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11 avril 2016 1 11 /04 /avril /2016 20:13

 

Date de sortie 9 mars 2016

 

Brooklyn


Réalisé par John Crowley


Avec Saoirse Ronan, Julie Walters, Jim Broadbent,

Domhnall Gleeson, Emory Cohen, Jessica Paré, Fiona Glascott


Genres Drame, Romance

 

Production Irlandaise, Britannique, Canadienne

 

Synopsis

 

Dans les années 50, attirée par la promesse d'un avenir meilleur, la jeune Eilis Lacey (Saoirse Ronan) quitte son Irlande natale et sa famille pour tenter sa chance de l'autre côté de l'Atlantique. À New York.

 

Le mal du pays qui l’afflige à son arrivée s’estompe rapidement quand l’amour frappe à sa porte. Mais un drame viendra perturber son nouveau bonheur et elle devra faire un choix déchirant entre deux pays et les vies qui s’offrent à elle.

 

Brooklyn - Saoirse Ronan.

 

Saoirse Ronan

Après avoir acquis les droits du roman Brooklyn de ColmTóibín, les productrices Finola Dwyer et Amanda Posey ont demandé à Nick Hornby d’adapter la magnifique, mais sous-estimée, prose de Tóibín.

 

Pour Tóibín, le parcours d’Eilis est non seulement celui vers la maturité affective, mais il est aussi physique. "Mon livre raconte l’histoire secrète de deux pays : celle de mon pays, l’Irlande, qui, au cours des 150 dernières années, a vu toutes les familles perdre un ou deux de ses membres, des gens qui sont partis pour ne jamais revenir", dit-il. "Il s’agit donc de l’histoire secrète de l’Irlande, mais aussi celle des États-Unis."


Le potentiel cinématographique du roman ne laissait aucun doute aux yeux d’Hornby. "Colm a sa façon bien à lui de dépeindre la douleur animée par le désir d’être à deux endroits en même temps. Il s’est livré à un magnifique exercice d’équilibriste qui, selon moi, se prêtait particulièrement bien à un film. Si une jeune femme peut s’identifier à l’un des personnages d’Orgueil et préjugés, elle pourra sûrement s'identifier à Brooklyn. Au cœur de cette histoire règne une sorte de dilemme intemporel entre deux types de jeunes hommes." poursuit-il. "Non seulement cette histoire raconte-t-elle le voyage d’Eilis de l’Irlande vers l'Amérique, mais elle dépeint le parcours qui l’amènera à devenir la femme qu’elle veut être". C’est l’histoire d’une jeune femme qui trouve sa voix et sa capacité de choisir à une période de l’Histoire où beaucoup de choix étaient encore limités pour les femmes." explique la productrice Amanda Posey.
Pour faire l’équilibre entre une étude sur un personnage attachant et une critique sociale sur une partie de l’Histoire irlando-américaine, il fallait un réalisateur qui comprenait le stress émotionnel ressenti par Eilis et d'autres femmes comme elle.


John Crowley, est un Irlandais d’origine, installé en Angleterre.

Il débute sa carrière de metteur en scène primé en Irlande en présentant des pièces telles que Six Characters In Search Of An Author (The Abbey Theater, Dublin), Phaedra (The Gate Theater, Dublin), La chasse aux sorcières (The Abbey Theater, Dublin) et Double Helix. Cette dernière est jouée pour la première fois au Dublin Theater Festival de 1995 et au Peacock Dublin, avant de remporter le Kilkenny Cream of Ireland for the Performing Arts en 1996.
John Crowley déménage ensuite à Londres et s’installe au Donmar Warehouse, où il met en scène Tales from Hollywood de Christopher Hampton, Les bonnes de Jean Genet, Juno and the Paycock de Sean O’Casey, How I learned To Drive de Paula Vogel et Into the woods de Stephen Sondheim. Parmi ses productions londoniennes, il faut citer Fair Ladies at a Game of Poem Cards au Royal National Theater, Macbeth, mettant en vedette Rufus Sewell et Sally Dexter au Queens Theater, et Shadows pour la Royal Shakespeare Company.

 

John Crowley passe au cinéma et s’est fait connaître en tant que réalisateur de la comédie irlandaise Intermède paru en 2003, puis il a réalisé le drame Boy A, lauréat aux prix BAFTA.

 

L’auteur Colm Tóibín a vu des similitudes entre John et le personnage d’Eilis. "John Crowley connaît l’expérience d'être originaire de l’Irlande et de vivre sous le ciel anglais et de se déplacer entre les deux endroits. Dès que nous avons commencé à en parler, il a compris sur le champ." Avant même que Nick Hornby ne commence à écrire le scénario, le réalisateur fut attiré par l’universalité de l’expérience d’Eilis. "J’avais lu et aimé le roman, j’ai donc sauté sur l’occasion quand on m’a offert de lire le scénario. Le travail de Nick rend magnifiquement justice au roman de Colm Tóibín", explique-t-il.

 

Brooklyn - Saoirse Ronan, Jim Broadbent et Jessica Paré

 

Saoirse Ronan, Jim Broadbent et Jessica Paré

"Je pense que dans ce livre, j’ai essayé de construire un personnage qui n’avait pas conscience de soi, qui ne passait pas son temps à se regarder dans le miroir, qui n’était pas trop insistante, mais qui avait une sorte de grande sensibilité autour d’elle, presque de l’entêtement à certains moments" Voilà comment l'auteur décrit Eilis, la protagoniste de Brooklyn. Pour traduire avec succès cette histoire au grand écran, il faillait trouver une actrice principale capable de dépeindre les subtilités et les sensibilités du personnage principal. C’est là qu’est entrée en scène Saoirse Ronan, née à New York de parents irlandais et élevée en périphérie de Dublin.

 

Pour l’actrice principale Saoirse Ronan, il est évident que Nick Hornby a réussi à cerner les moeurs de cette petite ville d’Irlande. "Ce qui est le plus incroyable avec Nick, c’est qu’il ne vient même pas d’Irlande! Pourtant, il a réussi à saisir entièrement l’esprit de ce pays et ses habitants. Le scénario est tellement bien écrit et si magnifiquement subtil."

 

"C’est une histoire près de mon cœur parce qu’elle parle de ma famille. C’est le voyage que mes parents ont fait dans les années 1980, ils sont emménagés à New York et ils ont vécu le même genre de situations, même si c’était à une époque et une ère différente. J’ai eu de la chance parce que je suis très Irlandaise à certains égards, mais j’ai aussi une sensibilité à l’américaine et je suis né à New York. Je crois que cette expérience fut encore plus émouvante pour moi, parce que j’avais un fort sentiment d’appartenance à ces communautés et à ces gens." commente l'actrice.

 

Julie Walters, qui joue le rôle de Mme "Ma" Kehoe dans le film, admire aussi la source dont est puisé le film. Elle fut également impressionnée par la façon dont le scénariste a distillé le roman pour en élaborer un scénario riche, sobre et émotionnel avec lequel les artisans ont pu travailler. "Quand vous voyez un film inspiré par un roman que vous avez lu, le résultat n’est souvent pas à la hauteur parce que rien ne peut rivaliser avec votre imagination", explique Julie Walters. "Mais ce script est merveilleux et il ne m’a pas du tout déçu, au point tel que j’ai pensé que Nick Hornby était de descendance irlandaise."

 

Domhnall Gleeson, qui interprète le prétendant Jim Farrell, déclare. "Le scénario est très subtil, et je pense que John est aussi un réalisateur très subtil. Il m’a dit ce qu’il attendait de moi, et je lui ai dit ce dont j’aurais besoin de sa part pour y arriver; puis nous avons convenu de nous donner ce que chacun attendait de l’autre. Je pense qu’il est merveilleux avec les acteurs et avec les membres de l’équipe."

Les rôles de Tony Fiorello et Jim Farrell furent tout aussi importants pour transposer le roman à l’écran : ils induisent des tentations à Eilis des deux côtés de l’Atlantique.

 

Emory Cohen et Domhnall Gleeson : deux acteurs complementaires.


Emory Cohen, qui est né et qui a grandi à New York, s’est avéré un choix naturel pour le rôle de Tony, le Brooklynois. Bien qu’il se soit fait connaître en interprétant des personnages plus troublés dans la série Smash, diffusée à NBC, et dans The Place Beyond the Pines de Derek Cianfrance, il s’est lancé dans une autre direction en jouant le rôle d’un jeune homme affectueux aux bonnes manières.

 

Saoirse Ronan et Emory Cohen dans Brooklyn."J’ai toujours pensé à ce film sur le plan du premier amour. Qu’est-ce que ça veut dire être un homme ? Qu’est-ce que ça veut dire aimer de tout son coeur ? Qu’est-ce que ça veut dire apprécier les petites choses de la vie ? Ce sont des questions auxquelles je n’avais pas à répondre dans des films plus sombres où je finissais toujours par frapper les gens !"


La capacité naturelle d'Emory Cohen et son instinct authentique ont été des facteurs décisifs pour John Crowley.

 

Pour contrebalancer le magnétisme de Tony, il fallait quelqu’un dans le rôle de Jim Farrell qui ferait en sorte que le difficile choix d’Eilis soit aussi crédible.


Domhnall Gleeson, célèbre acteur de théâtre et de cinéma, mieux connu du public pour ses rôles dans Il était temps, Frank et la série de films Harry Potter, correspondait parfaitement à ce rôle. "C’était mon devoir de faire de Jim une personne pour qui on veut rester, un amour pour lequel on veut tout abandonner ", avoue l'acteur sur les motivations de son personnage. 

 

Brooklyn - Saoirse Ronanet Domhnall Gleeson Domhnall Gleeson possède une intelligence consommée, explique John Crowley. "Il réfléchit beaucoup à tout ce qu'il fait, il pense profondément à tous ses rôles et il les interprète intensément. C’était très important que Jim et Tony occupent des espaces différents dans le film et que cela soit tout à fait plausible, tout en étant deux versions opposées de l’homme avec lequel Eilis pourrait se retrouver.

 

Ils ont des sentiments complètement différents en tant qu’interprètes." rajoute le réalisateur.

 

"C’était très important que Jim et Tony occupent des espaces différents dans le film et que cela soit tout à fait plausible, tout en étant deux versions opposées de l’homme avec lequel Eilis pourrait se retrouver. Ils ont des sentiments complètement différents en tant qu’interprètes."

La costumière, Odile Dicks-Mireaux s’est inspirée de vieilles photographies de Vivian Maier et d’Elliott Erwit pour recréer un style authentique pour chaque personnage de New York. Elle a aussi évité de s’inspirer des médias de masse et de la publicité de cette période qui sont facilement accessibles. "John Crowley m’a spécifiquement demandé de ne pas regarder les magazines de mode, mais de m’inspirer plutôt du vrai monde. Les personnages ne sont pas des vedettes d’Hollywood, ce sont des femmes de la classe ouvrière qui essaient de gagner leur vie à New York. Ce fut assez difficile de garder cela à l’esprit."


