Date de reprise 19 décembre 2012
Réalisé par Gabriel Axel
Avec Stéphane Audran, Bodil Kjer, Birgitte Federspiel
Jarl Kulle, Gudmar Wivesson , Jean-Philippe Lafont, Ghita Nørby,
Erik Petersen, Ebbe Rode, Gert Bastian, Bibi Andersson,
Hanne Stensgaard, Vibeke Hastrup, Lisbeth Movin
Titre original Babettes Gaestebud
Genre Drame
Production Danoise
Date de sortie 1987
Le film est tiré de l’œuvre Le dîner de Babette écrite par Karen Blixen.
Karen Blixen, qui se sent en exil dans son pays après son retour d'Afrique, s'identifie à Babette et se livre à une charge féroce contre les sectes luthériennes qu'elle connaît bien. L'implication autobiographie est suffisamment forte pour qu'elle se sente obligé de transposer l'action en Norvège.
Avec Le Festin de Babette, Gabriel Axel reçut
l'Oscar du meilleur film étranger en 1988
et rencontra un succès international.
Le consultant danois aurait affirmé au réalisateur "Gabriel, y'a pas un quart d'heure de film dans ce scénario !" ou "Comment peux-tu être assez naïf, Gabriel, pour croire que les spectateurs vont venir voir des vieilles filles qui chantent des cantiques du XVIe siècle ? Ça ne marchera jamais !"
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Après l'Oscar, Gabriel Axel est invité dans le monde entier. Partout, on lui sert le caviar et les cailles en sarcophage aux truffes. Il a été décoré officier de la Légion d'honneur pour sa promotion de la gastronomie française à travers le monde.
Dès la première image, la magie du Festin de Babette, simple et beau, au propos savoureux, fonctionne grâce à d’excellents comédiens, dont Stéphane Audran, éblouissante.
Synopsis
Un pasteur autoritaire et possessif (Pouel Kern) vivait avec ses deux jeunes et jolies filles, Filippa (Hanne Stensgaard) et Martine (Vibeke Hastrup). Tous les garçons du village se pressaient à l'église pour les voir. Mais chaque demande en mariage était repoussée par le pasteur, fier de la petite secte dont il était le chef et comptant sur ses deux filles pour l'aider : "Dans ma vocation, mes deux filles sont ma main gauche et ma main droite".
Hanne Steensgaard, Pouel Kern et Vibeke Hastrup
Une des deux entretient un lien affectif avec un officier français, Lorenz Lowenhielm (Gudmar Wivesson), jeune lieutenant joueur et indiscipliné exilé par sa famille chez sa vieille tante à Norre Vossborg. Celle-ci adepte des sermons du pasteur, introduisit son neveu dans ce cercle après qu'il fut tombé amoureux de Martine. Celle-ci resta pourtant fidèle à son père et le jeune lieutenant se promit de devenir général pour l'oublier. Sa vie lui semble un échec lamentable. De retour parmi les officiers français, on lui demande pourquoi il est désespéré. Il répond qu’il veut oublier le passé et qu’il n’y a que sa carrière qui compte maintenant.
Vibeke Hastrup et Gudmar Wivesson
Sur ce, arrive un chanteur célèbre du théâtre Royal de Paris, Achille Papin (Jean-Philippe Lafont). Il est mélancolique et voit la fin de sa carrière. Il se voit vieux. Il dit aimer le silence et se promener sur les plages de Jutland. Achille Papin, ténor français en tournée en Suède se rendit dans le Jütland et fut sauvé de la neurasthénie par la voix de Filippa. L'ayant entendue à l'église, il comprit son immense talent et demanda à son père de pouvoir lui donner des cours de chant. Il était sûr de l'aimer et certain de son talent mais il a été demandé au pasteur de lui signifier la fin des cours.
Hanne Steensgaard et Jean-Philippe Lafont
Bien des années plus tard, après la mort du pasteur, les rares fidèles qui honoraient encore un peu sa mémoire ne se réunissaient plus que pour se chamailler.
Dix-sept ans plus tard, en septembre 1871, par un temps d’orage, d’éclairs et de pluie torrentielle, une femme étrangère arrive à Frederickshavn, totalement épuisée.
Stephane Audran
Babette Hersant (Stephane Audran), chef cuisinière renommée dans un grand restaurant parisien, le Café anglais, fuit la répression de la Commune de Paris en 1871.
