son ambiance glauque, ses personnages torturés, leurs relations malsaines, leurs blessures ouvertes. Il y a quelque chose d'attirant et de répugnant, de poisseux dans cette oeuvre fiévreuse de John Huston. Et pas des moindres.
L’autre couple du film, composé du lieutenant colonel Morris et de son épouse Alison, est miné par la même absence de communication et probablement de sentiments; la femme, brisée par la perte de sa fille, se réfugie dans la compagnie douteuse d’un serviteur philippin bienveillant mais clownesque, tandis que l’homme la trompe ouvertement avec Leonora.
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Brian Keith Julie Harris
Les relations dépeintes dans le film sont vaines, sans doute parce qu’elles s’établissent entre des êtres qui ignorent tout des autres et d’eux-mêmes. Des êtres dont nous savons nous-mêmes peu de choses : comme son titre le suggère, Reflets dans un œil d’or reste à la surface des individus et des événements. Cette distance finalement assez inhabituelle dans le cinéma de John Huston est ici totalement justifiée par le sujet d’un film dont les personnages sont empêtrés dans leur solitude, leur frustration, leur ignorance et leur incapacité à communiquer.
Ce qui préside au film, c'est la perversion et le double sens, sous les apparences anodines. Les escapades à cheval prennent un caractère presque érotique, lorsque la belle Elizabeth Taylor s'éclipse dans un buisson avec Brian Keith, ou lorsqu'on aperçoit le palefrenier nu chevauchant au loin.
Le cheval chéri de l'épouse délaissée devient la métaphore centrale du film. Elle s'en sert pour être infidèle. Le destrier est soigné par le jeune homme qui trouble l'auguste officier. Ce dernier se vengera sur l'animal, déchaînant sa fureur sur lui.
Le film est, symboliquement, décrit comme se déroulant dans le reflet de l'œil doré d'un paon dessiné. Cela explique le titre et la raison du traitement de la pellicule initiale dans un bain de pigments de cette teinte. Chaque scène comportait, pour créer un contraste, un élément qui avait sa couleur réelle. Mais le public fut dérouté par cette nouveauté et le film ressortit dans une version classique.
John Huston voulait sortir le film sur une pellicule dont les couleurs auraient été retravaillées pour donner au film une ambiance de tons dorés. Mais la production refusa d'accéder à la demande du réalisateur. Ce choix esthétique a été réhabilité, il y a quelques temps, par une heureuse restauration. Il y a dans cette oeuvre quelque chose des histoires à vif de Tennessee Williams, que John Huston. a adapté par ailleurs dans La Nuit de l'iguane. Cependant, comme à son habitude, le cinéaste se tient à une distance ironique de ses personnages, son point de vue est froid. Il y a une sorte de dérision cruelle dans sa manière de les aborder, attitude qui est l'une de ses grandes caractéristiques. Montrer cette histoire sous un filtre doré, confirme son intention de se tenir à une certaine distance, d'observer froidement ses protagonistes torturés, comme des reflets. Il nous transforme en voyeurs un peu étranges, à l'image du silencieux Robert Forster, qui s'immisce sans être vu dans les secrets les plus sombres du couple formé par Elizabeth Taylor et Marlon Brando.
Montgomery Clift devait initialement interpréter le major Penderton dans Reflets dans un oeil d'or. Une histoire proche de son destin. Mais les assurances doutaient de sa santé physique dont la solidité était nécessaire au rôle.
Son amie Elizabeth Taylor renonça même à son salaire pour lui assurer le rôle. Âgé de 45 ans, affaibli par de longues années de maladie, Montgomery Clift mourut d'une crise cardiaque peu de temps avant que ne débute le tournage.
Reflections in a Golden Eye est enfin une œuvre sur la puissance dévastatrice du non-dit.
Des photographies de Marlon Brando habillé en Major Penderton furent utilisés plus tard par les producteurs d'Apocalypse Now, qui avait besoin de photos de Marlon Brando plus jeune pour les inclure dans les états de services du jeune colonel Walter Kurtz.
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Sources :
http://www.festivalfaceaface.fr- Bertrand Mathieux
http://www.imdb.com
http://lci.tf1.fr/cinema
http://www.tetu.com
http://www.allocine.fr