Saoirse Ronan - BrooklynOdile Dicks-Mireaux poursuit : "J’ai passé beaucoup de temps à regarder le travail des photographes américains de cette période, qui présente une grande richesse, puis j’ai cherché à obtenir des images précises comme celles de personne dans la rue à New York ou à Ellis Island. Ainsi, j’ai pu regarder et trouver des costumes, c’est normal quand il faut aller à toute vitesse parce que la distribution est arrivée.

 

Heureusement, on peut trouver beaucoup de vêtements authentiques en bon état. Il n’est pas toujours nécessaire de les fabriquer. John voulait que les costumes soient très naturels et réels."

 

"Il y a une énorme différence entre l’Amérique et l’Irlande de l’après-guerre. C’est comme si l’Amérique n’avait pas souffert de la misère de l’après-guerre, et le style des vêtements y est très différent", ajoute Odile Dicks-Mireaux. "En Amérique, on trouvait de la couleur. Il y avait du rouge, du caramel, du jaune ocre, du rose et des couleurs pâles qu’on ne trouvait tout simplement pas en Irlande.  Les couleurs en Irlande sont atténuées, et la coupe des robes plus sobres, tout an ayant un sens de l’esthétisme. Pour les hommes toutefois, le style irlandais des années 1950 n’était pas très inspirant."

 

Brooklyn

Mon opinion

 

Un film sans aucun coup d'éclat. Émouvant sans être larmoyant. Toute en finesse, la réalisation de John Crowley ne manque de délicatesse. Ce grand réalisateur  de théâtre, connu et reconnu, récompensé en maintes reprises offre, avec ce film, la justesse nécessaire pour rendre l'ensemble attachant de bout en bout.

 

Le scénario s'appuie sur l'œuvre éponyme de Colm Tóibín. Une parenthèse de l'Histoire "irlando américaine", mêlée à de grands et beaux sentiments. Un roman paru en 2009 qui n'est pas sans rappeler notre actualité.

 

La reconstitution parfaite, la magnifique photographie, l'étude approfondie et le travail sur les costumes de l'époque, offrent à la principale protagoniste, Saoirse Ronan tout un univers dans lequel elle est parfaite de retenue et d'une certaine élégance, de la première à la dernière image. Julie Walters nous régale au travers de quelques dialogues percutants. Jessica Paré, glaciale dans ses premières apparitions, ne manque pas de panache. Jim Broadbent participe avec son habituel talent à ce casting dans lequel chacun trouve sa juste place. Les actrices que l'on aperçoit, entre autres, lors des repas dans la pension de famille sont toutes parfaites. Les échanges verbaux sont savoureux et sonnent justes. Les jeunes et talentueux Domhnall Gleeson et Emory Cohen complètent ce casting sans faille aucune.

 

Brooklyn ne manque pas d'altruisme ni d'authenticité, et reste un beau moment de cinéma. C'est déjà beaucoup.

 

Saoirse Ronan -  Brooklyn.

10 avril 2016 7 10 /04 /avril /2016 18:40

 

Date de sortie 6 avril 2016

 

A Bigger Splash


Réalisé par Luca Guadagnino


Avec Tilda Swinton, Matthias Schoenaerts,

Ralph Fiennes, Dakota Johnson,

Aurore Clément, Elena Bucci, Lily McMenamy


Genres Policier, Drame


Production Italienne, Française

 

Synopsis

 

Lorsque la légende du rock Marianne Lane (Tilda Swinton) part sur l’île méditerranéenne de Pantelleria avec Paul (Matthias Schoenaerts), son compagnon, c’est pour se reposer. Luxe, calme et volupté sur la magnifique île de Pantelleria.

Mais quand Harry Hawkes (Ralph Fiennes), un producteur de musique iconoclaste avec qui Marianne a eu autrefois une liaison, débarque avec sa fille Pénélope (Dakota Johnson), la situation se complique. Le passé qui ressurgit et beaucoup de sentiments différents vont faire voler la quiétude des vacances en éclats. Personne n’échappera à ces vacances très rock’n’roll…

 

A Bigger Splash


Réalisateur, scénariste et producteur né à Palerme en 1971, Luca Guadagnino est surtout connu pour le film au succès international Amore, qu’il a réalisé, écrit et produit en 2009. Son premier long métrage, Les Protagonistes réalisé en 1999 a été présenté à la 56ème Mostra de Venise. En 2002, il a mis en scène Mundo Civilizado, projeté en 2003 dans le cadre de la 56ème édition du Festival du film de Locarno. Deux ans plus tard, Cuoco Contadino a été présenté à la 61ème Mostra de Venise, suivi en 2005 par Melissa P. En 2011, Luca Guadagnino a présenté le documentaire Inconscio italiano au 64ème Festival du Film de Locarno. En 2013, il a coréalisé le documentaire Bertolucci on Bertolucci avec Walter Fasano.

 

En décembre 2011, il a fait ses débuts en tant que metteur en scène d’opéra avec Falstaff de Giuseppe Verdi au théâtre philharmonique de Vérone.


L’année suivante, il a fondé sa propre société de production, Frenesy Film, qu’il continue à diriger en tant que producteur.

Quelques mots sur A Bigger Splash par Luca Guadagnino relevés dans le dossier de presse.

 

Luca Guadagnino.

"Dans mon film précédent, Amore, je voulais explorer le monde clos de la haute société milanaise et étudier ce qui se produit lorsque naît la passion, un sentiment aussi authentique que dangereux, aux conséquences mortelles.


Avec A Bigger Splash, je tenais à faire un film sur l’amour, la beauté, le désir, le sexe, la sexualité et le danger incarné par un ancien amant, qui par sa seule présence et ses actions, est capable de provoquer des comportements destructeurs et de ressusciter le passé des deux personnages principaux.

 

 

Confrontés à leur passé, les personnages dévoilent la version la plus authentique d’eux-mêmes et pénètrent dans un maelstrom de sexe et de désir brûlant qui les pousse inexorablement vers le côté obscur. Il s’agit pour moi d’un drame psychologique tout ce qu’il y a de plus contemporain ; la structure classique du film prend forme de la manière la plus moderne qui soit à travers une intrigue et des personnages qui nous entraînent vers une apogée électrique et troublante.


Je me suis inspiré de Roberto Rossellini, de l’énergie brute de Martin Scorsese et de la grande perspicacité sur la nature humaine de Jonathan Demme. J’admire également beaucoup le travail de Patricia Highsmith et Paul Bowles, avec leur sens aigu du roman noir et leur capacité à peindre des personnages dans un univers qui leur est étranger, faisant ainsi ressortir leurs impulsions les plus profondes – généralement la passion et le danger de l’amour absolu dans ce qu’il a de plus inquiétant.


Nous sommes partis de l’idée d’une fracture entre un monde révolu – l’univers du rock’n’roll de la fin du XXème siècle – et cette sorte de nouveau conservatisme qui d’une certaine manière, nous gouverne tous aujourd’hui. À mon sens, A Bigger Splash dresse un portrait très contemporain de notre époque et révèle une facette de l’Italie que d’habitude seules quelques rares personnes connaissent. Ces gens qui ont apparemment tout ce qu’ils désirent se révèlent vulnérables et tentent sans succès d’échapper au monde extérieur – pour finalement mieux se faire rattraper par la réalité. Et lorsqu’ils en prennent conscience, la passion déferle, leur sentiment de sécurité s’évanouit et laisse place à leurs instincts les plus primaires. Contre toute attente, ils réussissent néanmoins à tirer parti de cette expérience."

 

A Bigger Splash - Matthias Schoenaerts

Entretien avec Luca Guadagnino relevé dans le dossier de presse.

 

Comment avez-vous entendu parler de ce projet ?

 

Studio Canal m’a contacté parce qu’ils avaient vu Amore et qu’ils souhaitaient travailler avec moi. Studio Canal avait les droits de La Piscine, le film de 1969 mis en scène par Jacques Deray. Il s’agit d’un film culte en France, c’est pourquoi Studio Canal a eu envie d’en produire un remake. Nous avons choisi de nous inspirer de La Piscine et d’explorer les thèmes du film original sans nous y limiter. Nous avons entrepris de remanier les principes sur lesquels reposent le film de Jacques Deray, le scénario de Jean-Claude Carrière et l’histoire originale et le roman d’Alain Page. J’étais personnellement très intrigué par la manière dont le désir gouverne les relations entre hommes et femmes, et entre les gens en général.

 

Je tenais à étudier comment le désir pouvait être sur ou sous-estimé, placé au centre de l’attention ou ignoré, comment il pouvait se transformer en force destructrice ou productrice et féconde.

 

Pourquoi avoir fait appel à David Kajganich pour le scénario ?


J’ai proposé à Studio Canal de collaborer avec un scénariste américain. J’admire le travail de David depuis de nombreuses années car j’avais déjà eu l’occasion de lire ses scénarios. Je lui ai donc demandé s’il souhaitait travailler avec moi sur A Bigger Splash. C’était le cas, nous avons donc entamé une collaboration et nous nous sommes plongés dans la politique du désir. Nous sommes partis de l’idée d’une fracture entre un monde révolu – l’univers du rock’n’roll de la fin du XXème siècle – et cette sorte de nouveau conservatisme qui, d’une certaine manière, nous gouverne tous aujourd’hui.

 

ABigger Splash

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Nous tenions à ce que les personnages se combattent les uns les autres de manière très intime, mais qu’ils soient également des pions sur un plus grand échiquier, celui du conflit entre les générations. Il s’agit d’un conflit entre l’injonction à prendre du plaisir de la génération rock’n’roll et le besoin de sécurité de ceux qui ont le sentiment d’avoir survécu à ce grand déluge.

Dans le film, Harry se révèle l'ambassadeur du mode de vie rock'n'roll et enrage contre le temps qui passe...


Absolument. Je pense qu’en tant que cinéaste, votre attention doit toujours se porter sur la minorité, ceux qui s’embarquent dans des aventures désespérées, et Harry fait évidemment partie de ceux-là. Il refuse de reconnaître que sa quête de l’honnêteté, de la vérité et du plaisir absolu est en opposition totale avec son besoin de sécurité – ou comme le disent très bien les Rolling Stones, de "sauvetage émotionnel". C’est quelque chose qu’il ne comprend pas. Cela illustre également selon moi un conflit très contemporain, car la jeune génération est d’une certaine manière plus conservatrice que ses aînés. Incapables de gérer les déchaînements de passion, les jeunes préfèrent négliger le désir. C’est peut-être ce qui se produit lorsque vos parents – ou la génération qui vous précède – vous guide vers une absence totale de responsabilité. C’est intéressant, mais ça n’est pas sans conséquences.

 

Quel est le rôle de Marianne, la star du rock'n'roll qui semble aspirer à une vie plus tranquille, au milieu de tout cela ?