C'est elle qui débarque sur la côte danoise. Dans un petit village du Jutland.
Babette frappe à la porte de Filippa (Bodil Kjer) et Martine (Birgitte Federspiel), les deux jeunes filles du pasteur sont maitenant deux vieilles demoiselles. Elles ont sacrifié leurs amours pour se consacrer à la petite communauté luthérienne anciennement dirigée par leur père. Babette apporte une lettre de recommandation. Elle désire demeurer ici. Les deux soeurs accueillent Babette en lui offrant du café. Elle dit avoir tout perdu et se trouve complètement déroutée.
Elle s’intègre dans cette petite communauté fermée sur elle-même.
Quelques maisons austères au toit de chaume. Ruelles de terre battue. La mer est à un pas des maisons. Le terrain, tout en vallons, semble desséché et terne. C’est la vie rustique et rude du bord de la mer : traite de quelques vaches, chauffage au bois, pas d’électricité ni d’eau courante. Les intérieurs sont sobres, sombres et pauvres. Beaucoup de pluie et d’orage.
Au service des filles du pasteur, Babette apprête du poisson, apprend à faire du pain rustique mêlé à de la bière du terroir formant une espèce de soupe. Elle est économe et les deux sœurs s’aperçoivent qu’elles ont plus d’argent qu’avant. Babette est une fine négociatrice avec les marchands de poissons et de pains. Elle trouve toujours l’argument pour faire baisser les prix.
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Le seul lien de Babette avec la France étant un billet de loterie qu’elle rejoue tous les ans.
Quatorze ans après son arrivée, elle gagne le gros lot 10 000 francs. Avec l'argent, elle se propose d'offrir aux habitants du village "un dîner français" à la place de l'habituel souper suivi d'une tasse de thé pour fêter l'anniversaire de la mort du pasteur. Effrayées par l'abondance de nourriture et de vin, Filippa et Martine n'acceptent qu'avec dégoût ce qui leur parait un excès démoniaque. Elles font promettre aux convives, aussi effrayés qu'elles, qu'ils ne diront rien sur ce qu'ils mangeront ou boiront.
Le général Lorenz Lowenhielm (Jarl Kulle), en visite chez sa tante (Bibi Andersson) et qui s'est invité ne sait rien de ce complot. Il commente avec délectation les plats succulents qui défilent devant eux. Il reconnaît en Babette la chef du restaurant le plus connu de Paris, le Café anglais.
Babette a dépensé tout son argent un dîner pour douze au café anglais coûte dix mille francs. Contrairement à ce que redoutaient Filippa et Martine ainsi que tous les habitants de Frederikshavn, elle restera au Danemark.
Le réalisateur Gabriel Axel a mis quatorze longues années avant de convaincre les producteurs pour faire ce film. L’œuvre de Karen Blixen, d'environ 46 pages traitant d'austères dévotes, la forme et le sujet étaient en effet un pari risqué à prendre. Gabriel Axel est resté très proche du texte de Karen Blixen. Il se montre extrêmement fidèle au conte de sa compatriote et n'effectue que quelques changements pour se concentrer sur la mise en scène de la nourriture, des citations littéraires et en recourant à un casting qui ne doit rien au hasard.
De plus, en transformant un conte relativement court en un long-métrage de plus d'une heure trente, il est attentif aux effets d'échos de texte auxquels sont sensibles les lecteurs d'un livre mais que pourraient oublier les spectateurs.
Cependant, en allongeant la séquence du festin, en insistant sur la mise en scène des plats et sur les notations comiques, en développant au style direct des courtes notations au style indirect libre, Gabriel Axel assagit la charge de Karen Blixen contre les sectes luthériennes. Tant est si bien que le film peut être reçu comme une oeuvre de consensus ou comment la gastronomie serait capable de vaincre les mesquineries de l'existence et les conflits entre les êtres. La réflexion sur l'oeuvre d'art, sur sa réception par des publics divers, l'aspect gothique et symbolique de l'écriture de Karen Blixen, même un peu amoindris, sont néanmoins présents.