Marianne Lane est une immense star du rock. Elle est faite de la même étoffe qu’Harry et que toutes les fabuleuses légendes du rock’n’roll. En tant que producteur, Harry a fait de Marianne une artiste épanouie. Ils ont été amis et amants, ils vivaient dans le même univers et parlaient le même langage, mais Harry ne conçoit pas que l’on puisse changer et avoir envie de prendre une autre direction. Et c’est une des raisons qui explique l’issue dramatique de sa réaction face aux autres. D’un autre côté, si Marianne veut survivre, elle doit rayer Harry de sa vie.

 

A Bigger Splash -  Ralph Fiennes et Tilda Swinton

 

Ralph Fiennes et Tilda Swinton

Quelle importance ont les décors dans le film ?


J’ai toujours su que le film se déroulerait sur l’île de Pantelleria et je me souviens l’avoir dit à Olivier Courson (le président-directeur général de Studio Canal) et Ron Halpern (le vice président exécutif des productions internationales et des acquisitions). Je leur ai expliqué qu’il serait plus intéressant de tourner le film dans un lieu comme Pantelleria, qui incarne l’altérité dans tout ce qu’elle a de plus dangereux et la puissance des éléments auxquels sont confrontés les personnages. Le film met en effet en scène le conflit entre les quatre personnages, mais également le conflit entre ces personnages et le paysage. Comme l’ont dit Gilbert et George, "un paysage sans personnages est une image crypto-fasciste".

 

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Île de Pantelleria

 

Un paysage porte toujours en lui l’obscénité de la présence humaine, c’est pourquoi je tenais à faire s’affronter la force incroyable de Pantelleria et le conflit de ces quatre êtres, de sorte qu’ils soient non seulement confrontés à leurs propres antagonismes mais aussi à la puissante et imprévisible altérité de l’île. Pantelleria est une île vraiment spéciale et singulière située à mi-chemin entre la Sicile et la Tunisie. La roche y est sombre, presque noire en raison de sa nature volcanique, et les vents y sont légendaires et puissants, à l’image du sirocco venu d’Afrique. Les personnages y vont pour passer des vacances et se retrouvent au milieu d’une nature puissante. On dit souvent que la nature est indifférente aux désirs de l’homme, et je pense que ce film en est l’illustration.

Vous avez dirigé Tilda Swinton à plusieurs reprises, comment s'est passée votre collaboration sur ce film ?


Je crois que cela fait 21 ans cette année que Tilda et moi nous sommes rencontrés. En ce qui me concerne, toute occasion de faire équipe avec elle sur l’épuisante et exaltante mission qui consiste à réaliser un film est une chance, car j’adore travailler avec elle. Je suis convaincu que grâce à la relation intime qui nous unit, Tilda et moi sommes capables de concevoir des choses qui ne sont pas uniquement motivées par le travail, mais par la volonté de livrer une œuvre significative. Avec elle, je ne dirige pas une actrice, je travaille main dans la main avec une partenaire. En général, c’est ce que je recherche dans toutes mes collaborations. Avec Tilda, qui fait partie de la famille, tout cela est naturel et organique.

 

A Bigger Splash - Tilda Swinton

Lorsqu’elle a rejoint le projet, après avoir lu le scénario tel qu’il était alors, c’est-àdire plein de dialogues, elle a eu l’idée que face au flot de paroles qu’Harry déverse sur chacun des personnages, Marianne devrait rester muette.

Je trouve que le fait qu’elle ait perdu sa voix est un formidable exemple de ce que Tilda est capable d’apporter à un projet.

 

 

Pourquoi avez-vous pensé à Ralph Fiennes pour incarner cette force de la nature qu'est Harry ?


J’admire Ralph depuis que je l’ai vu dans La liste de Schindler J’ai aussi aimé le film qu’il a réalisé. Quand j’étais plus jeune – je devais avoir 15 ou 16 ans – je rêvais de travailler avec lui. J’imaginais des films dans lesquels il tenait le rôle principal bien avant de commencer à en réaliser moi-même. C’était pareil avec Tilda, ce film m’a donc donné l’occasion de rassembler mon équipe de rêve.


Comment avez-vous approché Ralph Fiennes ? A-t-il immédiatement été intéressé par le personnage d'Harry ?


Ralph a souvent interprété des personnages pleins de contradictions, mélancoliques et sombres, mais également incroyablement romantiques, cependant je ne l’avais jamais vu dans le rôle d’un personnage frénétique et déchaîné.

 

A Bigger Splash - Ralph FiennesJe me souviens avoir regardé la bande-annonce de The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson et avoir trouvé Ralph incroyablement impertinent, ironique et léger.

Ça m’a surpris, j’ai eu la sensation qu’il y avait un peu d’Harry en lui, ce qui m’a plu car pour moi, le choix des acteurs ne repose pas sur le talent mais sur le fait de trouver des éléments du personnage en eux et inversement.

 

 

Vous recherchez donc des acteurs qui ont au moins un peu des personnages en eux, ou qui ont l'impression de les reconnaître ?


Oui, un film doit selon moi toujours être une sorte de documentaire, et pas seulement pour satisfaire cette idée décadente qui ne me plaît pas vraiment qui voudrait qu’il y ait un lien entre la vie et la scène. J’ai donc rencontré Ralph après avoir vu cette bande-annonce et j’ai découvert un homme intense. Je lui ai remis le scénario et nous nous sommes retrouvés quelques jours plus tard. Il m’a alors confié qu’il souhaitait prendre part au projet parce qu’il avait le sentiment de connaître Harry.

Pourquoi avez-vous choisi Matthias Schoenaerts pour le rôle de Paul ?


J’ai rencontré Matthias il y a quatre ans maintenant parce que quelqu’un m’avait parlé de ce fantastique acteur belge qui avait joué dans un film choc intitulé Bullhead que je n’avais pas vu. Je me trouvais alors à Los Angeles, je me suis donc procuré un screener et je l’ai regardé. J’ai trouvé que ce type était une vraie force de la nature. Il se trouve qu’il était également à Los Angeles et nous nous sommes rencontrés. Je l’ai à nouveau rencontré après De rouille et d'os et à ce moment-là nous voulions tous les deux travailler ensemble, c’est pourquoi il m’a semblé naturel de lui confier le rôle de Paul, un garçon sombre qui reste calme face à Harry jusqu’à ce qu’il explose et fasse inconsciemment ce qu’il ne devrait pas faire.

 

Qu'en est-il de Dakota Johnson ? Vous l'avez probablement choisie avant la sortie de Cinquante nuances de Grey ?


Nous avons distribué le rôle de Pénélope à la dernière minute. Nous approchions dangereusement de la date du tournage, j’ai donc rencontré de nombreuses actrices de cette génération qui m’ont beaucoup intrigué et fasciné. Et puis un jour, un ami, Brian Swardstrom, l’agent de Sam Taylor Wood et Tilda, a mentionné Dakota. J’ai alors contacté Sam qui avait travaillé avec elle sur Cinquante nuances de Grey,  et elle m’a dit que malgré la difficulté du film, Dakota avait été incroyable. Au vu de sa passion et de son enthousiasme, j’ai demandé à rencontrer Dakota. Elle est venue me voir alors que je préparais le film chez moi à Crema, près de Milan. Elle savait exactement ce qu’elle voulait et avait parfaitement cerné le personnage, étant donné qu’elle n’avait lu le scénario que quelques jours auparavant. J’ai tout de suite su que nous avions trouvé notre Pénélope. Elle s’est alors rendue à Pantelleria et nous avons commencé à travailler.

 

A Bigger Splash -  Dakota Johnson et Matthias Schoenaerts

 

Dakota Johnson et Matthias Schoenaerts

 

La musique des Rolling Stones joue un rôle essenteil dans lhistoire. Qu'auriez-vous fait si vous n'aviez pas pu utiliser leurs chansons ? A-t-il été difficile d'en obtenir les droits ?


Pantelleria et les Rolling Stones ont toujours été les piliers de la conceptualisation de ce projet, et ce depuis ma première rencontre avec les dirigeants de Studio Canal. Je les ai immédiatement prévenus : le film serait rock’n’roll et se déroulerait sur l’île de Pantelleria. Et quoi de plus rock’n’roll que les Rolling Stones ? Si vous ne connaissez pas les Rolling Stones, vous ne pouvez pas prétendre connaître le rock’n’roll. Nous avons commencé à travailler sur le scénario et David a créé ce personnage incroyable, magnifiquement ancré dans l’histoire des Stones.

 

Le groupe a-t-il été impliqué de quelque autre manière dans le film ?


Nous avons entamé une communication très timide et respectueuse avec le groupe et son management. Nous nous sommes même rendus à Rome où ils donnaient un concert pour rencontrer les très élégants et sympathiques Ronnie Wood et Charlie Watts qui nous ont donné quelques conseils. Nous avons par exemple changé quelques détails dans le monologue d’Harry sur la création du morceau Moon is Up (tiré de l’album des Stones intitulé Voodoo Lounge). Ils nous ont permis de parfaire l’exactitude du scénario, c’était fabuleux. Nous voulions non seulement qu’Harry fasse partie de l’histoire des Stones, mais nous tenions aussi à ce qu’ils soient présents dans le film à travers leur musique. Nous désirions également pouvoir utiliser leurs chansons en raison de l’histoire du film.

 

Quelles ont été vos inspirations pour le film ?


Je suis un cinéphile et d’un côté je pense toujours en termes de réalité – comme le disait Jean Renoir, "au cinéma, il faut laisser la porte ouverte à la réalité" – mais de l’autre, j’ai toujours en tête les leçons des grands maîtres qui ont fait mon éducation. Je me suis inspiré de plusieurs films liés entre eux, et liés à Pantelleria et au rock’n’roll. A Bigger Splash me rappelle Voyage en Italie de Roberto Rossellini, dans lequel Ingrid Bergman et George Sanders se rendent à Naples pour tenter de résoudre leurs problèmes de couple et se heurtent à la puissance et à la violence de la ville, tout comme Marianne, Harry et les autres se heurtent aussi aux paysages de Pantelleria. D’un autre côté, j’ai été fortement influencé par le film de Jean-Luc Godard sur les Rolling Stones, One + One, qui porte sur la création de la chanson Sympathy for the Devil, entrecoupé de séquences de contestations politiques tournées en dehors de Londres et caractéristiques du style de Godard. Jean-Luc Godard, figure emblématique de la Nouvelle Vague du cinéma français, a été inspiré par Rossellini et a travaillé avec les Stones, et ce lien entre la France, l’Italie et les pays anglo-saxons est également présent dans notre film à travers la présence d’un réalisateur italien, de producteurs et financiers français et de personnages, d’acteurs et de musiciens anglo-saxons.

 

A Bigger Splash - Ralph Fiennes et Tilda Swinton

 

Ralph Fiennes et Tilda Swinton

Mon opinion

 

Dans ce  remake, il ne reste pas grand chose de l'éclatante lumière qui baignait le film de Jacques Deray.

 

À quelques détails près, le scénario et la réalisation de Luca Guadagnino ne s'écartent guère de tout ce qui a contribué au succès du film inoubliable et de son casting éblouissant. La piscine.

 

Ici, le rock'n'roll et la musique des Rolling Stones, servent de toile de fond à l'intrigue.

 

La belle réussite est d'avoir réuni un casting de qualité pour les quatre principaux protagonistes. Dakota Johnson est totalement crédible. Matthias Schoenaerts tour à tour absent, amoureux ou totalement dépassé donne à son personnage une réelle présence. Tilda Swinton, dans le rôle d'une star aphone reste ce qu'elle est, une grande actrice. Ralph Fiennes est à la fois tendre, agaçant, pervers, cabotin, tête à claques. En un mot, excellent.

 

Loin d'effacer le souvenir du film de Jacques Deray, A bigger splash peut donner envie de le découvrir pour les plus jeunes. Ou tout simplement de le revoir.

8 avril 2016 5 08 /04 /avril /2016 20:46

 

Date de sortie 30 mars 2016

 

La Passion d'Augustine


Réalisé par  Léa Pool


Avec Céline Bonnier, Lysandre Ménard,

Diane Lavallée,  Valérie Blais, Pierrette Robitaille,

Marie Tifo, Marie-France Lambert


Genre Drame


Production Canadienne

 

Synopsis

 

Simone Beaulieu, devenue Mère Augustine (Céline Bonnier), dirige avec succès un petit couvent sur le bord du Richelieu au Québec. Passionnée, résiliente, Mère Augustine met toute son énergie et son talent de musicienne au service de ses élèves.

 

Lorsque sa nièce Alice (Lysandre Ménard) lui est confiée, c'est non seulement une nouvelle pianiste prodige qui fait son entrée, mais aussi une jeune femme dont les aspirations sont au diapason de l'époque et qui rappelle à Mère Augustine un passé qu'elle avait cru mis de côté définitivement.


L’école, malgré sa petite taille, est un joyau musical qui rafle tous les grands prix de piano.

 

Les murs respirent la musique. Matin, midi et soir, du grand couloir à l'escalier principal, résonne un flot de gammes, d’arpèges, de valses de Chopin et de fugues de Bach. 

Et à défaut de prier, on chante !

 

Mais lorsque le gouvernement instaure un système d’éducation publique au milieu des années soixante, l’avenir de Mère Augustine et de ses Sœurs semble menacé.

 

La Passion d'Augustine

 

Céline Bonnier et Lysandre Ménard


Née en Suisse en 1950, à Soglio, Canton des Grisons, Léa Pool a émigré au Canada en 1975. Très vite, elle s’est dirigée vers le cinéma. Elle commence sa carrière en 1979 avec Strass Café.

Suivent, La Femme de l'hôtel, Anne Trister, À corps perdu, La demoiselle sauvage et Mouvements du désir, qui a décroché 8 nominations aux Prix Génie.

Emporte-moi a remporté plusieurs prix, dont le Prix Spécial du Jury œcuménique au Festival de Berlin et Lost and delirious a été présenté à plusieurs festivals.

Avec Le papillon bleu, elle réalise un premier film pour la famille. Par la suite, il y aura le long métrage Maman est chez le coiffeur avec Céline Bonnier et La dernière fugue, adapté du roman, Une belle mort, de Gil Courtemanche

Léa Pool a également réalisé plusieurs documentaires pour la télévision, dont Gabrielle Roy qui a remporté le Prix Gémeaux du Meilleur Documentaire. Depuis 1989, Léa Pool a reçu plusieurs hommages et rétrospectives de son oeuvre à travers le monde. La réalisatrice travaille actuellement sur deux autres projets de film, un documentaire et une fiction, dont l’adaptation du roman de Sophie Bienvenu, Et au pire on se mariera.

Entretien avec la réalisatrice Léa Pool relevé dans le dossier de presse.

 

À l’origine de La passion d’Augustine, il y a la scénariste Marie Vien


Oui, c’est elle qui a écrit la première version de cette histoire. Son scénario était très documenté et fourmillait d’idées – elle-même a été pensionnaire dans un couvent quand elle était jeune. Elle a alors fait appel à moi pour deux choses. D’abord pour l’aider à structurer ce matériau scénaristique qui manquait un peu de forme. Ensuite pour le mettre en scène.


Qu’est-ce qui vous intéressait dans cette histoire ?


Deux choses m’ont tout de suite interpelée. La musique, parce que j’y ai toujours accordé beaucoup d’importance dans mes films. Et mettre en scène un univers entièrement féminin. C’est tellement exceptionnel d’avoir quarante rôles féminins dans un film !
Et puis j’étais intéressée par cette époque de la fin des années soixante au Québec, que je n’ai pas connue personnellement. Quand je suis arrivée au Québec en 1975, j’ai été fascinée par la liberté qui y régnait. Je suivais des études en communication dans une université très progressiste où les professeurs et les étudiants se tutoyaient, la musique et le théâtre étaient en pleine effervescence, le nationalisme aussi, avec des gens comme René Lévesque qui donnaient l’espoir à un peuple d’avoir un pays… Et puis j’ai appris qu’à peine six ans plus tôt, la religion avait encore une emprise incroyable sur la population, tout le monde souffrait d’une éducation très rigide, c’était un peu l’âge des ténèbres ! Ce changement tellement profond de la société avait été si rapide que j’ai été étonnée que ce sujet n’ait pas encore été traité de l’intérieur. Ce que permettait justement le scénario de Marie Vien, en se plaçant du point de vue d’une petite communauté religieuse. Car ce sont vraiment les écoles religieuses de filles qui ont été les premières touchées par ces bouleversements sociétaux, notamment par la laïcisation de l’enseignement. Les curés ont pu garder leurs écoles de garçons beaucoup plus longtemps.

 

La Passion d'AugsutineSoeur Augustine a-t-elle été inspirée par une personne réelle ?


Marie Vien avait une professeur de piano qu’elle aimait beaucoup et qui, je crois l’a inspirée mais je ne pense pas qu’il reste énormément de cette femme-là dans le film. Elle a juste été l’étincelle qui lui a donné envie d’écrire ce scénario.

 

 

 

L’originalité de l’histoire est que les religieuses de ce couvent sont pour la plupart progressistes. Notamment soeur Augustine qui, paradoxalement se bat pour les valeurs mêmes qui vont mener à la perte son école.


Cette idée était déjà là dès la première version du scénario de Marie et j’y ai tout de suite adhéré. On tombe trop souvent dans le cliché de la religieuse rigide et rétrograde. Beaucoup d’entre elles étaient au contraire des personnes d’exception, très libres et avant-gardistes. Au Québec – mais je pense que c’est un peu pareil en France –, les plus grands hôpitaux, en particulier les hôpitaux pour enfants ont été fondés par des soeurs. Ainsi que les grandes écoles de musique. Elles étaient des bâtisseuses et ont apporté beaucoup de choses au niveau social et culturel. La plupart avaient des idées de gauche, des positions très affirmées face au monde, à la pauvreté. Souvent, elles entraient en religion car elles n’avaient pas envie de se marier, d’avoir des enfants, de se couler dans le moule de la femme au foyer. A l’époque, les écoles laïques existaient déjà mais principalement pour les garçons. Pour les femmes, ces couvents étaient donc vraiment le lieu d’émancipation où elles pouvaient étudier, faire de la musique, devenir infirmière en chef, voyager...


Soeur Lise est néanmoins moins moderniste…


La Passion d'Augustine - Diane Lavallée.

Certes, Soeur Lise ne supporte pas les changements et enseigne le français de façon extrêmement rigide mais en même temps, c’est une passionnée de la langue française. Et puis en découvrant son parcours personnel, on comprend peu à peu ses peurs. À l’opposé, il y a la religieuse syndicaliste qui parle de "cheap labour".

 

 

Ces deux femmes couvrent le champ de ce qu’étaient ces communautés, où des femmes rétrogrades côtoyaient des femmes de la gauche progressiste.


La scène où une sœur un peu fantasque fait cirer le parquet en rythme par les jeunes pensionnaires est symptomatique de votre désir d’injecter sans cesse de la fantaisie et de l’humour dans cette histoire…


Cette soeur est particulièrement extravertie mais dans le fond, cette scène est véridique... Là encore, j’avais envie de me départir de l’image fausse de la religieuse coincée et montrer que ces femmes étaient souvent très drôles. C’était important pour moi d’oser cet humour à côté de choses plus dramatiques. Le montage de Michel Arcand a été primordial pour tisser musicalement ces humeurs diverses, pour rendre cette histoire vivante.

Peut-être que j’étais la bonne personne pour faire ce film aussi parce que je n’avais pas d’animosité envers ce monde religieux puisque je n’avais pas subi ce moment pénible où il occupait trop de place. J’avais de la bienveillance envers ces femmes-là, le film ne porte pas de jugement sur elles.

Et les flash-backs ?


Il fallait connaître un minimum le passé d’Augustine pour comprendre son parcours et lui donner de l’épaisseur. Elle n’est pas entrée en religion par la question religieuse mais par la musique, qui a été salvatrice pour elle à un moment difficile. Ce que l’on apprend sur elle est extrêmement minime mais essentiel pour comprendre son côté rebelle, que l’on retrouve chez sa nièce.


On a tendance à filmer les religieuses comme une communauté, un bloc… La Passion d’Augustine réussit à les singulariser.


Oui, chacune a sa personnalité. Quand mon directeur artistique a lu le scénario, il était inquiet : "Elles ont un visage mais pas de corps. Comment vas-tu inscrire leur personnalité et leur identité à chacune ?".

 

La Passion d'Augustine

 

Son interrogation a allumé une petite lumière en moi qui m’a guidée, notamment au moment du casting. La plupart des rôles adultes sont tenus par des actrices aux visages assez singuliers et dont j’étais sûre du talent. Elles sont très connues au Québec, mais, hormis Céline Bonnier – qui joue Soeur Augustine –, davantage par le théâtre ou les shows télé que par le cinéma. Et dans le registre de la comédie. En peu de mots et de temps à l’écran, elles réussissent à exprimer une sensibilité, à être reconnaissables.


Le cœur du film, c’est d’abord filmer des visages et des mains. Cet enjeu a t-il modifié votre rapport à la mise en scène ?


C’est sûr que j’avais besoin d’être plus proche des actrices que d’habitude mais pas non plus en trop gros plan car elles étaient peu ou pas maquillées. Et puis je ne voulais pas que le film soit trop claustrophobe. La nature était donc importante, il fallait maximiser sa présence, en faire un espace de liberté, une ouverture conquise peu à peu par ces soeurs. J’ai été beaucoup inspirée par le peintre Jean-Paul Lemieux pour les scènes de neige. Je voulais partir de l’hiver pour aller vers un dégel progressif, jusqu’à l’éclosion du printemps. Le film raconte aussi le dégel d’une société.


Où avez-vous tourné ?