Gabriel Axel effectue quatre petits changements. Le roman est situé en Norvège, dans la ville de Berlevaag dans le fjord du même nom. Gabriel Axel, probablement pour affirmer l'identité danoise du livre et du conte, le situe au Danemark à Frederikshavn, dans le Jütland. Au début du chapitre quatre, Babette est décrite comme une femme forte, aux cheveux noirs et au visage livide qui se présente par une soirée pluvieuse de juin. Dans le film, c'est une femme rousse arrivant par une nuit pluvieuse de septembre ce qui accentue le fait qu'elle puisse être ressentie comme une sorcière par les deux soeurs. Lors du festin, un pauvre est nourri à la cuisine contrepoint au déploiement de richesses gustatives.
Il était une fois deux soeurs... On entre dans Le festin de Babette comme dans un conte. On y rencontre des personnages qui ont les gestes lents et mesurés de ceux qui vivent hors du temps. Le pays d’exil a des couleurs austères : grisaille, chaume mouillé et sévérité luthérienne.
Mais les intérieurs et les visages s’éclairent à la lueur des bougies et prennent la patine d’un tableau flamand.
Le rythme s’accélère avec les préparatifs du repas : un festin comme les dignes et raides villageois n’en ont jamais vu, avec foie gras, cailles et soupe de tortue. Autour de la table, les joues prennent des couleurs, les langues se délient, la vraie nature des personnes se révèle.
La chaleur et les couleurs chatoyantes qui se dégagent de la cuisine de Babette détonnent avec les paysages austères magnifiquement mis en valeur par la lumière du chef opérateur Henning Kristiansen.
La symbolique religieuse rencontre ici celle de la chair fraîche : les mets, diablement sophistiqués, ont le goût de toutes les tentations. C'est soupe de tortue contre cantiques, nourritures terrestres contre nourritures spirituelles... Le duel se joue cependant dans la douceur et la subtilité. La nostalgie rassemble les personnages, qui ont tous le regret d'un amour qu'ils ont laissé passer. Dans la communauté priant pour l'éternité, le festin rappelle que les bonheurs éphémères, qui font tant souffrir, peuvent aussi être des miracles.
Gabriel Axel met en scène cette histoire avec un fin plaisir.
L'actrice Stéphane Audran, n'ayant que peu de notions de hautes gastronomies, a suivi deux semaines de cours de cuisine intensives, donnés par le célèbre chef, Jan Cocotte-Pedersen. Le chef danois était d'ailleurs présent sur le plateau, afin de diriger au mieux les gestes de l'actrice.
Le menu et les plats servis par le personnage de Babette sont peu décrits dans la nouvelle de Karen Blixen. Il n'y a en effet pas de précisions sur la préparation exacte des plats, ni sur le temps de cuisson. Les aliments ont donc été confiés au chef danois, Jan Cocotte-Pedersen, chef de cuisine du restaurant La Cocotte de Copenhague, qui a eu pour mission de réaliser les recettes avec pour seul indice, les ingrédients. Les recettes élaborées ont été ensuite publiées, et plusieurs plats sont devenus des classiques internationaux.
Soupe de tortue géante
Blinis au caviar et à la crème - Blinis Demidoff
Cailles en sarcophage au foie gras et sauce aux truffes
Salade d’endives aux noix
Fromages
Baba au rhum et salade de fruits glacés
Fruits frais, raisins, figues, ananas...
Pour les vins accompagnant les plats :
Xérès amontillado avec la soupe
Champagne Veuve Clicquot 1860, accompagne les blinis
Clos de Vougeot 1845 avec cailles et fromages
Fine Champagne
Toutes les robes du personnage de Babette ont été conçues par Karl Lagerfeld, célèbre couturier et directeur artistique de Chanel.
Hormis Jean-Philippe Lafont qui tient ici un petit rôle, Stéphane Audran est la seule Française d'un casting exclusivement composé d'acteurs danois.
L'actrice principale Stéphane Audran a été repérée par le réalisateur Gabriel Axel, grâce à ses nombreuses interprétations dans les films de Claude Chabrol.
Gabriel Axel oppose le monde nordique protestant au catholicisme français jusque dans le choix de ses acteurs et actrices. La française Stephan Audran, s'oppose aux actrices de Dreyer (Brigitte Federspiel, Lisbeth Movin…) et Bergman (Bibi Andersson, Jarl Kulle…).
Stéphane Audran, a appris phonétiquement le danois pour le rôle, ce qui a sans doute contribué au décalage de culture que l’on peut ressentir entre Babette et les habitants du village
Sources :
http://www.cineclubdecaen.com
http://www.arte.tv
http://television.telerama.fr
http://cinecritiques.free.fr
http://www.allocine.fr