La Passion d'Augustine

Les extérieurs à Saint Jean sur Richelieu et les intérieurs dans un couvent à Saint Jacques, dont les six dernières soeurs partaient pour une maison de retraite appartenant à la congrégation le jour même où l’on y entrait. Il y a eu une sorte de passation très touchante.

Votre expérience du documentaire vous a-t-elle servi à rendre si prégnants cette époque et ce couvent ?


Je dis toujours que le documentaire nourrit mes fictions et vice-versa. Plus ça avance, plus j’ai vraiment besoin de l’un et de l’autre. La matière de base de Marie était déjà très riche. Elle avait fait beaucoup de recherches et d’interviews, lu des journaux de soeurs… Des expressions comme "vous avez vos permissions" par exemple, je ne les aurais pas trouvées. Mais de mon côté aussi, j’ai ressenti le besoin de me documenter, de visionner des choses, de regarder des photos… Et puis j’ai été secondée par mon directeur artistique, qui connaissait bien cette époque. Tout ça mis ensemble donne effectivement un film assez documenté.

 

Le choix de filmer les jeunes filles en train de réellement jouer du piano renforce la dimension documentaire du film…


Au départ, j’ai commencé par rencontrer de jeunes comédiennes qui savaient tout juste jouer du piano. Je me disais que cela suffirait, qu’on tricherait un peu. Mais après quelques auditions, je me suis rendu compte que ça allait être tellement difficile et ennuyeux de devoir à chaque fois faire un autre plan sur les mains d’une vraie pianiste. J’ai donc complètement changé de direction et j’ai été cherché dans des écoles de musique. Au final, aucune des jeunes filles n’est comédienne, mais musicienne ! Et il n’y a pas une image trichée dans le film. On passe du visage aux mains, on revient sur le visage, tout ça de manière très fluide car mon premier assistant caméra est lui-même musicien. Il était capable de devancer le mouvement des mains, de sentir quand elles allaient partir à droite sur le piano. Céline Bonnier, c’est aussi elle qui joue.


Dans le film, la spiritualité ne passe pas tant par la religion que par la passion de la musique.


Oui, ce n’est pas du tout un film sur la religiosité mais sur la spiritualité qui s’exprime par la musique. Et aussi par le sens de la solidarité de cette communauté qui se tient les coudes, défend ce qui lui tient à cœur.


Comment avez-vous choisi les morceaux de musique classique ?


De manière assez collégiale avec Marie Vien, avec l’une des comédiennes qui était en examen et proposait des morceaux qu’elle connaissait déjà car elle n’aurait pas le temps d’en apprendre d’autres et avec le directeur musical François Dompierre. Par ailleurs, des morceaux pour moi étaient vraiment au coeur de l’émotion que je voulais exprimer : Enée et Didon de Purcell pour la scène de dévoilement et le chant russe assez grave qui renvoie au passé d’Augustine.


Et Bach revisité par le jazz ?


La Passion d'Augustine.

Dans le scénario, il était écrit qu’Alice improvise mais comme Lysandre Ménard a une formation hyper classique, ce n’était donc pas fait pour elle, et François Dompierre lui a écrit une partition de jazz, qu’elle a appris comme un morceau de classique.

 

 

François a aussi composé le chant autour de Schubert et le morceau à quatre mains interprété lors de la conférence de presse.

 

À partir d’un milieu et d’un sujet très particuliers, vous faites un film universel et actuel sur l’émancipation…


Quand on parle aujourd’hui du port du voile et de la burka, la problématique n’est effectivement pas très différente. Ces femmes musulmanes sont aussi aux prises avec la religion et une habitude de se couvrir qui les rassure. Pour nous occidentaux, cette pratique rabaisse la femme et moi-même, je suis pour qu’elle disparaisse mais il ne faut pas oublier que l’accession à cette libération nécessite tout un chemin. Ce geste n’est pas anodin.


Cette scène de dévoilement est mise en scène de manière moins réaliste que le reste du film…


Cette scène était importante, il ne fallait pas passer à côté et j’y ai beaucoup réfléchi. Au départ, je la voulais encore plus graphique, avec juste des bouts de voiles enlevés et qui tombent. Mais plus j’avançais et plus je me disais qu’il y avait quelque chose de plus fondamental à exprimer, et surtout de moins froid. J’ai filmé avec une seule source de lumière, dans laquelle j’ai demandé aux comédiennes de venir en leur disant précisément quoi faire : "Tu te tournes lentement, tu enlèves la première épingle…" Tout était très chorégraphié, elles étaient prisonnières de leur corps et des gestes que je leur demandais d’effectuer mais leurs émotions leur appartenaient, elles pouvaient décider de ce qu’elles ressentaient. Pierrette Robitaille a notamment beaucoup pleuré et quand je lui ai demandé ensuite pourquoi elle avait éprouvé une telle charge, elle m’a répondu : "C’est comme si on m’arrachait la peau." Après coup, j’ai appris dans un entretien qu’elle a donné à un journal que son père et sa mère étaient des religieux défroqués. Ils avaient ôté leur habit pour se marier, et donc lui donner la vie…


Beaucoup de vos films parlent de l’émancipation féminine…


C’est sûr que cela fait partie de mes préoccupations. Faire du cinéma quand tu es une femme est déjà un acte d’émancipation. En tout cas, c’était le cas il y a trente ans. Aujourd’hui, il y a plus de femmes. Et encore, pas tant que ça…

 

La passion d'Augustine

 

Mon opinion

 

Un film inclassable. À la fois délicat et virulent dans certains propos, avec pour cadre le Canada des années 60. Québec en particulier. La photographie et l'éclairage sont remarquables. La réalisation très sage se met au diapason de ce que devait être la vie d'un pensionnat pour jeunes filles à cette époque.

 

Si certaines situations semblent dérisoires de nos jours, il n'est guère difficile de se laisser emporter par la musique qui côtoie, ici, la vie des ces religieuses dont on apprend, pour certaines, les causes réelles de leurs engagements. "Des femmes rétrogrades côtoyaient des femmes de la gauche progressiste." déclare la réalisatrice.

 

De jeunes virtuoses, face à ces religieuses en charge de leur éducation, verront tout un enseignement mis à mal par une série de réformes politiques. Dans l'éducation plus précisément.

Il est également question de l'émancipation féminine. À ce sujet Léa Pool déclare "C’est sûr que cela fait partie de mes préoccupations. Faire du cinéma quand tu es une femme est déjà un acte d’émancipation. En tout cas, c’était le cas il y a trente ans. Aujourd’hui, il y a plus de femmes. Et encore, pas tant que ça… "

 

Les actrices sont toutes remarquables.

 

L'ensemble des jeunes pensionnaires, passionnées de musique bercent le film avec, entre autres, les musiques de Beethoven, Chopin, Bach, Mozart. De purs moments d'enchantement.

 

3 avril 2016 7 03 /04 /avril /2016 11:22

 

Date de sortie 30 mars 2016

 

Suand on a 17 ans


Réalisé par André Téchiné


Avec Sandrine Kiberlain, Kacey Mottet Klein, Corentin Fila,

Alexis Loret, Mama Prassinos, Jean Fornerod, Jean Corso


Genre Drame


Production Française

 


"… Mais la caractéristique de l’âge ridicule que je traversais- âge nullement ingrat, très fécond- est qu’on n’y consulte pas l’intelligence et que les moindres attributs des êtres semblent faire partie indivisible de leur personnalité. Tout entouré de monstres et de dieux, on ne connaît guère le calme. Il n’y a presque pas un des gestes qu’on a faits alors, qu’on ne voudrait plus tard pouvoir abolir. Mais ce qu’on devrait regretter au contraire, c’est de ne plus posséder la spontanéité qui nous les faisait accomplir. Plus tard, on voit les choses d’une façon plus pratique, en pleine conformité avec le reste de la société, mais l’adolescence est le seul temps où l’on ait appris quelque chose. " Marcel Proust

 

Synopsis

 

Damien (Kacey Mottet Klein), 17 ans, fils de militaire, élève parfait amoureux de Rimbaud, vit dans une caserne du sud-ouest de la France, avec Marianne (Sandrine Kiberlain), sa mère médecin, pendant que son père est en mission en Centrafrique.

 

Au lycée, il est malmené par un garçon, Thomas (Corentin Fila) qui vit avec ses parents adoptifs dans une ferme isolée au coeur des montagnes qu’il traverse au quotidien pour se rendre au lycée.

 

La mère de Thomas est malade.  Marianne est appelée en urgence pour la soigner.

 

La répulsion et la violence dont ils font preuve l'un envers l'autre va se troubler lorsque la mère de Damien décide de recueillir Thomas sous leur toit.

 

Quand on a 17 ans -  Corentin Fila et Kacey Mottet Klein

 

Kacey Mottet Klein et Corentin Fila

Entretien croisé de Marie-Elisabeth Rouchy entre le réalisateur, André Téchiné et Céline Sciamma, coscénariste du film relevé dans le dossier de presse.


Pourquoi avoir souhaité travailler ensemble ?


André Téchiné. Je savais que le film traiterait de deux adolescents et le choix de Céline s’est imposé d’emblée. Avec Naissance des pieuvres, Tomboy et  Bande de filles, elle est la seule en France à avoir apporté un vrai regard neuf sur l’adolescence.
Céline Sciamma. Après Bande de filles, je pensais ne plus jamais tourner de film sur ce thème. Mais j’ai toujours envie d’en parler. La proposition d’André était l’opportunité de poursuivre un dialogue autour sans pour autant m’inscrire à nouveau dans une continuité. En tant que scénariste, c’était aussi un vrai challenge de me confronter à un cinéaste aussi ambitieux que lui en termes de récits. J’ai découvert ses films très tôt, ils ont véritablement marqué ma rencontre avec le cinéma d’auteur.

 

Quel était le point de départ du scénario ?


André Téchiné. Nous sommes partis de l’idée d’une relation triangulaire entre une mère, dont on voulait faire un personnage important, et deux adolescents qui découvrent et vont repérer leurs désirs au cours des trois trimestres composant une année scolaire. Une seule chose nous guidait : le corps à corps. Ecrire un film le plus physique possible, où chaque scène soit un moment d’action; où les personnages soient constamment aux aguets et réagissent sans comprendre ce qui leur arrive et comment y répondre, ni surtout comment le verbaliser. Il était impensable que Tom et Damien expriment leurs émotions comme le feraient des adultes.
Céline Sciamma. Dans Naissance des pieuvres, il y avait déjà le souhait de ne pas traiter de personnages qui savent qui ils sont et l’énoncent au monde, mais de capter ce moment où le désir passe du ventre au coeur et affleure la conscience. André et moi nous sommes vraiment trouvés autour de cette ligne. Nous avions la même envie d’un film très physique.

 

Tom et Damien sont deux garçons solitaires. On est loin des caractéristiques du film d’ados…


André Téchiné. Nous ne les imaginions pas appartenir à un groupe ; nous voulions qu’ils fassent un peu bande à part : assez vite, on voit qu’ils font chacun partie d’une équipe lorsqu’ils jouent au basket au lycée, mais on sent qu’on a tendance à les oublier –ils sont un peu effacés et dans une forme de solitude qui n’est d’ailleurs pas forcément mélancolique. Simplement un peu à l’écart.


La violence qui les anime est, au début du moins, le seul langage qui passe entre eux. Comment expliquer cette animosité ?

 

André Téchiné. Ils ne savent pas d’où ça vient. Peut-être de leur différence de milieu. Tom qui marche une heure dans la neige pour arriver au ramassage scolaire, Damien dans les jupes de sa maman, qui se fait déposer en voiture. La distance entre ce qu’ils vivent quotidiennement les éloigne, les sépare. Damien frime en récitant Rimbaud. Tom connaît mieux que lui la sensation de nature évoquée par le poème. Ils vivent une expérience de l’incompatible. C’est ce qui donne à l’histoire son côté film d’action. Lorsque la mère demande aux deux garçons de se serrer la main après la convocation du proviseur, il est évident que ni l’un ni l’autre n’ont envie de faire la paix. Ils veulent continuer sans savoir où ils vont. Ils se conduisent comme des explorateurs, des aventuriers.

 

Quand on a 17 ans

 

Kacey Mottet Klein et Corentin Fila

Les premières bagarres semblent se déclarer à leur insu. Puis, peu à peu, on a le sentiment que s’installe entre eux une sorte de rituel presque chevaleresque.


André Téchiné. Je ne voulais pas que ces scènes soient répétitives. Elles devaient à chaque fois surgir différemment et de façon inopinée. Mais elles induisaient forcément un rapport de revanche et le seul moment où, finalement, il y a un pacte établi, c’est le duel dans la montagne. Là, ils sont en pleine nature et à l’abri du monde et vont jusqu’au bout de leur violence.
Céline Sciamma. La violence avance entre eux jusqu’à former un récit. Plus elle grandit, plus elle s’épanouit et puis la dramaturgie de la relation de Tom et de Damien évolue et se sophistique. Elle n’est pas figée, c’est un dialogue. Elle leur permet d’appréhender peu à peu ce qui les agite et qui les change.


Alors que Damien, à terre, est prêt à continuer le combat, Tom refuse et propose une trêve.


André Téchiné. C’est une première étape. Ils fument un joint dans la grotte sans dire un mot. C’est un moment suspendu et sensuel. Et puis il y a le plongeon de Tom dans l’eau glacée du lac. Pour Damien, c’est sans doute là que se fait la capture d’image, le choc érotique, le flash sur Tom.

 

Le désir de Tom arrive beaucoup plus tard.


André Téchiné. Il est surtout plus indéterminé. Il doit lutter contre sa frayeur du contact avec Damien. Dès qu’il sent l’attirance qu’il exerce sur Damien, il veut absolument maintenir la distance, il a une résistance très forte et très violente à ce désir. Ça va jusqu’au coup de boule. Il y a une part d’homophobie en lui qu’il n’arrive pas à vaincre. Il est engagé dans un combat douteux. Les préjugés ne sont pas des abstractions, ils sont chevillés au corps.

 

Tom, c’est un peu l’enfant sauvage…


André Téchiné. À part ses parents, le lien avec le monde humain est très lointain. Son territoire, c’est la montagne. Il entretient une relation instinctive et puissante avec elle. Il en connaît l’intérieur, les moindres grottes. Il essaie au fil du film de transmettre ce savoir à Damien puis à la mère de Damien. La montagne agit de façon bénéfique. Elle véhicule une mythologie "de monstres et de dieux" qui me semble reliée à l’enfance. Or, il m’importait justement que mes personnages n’en soient pas sortis, qu’ils vivent des aventures, comme les héros d’un roman d’apprentissage. J’avais en tête la référence de Heathcliff, lui aussi métissé et adopté, dans  Les Hauts de Hurlevent, d’Emily Brontë, qui est le roman d’adolescence par excellence. Tom est hanté par la montagne comme Heathcliff l’est par la lande.

Céline Sciamma. La montagne n’est pas seulement un décor. Elle est l’incarnation généreuse des caractérisations et des relations des deux personnages. J’insiste sur l’adjectif généreux parce qu’elle renvoie quelque chose de spectaculaire. Il y a quelque chose de très impressionnant dans ces paysages dont on peut penser qu’ils reflètent l’âme des personnages. On est au cinéma, quoi !
André Téchiné. J’ai filmé ces trajets qu’effectue Tom dans la neige exactement comme des scènes de combat. Ce sont des scènes d’action où il doit se battre pas à pas contre la nature.

 

Malgré leurs différences, Tom et Damien ont des points communs. Ils vivent tous les deux dans une famille chaleureuse et ont une relation très forte avec leur mère.


Quand on a 17 ans.

Céline Sciamma. Nous avions l’idée d’un duo mère-fils avant même de bâtir l’intrigue du film ; un duo très contemporain qui ne raconte pas le récit de l’ascendant d’un adulte sur son enfant ou d’un quelconque désaccord vis-à-vis du désir qui précède à son envol.

 

 


André Téchiné. Peut-être est-ce une réaction aux mères souvent conflictuelles avec des rapports possessifs. Notre personnage devait être un modèle unique, un prototype d’amour maternel calme, total et sans emprise.

 

Damien entretient avec la sienne des rapports à la fois très mûrs et très ludiques.


André Téchiné. Ils ont une grande complicité. Elle ne manque pas de fantaisie, propose des bras de fers et apprécie la cuisine de son fils. Nous voulions les montrer heureux. Les moments de bonheur, c’est une expérimentation délicate au cinéma pour ne pas tomber dans la mièvrerie.

 

Sans le vouloir, la mère induit les relations à venir des deux garçons.


André Téchiné. Ce n’est pas Damien qui remarque la beauté de Tom, c’est elle qui lui en parle. Et c’est également elle qui parle à Tom des sentiments que Damien éprouve pour lui.
Céline Sciamma. Elle n’a pas la volonté de créer ce duo et n’occasionne ce lien que parce qu’elle a une relation avec chacun d’eux. Elle les regarde l’un et l’autre. Elle est au milieu. Elle n’est pas dans le contrôle de la situation. Elle aussi vit l’aventure.
André Téchiné. Elle est même complètement dépassée par les événements quand, tout à coup, elle constate que les deux garçons ont continué à se battre. Et décide simplement de renvoyer Tom chez ses parents. Elle ne se rend absolument pas compte de ce qui se joue sous son toit.

 

Elle est très accueillante – comme la famille de Tom d’ailleurs. Elle prend soin d’elle et de son entourage…


André Téchiné. Prendre soin, c’est le coeur du sujet. Il y a famille quand l’un prend soin de l’autre et quand ce soin est la condition de développement d’une vie. Dans le troisième et dernier trimestre, c’est Tom qui prend soin de Damien et de sa mère en deuil. Il n’est plus objet de curiosité, de désir ou de compassion, il devient sujet. Ça le fait grandir.

C’est à partir de ce deuil que tout bascule pour chacun des personnages.


André Téchiné. C’est la guerre, qui était restée hors champ où neutralisée par le Skype, qui fait irruption dans le film. C’est l’intrusion de l’Histoire dans l’intime. Ça vient redistribuer les cartes. C’est quand les actions des adolescents sont confrontées à la vraie guerre du monde des adultes que le film prend sa vraie dimension.


A ce moment-là, les deux garçons vont vraiment changer.


André Téchiné. Aussi traumatisante qu’elle soit et peut-être pour la conjurer, la mort de son père va donner à Damien la force de déclarer son amour à Tom autrement que par des gestes ou des regards.
Céline Sciamma. C’est là où la construction du film est singulière : on est vraiment dans la temporalité du film d’apprentissage- ni dans la chronique estivale d’un trouble, ni, encore une fois, dans l’anticipation de ce qui va se produire. Les réactions et l’évolution des personnages sont aussi inattendues que les péripéties sont imprévisibles- la guerre, la grossesse tardive de la mère de Tom, le décès de Nathan... Tout reste toujours mystérieux et irrésolu. Durant l’écriture, André et moi, étions hantés par le fait de penser des personnages vivants qui se laisseraient surprendre plutôt que des personnages surprenants.

 

La confession de la mère de Damien à Tom sur la vie et la mort dans la montagne et au milieu du brouillard, est l’une des rares scènes dialoguées du film.

Quand ona 17 ans.

André Téchiné. J’ai failli la retirer au montage. Toujours l’obsession de trop verbaliser.

 

Je l’ai finalement laissée parce que, là, c’est l’enjeu de la scène : est-ce qu’il vaut mieux en parler ou pas ?

 

C’est le silence et l’écoute de Tom qui va l’inviter à se confier…

 


Avez-vous tout de suite pensé à Sandrine Kiberlain pour interpréter ce personnage ?


André Téchiné. Elle est vive, légère, et passe dans le film par des montagnes russes. C’est pour sa diversité de registre que je l’ai choisie. Elle file, souple et fine avec la force du roseau. Un peu Mary Poppins, au début, avec son duffle-coat vert, son bonnet prune et sa trousse de médecin pour devenir somnambule cinglée dans la scène du cimetière.

 

La scène du cimetière est très inattendue.


André Téchiné. Et très éloignée de ce que l’on connaît d’elle. Là, Sandrine était vraiment en terre inconnue. Je tenais beaucoup à ces cris, plus japonais que français, et c’est d’ailleurs la seule scène que nous avons préparée en amont. Au tournage, c’était un peu surréaliste... Elle sait aussi bien s’engager que s’envoler…

 

Parlez-nous du choix de Corentin Fila.


André Téchiné. Il était important pour moi que Tom, le fils adopté, soit métissé. Dans la mesure où je souhaitais qu’il ait l’accent du Sud-ouest, j’ai commencé par faire des recherches dans la région de Toulouse mais c’est finalement à Paris que j’ai trouvé Corentin Fila. Il avait une beauté immédiate. C’est un acteur très physique. Il est robuste et mystérieux. Un peu martien. Dans les scènes de pleine lune à la montagne, il sait devenir une créature fantastique. Il est aussi capable d’une candeur enfantine pour traduire l’inexpérience des relations humaines du personnage de Tom.


Et Kacey Mottet Klein ?


André Téchiné. Kacey est à l’opposé de Corentin comme Damien est le contraire de Tom. La blondeur, le fils à maman, l’enfant gâté. Kacey est un acteur vibrant. Il s’est imposé dès les premiers essais. Il s’agissait de construire un couple avec un contraste qui crée une dynamique. J’étais très sensible à leur réactivité. Entre eux, la caméra filmait de l’électricité.

 

Comment se sont-ils préparés à leurs rôles ?


André Téchiné. Dès les essais, je les ai fait marcher, bouger, évoluer, puis, très vite, je les ai mis entre les mains d’un cascadeur qui les a entraînés à la lutte. Corentin Fila a parallèlement effectué un stage de trois semaines dans une ferme pour apprendre les gestes quotidiens de ce milieu - lever les bottes de foin, soigner les animaux… Ils se sont complètement appropriés leurs personnages.

 

Quand on a 17 ans

Comment travaille-t-on avec des comédiens aussi peu expérimentés ? Faites-vous des lectures, des répétitions ?

 

André Téchiné. Ni l’un ni l’autre. J’aime laisser un grand espace de liberté aux acteurs, les mettre dans une sorte d’insécurité et de fraîcheur - et d’autant plus dans ce film où il y a peu de dialogues. J’ai toujours envie de capturer l’inattendu. Ensuite, bien sûr, je resserre et ça devient de plus en plus précis. Mais, souvent au montage, je choisis le tâtonnement des premières prises.

 

Les partitions de Tom et Damien peuvent être extrêmement troublantes pour de jeunes comédiens. Comment ont-ils réagi ?

 

André Téchiné. Kacey, qui n’avait même pas dix-sept ans au moment du tournage, a très mal vécu la première partie du film. Il était très travaillé par l’homosexualité de son personnage, très résistant. Je devais constamment le ramener vers les situations et les sentiments qu’il avait à jouer. Je lui répétais : "L’homosexualité, ça ne se joue pas. Concentre-toi sur l’instant de la prise ; ne te soucie pas de l’homosexualité. Personne n’est capable de jouer un homo ou un hétéro ; ce sont des entités qui ne correspondent à rien." Un jour, cela se passait bien et le lendemain, ses questions revenaient, alimentées par le regard des autres, les figurants au lycée qui lui disaient : "Alors, il paraît que c’est une histoire de pédés ?" Et il fallait à nouveau faire une petite réparation…

 

Est-ce une difficulté supplémentaire de diriger des gens sans expérience ?


André Téchiné. J’aime beaucoup ça, au contraire. Je trouve que c’est beaucoup plus simple : ils n’ont pas de préjugés, ne se rattachent à aucun savoir-faire. C’est beaucoup plus difficile de travailler avec des acteurs qui mettent leur technique en avant : cela ne produit pas forcément des étincelles. Les grands acteurs savent d’ailleurs très bien oublier leur métier au moment des prises, ils gardent la grâce des débutants, c’est essentiel.


Ne court-on pas le risque de perdre cette spontanéité au bout d’un certain nombre de prises ?


André Téchiné. Je ne sais pas si c’est de la spontanéité. De toute façon, mes prises ne se ressemblent pas. À chacune d’elles, la mise en place, le cadre et les dialogues peuvent changer. Je ne cherche jamais à atteindre une espèce de perfection mécanique. D’une prise à l’autre, j’essaie d’aller vers de nouvelles couleurs. Au montage, il m’arrive d’avoir le choix entre des prises qui ont des humeurs très différentes. Ce n’est plus la réussite ou le ratage de la performance qui est en cause.

 

Avez-vous éprouvé des difficultés pour tourner la scène d’amour ?


André Téchiné. C’était une scène très difficile : il n’était pas évident pour Corentin et Kacey de s’engager aussi physiquement dans cette séquence qui est longue. Ils devaient lever leurs propres inhibitions et jouer à la fois l’inexpérience, la maladresse, mais aussi une forme d’impatience et d’appétit. Je leur en avais tellement parlé durant toute la première partie du tournage qu’ils étaient finalement très disponibles ce jour-là. Ils avaient accepté le principe de la scène et ils ont plongé. Le schéma actif/passif est neutralisé. En termes de postures érotiques, l’un et l’autre font finalement la même chose mais ils le font d’une manière très personnelle, avec des gestes qui sont aux antipodes. Il fallait une grande confiance et une grande complicité entre eux pour y parvenir. C’était finalement moi le plus mal à l’aise.

Céline Sciamma. Il y a longtemps que je n’avais pas vu une si belle scène d’amour. Ça, pour le coup, ça ne s’écrit pas. On note juste: "Ils font l’amour." Soudainement, vous la découvrez à l’écran.

André, comme toujours dans vos films, la nature joue un très grand rôle…


André Téchiné. Là, ça vient du souvenir des Pyrénées mêlé à Emily Brontë qui fait de la lande son personnage principal. Les paysages provoquent des chocs : ils renferment une puissance avec laquelle il est possible d’établir un contact. C’est quelque chose qui existait très fort au dix-neuvième siècle pour les romantiques. Les Américains savent faire ça au cinéma. Je pense par exemple à Gerry, de Gus Van Sant.


Justement, parlons de la mise en scène…


André Téchiné. Je ne sais pas trop ce que ce mot signifie. La mise en scène est une chose très instinctive chez moi. Les montagnes, les corps des acteurs, les trajets de Tom dans la neige, imaginer de quelle manière tout cela va bouger ensemble, ce sont déjà des éléments de mise en scène avant le tournage mais je refuse de les emprisonner dans un découpage pré-établi. Ce que je peux dire, c’est que je n’ai jamais eu le souci de filmer une scène en fonction de ce qui précédait ou de ce qui allait suivre. Je ne me préoccupais que de donner le plus de présence possible à la séquence que je tournais, comme s’il s’agissait d’un court métrage, comme si c’était la première et la dernière fois.

 

Comment écrit-on à quatre mains ?


Céline Sciamma. André et moi avons travaillé ensemble, à la table, sur le séquencier. Je lui ai ensuite livré une première continuité dialoguée – une sorte de réinterprétation de ce que nous avions écrit. Il a repris le texte seul puis nous avons retravaillé ensemble.
André Téchiné. Lorsqu’on écrit avec un scénariste, on aboutit souvent à un premier jet profus qu’il faut unifier. Céline avait, au contraire, en permanence le souci de la concision. La première continuité qu’elle m’a présentée était nerveuse et structurée, presque décharnée. Ce souci de dégager le squelette est sans doute ce qui donne son efficacité dramatique au film. J’ai le sentiment qu’on reste concentré sur ce triangle, qu’on le suit pas à pas, sans brûler les étapes, sans anticiper.
Céline Sciamma. Le film se tournant en deux fois - une partie hiver et une partie été-, nous avons à nouveau dialogué sur le scénario entre les deux tournages. C’était une expérience très riche.
André Téchiné. Et la possibilité d’un deuxième souffle. Très peu de cinéastes peuvent se dire qu’au prochain tournage, ils vont améliorer telle ou telle scène ou en changer carrément la perspective ou même la remplacer par une autre.

 

Vous l’avez fait ?


André Téchiné. Oui. J’ai entièrement retourné en intérieur la scène où Damien vient apporter des médicaments à Tom. Elle était beaucoup plus développée pendant le premier tournage en extérieur. Je me suis rendu compte qu’elle était trop bavarde, cela lui enlevait de la force. J’ai décidé, encore une fois, de ne travailler que sur les regards.


Quel impact ce tournage en deux temps a-t-il eu sur les acteurs ?


André Téchiné. C’était formidable, cela permettait de mesurer l’effet du temps sur leur comportement. À cet âge-là, les comédiens changent à vue d’oeil d’une saison à l’autre. J’exagère sans doute mais c’est comme ça que j’aimais voir les choses.


Vous est-il arrivé d’avoir des différends durant l’écriture ?


Céline Sciamma. Pas de conflits mais des discussions sur des questions de récits – Comment en arrive-t-on là ? Où va-t-on ? Dans la mesure où nous avions le souci que les scènes soient d’action, nous débattions peu de la psychologie des personnages. Nos objections portaient sur des éléments très concrets. Mais cela veut dire qu’on travaillait.

 

Céline, n’y-a-t-il pas une petite frustration pour la réalisatrice que vous êtes de s’arrêter au stade du scénario ?


Céline Sciamma. Pas du tout. Même si j’écris et réalise mes films, je sépare très bien mes deux métiers. J’adore écrire pour les autres - évidemment les questions autour de la mise en scène continuent de nourrir mon écriture. Et j’aime revenir ensuite au montage.


Avez-vous assisté à celui-ci ?


Céline Sciamma. Pas régulièrement, mais j’y suis passée, oui.
André Téchiné. Lors d’une de ses visites, Céline qui, comme moi, n’est pas du genre à faire des compliments, m’a dit, sur le ton de la plaisanterie : "Mais c’est une épopée !". Mine de rien, c’est ce que j’attendais.

Céline Sciamma. Je découvrais une amplitude romanesque qui était évidemment en germe à l’écriture mais que seule la mise en scène peut parvenir à rendre ; la montée en puissance de la guerre hors champ, dans la deuxième partie, les déchirements individuels de chacun et cette espèce d’exaltation – André préfèrerait le mot élévation- à la fin dans les montagnes.

André, il est difficile de ne pas faire un rapprochement entre ce film et  Les Roseaux sauvages


André Téchiné. Bien que la référence semble inévitable, je n’aime pas cette comparaison. Même si les personnages ont le même âge et s’ils préparent le bac, il ne s’agit pas de "faire famille" ou de "faire société" dans Les Roseaux sauvages. La seule symétrie que je vois entre les deux films est la présence de la guerre hors-champ qui parvient dans ces coins perdus de la France rurale, celle d’Algérie dans Les Roseaux sauvages, et les opérations extérieures telles qu’elles se déroulent actuellement dans Quand on a 17 ans. Pour moi, ce film est résolument au présent.
Céline Sciamma. Si je devais les rapprocher, ce serait par leur côté générationnel : vingt ans après, André s’intéresse à nouveau à des adolescents. Mais vingt ans ont passé justement, et la société a changé.

 

André, malgré la guerre et la mort de Nathan, Quand on a 17 ans se place résolument du côté de la vie. Cela n’a pas toujours été le cas de vos films.


Céline Sciamma. Dès l’écriture et durant toutes les étapes, cela a été une des obsessions d’André. Il luttait contre tout ce qui risquait d’alourdir le projet.
André Téchiné. L’élévation vers la montagne à la fin contribue sans doute à donner ce sentiment mais, c’est vrai, la vie l’emporte de plus en plus dans mon cinéma. C’est un cheminement très classique. Plus on avance en âge, moins on est porté vers la noirceur et la mélancolie. On prolonge sa jeunesse par les films et, au contraire, c’est la vie qu’on appelle.

 

Quand on a 17 ans - Sandrine Kiberlain

 

Mon opinion

 

En association avec l'excellente Céline Sciamma pour le scénario, André Téchiné réalise ce nouveau long-métrage avec ce talent, connu et reconnu, dans la représentation cinématographique des amours de l'adolescence.  

 

Le réalisateur a déclaré : "Nous  sommes partis de l’idée d’une relation triangulaire entre une mère, dont on  voulait faire un personnage important, et deux adolescents qui découvrent et vont repérer leurs désirs au cours des trois trimestres composant une année scolaire."

 

Le film déborde de ce cadre et certaines scènes trop attendues n'apportent pas grand chose. Je pense entre autres à la cérémonie militaire. D'autres, paraissent aujourd'hui quelque peu improbables avec la vie dans cette ferme en haute montagne, en particulier.

 

Elles offrent en revanche de somptueuses photographies des Pyrénées Ariégeoises et du Comminges. "Une puissance avec laquelle il est possible d’établir un contact" selon le réalisateur. La montagne est un élément essentiel de l'histoire.

 

Le jeune Kacey Mottet Klein face à Corentin Fila, premier rôle au cinéma, sont remarquables de justesse. Sandrine Kiberlain est tout simplement parfaite. Ce formidable trio d'acteurs emporte tout, efface quelques bémols et convainc.

 

 

La caméra d'André Téchiné s'est installée une première fois sur Luchon pendant plusieurs semaines l'hiver 2015, alors que la ville était blottie dans une neige tombée au meilleur moment pour la production. L'équipe de tournage a profité des vacances de février pour tourner dans les locaux de la cité scolaire.

 

"L'expérience a été vraiment extraordinaire", confie le proviseur, Rémy Garcia. "L'équipe a embauché de nombreux lycéens comme figurants, des professeurs, aussi et même nos CPE, nos conseillers principaux d'éducation. Ils ont aussi accepté sur le tournage les élèves de la section audiovisuelle, qui ont ainsi pu assister à un tournage avec des professionnels et un réalisateur célèbre. L'équipe a vraiment joué le jeu." Un proviseur qui, lui aussi, a été sollicité pour incarner son propre rôle, aux côtés de Sandrine Kiberlain. "André Téchiné a vraiment été très gentil avec nous, confie Romane, 18 ans, lycéenne et figurante d'un jour. Il n'a pas hésité à nous parler, à nous donner quelques consignes, à nous écouter, aussi… C'était vraiment très bien, je ne m'attendais pas à autant de gentillesse et puis, j'ai eu ma première fiche de paie !".

 

Un tournage hivernal qui aura duré trois semaines, avant de se déplacer vers l'Ariège, du côté de Saint-Girons. 

 

"C'est vraiment un plaisir d'avoir accueilli cette équipe chez nous, conclut Rémy Garcia. C'est une belle vitrine pour notre établissement et une expérience vraiment très riche pour tous nos élèves".

 

Propos signés par Véronique Bavencove relevés dans La Dépêche

 

Quand on a 17 ans - L'équipe de tournage dans une maison près du cimetière (© Tian).Quand on a 17 ans

L'équipe de tournage dans une maison près du cimetière (Photos Luchon mag © Tian)

 

26 mars 2016 6 26 /03 /mars /2016 18:33


Réalisé par Alexander Kott

 

Le Souffle


Avec Elena An, Karim Pakachakov,

Narinman Bekbulatov-Areshev, Danila Rassomakhin

 

Titre original Ispytanie


Genre Drame

 

Production  Russe

 

Date de sortie en salles le 10 juin 2015

 

Synopsis

 

Un homme, Tolga (Karim Pakachakov) et sa fille Dina (Elena An) vivent paisiblement dans une ferme isolée des steppes kazakhes.

 

Alors que deux garçons, un Moscovite (Danila Rassomakhin) et un Kazakh (Narinman Bekbulatov-Areshev), se disputent le cœur de la jeune fille, une menace sourde se fait sentir...


Né à Moscou en 1973, Alexander Kott s’est passionné très jeune pour la photographie.


Dans les années 1990, ses oeuvres ont été exposées dans les galeries d’art moscovites ainsi qu’au musée de l’Académie russe des arts du théâtre. À 21 ans, il se tourne vers le cinéma et obtient le diplôme de l’Institut national russe de la cinématographie. Il débute alors dans le métier avec une série de courts métrages, et notamment Le Photographe réalisé en 1998 et L’Épouvantail, tous deux sélectionnés et récompensés dans de nombreux festivals internationaux.


En 2002, il réalise son premier long métrage, Deux Chauffeurs roulaient, qui lui vaut le Prix du meilleur réalisateur au festival Kinoshock. Après des années de travail comme scénariste et réalisateur pour la télévision, il revient au cinéma en 2010, avec la très remarquée La Forteresse de Brest.


En 2014, Le Souffle, son troisième long métrage, vient couronner une oeuvre d’une esthétique exceptionnelle et porteuse d’un véritable message politique et social.

 

Le Souffle

Entretien avec Alexander Kott relevé dans le dossier de presse.

Propos recueillis et traduits du russe par Joël Chapron (Specialiste Du Cinema Russe) le 12 mars 2015


Vous avez commencé votre carrière de metteur en scène avec deux courts métrages très remarqués, tous deux présentés au Festival de Cannes : Le Photographe dans la section Cinéfondation en 1998, puis L’Épouvantail à la Quinzaine des réalisateurs en 2000. Mais Le Souffle n’est finalement que votre troisième long métrage en quinze ans. À quoi cela est-il dû ?


J’ai toujours souhaité tourner des films qui m’étaient proches et m’affranchir des exigences de production. Je les respecte lorsqu’il s’agit de films de commande (comme La Forteresse de Brest, mon deuxième film) ou de séries télé. J’ai, de fait, tourné de nombreuses séries, dont certaines ont été extrêmement populaires. Mais je veux, pour les projets qui me tiennent à coeur, garder ma liberté artistique. Et rares sont les producteurs qui me laissent carte blanche…

 

Comment est né ce projet ?


Ce projet est né avant que je ne sois sollicité, mais le premier tournage s’est arrêté à cause de problèmes financiers. Le producteur du film, Igor Tolstunov, a demandé une rallonge financière au Fonds du cinéma. Ce dernier, en contrepartie, a exigé d’avoir le film le plus rapidement possible. C’est à ce moment-là que je suis arrivé sur ce projet. Il ne reste finalement rien du scénario initial : j’ai dû tout changer pour rentrer dans l’enveloppe impartie (le film a dû coûter environ un million et demi de dollars). Je rêvais de faire un film muet depuis longtemps; j’ai donc posé cette condition à ma participation et le producteur m’a donné carte blanche. Je suis heureux de dire que j’ai tourné le film que je voulais.


Il y eut certes des contraintes : je devais me contenter de trente jours de tournage et on a dû se rabattre sur les paysages de la steppe de Crimée. On avait une coproduction avec les studios Kazakhfilm du Kazakhstan, mais les lieux qu’on avait repérés dans ce pays étaient trop compliqués pour qu’on puisse y tourner rapidement.


Faire un film muet induit un travail très particulier sur la musique, les bruits, le son…


Effectivement. Tous les bruits ont été extrêmement travaillés et postsynchronisés en studio. Le bruit du vent, par exemple, est compliqué à rendre artificiellement : nous avons enregistré quantité de vents durant le tournage et nous nous sommes servis dans les bandes au moment du montage. Je voulais que la musique du film naisse du vent pour s’y fondre à nouveau à la fin du morceau. J’ai fait appel à Alexeï Aïgui, violoniste et formidable compositeur, qui se produit et travaille en France. Il a réussi à composer une musique d’une grande qualité artistique malgré nos contraintes économiques.

Et vous avez aussi des trouvailles visuelles servies par un très bon chef opérateur.


Oui, Levan Kapanadze et moi avions déjà fait des publicités ensemble et travaillé sur La Face cachée de la lune, une série très populaire. Mais c’est notre première collaboration sur un film de long métrage. Nous avons procédé à un découpage minutieux en amont avec un story-board très dessiné qu’on a suivi à la lettre.

 

Mais la nature vous fait toujours des cadeaux que vous n’attendez pas : le soleil dans les cheveux de la fillette, la "pomme" de soleil que le père mange…

 

Le Souffle

 

On a même eu un nid d’oiseaux dans la maison qu’on a construite au milieu de la steppe et qu’à la fin on a fait exploser. La veille de l’explosion, on se demandait comment déplacer ce nid… et, en nous réveillant le lendemain, on a vu que les oiseaux s’étaient envolés !


Où avez-vous trouvé vos artistes ?


Je les ai longtemps cherchés en Russie et au Kazakhstan, et j’ai fini par m’arrêter, pour le rôle du jeune Russe, sur Danila Rassomakhin. Il faisait ses études au Gitis, le grand institut de théâtre et des arts de la scène. Il se destinait à être acrobate. Moi je cherchais une sorte de clown naïf. Il m’a convaincu. De plus, il a un frère jumeau… dont je me suis aussi servi dans le plan où ils se dédoublent !

 

Le jeune Kazakh à cheval tournait également dans un film pour la première fois.

 

Quant à la jeune Elena An, ce fut compliqué de trouver une jeune fille de quatorze ans en Asie centrale qui ne soit pas déjà une future femme prête à marier. On a longuement cherché. Je voulais une actrice qui soit dans la veine de Natalia Arynbassarova, l’extraordinaire interprète de Premier Maître d’Andreï Konchalovsky. Et j’ai fini par trouver Elena : c’est la fille d’un couple mixte. Son père, coréen, est attaché culturel à Moscou et sa mère est russe.

 

Pour eux trois, c’était leur premier tournage et je voulais justement capter cette appréhension de tourner, cette peur de la caméra.


Quels sont vos projets ?


Je suis en train de finir mon quatrième film, intitulé Insight, l’histoire d’un amour basé sur un mensonge, et je dois tourner l’an prochain un film de grande ampleur intitulé Spitak, du nom de la ville d’Arménie qui a subi un terrible tremblement de terre le 7 décembre 1988 dont le monde entier a entendu parler.

 

Ma productrice semble avoir trouvé des coproducteurs… français !

 

Le Souffle

Mon opinion

 

Toutes les émotions peuvent submerger devant ces images qui défilent sans le moindre dialogue. Un film à la fois muet et bruyant.

 

Le fracas du vent, celui de la pluie, ou encore une hélice d'avion, mais aussi le galop d'un cheval, le moteur d'un vieux camion, pour mieux revenir aux bourrasques de ce vent furieux.

 

À noter aussi, la très belle musique d'Alexeï Aïgui.

 

Un scénario minimal et le dépouillement extrême tirent le sectateur vers de grands moments de contemplation ou, peut-être, un ennui profond. Pour ma part je me suis laissé emporter par ces paysages du Kazakhstan, grandioses et désolés à la fois.

 

La photographie, admirable, procure un sentiment de dépaysement absolu avec une angoisse qui ne cesse de s'intensifier. Habilement, la mise en scène laisse monter cette tension qui ne faiblit pas malgré l'issue finale tout à fait prévisible.

 

Les dernières images sont spectaculaires et monstrueuses par ces ravages causés dans cette région du monde. C'était en 1949.

 

Le réalisateur Alexander Kott a déclaré : "Je rêvais de faire un film muet depuis longtemps; j’ai donc posé cette condition à ma participation et le producteur m’a donné carte blanche. Je suis heureux de dire que j’ai tourné le film que je voulais.".

 

Un réalisateur que je suis heureux d'avoir découvert au travers de ce film inhabituel et d'une grande force.

 

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"Le bonheur est la chose la plus simple,

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